------------------------La Vie de Jésus-Christ VJC 17 1 Chapitre 1 -- Le plan de la rédemption VJC 22 1 Chapitre 2 -- La naissance de Christ VJC 36 1 Chapitre 3 -- Enfance de Jésus VJC 48 1 Chapitre 4 -- Jean-Baptiste VJC 61 1 Chapitre 5 -- Le baptême de Christ VJC 69 1 Chapitre 6 -- La tentation dans le désert VJC 80 1 Chapitre 7 -- Jean rendant témoignage de Christ VJC 86 1 Chapitre 8 -- Le caractère de Jean VJC 92 1 Chapitre 9 -- Mort de Jean-Baptiste VJC 101 1 Chapitre 10 -- Les noces de Cana VJC 115 1 Chapitre 11 -- Jésus purifiant le temple VJC 123 1 Chapitre 12 -- Nicodème venant à Christ VJC 137 1 Chapitre 13 -- La samaritaine VJC 147 1 Chapitre 14 -- Le fils du seigneur de la cour VJC 152 1 Chapitre 15 -- Jésus à Béthesda VJC 166 1 Chapitre 16 -- Jésus à Capernaüm VJC 174 1 Chapitre 17 -- Le choix des disciples VJC 184 1 Chapitre 18 -- La guérison du lépreux VJC 190 1 Chapitre 19 -- Le paralytique VJC 198 1 Chapitre 20 -- Le Sabbat VJC 204 1 Chapitre 21 -- Sermon sur la montagne VJC 225 1 Chapitre 22 -- La parabole du semeur VJC 234 1 Chapitre 23 -- Autres paraboles VJC 248 1 Chapitre 24 -- Christ calme la tempête VJC 253 1 Chapitre 25 -- Les démoniaques VJC 259 1 Chapitre 26 -- La fille de Jaïrus VJC 265 1 Chapitre 27 -- Multiplication des pains VJC 273 1 Chapitre 28 -- Jésus marchant sur les eaux VJC 278 1 Chapitre 29 -- Christ dans la synagogue VJC 293 1 Chapitre 30 -- La cananéenne VJC 297 1 Chapitre 31 -- La transfiguration VJC 309 1 Chapitre 32 -- La fête des tabernacles VJC 319 1 Chapitre 33 -- Va et ne pèche plus VJC 327 1 Chapitre 34 -- La résurrection de Lazare VJC 339 1 Chapitre 35 -- Le sacrifice de Marie VJC 349 1 Chapitre 36 -- Entrée de Jésus a Jérusalem VJC 360 1 Chapitre 37 -- Jésus Pleurant sur Jérusalem VJC 371 1 Chapitre 38 -- Deuxième Purification du temple VJC 385 1 Chapitre 39 -- Jésus et les pharisiens VJC 403 1 Chapitre 40 -- Les pharisiens accuses par Jésus VJC 419 1 Chapitre 41 -- Dans le parvis extérieur VJC 426 1 Chapitre 42 -- La Pâque VJC 437 1 Chapitre 43 -- Au jardin des oliviers VJC 448 1 Chapitre 44 -- Jésus devant le Sanhédrin VJC 465 1 Chapitre 45 -- Condamnation de Jésus VJC 484 1 Chapitre 46 -- Le Calvaire VJC 505 1 Chapitre 47 -- Au sépulcre VJC 513 1 Chapitre 48 -- La fin de la lutte VJC 521 1 Chapitre 49 -- La résurrection VJC 527 1 Chapitre 50 -- Les femmes au sépulcre VJC 534 1 Chapitre 51 -- Jésus à Emmaüs VJC 543 1 Chapitre 52 -- Dans la chambre haute VJC 549 1 Chapitre 53 -- Jésus en Galilée VJC 559 1 Chapitre 54 -- Assemblee des frères VJC 572 1 Chapitre 55 -- L'ascension de Christ ------------------------Chapitre 1 -- Le plan de la rédemption VJC 17 1 La chute de l'homme remplit tous les cieux de tristesse. Le monde que Dieu avait créé était contaminé par la malédiction du péché, et habité par des êtres voués à l'infortune et à la mort. Il ne paraissait y avoir aucun moyen de salut pour ceux qui avaient transgressé la loi. Les anges cessèrent leurs cantiques de louanges. Partout dans les parvis célestes on entendit déplorer la ruine que le péché avait causée. VJC 17 2 Le Fils de Dieu, glorieux Chef des armées du ciel, fut touché de pitié envers la race déchue. En contemplant les malheurs du monde perdu, son coeur fut rempli d'une compassion infinie. Mais l'amour divin avait conçu un plan par lequel l'homme pût être racheté. Jésus plaida devant son Père en faveur des pécheurs, offrant de donner sa vie comme rançon; de prendre sur lui-même la sentence de mort; afin que par les mérites de son sang, Adam et sa postérité pussent être réintégrés dans la faveur de leur Créateur et dans la possession d'Eden, leur demeure. VJC 17 3 Qui peut concevoir toute la grandeur du sacrifice fait par le Dieu du ciel, lorsqu'il consentit à se séparer de son Fils bienaimé! C'est avant la création de la terre, déjà, que le plan du salut avait été formé; car Christ est "l'Agneau égorgé dès la fondation du monde?"1 Et pourtant, il se livra une lutte dans le coeur du Roi de l'univers lui-même, avant qu'il se déterminât à abandonner son Fils à la mort pour une race coupable. Mais "Dieu a tellement aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle".2 O mystère de la rédemption! O amour de Dieu pour un monde qui ne l'avait pas aimé! Qui peut connaître la profondeur de cet amour qui "surpasse toute connaissance".3 A travers les âges sans fin, les élus appliqueront leur intelligence immortalisée à sonder l'incompréhensible amour de Dieu, devant lequel ils demeureront toujours confondus et prosternés. VJC 18 1 Dieu devait se manifester "en Christ, réconciliant le monde avec soi."1 L'homme s'était dégradé à tel point, par le péché, qu'il lui était impossible par lui-même de se mettre d'accord avec Celui dont la nature même est pureté et bonté. Mais Christ, après avoir racheté l'homme de la condamnation de la loi, pouvait lui communiquer une puissance divine qui s'unirait avec les efforts de l'homme. De cette manière, par la repentance envers Dieu et la foi en Christ, les enfants d'Adam pourraient redevenir "enfants de Dieu".2 VJC 18 2 L'unique plan par lequel le salut de l'homme pût être obtenu, allait coûter -- inénarrable sacrifice! -- plus que le ciel tout entier. Les anges ne purent se réjouir lorsque Christ développa devant eux le plan de la rédemption; car le salut de l'homme allait accumuler sur leur Chef bien-aimé des souffrances inexprimables. Quels ne durent pas être leur douleur et leur étonnement en l'entendant leur raconter qu'il allait devoir descendre des régions célestes de la pureté et de la paix, quitter les joies et les gloires d'une vie immortelle, pour respirer l'atmosphère souillée de ce monde, pour en porter les douleurs et la honte, et finalement pour y mourir! Il devait paraître sur la terre, s'humilier comme un simple homme, et se familiariser, par une expérience personnelle, avec les chagrins et les tentations de l'homme. Tout cela était nécessaire afin qu'il pût secourir ceux qui seraient tentés.3 Il devait être livré entre les mains d'hommes cruels, et ?ndurer toutes les insultes et les tortures que Satan allait leur inspirer. Il devait subir la plus horrible des morts, suspendu entre le ciel et la terre comme un vil malfaiteur. Il devait enfin, tandis que la culpabilité des transgressions du monde reposerait sur lui, passer par l'agonie indicible de voir son Père détourner de lui sa face. VJC 18 3 Avec quelle joie les anges se seraient offerts de mourir à la place de leur Chef, si ce sacrifice en faveur de l'homme avait pu être accepté! Mais il n'y avait que Celui qui avait créé l'homme qui eût le pouvoir de le racheter. Les anges, pourtant, allaient avoir quelque part au plan de la rédemption. Christ devait être fait inférieur aux anges, par la mort qu'il devait souffrir."1 Lorsque le Sauveur prendrait sur lui la nature humaine, leur mission allait être de prendre soin de lui dans ses souffrances. En outre, ils devaient être "des esprits destinés à servir," et "envoyés pour exercer leur ministère en faveur de ceux qui doivent avoir l'héritage du salut".2 Ils auraient à protéger les sujets de la grâce contre la puissance des mauvais anges, et contre les ténèbres dont Satan les entourerait. VJC 19 1 Par sa mort, Christ devait racheter un grand nombre d'âmes, et détruire celui qui avait la puissance de la mort. Il devait reconquérir le royaume que l'homme avait perdu par la transgression, afin que les rachetés y entrassent avec lui et y demeurassent à toujours. Le péché et les pécheurs allaient être effacés pour ne plus troubler la paix soit du ciel, soit de la terre. La gloire, la félicité d'un monde racheté outrepasserait les angoisses même et le sacrifice du Prince de la vie. VJC 19 2 Lorsque Jésus eut fini, un immense cri d'allégresse retentit dans les cieux. Les parvis célestes répercutèrent alors les premiers accords du cantique qui devait se faire entendre sur les collines de Bethléem: "Gloire soit à Dieu au plus haut des cieux! Paix sur la terre, bonne volonté envers les hommes!"3 Remplis d'une joie plus profonde que lorsque la création était sortie des mains de Dieu, "les étoiles du matin poussèrent ensemble des cris de joie, et tous les enfants de Dieu chantèrent en triomphe".4 VJC 19 3 Nul autre que le Fils de Dieu ne pouvait combler l'abîme que le péché avait creusé entre Dieu et l'homme. Sa mort seule pouvait racheter l'homme et satisfaire à la justice de Dieu. En autorité, Christ venait immédiatement après le grand Législateur. Sa vie était le seul sacrifice d'une valeur suffisante pour satisfaire aux exigences de la parfaite loi de Dieu. VJC 19 4 Un homme n'eût pu faire propitiation pour un autre homme. Sa condition coupable et déchue en eût fait une offrande imparfaite, un sacrifice de moindre valeur que ne l'était Adam avant sa chute. Dieu fit l'homme parfait et droit; et après sa transgression il ne pouvait y avoir pour lui de sacrifice acceptable devant Dieu, à moins que ce sacrifice ne fût d'une valeur supérieure à l'homme dans son état d'innocence et de perfection. VJC 20 1 Les anges étaient sans péché; mais ils étaient de moindre valeur que la loi de Dieu. En leur qualité d'êtres créés et soumis à l'épreuve, ils étaient justiciables de la loi; c'était des messagers qui faisaient la volonté de Christ et devaient s'incliner devant lui. VJC 20 2 Christ était en forme de Dieu, et il ne considérait pas comme une usurpation d'être fait égal à Dieu. Il était l'image empreinte de son Père, non seulement quant à son apparence extérieure mais quant à la perfection de son caractère. Christ n'était assujetti à aucune exigence: il était au-dessus de la loi et par conséquent supérieur aux anges. Et il était d'une valeur d'autant supérieure que son caractère noble, sans tache, et sa position élevée comme Chef des armées célestes était au-dessus du caractère et de la position de l'homme. Christ s'était associé au Père dans la création de l'homme, et lorsque les hommes tombèrent par la transgression, il eut le pouvoir de faire propitiation pour leurs péchés, de les relever et de les ramener dans leur état primitif. VJC 20 3 Christ avait le pouvoir de donner sa vie et de la reprendre, mais il n'était point du tout sous l'obligation d'entreprendre cette oeuvre de propitiation. Le sacrifice qu'il faisait était volontaire. Un amour infini, une miséricorde étonnante l'ont poussé à faire ce sacrifice qui ouvrait la porte de l'espérance à une race perdue. VJC 20 4 Les sacrifices et la sacrificature du système judaïque étaient symboliques et institués pour représenter la mort et les oeuvres médiatrices de Christ. Toutes ces cérémonies n'avaient de signification et de vertu qu'autant qu'elles se rapportaient à Christ, qui était lui-même le fondement et l'auteur de tout le système. Depuis Adam jusqu'au temps où la nation juive devint un peuple séparé et distinct, les adorateurs de Dieu avaient été instruits concernant le Rédempteur à venir que représentaient leurs sacrifices. Le Seigneur avait fait connaître à Adam, à Abel, à Seth, à Enoch, à Noé, à Abraham et à d'autres patriarches, spécialement à Moïse, que le système cérémoniel des sacrifices et de la sacrificature était insuffisant par lui-même pour assurer le salut d'une seule âme. Ces types et ces symboles préfiguraient et indiquaient Christ. Par eux, les patriarches voyaient Christ et croyaient en lui. Ils ne devaient durer que jusqu'à ce que le sacrifice parfait aurait été accompli. VJC 21 1 Le système des sacrifices et des offrandes fut ordonné du ciel pour rappeler constamment à l'homme l'effrayante séparation que le péché a faite entre Dieu et lui, et la nécessité d'un ministère de médiation. Le pécheur, chargé qu'il était de sa culpabilité et sans un mérite plus grand que le sien propre, ne pouvait paraître devant Dieu. Mais une voie lui fut ouverte par laquelle il pût avoir accès auprès de Dieu par la médiation d'un autre. La sacrificature sur la terre était une ombre de la sacrificature de Christ qui devait se placer comme médiateur entre le Très-Haut et son peupie. Christ était parfait, sans tache, sans imperfection, sans péché. D'entre tous ceux qui ont habité sur la terre, lui seul a pu dire à tous les hommes: "Lequel d'entre vous me convaincra de péché?"1 La communication qui existait entre Dieu et l'homme, et qui avait été rompue par la transgression d'Adam, pouvait être rétablie par Christ. Son office et son oeuvre devaient infiniment dépasser en dignité et en gloire la sacrificature terrestre et typique. VJC 21 2 On n'aurait jamais pu connaître l'étendue des terribles conséquences du péché, si le remède auquel Dieu avait pourvu n'avait été d'une valeur infinie. Le prix immense qu'a coûté le salut de l'homme déchu: la Majesté du ciel, égale à Dieu, donnant sa vie pour une race rebelle, -- demeure un mystère devant lequel les anges s'étonnent et dont ils méditent, sans le comprendre, l'infinie profondeur. ------------------------Chapitre 2 -- La naissance de Christ VJC 22 1 A mesure que le temps du premier avénement du Fils de Dieu approchait, Satan déployait une vigilance spéciale à endurcir les coeurs du peuple juif contre les preuves du caractère messianique de Christ. Les Juifs étaient devenus vains et orgueilleux. Tandis qu'il y avait encore dans la nation de fidèles adorateurs de Dieu, qui attendaient la consolation d'Israël, la masse du peuple et ses conducteurs s'étaient écartés de Dieu. Les sacrificateurs ne possédaient ni piété personnelle ni vertu de caractère; et pourtant ils étaient rigoureusement attachés aux formes et aux cérémonies de leur culte. Et plus ils étaient dépourvus des qualités nécessaires à des hommes accomplissant une oeuvre sacrée et appelés à être les sacrificateurs du Très-Haut, plus grande était leur ténacité à conserver une apparence extérieure de piété, de zèle et de dévotion. VJC 22 2 Ces sacrificateurs étaient hypocrites; ils étaient attachés aux richesses et aux honneurs du monde, et profitaient de toutes les occasions de tirer avantage des pauvres, spécialement des veuves et des orphelins. Gens sans coeur, ils n'avaient aucune pitié des indigents et des malheureux. Pendant qu'ils priaient sur les marchés et faisaient des aumônes pour être vus des hommes, ils dévoraient les maisons des veuves par les lourdes taxes qu'ils leur imposaient. Sous prétexte de suppléer aux trésors du temple, ils extorquaient de grandes sommes d'argent à ceux qui étaient consciencieux, et ils employaient pour leur propre avantage les valeurs qu'ils avaient ainsi malhonnêtement obtenues. VJC 22 3 Dans les lois données aux Hébreux, Dieu avait gardé avec un soin spécial les intérêts de l'étranger, du pauvre et de la veuve. Le produit du pays laissé sans culture tous les sept ans leur appartenait. En outre, tous les ans, la nation entière devait donner la dîme de tout son revenu pour des oeuvres de bienfaisance -- dîme tout à fait distincte de celle qui était donnée pour le service du sanctuaire. On devait entretenir un fonds perpétuel pour le bien des pauvres. Dieu voulait employer ces moyens pour empêcher son peuple de se livrer à l'égoïsme et à l'avarice. La libéralité était recommandée comme une obligation religieuse: "L'orphelin et la veuve mangeront dans les lieux de ta demeure, et en seront rassasiés, afin que l'Eternel, ton Dieu, te bénisse dans toute l'oeuvre de tes mains."1 Il était également défendu aux Israélites de prêter à usure à leurs frères. Le mépris de ces directions expresses avait fait que la bénédiction du Seigneur avait été retranchée d'Israël. VJC 23 1 Les principaux sacrificateurs, les scribes et les anciens enseignaient et faisaient observer au peuple comme commandements de Dieu des coutumes, des traditions et des cérémonies inutiles qui n'étaient que des commandements d'hommes. Leur rigueur apparente dans l'observation des formes provenait du désir qu'ils avaient de donner une haute idée de leur importance. Tandis qu'ils désiraient être réputés pour leur zèle et leur dévotion dans les devoirs religieux, ils pillaient Dieu journellement en s'appropriant les offrandes de ses adorateurs. Leur prétendu respect des coutumes et des traditions n'était qu'un artifice pour obtenir l'argent du peuple afin de satisfaire à leur ambition corrompue. VJC 23 2 Les sacrificateurs ne se faisaient aucun scrupule de commettre les actes les plus malhonnêtes et les plus criminels pour accomplir leurs desseins. Ceux qui remplissaient l'office de souverain sacrificateur au temps du premier avénement de Christ, n'étaient pas des hommes divinement choisis pour remplir cet office sacré. Leur ardent désir de parvenir à cet office provenait de leur amour du pouvoir et de la grandeur. Ils désiraient obtenir une position où ils pussent exercer l'autorité et frauder sous le couvert de la piété sans crainte d'être découverts. Des hommes au coeur corrompu recherchaient parfois l'office élevé de souverain sacrificateur et l'obtenaient fréquemment par la corruption et l'assassinat. VJC 24 1 En ce temps-là, les Juifs étaient soumis au gouvernement des Romains, et les sacrificateurs n'avaient aucune autorité légale d'infliger la peine de mort. Ce pouvoir appartenait uniquement à leurs gouverneurs étrangers. Le sacrificateur avait pourtant une position qui lui conférait un certain pouvoir et une certaine importance. Il n'était pas seulement conseiller et médiateur; mais il était juge, et ses décisions étaient sans appel. Revêtu de son riche costume, de ses robes sacrées, la poitrine couverte du pectoral dont les pierres précieuses reflétaient la lumière, il avait un aspect si imposant qu'il excitait l'admiration, le respect et la crainte de tous les adorateurs au coeur droit. Le souverain sacrificateur était, d'une manière spéciale, le représentant de Christ, quoique la sacrificature de Christ ne pût pas être parfaitement préfigurée par celle d'Aaron. Le Fils de Dieu devait être "sacrificateur éternellement selon l'ordre de Melchisédec".1 Dans cet ordre, la sacrificature ne devait point passer de l'un à l'autre; Christ ne devait point être remplacé. VJC 24 2 Les coutumes et les cérémonies inutiles par lesquelles les Juifs avaient corrompu leur religion, étaient un joug pesant pour le peuple, surtout pour les classes pauvres; et comme ils étaient sous le joug des Romains, ils devaient également payer le tribut à ces derniers. Les Juifs ne pouvaient point se soumettre à leur servitude et ils attendaient le triomphe de leur nation par le Messie, le puissant libérateur prédit par la prophétie. Mais ils avaient des vues étroites: ils pensaient que Celui qui viendrait s'emparerait des honneurs royaux, et, par la force des armes, subjuguerait leurs oppresseurs et prendrait possession du trône de David. S'ils avaient étudié les prophéties avec une vraie humilité et un discernement intelligent, ils n'auraient pas commis une si grande erreur au point de ne pas prendre garde à celles qui indiquent le premier avénement comme devant avoir lieu dans l'humiliation, et ne se seraient pas mépris quant aux prophéties qui parlent de sa seconde venue avec puissance et grande gloire. Mais ils étaient orgueilleux et corrompus; ils ambitionnaient les honneurs mondains et recherchaient la puissance, et ne pouvaient discerner les choses sacrées. C'est pour cette raison qu'ils ne purent distinguer les prophéties indiquant son premier avénement de celles qui se rapportaient à sa seconde apparition, et ils s'attendaient à ce que son premier avénement serait accompagné de la puissance et de la gloire que les prophètes déclarent devoir accompagner son second avénement. VJC 25 1 C'est à la gloire nationale qu'ils aspiraient avec le plus d'ardeur; l'objet de leurs voeux ambitieux était d'avoir un royaume temporel, lequel, supposaient-ils, réduirait les Romains à la servitude et leur donnerait une puissance et une autorité telles qu'ils règneraient sur eux. A l'ouïe de leurs oppresseurs, les Juifs s'étaient orgueilleusement vantés qu'ils ne seraient plus longtemps sous la servitude des Romains, que leur règne commencerait bientôt, et qu'il serait plus grand et plus glorieux que celui de Salomon même. Ils attendaient un prince puissant qui règnerait sur le trône de David et dont le royaume subsisterait à toujours. Leurs idées orgueilleuses et hautaines de la venue du Messie n'étaient point d'accord avec les prophéties qu'ils prétendaient être capables d'expliquer. Ils étaient spirituellement aveugles et les conducteurs d'autres aveugles. VJC 25 2 Lorsque le temps fut accompli, on sut dans les cieux que l'avénement du Sauveur en ce monde devait avoir lieu. Les anges quittèrent la gloire céleste pour venir considérer comment il serait reçu par ceux qu'il était venu bénir et sauver. Ils avaient contemplé sa gloire dans les cieux, et ils s'attendaient à ce qu'il serait accueilli sur la terre avec l'honneur dû à son caractère élevé et à la dignité de sa mission. Comme ils approchaient de la terre, ils vinrent d'abord vers le peuple que Dieu avait séparé de toutes les autres nations comme son plus précieux joyau. Mais ils ne virent parmi les Juifs que peu d'intérêt; ils ne remarquèrent que quelques personnes isolées attendant l'avénement du Rédempteur, prêtes à le recevoir et à le confesser. VJC 25 3 Les anges du ciel considérèrent avec étonnement l'indifférence du peuple et son ignorance concernant l'avénement du Prince de la vie. Dans ce temple qui avait été sanctifié par des sacrifices journaliers préfigurant sa venue et symbolisant sa mort, aucun préparatif n'avait été fait pour accueillir le Sauveur du monde. Les pharisiens continuaient à répéter dans les rues leurs longues et insignifiantes prières, afin d'être vus des hommes. Par leurs dévotions hypocrites, ils prétendaient être le peuple choisi de Dieu pour proclamer sa loi et honorer les traditions, tandis que les hommes des autres nations croyaient des fables et adoraient des faux dieux. Mais les uns et les autres ignoraient le grand événement prédit par la prophétie. VJC 26 1 Les anges voyaient Joseph et Marie faisant un long voyage pour se rendre à la cité de David afin d'y être enregistrés suivant le décret de César Auguste. C'est là qu'ils furent amenés par la providence de Dieu, car c'était le lieu où la prophétie avait annoncé que le Christ devait naître. Ils cherchent un lieu de repos dans l'hôtellerie; mais il n'y a point de place, et ils sont renvoyés. Ceux qui étaient riches et considérés avaient été bien accueillis. Ils avaient obtenu des rafraîchissements, tandis que ces voyageurs fatigués sont obligés de se réfugier dans une grossière construction qui servait d'abri aux animaux. VJC 26 2 C'est là que naquit le Sauveur du monde. Le Roi de gloire qui faisait l'admiration et la splendeur des cieux repose dans une crèche. Dans les cieux, il était entouré des saints anges; sur la terre, il a été entouré des bêtes de l'étable. Quelle humiliation! Soyez surpris, ô cieux! et toi terre sois étonnée. VJC 26 3 Mais est-ce bien là le Fils de Dieu, ce petit enfant si frêle et si faible en apparence, ressemblant tellement à d'autres enfants? Sa gloire divine et sa majesté sont voilées par son humanité; pourtant, les anges annoncent son avénement, tandis que les grands hommes de la terre n'en savent rien. La nouvelle de sa naissance est portée avec joie dans la cour céleste. Mais les orgueilleux pharisiens et les scribes avec leurs cérémonies hypocrites et leur attachement apparent à la loi, ne savent rien de l'enfant de Bethléem. Malgré toute la science et la sagesse dont ils se vantent dans l'explication de la loi et des prophéties lorsqu'ils enseignent dans les écoles des prophètes, ils ignorent de quelle manière il doit apparaître. Ils recherchent quels sont les meilleurs moyens d'obtenir des richesses et des honneurs mondains; mais ils ne sont pas du tout préparés pour la révélation du Messie. VJC 27 1 Comme il n'y a personne parmi les fils des hommes qui annonce son avénement, les anges doivent faire ce que les hommes eussent eu l'honorable privilège de faire eux-mêmes. Mais les anges auxquels sont confiées ces bonnes nouvelles sont envoyés à d'humbles bergers1 et non aux Juifs savants qui professaient d'être les commentateurs des prophéties, car leurs coeurs n'étaient point prêts à les recevoir. VJC 27 2 "Or, il y avait dans la même contrée des bergers qui couchaient aux champs, et qui gardaient leurs troupeaux pendant les veilles de la nuit. Et tout à coup un ange du Seigneur se présenta à eux, la gloire du Seigneur resplendit autour d'eux, et ils furent saisis d'une grande peur." D'humbles bergers qui gardaient des troupeaux pendant la nuit sont ceux qui reçoivent joyeusement le témoignage de l'ange. VJC 27 3 Tout à coup, le ciel est éclairé d'une lumière divine. Les bergers en sont alarmés, car ils ne distinguent pas d'abord les myriades d'anges qui chantaient dans les cieux et ne connaissent pas la raison de cette lumière resplendissante. La gloire des cieux illuminait toute la plaine. Au moment où les bergers sont remplis de crainte, l'ange qui était à la tête des armées célestes se révèle à eux et dissipe leur frayeur en disant: "N'ayez point de peur car je vous annonce une grande joie qui sera pour tout le peuple: c'est qu'aujourd'hui, dans la ville de David, le Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur, vous est né. Et vous le reconnaîtrez à ceci: c'est que vous trouverez le petit enfant emmaillotté et couché dans une crèche. Et au même instant il y eut avec l'ange une multitude de l'armée céleste, louant Dieu, et disant: Gloire soit à Dieu au plus haut des cieux! Paix sur la terre, bonne volonté envers les hommes." VJC 27 4 La joie remplace en eux la surprise et la crainte. Les bergers n'auraient pas pu supporter la gloire radieuse qui accompagnait l'armée céleste, si elle avait subitement frappé leur vue; c'est pourquoi un ange seul leur apparut pour dissiper leur crainte et leur faire part de sa mission. Comme la lumière du premier ange les enveloppait, cette lumière glorieuse leur aida à supporter l'éclat plus grand et plus merveilleux qui accompagnait la multitude des armées célestes. VJC 28 1 Les bergers furent remplis de joie, et lorsque la gloire disparut et que les anges retournèrent dans les cieux, leurs coeurs furent enflammés des bonnes nouvelles qu'ils avaient entendues. Ils se hâtèrent d'aller à la recherche de l'enfant Rédempteur. Ils le trouvèrent, comme les messagers célestes le leur avaient annoncé, emmaillotté et couché dans une étroite crèche. VJC 28 2 Les événements qui venaient de se passer avaient fait une impression indélébile dans leurs esprits et sur leurs coeurs, et ils furent remplis d'étonnement, d'amour et de reconnaissance à cause de la grande condescendance de Dieu envers l'homme en envoyant son Fils dans le monde. Ils répandirent ces joyeuses nouvelles; ils parlèrent en tous lieux de la gloire merveilleuse qu'ils avaient vue et des chants qu'ils avaient entendu chanter par l'armée céleste. VJC 28 3 Les chefs du peuple s'étaient tellement éloignés de Dieu par leurs mauvaises actions que les anges ne purent leur communiquer les bonnes nouvelles de la naissance du Sauveur. Dieu choisit les Sages d'Orient1 pour attirer l'attention de la nation juive sur l'avénement de son Fils. VJC 28 4 "Jésus étant né à Bethléem, ville de Judée, au temps du roi Hérode, des mages d'Orient arrivèrent à Jérusalem, et dirent: Où est le roi des Juifs qui est né? car nous avons vu son étoile en Orient; et nous sommes venus l'adorer." VJC 28 5 Ces hommes n'étaient point Juifs; mais ils avaient attendu le Messie promis. Ils avaient étudié la prophétie et savaient que le temps était proche où Christ devait venir, et ils attendaient avec anxiété quelques signes de ce grand événement afin d'être des premiers à accueillir et à adorer le roi du ciel naissant. Ces hommes sages étaient des philosophes qui avaient étudié les oeuvres de Dieu dans la nature. Ils avaient reconnu le doigt du Créateur dans les merveilles des cieux, dans les gloires du soleil, de la lune et des étoiles. Ce n'étaient point des idolâtres, et ils vivaient suivant la faible lumière qui avait lui sur eux. Les Juifs regardaient ces hommes comme des païens; mais ils étaient plus purs aux yeux de Dieu que les Juifs ne l'étaient, eux qui avaient reçu beaucoup plus de connaissance et qui professaient hautement d'être des serviteurs de Dieu, tandis qu'ils ne vivaient point suivant la lumière que Dieu leur avait donnée. Les mages avaient vu les cieux s'illuminer de la lumière qui avait enveloppé la multitude de l'armée céleste, lorsque l'avénement de Christ fut annoncé aux humbles bergers. Après que les anges furent retournés au ciel, ils virent apparaître un corps lumineux qui s'attardait dans les cieux. L'aspect extraordinaire de cette grande et brillante étoile qu'on n'avait jamais vue auparavant, et qui était suspendue comme un signe dans les cieux, attira l'attention des mages. Ils n'eurent pas le privilége, comme les bergers, d'entendre annoncer la naissance du Sauveur; mais l'Esprit de Dieu les poussa à rechercher celui qui venait des cieux dans un monde déchu. Ils dirigèrent leurs pas où l'étoile semblait les conduire. Comme ils approchaient de Jérusalem, l'étoile fut enveloppée d'obscurité et ne les guida plus. Ils pensèrent que les Juifs ne pouvaient ignorer un événement aussi grand que la venue du Messie, et ils s'en informèrent, mais sans succès, dans le voisinage de la sainte ville. VJC 29 1 Dans Jérusalem même, ils ne trouvent personne qui semble avoir connaissance du roi nouveau-né. Les mages craignent de n'avoir après tout pas lu correctement les prophéties. Et cette incertitude les jette dans l'inquiétude. Ils entendent les sacrificateurs répéter et recommander leurs traditions, expliquer la loi, et vanter leur religion et leur piété. Ils les entendent dénoncer les Romains et les Grecs comme des païens et les plus grands pécheurs d'entre les hommes. Ils les voient étaler, comme preuve de leur grande piété, les préceptes de la loi et leurs traditions, inscrits sur leurs filactères et les bords de leurs vêtements. Les mages quittent Jérusalem avec moins de confiance et d'espérance que lorsqu'ils y étaient entrés. Ils s'étonnent de ce que les Juifs ne sont pas intéressés et joyeux en vue de ce grand événement de la venue de Christ. VJC 30 1 De même que les Juifs, les églises de nos jours recherchent la grandeur de ce monde. Les Juifs attendaient le règne temporel et triomphant du Messie à Jérusalem. Les chrétiens de profession de nos jours attendent la prospérité de l'Eglise dans la conversion du monde et la possession d'un millénium temporel. Ils mettent tout autant de mauvaise volonté à recevoir la lumière des prophéties et à reconnaître les signes de leur accomplissement comme preuve de la seconde venue de Christ, que n'en mettaient les Juifs à recevoir les prophéties comme preuve de sa première venue. VJC 30 2 Le premier avénement de Christ est le plus grand événement qui ait eu lieu depuis la création du monde. Mais tandis que la naissance du Sauveur réjouissait les anges du ciel, elle n'était pas même accueillie par les puissances royales de ce monde. Lorsque les mages exposèrent clairement le but de leur voyage à Jérusalem, déclarant qu'ils étaient à la recherche de Jésus, le roi des Juifs, car ils avaient vu son étoile en Orient, et qu'ils étaient venus l'adorer, la ville fut mise en émoi. La nouvelle en fut immédiatement portée à Hérode qui fut extrêmement troublé. Cela excita aussitôt son envie et ses soupçons, et son coeur méchant forma bientôt de sombres projets. Tandis que les chefs du peuple ne manifestèrent qu'une étrange indifférence au récit des mages, Hérode était profondément intéressé et troublé. Il fit assembler les principaux sacrificateurs et les scribes, et leur commanda de rechercher avec soin dans l'histoire des prophètes, et de lui dire où le roi des Juifs devait naître. Leur indifférence insouciante et leur ignorance apparente en présence de leurs livres prophétiques, irritèrent le roi dont l'excitation était si grande. Il pensait qu'ils cherchaient à lui cacher les faits réels concernant la naissance du Messie, et il leur commanda de rechercher soigneusement tout ce qui concernait le roi qu'ils attendaient. VJC 30 3 "Et ayant assemblé tous les principaux sacrificateurs et les scribes du peuple, il s'informa d'eux où Christ devait naître, et ils lui dirent: C'est à Bethléem, ville de Judée, car c'est ainsi que l'a écrit un prophète: Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n'es pas la moindre entre les principales villes de Juda; car c'est de toi que sortira le Conducteur qui paîtra Israël mon peuple." Hérode reçut avec un respect apparent ces étrangers qui venaient d'Orient; mais en les entendant parler de la naissance d'un roi qui devait régner sur Israël, son envie et sa haine étaient excités contre l'enfant qui pouvait, pensait-il, devenir son rival et chasser du trône lui ou ses descendants. Son coeur fut agité d'une opposition et d'une fureur sataniques, et il résolut aussitôt de faire périr cet enfant roi. Pourtant, il prit une apparence tranquille et demanda d'avoir un entre?ien secret avec les mages. Il s'informa alors particulièrement du temps exact où l'étoile leur était apparue. Il feignit d'accueillir avec joie la nouvelle de la naissance de Christ, et demanda aux mages d'Orient qu'ils l'informassent immédiatement de tout ce qu'ils pourraient découvrir concernant cet enfant afin qu'il pût être un des premiers à lui rendre hommage. Les mages ne pouvaient point lire dans le coeur du tyran; mais Dieu ne fut point trompé par ses feintes hypocrites. Sa puissance devait protéger et garder le précieux enfant Sauveur contre les stratagèmes de Satan jusqu'à ce que sa mission sur la terre serait accomplie. VJC 31 1 Lorsque les mages eurent quitté Jérusalem, à leur grande joie, ils revirent dans les cieux l'étoile directrice, qui les accompagna jusqu'au lieu où Christ était né. "Et étant entrés dans la maison, ils trouvèrent le petit enfant avec Marie sa mère, lequel ils adorèrent en se prosternant; et après avoir ouvert leurs trésors, ils leur présentèrent des dons: de l'or, de l'encens et de la myrrhe." Les mages ne trouvèrent point une garde royale pour leur interdire l'accès auprès de Christ. Les grands de ce monde n'assistèrent point à leur entrée. Il n'y avait point de foule ardente, attendant de pouvoir présenter ses hommages reconnaissants au Prince de la vie. Lorsque les mages eurent accompli leur mission, ils se proposaient de retourner et de porter à Hérode la joyeuse nouvelle de leur succès. Mais Dieu envoya son ange pour les détourner de leur dessein. Dans une vision de la nuit, il leur fut clairement dit de ne point retourner vers Hérode, et eux, obéissant au message céleste, s'en retournèrent dans leur pays par un autre chemin. VJC 32 1 "Après qu'ils furent partis, un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, et lui dit: Lève-toi; prends le petit enfant et sa mère, et t'enfuis en Egypte, et te tiens là jusqu'à ce que je te le dise; car Hérode cherchera le petit enfant pour le faire mourir. Joseph donc étant réveillé, prit de nuit le petit enfant et sa mère, et se retira en Egypte."1 VJC 32 2 Dieu poussa les mages d'Orient à aller à la recherche de Jésus, et il dirigea leur course par une étoile. La disparition de cette étoile à leur approche de Jérusalem leur fit prendre des informations en Judée, car ils pensaient %22que les souverains sacrificateurs et les scribes ne pouvaient ignorer un événement aussi important que la venue du Messie. L'arrivée des mages d'Orient fit connaître à toute la nation le but de leur voyage, et attira l'attention du peuple juif sur les événements qui se passaient. VJC 32 3 Dieu savait bien que l'avénement de son Fils sur la terre inquiéterait les puissances des ténèbres, que Satan serait irrité de voir la lumière apparaître sur la terre. Mais l'oeil de Dieu veillait constamment sur son Fils. Celui qui fit descendre du ciel la manne pour les enfants d'Israël, celui qui nourrit miraculeusement Elie lorsque le prophète ne pouvait plus se procurer de nourriture d'une autre manière, le même Dieu procura à Joseph le moyen de préserver la vie de Jésus et de sa mère en fuyant avec eux en Egypte, où ils purent trouver un asile et échapper à la colère d'un roi tyrannique. Afin de pourvoir aux nécessités du voyage et de leur séjour en Egypte, le Seigneur qui connaît les coeurs de tous les hommes, poussa les mages d'Orient à aller à la recherche de l'enfant Sauveur et à lui porter des dons précieux comme marque de leurs hommages. Joseph et Marie étaient pauvres et dans un pays étranger. VJC 32 4 Hérode attendait avec inquiétude le retour des mages, car il était impatient d'exécuter le dessein qu'il avait prémédité, de faire mourir le roi d'Israël. Ce monarque comprenait que Christ devait régner sur un royaume temporel, et il avait une extrême aversion pour l'avénement au trône d'un roi juif. Les principaux sacrificateurs et les scribes, qui professaient de comprendre les Ecritures, avaient répété au peuple les prophéties qui concernent la seconde apparition de Christ avec puissance et grande gloire, pour renverser toute autorité et régner sur toute la terre. Ils s'étaient vantés d'une manière irritante que Christ serait un prince temporel, et que tout royaume et toute nation devraient se soumettre à son autorité. En étudiant les prophéties, ils ne l'avaient point fait dans la pensée de la gloire de Dieu et avec le désir de mettre leur vie d'accord avec le but indiqué par les prophéties. Ils cherchaient à trouver dans les Ecritures d'anciennes prophéties qu'ils pussent en quelque manière interpréter pour soutenir leur superbe orgueil et pour montrer avec quel mépris Dieu regardait toutes les nations de la terre sauf les Juifs. Ils déclaraient que la puissance et l'autorité qu'ils étaient obligés de respecter et auxquelles ils devaient obéir devaient bientôt prendre fin; car le Messie s'emparerait du trône de David, et, par la force des armes, rendrait aux Juifs leur liberté et leurs grands priviléges. VJC 33 1 L'intelligence des Juifs était obscurcie; ils n'avaient aucune lumière en eux-mêmes. Ils interprétaient les prophéties suivant leur intelligence pervertie. Satan les conduisait à leur perte; et Hérode était résolu à faire échouer leur dessein en faisant mourir Christ aussitôt qu'on pourrait le trouver. Après avoir attendu longtemps les renseignements qu'il désirait recevoir des mages, Hérode commença à craindre que son dessein ne fut déjoué. Ces hommes avaient-ils pu lire les sombres actions qu'il préméditait? Auraient-ils pu comprendre son dessein et l'auraient-ils évité de propos délibéré? Il regardait cela comme une insulte et une moquerie. Son impatience, son envie et sa haine s'accrurent encore. Satan lui inspira de chercher à arriver à l'accomplissement de son dessein par un acte des plus cruels qu'on puisse imaginer. S'il n'avait pu accomplir ses intentions meurtrières sous un faux prétexte et par subtilité, il le ferait en faisant acte de puissance et d'autorité, il frapperait de terreur les coeurs de tous les Juifs. Ils devaient avoir un exemple de ce que rencontrerait leur roi, s'ils cherchaient jamais à en placer un sur le royaume d'Israël. VJC 34 1 C'était une occasion d'attirer sur les Juifs une calamité qui abattrait leur ambition d'établir un gouvernement indépendant et de devenir la gloire de toute la terre. Hérode ordonna à une troupe de soldats au coeur endurci par le crime, habitués à faire la guerre et à répandre le sang, de se rendre à Bethléhem et aux environs, et d'y massacrer tous les enfants de deux ans et au-dessous. Par cet acte inhumain, il cherchait à accomplir un double but; premièrement exercer sur les Juifs son pouvoir et son autorité, et secondement, réduire au silence leurs vanteries concernant leur roi, tout en assurant aussi son propre royaume en mettant à mort le prince enfant qu'il redoutait et auquel il portait envie. Son ordre cruel fut exécuté. L'épée de soldats inhumains porta partout la destruction. La détresse et la douleur des parents dépassèrent toute description. Au-dessus des jurements, des sarcasmes et des imprécations des soldats, s'élevaient les cris des mères pressant sur leur sein leurs enfants mourants, et criant vengeance au ciel contre ce roi tyran. Dieu permit cette terrible calamité afin d'humilier l'orgueilleuse nation juive. Leurs péchés avaient été si grands que le Seigneur permit cela au cruel Hérode afin de les punir. S'ils avaient été moins ambitieux et s'ils s'étaient moins vantés, si leur vie avait été pure et sincère et leurs habitudes simples, Dieu aurait empêché qu'ils fussent ainsi affligés et humiliés par leurs ennemis. Si son peuple avait été fidèle et droit devant lui, il aurait empêché d'une manière signalée la colère du roi de leur nuire; mais il ne pouvait intervenir pour eux d'une manière spéciale parce que leurs oeuvres étaient une abomination devant lui. VJC 34 2 Les Juifs avaient excité l'envie et la haine d'Hérode contre Christ par leur fausse interprétation des prophètes. Ils présentaient le Sauveur et sa mission sur la terre sous un jour entièrement faux. Leur grande ambition et leur orgueil, leurs vanteries, n'eurent pas le résultat que Satan avait d'abord espéré, savoir la destruction de l'enfant Sauveur; mais tout cela avait rejailli sur eux en remplissant leurs maisons de deuil. Dans une vision prophétique, Jérémie disait: "On a ouï dans Rama des cris, des lamentations, des pleurs et de grands gémissements, Rachel pleurant ses enfants; et elle n'a pas voulu être consolée, parce qu'ils ne sont plus." Hérode ne survécut pas longtemps à cet acte barbare. Il dut céder à une puissance qu'il ne pouvait point repousser ni vaincre. Il mourut d'une mort terrible. VJC 35 1 Après qu'Hérode eut été retranché de la terre, l'ange dit à Joseph de retourner dans le pays d'Israël. Il désirait s'établir à Bethléhem de Judée; mais lorsqu'il apprit qu'Archélaüs régnait en Judée à la place de son père, il craignit que le projet du père de faire mourir Christ ne fût accompli par le fils. Pendant qu'il était encore dans la perplexité, ne sachant où trouver un lieu de sûreté, le Seigneur fit de nouveau ce choix pour lui par le moyen de son ange. "Et il alla demeurer dans une ville appelée Nazareth; de sorte que fut accompli ce qui avait été dit par les prophètes: Il sera appelé Nazarien." VJC 35 2 Telle fut la réception que rencontra le Sauveur lorsqu'il vint dans notre monde déchu. Il quitta sa demeure céleste, sa majesté, ses richesses, et son commandement supérieur, et prit sur lui la nature humaine afin de sauver une race déchue. L'Eternel avait honoré les hommes en envoyant sur la terre son propre Fils dans une chair semblable à la nôtre. Pourtant, ils n'ont point glorifié Dieu en accordant à Christ une place dans leur affection. Il ne paraissait y avoir aucun lieu de repos, aucun lieu de sûreté pour notre Sauveur. Celui qui venait apporter la vie aux hommes, rencontra l'insulte, la haine et les injures de ceux-là même auxquels il était venu faire du bien. VJC 35 3 Aussi Dieu ne put-il confier son Fils bien-aimé aux hommes, pas même lorsqu'il vint accomplir l'oeuvre miséricordieuse par laquelle ils devaient être sauvés et recevoir finalement une place sur son propre trône. Il envoya des anges pour accompagner le Sauveur et pour veiller sur lui jusqu'à ce que sa mission sur la terre fût achevée et qu'il mourût des mains mêmes des hommes qu'il était venu sauver. ------------------------Chapitre 3 -- Enfance de Jésus VJC 36 1 L'enfance et la jeunesse de Jésus se passèrent dans le village obscur et méprisé de Nazareth. Il n'y a aucun lieu de la terre qui n'eût été grandement honoré de sa présence, même pendant une seule année; les palais des rois eussent été honorés de le recevoir comme un hôte; mais il laissa de côté les habitations de la richesse et les cours royales pour faire sa demeure dans un humble village de la montagne. Pendant près de trente ans, le Rédempteur du monde monta et descendit le sentier rapide des collines et des plateaux, des montagnes et des vallées. Il considérait avec délices les scènes de la nature, les fleurs qui embellissaient les champs, les arbres majestueux et les hautes montagnes, les rochers saillants et les collines mouvementées: tout avait un charme pour lui. Plein d'un saint ravissement, il contemplait la gloire du firmament dans l'aube matinale, dans les splendeurs du crépuscule, dans la majesté solennelle de la nuit. Il écoutait avec ravissement les joyeux chanteurs ailés, gazouillant les louanges de leur Créateur, et souvent il unissait sa voix à leurs chants d'actions de grâce. Dans cette bibliothèque de son Père céleste, animée et inanimée, il faisait une provision de connaissances. Du haut des montagnes de Nazareth, il voyait s'étendre devant lui un pays qui attendait sa venue depuis des milliers d'années et qui pourtant n'était point prêt à le recevoir. Dans les retraites paisibles des collines, et dans des bocages cachés à tous les yeux, il communiquait avec son Père, et par la méditation et la prière, il fortifiait son âme pour l'oeuvre qu'il allait entreprendre. VJC 36 2 Les courts passages que les écrivains sacrés nous donnent de l'enfance de Christ sont merveilleusement significatifs. "Cependant, l'enfant croissait et se fortifiait en esprit, étant rempli de sagesse; et la grâce de Dieu était sur lui."1 "Et Jésus croissait en sagesse, en stature et en grâce, devant Dieu et devant les hommes." Pendant près de trente ans, il y eut peu de chose dans la vie de Jésus qui attira l'attention du peuple. Dès son enfance, il se conforma strictement aux lois juives. Il ne proclama point sa naissance divine et ne chercha point à se distinguer des autres. Ses amis et ses parents ne virent aucun signe spécial de sa divinité, durant toutes les années qu'il passa parmi eux. Pourtant, quoiqu'il évitât toujours les démonstrations, il était aussi ferme qu'un rocher dans son attachement à ce qui est droit. VJC 37 1 La vie de Christ se distinguait par la simplicité et par la pureté. C'était son esprit tranquille, modeste, l'absence de vanité et d'orgueil, qui lui attiraient la faveur de Dieu et des hommes. Comme enfant, il montra une gentillesse particulière et des dispositions aimantes. Ses mains et ses pieds étaient toujours prêts à servir les autres, et on le voyait sans cesse prompt à soulager ses parents dans leur travail. Il avait une patience que rien ne pouvait troubler, une droiture de coeur qui ne sacrifiait jamais l'intégrité. Quoique toujours sérieux et prêt à se sacrifier, il était d'une amabilité et d'une bonté inaltérables. Tous les traits de son caractère étaient dans une harmonie parfaite. Quoiqu'il donnât de bonne heure les signes d'une sagesse remarquable, il fut tout à fait semblable à un enfant: toutes ses facultés intellectuelles et corporelles se développèrent graduellement et grandirent avec l'âge. VJC 37 2 Le silence des Ecritures concernant l'enfance et la jeunesse de Jésus nous enseigne une importante leçon. Christ est notre exemple en toutes choses. Plus cette période de la vie se passe dans la tranquillité et dans l'obscurité, plus elle est d'accord avec la nature, exempte d'excitations artificielles, -- et plus aussi le reste de la vie est favorable à la pureté, à la simplicité naturelle et à la vraie culture morale. Jésus ne fut pas exempt de tentations. Satan cherchait avec ardeur et persévérance à vaincre le Fils de Dieu. Satan était rempli de rage de voir qu'il y eût quelqu'un sur la terre qui fût exempt des souillures du péché, et il n'épargna aucun moyen pour le séduire et le faire tomber dans ses piéges. Mais Jésus obtint de son Père céleste la sagesse et la force de surmonter les tentations de l'auteur du péché. VJC 38 1 Les habitants de Nazareth étaient d'une méchanceté proverbiale. C'est le peu d'estime qu'on leur accordait généralement qui poussa Nathanaël à faire cette question: "Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth?"1 Ce n'est point Jésus qui avait choisi son entourage. Son Père céleste jugea convenable de le placer dans sa jeunesse dans un lieu où il serait exposé à la tentation, où son caractère serait mis à l'essai et à l'épreuve, et où il dût être constamment gardé afin de conserver sa pureté. Il devait avoir fortement à lutter afin de devenir un exemple pour les hommes dans son enfance, dans sa jeunesse et dans son âge mûr. VJC 38 2 Jésus ne passa point sa vie dans l'abondance et dans l'oisiveté. Ses parents étaient pauvres et devaient gagner leur vie au jour le jour. Il fut accoutumé à la pauvreté, au renoncement, aux privations. Mais cette vie pénible même fut une sauvegarde dans ses jeunes années. Par ses habitudes de travail et de solitude, il ferma la porte à beaucoup de tentations et se tint éloigné de la société dont l'influence était corruptrice. C'est ainsi qu'au milieu même d'influences contraires, se développa en lui un caractère noble et droit. Ni gain, ni plaisir, ni applaudissements, ni menaces ne purent le faire consentir à un acte coupable. Il avait la sagesse de discerner le mal, et la force de résister aux tentations. Christ est le seul, parmi les enfants des hommes, qui développa jamais un caractère sans défauts; et pourtant il vécut pendant trente ans au milieu d'une population dont la méchanceté était devenue proverbiale à un tel point, qu'il paraissait impossible qu'il en pût sortir quelque chose de bon. Ce fait condamne les gens qui jettent la faute de leurs imperfections sur les circonstances ou la mauvaise fortune. Les tentations, la pauvreté, l'adversité, forment la discipline même qui est nécessaire au développement de la pureté et de la fermeté de caractère. VJC 39 1 Par obéissance aux lois des Juifs, Joseph et Marie montaient chaque année à Jérusalem pour assister à la fête de Pâque. Lorsque Jésus eut atteint l'âge de douze ans, ses parents le prirent avec eux,1 suivant la coutume. Avec un grand nombre de leurs compatriotes, ils se mirent en route pour la sainte ville afin de célébrer cette fête solennelle. VJC 39 2 Pour la première fois, l'enfant Jésus vit le temple. Comme il parcourait ses parvis, il vit les sacrificateurs officiant, et, sur l'autel, la victime sanglante. Avec les adorateurs assemblés, il s'inclina et ajouta ses prières au nuage d'encens qui montait devant Dieu. Il comprenait la signification de ces rites solennels et savait qu'ils devaient trouver leur accomplissement dans son propre sacrifice pour les péchés du monde. L'intelligence humaine était incapable de concevoir quelles étaient les méditations du Fils de Dieu. VJC 39 3 Lorsque les sept jours de la semaine furent passés, la troupe avec laquelle Joseph et Marie étaient venus de Galilée se remit en route pour le pays d'où elle était venue. Dans les préoccupations des premiers jours de voyage et tout au plaisir de revoir leurs parents et connaissances, Marie et Joseph n'observèrent point son absence; mais lorsqu'ils s'arrêtèrent pour passer la nuit, il leur manqua l'aide toujours prête de leur fils obéissant. Le supposant être dans leur troupe, ils n'avaient pas éprouvé la moindre inquiétude à son égard. Il y avait tant de droiture, tant de discrétion dans sa conduite qu'ils s'étaient implicitement confiés en lui et s'attendaient, comme d'ordinaire, à le voir tout prêt à leur aider, lorsqu'ils auraient besoin de lui, et à prévenir leurs désirs, comme il l'avait toujours fait. Mais grande fut leur anxiété lorsqu'ils ne le trouvèrent point parmi leurs amis et leurs parents. Toutes leurs recherches furent vaines; ils ne purent trouver aucune trace de leur fils bien-aimé. Le coeur rempli de sombres pressentiments, ils reprennent la route fatigante qui conduit à Jérusalem. Ils se rappellent en frissonnant le massacre commandé par le cruel Hérode qui espérait faire mourir le roi d'Israël. Ils se reprochent amèrement leur négligence de cette précieuse charge que Dieu leur avait commise. VJC 40 1 Pendant tout un jour ils poursuivent leurs infructueuses recherches dans la ville de Jérusalem. Ils passent ensuite une nuit sans sommeil et dans l'angoisse -- une nuit de prières et de larmes. Le jour suivant, ils recommencent leurs recherches sans plus de succès. Une autre nuit approchait lorsque, en arrivant près du temple, ils voient le peuple qui s'y rendait en foule, Ils se mêlent à la foule, et comme ils allaient entrer, la voix de Jésus attire leur attention. Quoiqu'ils ne pussent pas l'apercevoir à cause de la foule, ils savaient qu'ils ne se trompaient point; aucune autre voix n'était, comme la sienne, si pleine d'une mélodie solennelle. VJC 40 2 Se frayant un chemin à travers la foule, ils se trouvent bientôt dans un appartement du temple, usagé comme école des prophètes. C'est là qu'ils voient leur fils au milieu des principaux des Juifs, des sacrificateurs et des docteurs de la loi. VJC 40 3 Il était respectueusement et humblement assis aux pieds de ces graves savants, leur adressant des questions comme pour savoir d'eux des renseignements concernant la venue du Messie, tandis que, dans le même moment, il leur donnait connaissance des événements qui se passaient alors et que la prophétie avait prédits, comme marquant l'avénement de celui qui devait venir. VJC 40 4 Les sacrificateurs et les docteurs adressaient à Christ les questions les plus difficiles concernant les vérités qui étaient pour eux enveloppées de mystères. Jésus comprenait leurs questions, et, par ses réponses, données avec la simplicité d'un enfant, quoique parfaitement claires, il renversait leurs fausses théories et leurs traditions, et répandait un flot de lumière sur les grandes vérités préfigurées par des symboles et des prophéties. Tous écoutaient avec un profond intérêt, lorsqu'on s'occupa du sujet de la Pâque. Dans leur aveuglement, ils avaient presque entièrement perdu de vue la signification de la fête qu'ils venaient de célébrer avec grande pompe. Jésus savait que ces hommes n'avaient aucune idée du Messie, comme sacrifice pour les péchés du monde, et qu'ils n'étaient point prêts du tout à le recevoir tel qu'il était. Il chercha donc, par ses questions et ses suggestions, à les amener à une connaissance plus correcte de sa mission, afin que lorsque son ministère public commencerait, ils pussent être préparés à le recevoir. VJC 41 1 Les rabbins virent avec étonnement la maturité de jugement, la sagesse, la pénétration et le raisonnement serré du jeune étranger. Ils savaient qu'il n'avait pas été instruit dans les écoles des prophètes, et pourtant, quoiqu'ils eussent consacré leur vie à l'étude, son intelligence des prophéties était bien supérieure à la leur. Ils étaient non seulement étonnés, mais charmés, et ils se sentaient pris d'affection pour lui. Ils reconnurent que ce jeune Galiléen avait des capacités extraordinaires, et ils désirèrent l'avoir pour élève, afin qu'il pût se préparer à occuper l'honorable place de docteur en Israël. Jamais ces hommes de science n'avaient entendu une explication si claire et si concluante des Écritures se rapportant à l'avénement du Messie si longtemps attendu, du vrai but de sa venue et de la nature de son royaume. VJC 41 2 Quoi de surprenant à ce qu'ils fussent émerveillés de la sagesse solennelle de cet enfant tranquille, qui parlait si naïvement et si humblement des grandes vérités prophétiques! Quoi d'étonnant à ce qu'ils se sentissent plus émus qu'ils n'avaient pu l'être jamais par une éloquence oratoire recherchée et étudiée! Quoiqu'ils ne le discernassent pas eux-mêmes, l'enfant qui était assis à leurs pieds était le divin interprète des prophéties. VJC 41 3 Dieu cherchait à éclairer ces chefs d'Israël. Il employait les seuls moyens par lesquels la vérité pût les frapper. Dans leur orgueil, ils n'auraient point voulu admettre qu'ils pussent recevoir de l'instruction de qui que ce fût, quelque grand et quelque sage que pût être celui qui les aurait enseignés. Ils se regardaient comme les commentateurs attitrés des prophéties. Si l'idée leur était venue que Jésus cherchait à les instruire, ils auraient dédaigné de prêter attention à ses paroles. Mais ils s'imaginaient qu'ils l'enseignaient, lorsqu'en réalité c'était eux qui étaient les auditeurs et qui recevaient de l'instruction. La modestie juvénile et la grâce de Jésus désarmaient leurs préjugés. Ils ouvraient d'une manière inconsciente leurs esprits aux témoignages des Écritures. La puissance de la vérité convainquait leur entendement. Mais ce n'est pas tout. Une puissance divine accompagnait les paroles de Christ. L'esprit de Dieu imprimait la vérité dans leurs coeurs. VJC 42 1 Ils étaient convaincus que ce qu'ils croyaient concernant la manière et le but de la venue du Messie, n'était point d'accord avec la prophétie; mais leur conviction ne fit pas naître la foi en eux. Ils ne voulaient pas renoncer aux théories qui avaient flatté leur ambition et qui les avaient poussés à leurs orgueilleuses vanteries concernant les richesses et la gloire du roi qu'ils attendaient. Ils ne voulaient point admettre qu'ils eussent mal compris les Écritures qu'ils prétendaient enseigner. La vérité ne s'accordait point avec leurs aspirations. Les rabbins se demandaient les uns aux autres: Comment ce jeune garçon a-t-il cette grande connaissance, n'ayant jamais étudié? L'orgueil et la manie qu'ils avaient de se vanter leur firent rejeter la lumière divine. VJC 42 2 Les parents de Jésus regardaient leur fils avec surprise. En le voyant sain et sauf, ils étaient remplis de joie, et se trouvaient grandement flattés de l'honneur qu'on lui témoignait. Mais Marie ne pouvait oublier le chagrin et l'anxiété qu'elle avait éprouvés à son égard, et lorsqu'elle apprit qu'il n'avait point été retenu contre sa volonté, et qu'il s'était absorbé dans l'entretien qu'il avait avec les dignitaires d'Israël au point d'oublier, pensait-elle, ses devoirs envers ses parents, elle lui dit d'un ton moitié réprobateur: "Mon enfant, pourquoi as-tu ainsi agi avec nous? Voici ton père et moi qui te cherchions, étant fort en peine." Jésus répondit avec douceur: "Pourquoi me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas qu'il me faut être occupé aux affaires de mon Père?" VJC 42 3 Il y avait dans ces paroles prononcées innocemment et ingénument un reproche indirect à ses parents. Il leur rappelle modestement que s'ils avaient été soucieux de leur devoir, ils n'auraient pas eu l'ennui de chercher après lui. Mais tandis qu'ils négligeaient le devoir que son Père leur avait spécialement confié, à savoir de veiller sur lui, il était occupé des choses pour l'accomplissement desquelles il descendait spécialement du ciel. VJC 43 1 Joseph et Marie avaient été tout spécialement honorés de Dieu en ce que la charge de son Fils leur avait été confiée. Des anges avaient annoncé sa naissance aux bergers de Bethléhem, et des mages d'Orient étaient venus lui rendre honneur. Dieu avait donné des directions à Joseph, afin de préserver la vie de l'enfant Jésus. Mais les parents de Christ, à leur retour de Jérusalem avec la foule, s'étaient tellement oubliés à causer et à rendre visite à leurs amis, qu'ils avaient négligé celui qui leur avait été divinement confié. Eux qui n'auraient pas dû l'oublier un seul moment, ils furent tout un jour sans penser à lui. Lorsqu'ils furent délivrés de leurs craintes en trouvant Jésus, ils ne sentirent, ni ne reconnurent qu'ils avaient négligé leur devoir, mais jetèrent le blâme sur lui. Jésus le rejeta doucement, mais fermement sur eux-mêmes. VJC 43 2 C'est ici que Jésus fit connaître pour la première fois la vraie relation qui existait entre lui et Dieu. Les paroles qu'il adresse à Marie montrent que, même dans son enfance, il n'ignora point la mission qu'il était venu remplir sur la terre. Quoique ses parents ne pussent alors comprendre parfaitement ces paroles, Marie en saisit dans une grande mesure l'importance. Elle savait que Jésus ne faisait point allusion à son père terrestre, mais à Jéhovah, et elle garda ces paroles dans sa mémoire afin d'y réfléchir à l'avenir; elle prit à coeur la leçon que ces paroles renfermaient et en fit son profit. VJC 43 3 Il était si naturel pour les parents de Christ de le regarder comme leur propre enfant, ainsi que les parents regardent communément leurs enfants, qu'ils étaient en danger de perdre les précieuses bénédictions qu'ils pouvaient retirer de la présence du Rédempteur du monde. Comme il était journellement avec eux et que sa vie, à bien des égards, était comme celle des autres enfants, il leur était difficile de se rappeler constamment sa mission sacrée et la bénédiction quotidienne dont ils jouissaient d'avoir à leur charge et sous leurs soins paternels le Fils de Dieu, dont la divinité était voilée par son humanité. En s'attardant à Jérusalem, Jésus voulait leur rappeler avec douceur leur devoir, de crainte qu'ils ne devinssent encore plus indifférents et ne perdissent le sentiment profond de la faveur que Dieu leur avait accordée. VJC 44 1 La Pâque avait été instituée afin que les Hébreux se souvinssent qu'ils avaient été tirés miraculeusement d'Egypte. Cette ordonnance avait pour but de détourner leurs esprits des intérêts de ce monde, de leur faire mettre de côté les soins et les inquiétudes des affaires temporelles, et de leur faire considérer les oeuvres de Dieu. Ils devaient se rappeler ses miracles, sa miséricorde et sa tendre bonté à leur égard, de manière que son amour et son respect augmentassent dans leur coeurs. Cela devait les porter à regarder sans cesse à lui, à se confier en lui dans toutes leurs épreuves, plutôt que de se tourner vers d'autres dieux. VJC 44 2 L'observance de la Pâque avait pour le Fils de Dieu un intérêt douloureux. Il voyait dans l'agneau immolé un symbole de sa propre mort. On avait appris à ceux qui célébraient cette ordonnance à associer le sacrifice de l'agneau avec la mort future de Christ. Le sang qui devait marquer le linteau des portes de leurs maisons était un symbole du sang de Christ dont l'efficacité devait purifier le croyant de tout péché et le mettre à l'abri de la colère de Dieu qui doit fondre sur un monde impénitent et incrédule, comme elle tomba sur les Egyptiens. Mais les hommes ne pouvaient profiter du sacrifice de Christ, à moins d'accomplir ce que le Seigneur leur avait laissé à faire. Ils avaient eux aussi une part d'action, qui était de manifester leur foi en la provision faite pour leur salut. VJC 44 3 Des milliers venaient de très loin pour célébrer la Pâque; et Jésus, qui connaissait ce qui se passait dans tous les coeurs, savait que lorsque la foule s'en irait de Jérusalem, les gens se rechercheraient les uns les autres pour s'entretenir ensemble, ce qui ne serait pas toujours assaisonné d'humilité et de grâce, et que le Messie et sa mission seraient presque oubliés. Il eût préféré voir ses parents retourner seuls, sachant qu'ils auraient plus de temps pour méditer sur les prophéties qui se rapportaient à ses souffrances et à sa mort prochaines. Marie devait être témoin des événements douloureux qui devaient accompagner le sacrifice de sa vie pour les péchés du monde, et Jésus eût désiré qu'ils ne fussent point imprévus pour sa mère. Au retour de Jérusalem, après la Pâque, il fut séparé d'eux et ils le cherchèrent trois jours, étant en grande peine. Lorsqu'il devait être crucifié pour les péchés du monde, ils devaient en être séparés et devaient le perdre pour trois jours. Mais après cela, il devait se révéler à eux, et leur foi s'attacherait à lui, comme au Rédempteur de la race humaine, comme à celui qui plaiderait pour eux auprès du Père. VJC 45 1 Il y a ici une instructive leçon pour tous les disciples de Christ. Il ne veut pas qu'aucune de ces leçons soit perdue; elles ont été rapportées pour le bien des générations futures. Pour un jour de négligence, Joseph et Marie perdirent la compagnie de Jésus; mais cela leur coûta trois jours de pénibles recherches. Il en est de même des chrétiens: s'ils deviennent insouciants, s'ils négligent de veiller et de prier, ils peuvent, en un jour, perdre Christ et cela peut coûter bien des jours de recherches pénibles pour le trouver et recouvrer cette paix du coeur que l'on avait perdue dans de vaines causeries, dans la plaisanterie, dans la médisance et la négligence de la prière. VJC 45 2 Lorsque les chrétiens se réunissent, ils doivent prendre garde à leurs paroles et à leurs actions, de crainte d'oublier Jésus et de continuer leur chemin sans prendre garde qu'il n'est point au milieu d'eux. VJC 45 3 Lorsque les hommes sont insouciants de la présence du Sauveur, et que, dans leur conversation, ils ne parlent jamais de Celui qu'ils professent de regarder comme le centre de leurs espérances pour la vie éternelle, Jésus évite leur société, ainsi que les anges, qui exécutent ses commandements. Ces êtres purs et saints ne peuvent demeurer où la présence de Jésus n'est point désirée ou encouragée, et où son absence n'est point remarquée. Ils ne sont point attirés vers les foules dont les esprits sont détournés des choses du ciel. C'est pour cette raison que de grands chagrins, que la douleur et le découragement existent parmi ceux qui professent d'être les disciples de Christ. En négligeant la méditation, les veilles et la prière, ils perdent tout ce qu'il y a de plus précieux. Les divins rayons de lumière qui émanent de Jésus ne les; pénètrent pas de cette joie sainte qui accompagne leur influence. Ils sont enveloppés de tristesse parce que leur esprit négligent et irrévérencieux a éloigné Jésus de leur société ainsi que le secours des saints anges. VJC 46 1 Il en est beaucoup qui assistent à des services religieux, qui sont instruits par les serviteurs de Dieu, qui reçoivent des instructions des ministres de Dieu, qui se sentent grandement fortifiés et bénis, et qui pourtant -- parce qu'ils ne sentent pas la nécessité de veiller et de prier en retournant chez eux -- rentrent dans leurs maisons sans être meilleurs que lorsqu'ils en sont sortis. Sentant ce qui leur manque, ils sont souvent enclins à se plaindre des autres ou à murmurer contre Dieu, mais ils ne se reprochent pas d'être la cause de leur propre chagrin et du malaise de leurs esprits. Ils ne devraient point penser aux autres. La faute est en eux-mêmes. Ils causent, plaisantent et passent leur temps en entretiens frivoles jusqu'à ce qu'ils aient éloigné leur hôte céleste; ils ne peuvent en blâmer qu'euxmêmes. Chacun a le privilége de retenir Jésus auprès de soi. Ceux qui le font, doivent avoir des paroles choisies et assaisonnées de grâce. Ils doivent habituer leurs pensées à s'occuper des choses du ciel. VJC 46 2 De Jérusalem, Jésus descendit avec ses parents à Nazareth "et il leur était soumis". Sa première visite au temple lui avait inspiré une nouvelle impulsion, et il était si profondément impressionné des rapports qui l'unissaient à Dieu qu'il oublia un moment tous les biens terrestres. Mais il ne méconnut point l'autorité de ses parents. A leur requête, il retourna à la maison avec eux et leur aida dans leur travail de chaque jour. Il ensevelit dans son propre coeur le secret de sa future mission, attendant avec soumission jusqu'au moment où il devait commencer son ministère public et où il annoncerait au monde qu'il était le Messie. Durant les dix-huit années qui suivirent le moment où il reconnut qu'il était le Fils de Dieu, il se soumit à ses parents et vécut de la vie simple et ordinaire d'un paysan de Galilée, travaillant avec son père de l'état de charpentier. VJC 47 1 Malgré la mission sacrée de Jésus et ses rapports élevés avec Dieu, rapports dont il était parfaitement instruit, il ne voulut point se mettre au-dessus des devoirs pratiques de la vie. Il était le Créateur du monde; pourtant il reconnut ses obligations envers ses parents terrestres, et accomplit avec une respectueuse courtoisie ses devoirs de fils, de frère, d'ami et de citoyen. Au ciel, il avait été le chef suprême auquel les anges se soumettaient avec amour. A Nazareth, il fut un serviteur docile, un fils aimant et obéissant. Beaucoup de gens considèrent avec un intérêt spécial les miracles de notre Sauveur pendant son ministère, tandis qu'ils ne prêtent aucune attention à la piété sans exemple de sa première jeunesse. Mais le fait est qu'il fut sans défaut dans sa vie de famille; et c'est ce qui fait de lui un parfait modèle pour tous les enfants et les jeunes gens. Lorsqu'il servait ses parents dans l'humble demeure de Nazareth, il n'était pas moins le Fils de Dieu que lorsqu'il guérissait les malades ou ressuscitait les morts en la présence de la multitude. VJC 47 2 La vie de Christ assure une éternelle bénédiction à ceux qui se soumettent joyeusement à la discipline des parents, et qui s'adonnent à une activité tant physique que mentale. Elle démontre à tous qu'une telle vie est favorable à la formation d'un bon caractère moral; qu'elle fortifie la résolution, affermit les principes, et qu'elle favorise les connaissances et le développement de l'intelligence. ------------------------Chapitre 4 -- Jean-Baptiste VJC 48 1 Au temps de la naissance de Jean, les Juifs étaient dans une condition déplorable. Dans le but de calmer l'esprit de révolte, il leur fut permis de conserver une espèce de gouvernement séparé; mais ils voyaient parfaitement que leur puissance et leur liberté étaient restreintes et qu'ils se trouvaient en réalité sous le joug des Romains. Les Romains prétendaient au droit de nommer à la sacrificature les hommes qui leur plaisaient et de les révoquer à volonté. C'était une porte par laquelle la sacrificature pouvait se corrompre. Des sacrificateurs qui n'étaient point divinement établis abusaient de leur charge et étaient infidèles à remplir les devoirs de leur sacerdoce. Par le moyen de l'argent et de l'influence, des hommes d'une moralité dépravée obtenaient la faveur de ceux qui étaient au pouvoir, et parvenaient ainsi à la sacrificature. Tout le pays était sous le poids de leur oppression, et il en résultait des révoltes et des dissensions. Dieu ne pouvait point manifester sa gloire et sa puissance à Israël par une sacrificature aussi corrompue. En conséquence de leur éloignement du Seigneur, les Juifs avaient vu leur foi s'obscurcir. Plusieurs des principaux introduisirent leurs propres traditions et les donnèrent au peuple comme des commandements de Dieu. Mais le temps déterminé était venu où Dieu allait favoriser son peuple. Les Juifs pieux attendaient dans un esprit d'ardentes prières la venue du Messie. Ils avaient cette confiance que Dieu n'abandonnerait point son peuple dans cette condition, pour être en opprobre parmi les gentils. Dans les temps passés, lorsqu'ils avaient crié à lui dans leur ardente détresse, il leur avait suscité un libérateur. Ils virent, par les prédictions des prophètes, qu'ils étaient arrivés au temps que Dieu avait fixé pour la venue du Messie; que lorsqu'il viendrait ils auraient une révélation positive de la volonté divine; et que leur dogme serait débarrassé des traditions et des cérémonies inutiles qui avaient obscurci leur foi. Les Juifs pieux et âgés attendaient jour et nuit l'apparition du Messie qui devait venir, priant qu'il leur fut donné de le voir avant de mourir. Il leur tardait de voir ce nuage d'ignorance et de bigoterie se dissiper de l'esprit du peuple. VJC 49 1 De ce nombre étaient Zacharie et Elisabeth, "tous deux justes devant Dieu, et ils suivaient tous les commandements et toutes les ordonnances du Seigneur, d'une manière irrépréhensible." Zacharie exerçait les saintes fonctions du sacerdoce. "Or, il arriva que Zacharie, faisant les fonctions de sacrificateur devant Dieu, dans le rang de sa famille, il lui échut par sort, selon la coutume établie parmi les sacrificateurs, d'entrer dans le temple du Seigneur, pour y offrir des parfums."1 VJC 49 2 Dans l'offrande journalière de l'encens, il y avait toujours deux sacrificateurs qui officiaient. L'un d'eux portant l'encens, l'autre un vase de charbons qu'il répandait sur l'autel des parfums dans le lieu saint. Le premier sacrificateur parsemait ensuite l'encens sur les charbons brûlants. On regardait cela comme un office particulièrement sacré et honorable, le sacrificateur étant ainsi amené plus directement en présence de Dieu que dans aucun autre acte de son sacerdoce journalier. Il n'était permis à personne de faire ce service une seconde fois, le sacrificateur étant choisi chaque jour parmi ceux qui n'avaient pas encore officié. VJC 49 3 Le moment d'offrir l'encens matin et soir, était d'un intérêt particulier pour le peuple qui était venu dans la cour du temple pour adorer Dieu. Avant de se placer en la présence de Dieu par le sacerdoce du sacrificateur officiant, ils devaient sincèrement sonder leurs coeurs et faire la confession de leurs péchés. Puis ils devaient prier silencieusement en tournant leur visage du côté du lieu saint, et leur prière montait ainsi avec la fumée de l'encens. VJC 49 4 Tandis que les sacrificateurs entraient matin et soir dans le lieu saint où se trouvait le chandelier à sept branches, brûlant jour et nuit, -- souvenir constant de celui qui, enveloppé de la colonne de feu, avait été le protecteur d'Israël, -- le sacrifice journalier était prêt à être offert sur l'autel des sacrifices dans le parvis extérieur. C'est ainsi que le sacrifice expiatoire, les nuées odoriférantes de l'encens et les prières des adorateurs assemblés, s'unissaient dans l'esprit de tout Israël. Les heures fixées pour ces offrandes, connues sous le nom de sacrifice du matin et sacrifice du soir, étaient regardées comme sacrées, et elles en vinrent à être considérées comme le temps fixé pour la prière du matin et pour la prière du soir dans toute la nation juive. Tandis que le sacrificateur se tenait devant l'autel des parfums, et qu'en dehors la fumée de l'autel des holocaustes montait, les prières offertes par les fidèles assemblés dans les cours du temple se répétaient à travers le monde entier, partout où il y avait quelque Juif pieux. VJC 50 1 Les chrétiens ont dans cette coutume un exemple pour le culte du soir et du matin. Dieu aime l'ordre. Tandis qu'il condamne un culte qui ne consiste qu'en cérémonies, d'où l'esprit est absent, il prend plaisir à abaisser ses regards sur ceux qui l'aiment et le craignent, et qui, sur toute la terre, s'inclinent devant lui matin et soir, recherchant le pardon de leurs péchés commis, et présentant leurs requêtes pour obtenir les grâces dont ils ont besoin. VJC 50 2 Il était échu par sort à Zacharie d'offrir l'encens journalier. Dans ses vêtements blancs du sacerdoce, il officiait dans le lieu saint afin que la fumée de l'encens avec les prières des saints montât devant Dieu, préparant la voie à la fumée du sacrifice de l'autel des holocaustes. VJC 50 3 Dans ce lieu sacré, qui n'était séparé que par un voile du lieu très saint, où Dieu avait manifesté sa présence auguste, Zacharie était ému au sentiment de la solennité et de l'importance de son office. VJC 50 4 Au son de la cloche qui annonçait que le sacrifice allait être placé sur l'autel des holocaustes, tous les sacrificateurs et les lévites se rendirent à leurs places marquées dans les cours du temple. Zacharie et son compagnon commencèrent les devoirs de leur charge. Les charbons furent posés sur l'autel, l'assistant du sacrificateur se retira. Zacharie se trouve seul en présence des lampes toujours allumées et de l'autel embrasé. Il répand l'encens sur les flammes, et une odeur suave s'élève en nuage, tandis que les prières d'Israël montant à Dieu de toutes les parties de la terre. Comme intercesseur choisi pour son peuple, il unit ses supplications à celles des fidèles. Il confesse ses propres péchés, les péchés de sa famille et les péchés de sa nation, et prie que Dieu veuille accepter le sacrifice d'expiation de l'agneau qui allait être offert. VJC 51 1 Zacharie attendait depuis longtemps la consolation d'Israël. Il comprenait par les prophéties que le temps de la venue du Messie était proche. Il déplorait la triste condition dans laquelle se trouvait son peuple dégénéré, dispersé çà et là à cause de leur éloignement de Dieu, et le retrait de ses soins protecteurs; et il demandait ardemment la venue du Rédempteur si longtemps attendue. VJC 51 2 Pendant que ses prières montaient au ciel, un ange du Seigneur lui apparut, se tenant debout au côté droit de l'autel des parfums, position qui signifiait que l'Eternel était favorable à son peuple. Zacharie fut saisi de frayeur. Le messager céleste lui apparaissait en réponse à ses prières; pourtant, la miséricorde et la condescendance de Dieu lui semblaient trop grandes pour pouvoir y croire. Cette âme consciencieuse interprétait cette apparition comme une marque du déplaisir de Dieu à cause de ses péchés, et craignait que le messager de Dieu ne fût venu avec des paroles de reproche et de condamnation. Mais l'ange l'accueille par cette joyeuse assurance: "Zacharie, ne crains point; car ta prière est exaucée, et Elisabeth ta femme t'enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jean. Il sera pour toi un sujet de joie et de ravissement, et plusieurs se réjouiront de sa naissance. Car il sera grand devant le Seigneur; il ne boira ni vin ni cervoise, et il sera rempli du Saint-Esprit. Il convertira plusieurs des enfants d'Israël à leur Dieu; il marchera devant lui dans l'esprit et dans la vertu d'Elie, pour tourner les coeurs des pères vers les enfants, et les rebelles à la sagesse des justes, afin de préparer au Seigneur un peuple bien disposé. Et Zacharie dit à l'ange: A quoi connaîtrai-je cela? car je suis vieux, et ma femme est avancée en âge." VJC 52 1 Le coeur est lent à accepter d'être soulagé d'un chagrin et de déceptions que l'on a longtemps endurés. La foi est lente à saisir les promesses de Dieu et à s'en réjouir. Zacharie pouvait croire le message concernant la naissance du Messie; mais la prédiction qu'un fils lui naîtrait lui semblait d'un accomplissement impossible. C'était contraire aux lois de la nature. Il témoigna d'un manque de foi quand il exprima son incrédulité et le désir qu'il avait d'obtenir un signe. Il ne pense pas pour le moment à la puissance illimitée de Dieu, et oublie que celui qui a établi les lois de la nature peut agir indépendamment de ces lois et qu'il l'a fait pour son peuple dans maintes occasions aux temps passés. VJC 52 2 Zacharie reçut une confirmation du message de l'ange: "Je suis Gabriel qui assiste devant Dieu, et j'ai été envoyé pour te parler et t'annoncer ces bonnes nouvelles. Et voici, tu vas devenir muet; et tu ne pourras parler jusqu'au jour où ces choses arriveront, parce que tu n'as pas cru à mes paroles qui s'accompliront en leur temps." Il ne tarda pas à vérifier la vérité de la promesse divine. A peine l'ange était-il parti que le sacrificateur avancé en âge fut frappé de mutisme. Lorsqu'il essaya de prier, il ne put prononcer un mot. VJC 52 3 Le peuple attendit longtemps de le voir paraître afin de voir si Dieu lui avait donné quelque signe visible de son approbation. En le voyant tarder si longtemps, on craignit bientôt que l'Eternel n'eût manifesté son déplaisir; mais lorsque Zacharie sortit du temple, son visage resplendissait de la lumière que l'ange avait réfléchie sur lui. Il ne put parler au peuple, mais il fit signe qu'un ange lui était apparu dans le temple et qu'à cause de son incrédulité, il serait privé de la parole jusqu'à ce que la prédiction de l'ange fût accomplie. VJC 52 4 Peu après la naissance de Jean, "la bouche de Zacharie s'ouvrit, sa langue fut déliée et il parlait en bénissant Dieu. Et tous leurs voisins furent remplis de crainte; et toutes ces choses se divulguèrent par tout le pays des montagnes de Judée. Et tous ceux qui les entendirent les conservaient dans leur coeur, et ils disaient: Que sera-ce de ce petit enfant? Et la main du Seigneur était avec lui. Alors Zacharie, son père, fut rempli du Saint-Esprit, et il prophétisa." "Et le petit enfant croissait, et se fortifiait en esprit, et il demeura dans les déserts jusqu'au jour qu'il devait être manifesté à Israël." L'ange Gabriel avait recommandé à Zacharie de former son enfant dans des habitudes de stricte tempérance. Il devait être qualifié pour remplir l'importante mission de préparer un peuple au Seigneur. Afin d'accomplir cette oeuvre sacrée, ses efforts devaient être accompagnés du secours de Dieu, et l'Esprit du Seigneur devait agir par son moyen s'il obéissait fidèlement aux recommandations de l'ange. Il devait avoir également une forte constitution physique et posséder la force mentale et morale; or pour acquérir ces qualités essentielles, il devait être maître de ses goûts et de ses penchants. VJC 53 1 Jean devait paraître comme un réformateur, et, par sa vie frugale et ses vêtements simples, il devait réprimer les habitudes d'intempérance et les extravagances du peuple. La gourmandise et les repas luxueux, ainsi que l'usage du vin, affaiblissent la force physique ainsi que l'intelligence, de sorte que les crimes, les plus grands péchés, ne paraissent point coupables. C'est pourquoi l'ange donna des directions spéciales aux parents de Jean à l'égard de ces coutumes. Nous avons ici une leçon de tempérance donnée par un des anges les plus élevés auprès du trône de Dieu. VJC 53 2 Jean devait réformer les enfants d'Israël et les amener au Seigneur; c'est pourquoi il avait la promesse que Dieu serait avec lui. Il devait "tourner les coeurs des pères envers leurs enfants, et les rebelles à la sagesse, afin de préparer un peuple bien disposé." Jean était une image du peuple de Dieu dans les derniers jours, peuple auquel ont été commises de grandes et solennelles vérités. VJC 53 3 Le monde en général est adonné à la gloutonnerie et aux passions déréglées. En ce moment, la lumière divine luit sur le peuple de Dieu, afin qu'ils reconnaissent la nécessité de maintenir leurs goûts et leurs passions sous l'influence des puissances supérieures de l'intelligence. Cela est nécessaire afin qu'ils puissent posséder assez de force et de clarté mentale pour discerner l'harmonie sacrée des vérités bibliques et se détourner des erreurs enchanteresses et des fables amusantes qui remplissent le monde. Ils ont à présenter au peuple les pures vérités de la Bible. C'est pourquoi la tempérance trouve sa place dans l'oeuvre de préparation à la seconde apparition de Christ. VJC 54 1 Les parents de Jean le consacrèrent solennellement à Dieu dès sa naissance. Il se sépara lui-même de ses amis et de sa parenté, et fit du désert son lieu d'habitation. Il renonça librement aux conforts ordinaires de la vie. Sa nourriture était des plus simples, et son vêtement un habit de poil de chameau fixé autour de ses reins par une ceinture de cuir. VJC 54 2 Quoique Jean passât sa vie dans le désert, il n'était point inactif. Sa séparation de la société ne le rendait pas sombre et morose, et il n'était pas non plus mécontent de sa vie d'isolement, de peines et de privations. C'était de son libre choix qu'il s'était éloigné des luxes de la vie et d'une société dépravée. Le peuple paraissait s'être livré au pouvoir de l'orgueil, de l'envie, de la jalousie et des passions corrompues. Jean était écarté de leur influence, et c'est avec un discernement merveilleux qu'il lisait le caractère des gens. Il sortait parfois de sa tranquille retraite du désert pour se mêler à la société, mais il ne s'arrêtait jamais longtemps dans l'atmosphère morale corrompue qui paraissait y régner. Il craignait que ses yeux et ses oreilles ne pervertissent son intelligence au point de perdre le sentiment de la culpabilité du péché. VJC 54 3 Dieu ne veut point que ses disciples se familiarisent avec le mal, de peur qu'il n'y deviennent indifférents. Il désire qu'ils distinguent le péché avec une extrême sensibilité et qu'ils le regardent toujours avec horreur. Plus nous sommes en communion avec Dieu, et plus nous réfléchissons à son caractère et à ses oeuvres merveilleuses, plus le péché nous paraîtra horrible. VJC 54 4 Jean savait qu'il avait une grande oeuvre à accomplir, et qu'il devait former un caractère que ne devaient point ébranler les influences extérieures. Il devait posséder un esprit saint dans un corps saint; il devait posséder la fermeté nécessaire afin que lorsqu'il paraîtrait dans la société, il pût pousser les hommes à donner une nouvelle direction à leurs pensées, et réveiller en eux la nécessité de former un caractère droit. Il désirait amener ses auditeurs à l'imitation des perfections divines. Il étudiait les différences de caractères afin de savoir comment adapter ses instructions à chaque individu en particulier. Il ne se sentait pas assez fort pour résister au courant de tentations contre lequel il aurait à lutter dans la société. Il craignait que son caractère ne fût modelé par les coutumes qui prévalaient parmi les Juifs. Dans le désert, il pouvait plus facilement renoncer à lui-même, dominer ses goûts, et se vêtir avec simplicité. Il n'y avait rien dans le désert pour distraire son esprit de la méditation et de la prière. Or, même après avoir fermé toutes les portes par lesquelles Satan pouvait entrer, il était encore possible à ce dernier d'avoir accès auprès de lui. Mais ses habitudes étaient si pures et si naturelles, qu'il pouvait discerner l'ennemi, et qu'il possédait assez de force spirituelle et de décision de caractère pour lui résister. VJC 55 1 Jean voulut se former à l'école du désert. Là s'ouvrait devant lui le grand livre de Dieu -- le livre de la nature avec son fonds inépuisable de trésors variés. A cette étude, son esprit se disciplinait. Comme il contemplait journellement les oeuvres de la création, il acquérait des conceptions plus vives de la sagesse, de la justice et de la bonté du Créateur. Là il pouvait également s'habituer aux enseignements des patriarches et des prophètes, et prendre connaissance du caractère et des lois de Dieu dans le livre des révélations. Comme il recherchait la faveur de Dieu, le Saint-Esprit reposait sur lui, et allumait dans son coeur ce zèle ardent avec lequel il devait appeler le peuple à la repentance et à la sanctification de la vie. Les peines et les privations de sa vie retirée devaient le rendre propre à maîtriser ses facultés physiques et mentales, de manière qu'il pût se présenter au peuple aussi inébranlable au milieu de toutes les circonstances qui l'entouraient, que les rochers des montagnes et des déserts de sa patrie. VJC 55 2 Lorsque Jean commença son ministère, les affaires publiques étaient dans un état de désarroi. Au milieu de la discorde et de l'insurrection, la voix du prophète s'éleva comme le son d'une trompette retentissante venant du désert. Il fit tressaillir avec une étrange puissance les coeurs de tous ceux qui l'entendaient. Jean, prévoyant dans l'avenir le ministère et les miracles de Christ, adressa ses appels au peuple en disant: "Amendez-vous, car le royaume des cieux est proche."1 Avec l'esprit et la vertu d'Elie, il dénonçait les corruptions des Juifs, et censurait leurs péchés dominants. Une multitude de gens répondaient à sa voix et se rendaient au désert. Ils voyaient dans l'étrange figure, dans le vêtement de ce prophète quelque ressemblance avec la description que l'on faisait des anciens voyants, et le bruit courait que c'était l'un des prophètes qui était ressuscité des morts. VJC 56 1 Le but de Jean était de faire comprendre à ses auditeurs dans quel état de péché ils étaient tombés, afin qu'ils en frémissent et s'en effrayassent. Ses discours étaient simples mais convaincants, et visaient directement au but. Il ne flattait personne, comme il n'aurait accepté de flatterie de qui que ce fût. Ses travaux étaient accompagnés de puissance, et quoique le peuple eût de la répugnance à s'entendre accuser d'impiété, il ne pouvait résister à ses paroles. VJC 56 2 Des gouverneurs et même des princes venaient au désert pour entendre le prophète; ils l'écoutaient avec intérêt, et se sentaient condamnés en entendant l'homme de Dieu leur exposer sans crainte leurs péchés particuliers. Son discernement des caractères et sa connaissance profonde du coeur humain lisaient les desseins des coeurs de ceux qui allaient à lui, et il déclarait hardiment aux riches et aux pauvres, aux grands et aux petits, que, quoiqu'ils prétendissent être justes, sans la repentance et une complète conversion, ils ne pourraient jouir de la faveur de Dieu, et avoir une place dans le royaume du Messie dont il annonçait la venue. VJC 56 3 A la voix de Jean, toute la nation juive sembla s'émouvoir. Les menaces de Dieu à cause de leurs péchés, répétées par le prophète, répandirent pendant un temps l'alarme parmi eux. Des personnes de toutes les classes, grands et petits, riches et pauvres, se soumirent à ce que le prophète demandait d'eux comme leur étant nécessaire, s'ils voulaient participer au royaume qu'il venait annoncer. Le peuple, comme doeun commun accord, venait à lui, se repentant et confessant ses péchés; et comme signe de leur repentance, un grand nombre furent baptisés dans le Jourdain. C'était l'oeuvre préparatoire pour le ministère de Christ. Un grand? nombre furent convaincus par les vérités que le fidèle prophète leur exposait si clairement; mais en rejetant la lumière qu'ils avaient reçue, ils se virent enveloppés de ténèbres plus épaisses encore, de sorte qu'ils furent tout prêts à se détourner des signes par lesquels ils auraient pu reconnaître que Jésus était le Messie. VJC 57 1 Un grand nombre de scribes et de pharisiens vinrent à Jean, confessèrent leurs péchés et furent baptisés. Le prophète fut effrayé, lorsqu'ils révélèrent le secret de leur conduite; car ils s'étaient vantés d'être meilleurs que tous les autres, et ils avaient tout fait pour que le peuple conçut une haute opinion de leur piété. Le Saint-Esprit avait convaincu l'homme de Dieu qu'un grand nombre de pharisiens et de sadducéens qui demandaient d'être baptisés n'étaient pas véritablement convaincus de péché. Ils agissaient par des principes égoïstes, pensant que s'ils devenaient amis du prophète, ils auraient plus de chance d'être personnellement favorisés par le prince qui allait paraître. Lorsque Jean vit que beaucoup d'entre eux venaient à son baptême, il leur dit: "Race de vipères! qui vous a appris à fuir la colère à venir? Faites donc des fruits convenables à la repentance, et ne dites point en vous-mêmes: Nous avons Abraham pour père; car je vous dis que Dieu peut faire naître de ces pierres mêmes des enfants à Abraham." Les Juifs s'étaient trompés en interprétant faussement les paroles que le Seigneur leur avait adressées par ses prophètes, déclarant son éternelle faveur à Israël. Ils s'étaient appliqué ces promesses à eux-mêmes, et avaient caressé l'idée que parce qu'ils étaient de la semence d'Abraham ils étaient sûrs de la faveur de Dieu. Mais Jean leur déclare qu'ils n'avaient point rempli les conditions de l'alliance qui les autorisait à se regarder comme enfants d'Abraham et héritiers de la promesse faite au père des fidèles. Leur orgueil, leur arrogance, leur jalousie, leur égoïsme et leur cruauté les faisaient ressembler à une race de vipères, plutôt qu'à des enfants du juste et obéissant Abraham. A plusieurs égards, leur conduite était pire que celle des païens auxquels ils se croyaient si supérieurs. Ils n'avaient aucun droit de se réclamer d'Abraham et de s'attribuer les promesses que Dieu lui avait faites. VJC 58 1 Jean leur avait déclaré pleinement que Dieu ne dépendait point d'eux pour accomplir ses desseins. Son oeuvre devait s'accomplir dans la pureté et dans la justice, et il pouvait susciter parmi les pierres mêmes des hommes qui feraient sa volonté et pour lesquels il pourrait accomplir ses promesses. VJC 58 2 Jean continuait en ces termes: "Or, la cognée est déjà mise à la racine des arbres. Tout arbre donc qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu." Il voulait leur faire comprendre que la valeur d'un arbre se détermine par ses fruits. Si un arbre ne porte pas de fruit, ou si son fruit est mauvais, il importe peu que l'arbre porte un nom flatteur, il sera détruit. VJC 58 3 Tandis que les Juifs prétendaient aux bénédictions que Dieu avait promises à ceux qui lui obéissaient, ils souffraient en ce moment même de la malédiction dont Dieu les avait menacés à cause de leur désobéissance. Pourtant, comme nation, ils ne se repentirent point de leurs péchés et n'affligèrent point leurs âmes devant lui. Parce que le Seigneur leur avait autrefois accordé de si grandes grâces et de si grandes faveurs, ils se flattaient que malgré leurs péchés et leurs iniquités, Dieu les considérerait encore comme son peuple de prédilection et répandrait sur eux des bénédictions spéciales. Cela a été le danger du peuple de Dieu dans tous les âges, et c'est le danger spécial de ceux qui vivent près de la fin des temps. L'apôtre nous cite l'incrédulité, l'aveuglement, la révolte et les péchés réitérés des Juifs comme un avertissement. Paul dit que "toutes ces choses leur arrivaient pour servir de figure; et elles sont écrites pour nous instruire; nous qui sommes parvenus aux derniers temps."1 Dieu ne peut faire beaucoup pour les hommes car ils interprètent mal ses bénédictions et en concluent qu'ils sont ainsi favorisés à cause de quelque bien qui serait en eux. VJC 59 1 Jean instruisait ses auditeurs dans la piété pratique. Afin de devenir les sujets du royaume de Christ, ils devaient, par des oeuvres de charité, de miséricorde et de bonté, donner les preuves d'une repentance et d'une foi sincères. La vraie bonté, la droiture, la fidélité devaient spécialement distinguer leur vie de tous les jours; ils devaient être animés d'intentions généreuses, exemptes de tout égoïsme, sans quoi ils n'auraient pas été meilleurs que le commun des pécheurs. Ils ne devaient point employer leurs richesses dans le seul but de satisfaire leur égoïsme. Ils devaient secourir les nécessiteux et présenter à Dieu des offrandes volontaires afin d'avancer les intérêts de sa cause. Ils devaient protéger ceux qui étaient sans défense, défendre les opprimés, et donner un noble exemple de vertu et de compassion à ceux qui étaient d'une position inférieure et dépendante; car à moins de rendre leur vie utile aux autres, leur sort serait comme celui de l'arbre qui ne porte point de fruit. Ces leçons trouvent leur application de nos jours. Les disciples de Christ devraient donner au monde des preuves qu'il y a un changement en bien dans leur vie. Par leurs bonnes oeuvres, ils devraient montrer que l'influence réformatrice du Saint-Esprit agit sur leur coeur. A moins que la justice, la miséricorde et l'amour de Dieu ne distinguent leur vie journalière, leur profession de piété n'a pas plus de valeur que la balle destinée à être brûlée. VJC 59 2 La conduite de Jean était un exemple continuel des vérités qu'il enseignait. Il n'aspirait point aux dignités ou aux honneurs du monde. Sa vie était sans égoïsme. Il se distinguait par son humilité et son renoncement. Ses enseignements, ses exhortations et ses réprimandes étaient ferventes, sincères et courageuses. Dans sa mission, il ne se détournait ni à droite ni à gauche pour rechercher l'approbation de qui que ce fût. Une multitude de gens suivaient de lieu en lieu ce singulier docteur, et un grand nombre sacrifièrent tout pour obéir à ses instructions. Les princes et les grands de la terre furent attirés vers ce prophète de Dieu et l'écoutaient avec plaisir. Un grand nombre même espéraient que ce serait peut-être le Messie promis. Mais lorsque Jean vit que le peuple regardait à lui, il déclara qu'il n'était point le Christ et profita de toutes les occasions pour attirer l'attention sur Celui qui était plus puissant que lui-même. VJC 60 1 Comme prophète, Jean se présente comme un représentant de Dieu indiquant la relation qui existe entre la dispensation mosaïque et la dispensation chrétienne. Dans son ministère, il rappelait la loi et les prophètes, tout en indiquant dans l'avenir le Sauveur promis. Sa mission fut de présenter au peuple "l'agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde." ------------------------Chapitre 5 -- Le baptême de Christ VJC 61 1 Jésus habitait Nazareth de Galilée et Jean-Baptiste demeurait dans les déserts de la Judée. Au milieu de circonstances et d'entourages divers, tous deux avaient vécu dans la retraite, et quoiqu'ils fussent cousins, ils n'avaient point eu de rapports l'un avec l'autre. La providence divine avait disposé des circonstances de leur vie de telle manière que Jean n'eut aucune communication avec Jésus avant le temps où Christ devait paraître comme le Messie. Ainsi, les impies et les incrédules ne pouvaient avoir aucune occasion d'avancer qu'ils s'étaient ligués pour se soutenir l'un l'autre dans leurs prétentions.1 VJC 61 2 Jean connaissait les circonstances de la vie de Christ; il avait également été informé de la première visite de Jésus à Jérusalem, de la sagesse et de l'intelligence qu'il avait montrées dans son entrevue avec les rabbins. Il crut que Jésus était le Messie promis, mais il n'en avait aucune assurance positive. Jésus ayant vécu trente ans d'une vie retirée, ne donnant aucun signe spécial de son caractère messianique, cela suggéra quelques doutes à Jean, qui se demandait s'il était bien celui dont le prophète était venu préparer la voie; mais il attendit pourtant avec foi, persuadé qu'au temps voulu, les choses deviendraient plus claires. Dieu lui avait révélé que le Sauveur serait parmi les candidats qui demanderaient d'être baptisés de ses mains, et qu'un signe lui serait donné par lequel il pût reconnaître l'Agneau de Dieu et le présenter au peuple comme le Messie dès longtemps attendu. VJC 61 3 Jean avait entendu parler de la perfection du caractère de Jésus et du droit auquel il prétendait, d'être le Fils de Dieu. Sa vie était d'accord avec ce que Dieu avait fait connaître à Jean, savoir qu'il y en avait Un parmi eux qui était sans péché. Jean avait vu également qu'il devait être un exemple à tout pécheur repentant. Lorsque Jésus se présenta pour être baptisé, Jean discerna dans la personne de Jésus, dans le port du Sauveur, un caractère supérieur à tout ce qu'il avait jamais vu chez un autre homme. Quoiqu'il ne le connût pas avec certitude comme le Messie, pourtant il se sentit fermement convaincu que c'était celui dont Moïse et les prophètes avaient parlé. L'atmosphère qui l'entourait était sainte et inspirait la crainte. Jamais auparavant, Jean n'avait éprouvé une influence divine comme celle qu'il éprouvait en présence de Jésus. Il reculait devant le devoir de baptiser celui qu'il savait être sans péché. VJC 62 1 Un grand nombre de personnes venaient à Jean en confessant leurs péchés afin de recevoir le baptême de repentance; le prophète ne pouvait pas comprendre pourquoi Jésus, qui ne connaissait pas le péché et n'avait pas besoin de repentance, demandait l'accomplissement d'une ordonnance qui impliquait une culpabilité et par laquelle on confessait virtuellement que l'on était lavé de ses souillures; il présentait ses objections à Christ, lui représentant sa supériorité, et refusait de lui administrer l'ordonnance du baptême, en s'écriant: "C'est moi qui ai besoin d'être baptisé par toi, et tu viens à moi pour être baptisé!" D'un ton de ferme et bienveillante autorité, Jésus écarte le refus de Jean et son prétexte d'indignité, disant: "Ne t'y oppose pas pour le présent; car c'est ainsi qu'il nous convient d'accomplir tout ce qui est juste." Jean céda finalement à la demande de Christ. En présence d'un grand concours de peuple, il descendit avec le Sauveur du monde dans le Jourdain et il l'ensevelit sous ses ondes. VJC 62 2 Christ ne se présenta point pour confesser ses propres péchés, mais comme substitut du pécheur, la culpabilité de l'homme lui étant imputée. Il ne se présenta point au baptême pour se repentir pour son propre compte, mais en faveur du pécheur. L'homme avait transgressé la loi de Dieu. Christ devait accomplir tout ce qu'ordonnait cette loi, et laisser ainsi au pécheur un exemple de parfaite obéissance. "Je viens, ô Dieu, pour faire ta volonté."1 Christ, en se soumettant au rite du baptême, rendait cette ordonnance honorable. Par cet acte, il s'identifiait avec son peuple comme son chef et représentant. Comme substitut, il prenait sur lui leurs péchés, se mettant au nombre des transgresseurs, faisant les démarches que le pécheur est requis de faire, et accomplissant l'oeuvre que le pécheur doit accomplir. La vie de souffrances et de patience qu'il endura après son baptême, est un exemple bien propre à montrer aux pécheurs comment ils doivent supporter patiemment ce qui leur arrive en conséquence de leurs transgressions. VJC 63 1 Lorsque Jésus sortit de l'eau, après son baptême, il s'agenouilla et pria au bord du Jourdain. Une ère nouvelle et importante s'ouvrait devant lui. Ses années de paisible tranquillité étaient arrivées à leur fin. Il avait vécu heureux dans sa vie d'industrie et de travail, tandis qu'il remplissait les devoirs d'un fils, étant en exemple à l'enfance, à la jeunesse et à l'âge mûr. Mais il allait entreprendre de nouveaux et pénibles labeurs. Des luttes, des épreuves, des difficultés, la souffrance et la mort se trouvaient dans le chemin dans lequel il venait d'engager ses pas. Il sentait quelle était l'importance et la solennité de cette heure et le poids de la responsabilité qu'il devait porter. Au moment de commencer son oeuvre, il éprouve le besoin de supplier son Père céleste de lui accorder la force et l'aide qui lui sont nécessaires. VJC 63 2 Comme le Sauveur levait les mains vers le ciel, que sa prière s'élevait à Dieu, son regard semblait pénétrer jusqu'à la demeure du Père. Le sentiment de la culpabilité des hommes et de la dureté de leur coeur l'oppressait, car il savait qu'il n'y en aurait que quelques-uns qui sauraient discerner sa mission miséricordieuse et le salut qu'il venait leur apporter du ciel. Il supplia son Père de lui donner la force d'affronter l'incrédulité et l'impiété des hommes, de renverser la puissance de Satan qui les opprimait, et de le surmonter, afin d'en délivrer les hommes. Il demanda à Dieu un témoignage lui montrant qu'il acceptait l'humanité coupable en la personne de son Fils. VJC 64 1 Jamais auparavant les anges n'avaient entendu une telle prière; et ils sollicitaient la faveur d'apporter au Rédempteur en prière un message d'assurance et d'amour. Mais non; c'est le Père lui-même qui répondra aux prières de son Fils. La lumière de sa gloire descend directement de son trône. Les cieux sont ouverts, et des rayons de gloire, prenant la forme d'une colombe, s'arrêtent sur le Fils de Dieu. VJC 64 2 Dans une contemplation silencieuse, rempli de crainte et de surprise, le peuple avait les yeux fixés sur Christ. Le Sauveur demeurait prosterné dans l'adoration, inondé de cette lumière qui entoure constamment le trône de Dieu. Son visage, tourné vers le ciel, était glorifié comme ne l'avait jamais été auparavant la face de l'homme. Une voix, descendant des cieux entr'ouverts, dit alors avec une majesté terrible: "C'est ici mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon affection." VJC 64 3 Ces paroles, qui confirmaient la qualité du Fils de Dieu, furent données afin d'inspirer la foi à ceux qui étaient témoins de cette scène, et afin de fortifier le Sauveur pour sa mission. Malgré les péchés d'un monde coupable qui reposaient sur Christ, malgré l'humiliation qu'il y avait pour lui à se charger de la nature de l'homme déchu, la voix du ciel le déclarait pourtant être le Fils de l'Eternel. Dieu mettait ainsi son sceau au plan de la rédemption; il montrait qu'il avait accepté notre race déchue en la personne de son substitut et garant; que les enfants d'Adam étaient mis en rapport avec Dieu, et que par l'intercession de Christ les cieux étaient ouverts à leurs prières. Quand l'homme pécha, la terre fut séparée du ciel. Les rapports cessèrent entre l'homme et son Créateur; mais le chemin de la maison du Père a été ouvert devant le pécheur repentant. Jésus est "le chemin, la vérité et la vie."1 Des portails du ciel entreouverts, une lumière émanant du trône de Dieu descend dans les coeurs de ceux qui l'aiment, et resplendit sur leur sentier. VJC 64 4 Jean avait été profondément ému en voyant Jésus à genoux, suppliant, et demandant avec larmes l'approbation de son Père. Dans la lumière et la gloire du ciel qui l'enveloppaient, et dans la voix qui déclarait son caractère divin, Jean reconnut le signe que Dieu lui avait promis; il sut alors avec certitude que c'était le Rédempteur du monde qui avait reçu le baptême de ses propres mains. Profondément ému, il étendit les mains, et montrant Jésus, il s'écria: "Voici l'agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde!" Jean n'eut plus alors aucun doute que Jésus ne fût le vrai Messie. VJC 65 1 L'amour que Dieu manifestait envers les hommes déchus dans le don de son Fils bien-aimé, étonnait les anges eux-mêmes. Le Fils était la splendeur de la gloire du Père et l'image empreinte de sa personne. Etant égal à Dieu, il possédait la grandeur et l'excellence divines. Il plut au Père qu'en lui habitât toute la plénitude de la divinité. Pourtant "il s'est anéanti lui-même, en prenant la forme de serviteur, et se rendant semblable aux hommes; ayant paru comme un simple homme, il s'est abaissé lui-même, s'étant rendu obéissant jusqu'à la mort, jusqu'à la mort de la croix."1 VJC 65 2 En Christ s'unissaient l'humanité et la divinité. Sa mission était de réconcilier Dieu avec l'homme et l'homme avec Dieu -- d'unir le fini à l'infini. Ce n'est que par les mérites de Christ que l'homme déchu pouvait être relevé et devenir participant de la nature divine. Les anges, n'étant pas accoutumés au péché, n'eussent point pu sympathiser avec l'homme dans ses luttes particulières; mais Christ, en revêtant lui-même la nature humaine, put comprendre les épreuves de l'homme et toutes les tentations auxquelles il est exposé. VJC 65 3 Si Christ se fût révélé sur la terre dans la noblesse et la majesté qu'il possédait au ciel, sous son aspect noble et divin, sous la stature de gloire majestueuse et auguste qu'il avait au ciel, il eût attiré le peuple, et eût été reçu sans que personne eût eu besoin d'exercer sa foi. Mais sous son déguisement d'humilité, l'homme ne put voir la gloire du Fils de Dieu. "Il est le méprisé et le dernier des hommes, un homme de douleurs, et qui sait ce que c'est que la langueur."2 VJC 65 4 Dieu voulut que Christ prît sur lui-même l'apparence et la nature de l'homme déchu, afin qu'il fût rendu parfait par la souffrance. Il dut éprouver lui-même la force des terribles tentations de Satan, afin qu'il sût comment secourir ceux qui seraient tentés. La foi en Christ comme Messie ne devait point reposer seulement sur des preuves visibles; les hommes ne devaient point croire en lui à cause de ces attraits personnels, mais surtout à cause de l'excellence de son caractère, excellence qui n'a jamais été et ne sera jamais manifestée dans aucun autre homme. Tous ceux qui aimaient la vertu, la pureté et la sainteté, devaient être attirés vers Christ, et devaient reconnaître suffisamment les preuves qu'il était le Messie promis par les prophètes. Ceux qui se confiaient ainsi en la Parole de Dieu, devaient recevoir les bienfaits des enseignements du Sauveur et bénéficier finalement de son oeuvre expiatoire. VJC 66 1 Christ vint pour attirer l'attention de tous les hommes vers son Père, en leur enseignant la repentance envers Dieu. Quoiqu'il ne vînt pas tel qu'il était attendu, il parut pourtant tel que la prophétie l'avait prédit. Ceux qui désiraient croire, trouvaient dans les écrits des prophètes prédisant la venue du Juste et décrivant la manière en laquelle il viendrait, un fondement assez sûr pour établir leur foi. VJC 66 2 Les Juifs avaient été le peuple le plus favorisé de Dieu. Il les avait fait sortir d'Egypte à bras étendu, et les avait déclarés son plus précieux joyau. Les nombreuses et précieuses promesses qui leur avaient été faites comme peuple, étaient la confiance de l'Eglise juive. C'est en elles qu'ils se confiaient et voyaient leur salut assuré. Aucun autre peuple ne professait d'être gouverné par les commandements de Dieu. Le Sauveur vint d'abord chez son peuple particulier; mais ils ne le reçurent point. Les Juifs, imbus de propre justice et d'incrédulité, s'attendaient à ce que leur Sauveur et Roi viendrait dans le monde, revêtu de majesté et de puissance, et forcerait tous les gentils de lui rendre obéissance. Ils ne s'attendaient point à ce qu'il vécût dans l'humiliation et dans la souffrance. S'il était apparu dans la grandeur et se fût emparé de l'autorité des grands de ce monde, ils l'auraient reçu et adoré; mais ils ne voulaient point recevoir l'humble et doux Jésus, ni le reconnaître comme Sauveur du monde. VJC 66 3 Le prophète Esaïe décrivant l'office et les oeuvres de Christ, montre la protection de Dieu pour son Fils pendant sa mission sur la terre, afin que la haine implacable des hommes, inspirée par Satan, ne détruisît point le plan du salut. VJC 67 1 "Voici mon serviteur, je le soutiendrai; c'est mon élu, en qui mon âme a mis son affection; j'ai mis mon Esprit sur lui; il exercera la justice parmi les nations. Il ne criera point, il n'élèvera point sa voix, et ne la fera point entendre dans les rues. Il ne brisera point le roseau froissé, et il n'éteindra point le lumignon qui fume encore; il jugera dans la vérité. Il ne se retirera point, ni ne se précipitera point, jusqu'à ce qu'il ait établi la justice sur la terre."1 VJC 67 2 On n'entendit point Christ disputer bruyamment avec ceux qui s'opposaient à sa doctrine. Lorsqu'il priait son Père, il n'élevait point non plus la voix de manière à être entendu des hommes. On ne l'entendait point non plus éclater en bruyante allégresse, ni pour se vanter lui-même ni pour mériter l'approbation et les flatteries des hommes. Lorsqu'il enseignait, il éloignait ses disciples du bruit et de la confusion des villes affairées, pour se retirer dans quelque lieu tranquille qui cadrât mieux avec les leçons d'humilité, de piété et de vertu qu'il voulait inspirer à leurs esprits. Il évitait les éloges des hommes et préférait la solitude et les retraites paisibles aux lieux bruyants, fréquentés par les foules. Souvent sa voix s'élevait pour intercéder ardemment son Père; mais pour cela, il choisissait la solitude de la montagne, où il passait des nuits en prière, afin d'obtenir la force dont il avait besoin contre les tentations qu'il aurait à affronter et afin d'être soutenu dans l'oeuvre si importante qu'il avait à accomplir pour le salut des hommes. Ses supplications étaient si ardentes que ses cris de détresse se confondaient souvent avec ses sanglots. Mais malgré sa lutte pénible durant la nuit, il ne cessait de continuer son oeuvre pendant le jour. Au matin, il reprenait son oeuvre de miséricorde et de bienveillance désintéressées. VJC 67 3 La vie de Christ était en contraste frappant avec celle des Juifs, et c'est pour cette raison qu'ils désiraient le faire mourir. Les principaux sacrificateurs, les scribes et les anciens aimaient à prier dans les grandes places publiques, non seulement dans les synagogues, en présence de la foule, mais dans les coins des rues; et cela afin d'être vus des hommes et d'en être loués pour leur piété et leur dévotion. Ils faisaient leurs aumônes autant que possible à la vue du public, afin d'attirer l'attention sur eux. On les entendait non seulement se vanter dans les rues, mais disputer avec ceux qui différaient d'eux quant à la doctrine. Ils étaient susceptibles et pleins de ressentiment, orgueilleux, hautains et bigots. Le Seigneur, par son fidèle prophète, représente la vie de Christ comme un contraste frappant avec celles des principaux sacrificateurs, des scribes et des pharisiens. ------------------------Chapitre 6 -- La tentation dans le désert VJC 69 1 Après son baptême, Jésus "fut conduit par l'Esprit dans le désert".1 La mission de Christ allait commencer; mais il devait d'abord s'éloigner des scènes agitées de la vie, dans le but exprès de supporter une triple tentation en faveur de ceux qu'il était venu racheter. Après que Satan eut réussi à faire tomber Adam et Eve, il s'était vanté d'être le prince de la terre; et il est vrai que dans tous les âges du monde il a trouvé un grand nombre de disciples. Mais il n'avait pas réussi à s'unir l'homme déchu au point de régner suprêmement sur la terre. Quoique l'homme souffrît de la conséquence de sa désobéissance dans son état de chute, pourtant il n'était pas sans espérance. Il ne pouvait point, à cause de sa culpabilité, adresser directement ses supplications à Dieu; mais le plan de la Rédemption suggéré dans le ciel, transporta la sentence de mort sur un substitut. Il devait y avoir effusion de sang, car la mort était la conséquence du péché de l'homme. Dans la victime immolée, l'homme devait voir, en attendant le vrai sacrifice, l'accomplissement de cette parole de Dieu: "Tu mourras de mort." Le sang répandu signifiait aussi une expiation, et indiquait dans l'avenir un Rédempteur qui viendrait un jour dans le monde, mourrait pour les péchés de l'homme, et rendrait ainsi justice à la loi du Père. VJC 69 2 L'espérance du salut par Christ portait ceux qui avaient foi aux promesses de Dieu à observer rigoureusement la loi des sacrifices. Satan, qui observait ces sacrifices avec un grand intérêt, apprit bientôt que c'était un type préfigurant une expiation future pour la race humaine. Son mécompte fut grand, car cela menaçait de renverser le plan qu'il caressait de dominer sur toute la terre et ses habitants. Mais au lieu de se rebuter et de se décourager, il redoubla d'efforts pour accomplir son dessein, et les âges ont été marqués de ses infernales conquêtes. A mesure que les habitants de la terre augmentaient en nombre, l'homme s'abandonnait à ses convoitises et à ses passions. La guerre, l'ivrognerie et le crime se répandirent sur la terre. Dieu détruisit le monde par les eaux du déluge. Il fit tomber le feu du ciel sur des villes impies; mais le grand adversaire n'en poursuivit pas moins son système de démoralisation. VJC 70 1 Satan a diligemment étudié la Bible; il est plus au courant des prophéties que beaucoup de docteurs en théologie. Il s'est toujours tenu au courant de tous les desseins de Dieu qui ont été révélés à l'homme, afin de pouvoir contrecarrer les plans de la sagesse infinie de Dieu. Satan comprenait bien que les sacrifices étaient un type du Rédempteur à venir qui devait racheter la puissance des ténèbres, et que ce Rédempteur était le Fils de Dieu. C'est pourquoi il tira des plans artificieusement étudiés, pour dominer sur les coeurs des hommes de génération en génération, et pour aveugler leur entendement concernant les prophéties, afin que lorsque Christ apparaîtrait, le peuple refusât de le reconnaître comme Sauveur. VJC 70 2 Depuis le temps où Christ était né à Bethléhem, Satan ne l'avait point perdu de vue. Il avait formé divers desseins pour le faire mourir. Mais tous ces plans avaient échoué, car le bras puissant du Père protégeait le Fils. Sachant bien quelle position Christ occupait dans le ciel, Satan fut rempli de crainte lorsque ce puissant prince de la lumière quitta sa cour royale et sa gloire pour apparaître sur la terre comme un simple homme; Satan craignit alors, non seulement de manquer le but auquel il était le plus attaché, savoir de régner suprêmement sur la terre, mais que le pouvoir qu'il avait déjà ne lui fût arraché. C'est pourquoi, lorsqu'il se rendit dans le désert pour assiéger Christ de tentations, il usa de toute la force et de toute la ruse qu'il possédait pour faire déchoir le Fils de Dieu de son inébranlable intégrité. La grande oeuvre de la Rédemption ne pouvait être accomplie que le Rédempteur ne se mît à la place de l'homme déchu. Chargé des péchés du monde, il devait parcourir tout le terrain sur lequel Adam trébucha. Il devait entreprendre cette oeuvre précisément où Adam était tombé, et supporter une même épreuve, mais infiniment plus grande que celle sous laquelle le premier homme était tombé. Il est impossible à l'homme de comprendre pleinement la puissance des tentations de Satan auxquelles notre Sauveur a dû résister. Toutes les instigations au mal auxquelles les hommes trouvent si difficile de résister furent employées contre le Fils de Dieu, mais à un degré d'autant plus élevé que son caractère était supérieur à celui de l'homme déchu. VJC 71 1 Lorsqu'Adam fut assailli par la tentation, il n'avait point encore la tache du péché. Il était devant Dieu dans la plénitude de sa force; tous les organes et toutes les facultés de son être étaient pleinement développés et admirablement proportionnés; tout ce qui l'entourait n'était que beauté, et il pouvait chaque jour converser avec les saints anges. Quel contraste le second Adam ne présentait-il pas avec cet être parfait, lorsqu'il entra dans un désert désolé pour lutter tout seul contre Satan! Pendant quatre mille ans la race humaine avait dégénéré en stature, en force physique, en valeur morale; et, afin de relever l'homme déchu, Christ doit s'abaisser jusqu'à l'état où il est tombé. Il prit sur lui la nature humaine portant les infirmités et la dégénérescence de la race. Il s'humilia jusqu'à descendre dans la profondeur où l'homme était descendu, afin de pouvoir sympathiser pleinement avec l'homme et le relever de l'état de dégradation dans lequel le péché l'avait plongé. VJC 71 2 "Il convenait, en effet, que Celui pour qui et par qui sont toutes choses, et qui voulait conduire à la gloire beaucoup de fils, élevât à la perfection par les souffrances le prince de leur salut." "Et après avoir été élevé à la perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent l'Auteur d'un salut éternel." "C'est pourquoi il a fallu qu'il fût semblable en toutes choses à ses frères; afin qu'il fût un souverain sacrificateur miséricordieux et fidèle dans tout ce qu'il fallait faire auprès de Dieu pour expier les péchés du peuple: Car ayant souffert lui-même et ayant été tenté", "nous n'avons pas un souverain sacrificateur qui ne puisse compatir à nos infirmités, puisqu'il a été tenté de même que nous en toutes choses, si l'on en excepte le péché."1 VJC 72 1 Lorsque Christ entra dans le désert, sa contenance avait changé, sa gloire avait disparu; le poids des péchés du monde accablait son âme, et ses traits exprimaient une douleur indicible, une angoisse d'une profondeur telle qu'aucun homme n'en a jamais éprouvée de semblable. Depuis la transgression d'Adam, les hommes s'étaient abandonnés à leurs appétits de génération en génération, jusqu'à ce que la race humaine eut affaibli ses forces morales au point de ne pouvoir surmonter la tentation par sa propre force. Christ devait, en faveur de la race humaine, vaincre l'appétit et supporter à cet égard la plus grande tentation. Il devait suivre seul le sentier de la tentation sans avoir personne pour l'aider et le fortifier. Seul, il devait lutter contre les puissances des ténèbres et exercer un empire sur soi-même plus fort que la faim ou la mort. La durée de ce jeûne est la plus forte preuve du péché qu'il y a dans un appétit dépravé et de la puissance qu'il exerce sur la famille humaine. VJC 72 2 C'est par l'appétit que Satan était parvenu à perdre Adam et Eve; et dans toutes les générations successives, l'arme la plus puissante dont il s'était servi pour corrompre la race humaine est l'appétit. VJC 72 3 Comme Christ avait pris la forme d'un homme et qu'il était sujet à ses infirmités, Satan espérait le vaincre par ce puissant médium, l'appétit, et tira ses plans en conséquence. Aussitôt que commença le long jeûne de Christ, il se présenta avec ses tentations. Il parut enveloppé de lumière, prétendant être un ange envoyé du trône de Dieu pour sympathiser avec Christ et le soulager dans sa pénible position. Il lui représenta que la volonté de Dieu n'était point qu'il passât par le chemin de souffrances et de renoncements auquel il s'était attendu. Il prétendit qu'il venait du ciel, chargé de faire savoir à Christ que Dieu n'avait eu pour but que d'éprouver sa bonne volonté à supporter ces souffrances. VJC 73 1 De nos jours, Satan trompe beaucoup de monde comme il a voulu tromper Christ, en prétendant qu'il est envoyé du ciel et qu'il travaille pour le bien de l'humanité. La masse du peuple est tellement aveuglée par ses sophismes, qu'elle ne peut le reconnaître tel qu'il est, et qu'elle l'honore comme un messager de Dieu, au moment même où il fait tous ses efforts pour la plonger dans une ruine éternelle. VJC 73 2 Mais Christ renversa toutes ces tentations artificieuses et demeura ferme dans son dessein d'exécuter le plan de Dieu. Ayant échoué en un point, Satan essaya alors d'un autre expédient. Croyant que le caractère angélique dont il s'était revêtu le mettait au-dessus de tout soupçon, il feignit alors de douter de la divinité de Christ, à cause de son apparence de faiblesse et d'épuisement, et de l'étrangeté de son entourage. VJC 73 3 En prenant la nature de l'homme, Christ n'était pas même égal aux anges du ciel; mais c'était une des humiliations nécessaires qu'il accepta volontiers lorsqu'il devint le Rédempteur de l'homme. Satan suggéra que s'il était vraiment le Fils de Dieu, il devait pouvoir lui donner quelques preuves de sa grandeur. Il avança que Dieu ne pouvait avoir abandonné son Fils dans un état si déplorable. Il déclara que l'un des anges célestes avait été exilé sur la terre et que Jésus avait plutôt l'air d'être cet ange déchu que le Roi du ciel. Il appela son attention sur son aspect magnifique, revêtu qu'il était de lumière et de force, et établit un contraste insultant entre l'apparence misérable de Christ et sa propre gloire. Il prétendit qu'il avait reçu du ciel une autorisation directe pour demander à Christ une preuve de sa qualité de Fils de Dieu. Il lui reprocha d'être un bien indigne représentant des anges, bien moins par conséquent leur Chef suprême et le Roi de la cour céleste, et insinua qu'il avait plutôt l'air d'être abandonné de Dieu et des hommes; après quoi il déclara que s'il était le Fils il était égal à Dieu, et que dans ce cas il le prouverait en accomplissant un miracle pour se délivrer de la faim. Il lui conseilla donc de changer en pains les pierres qu'il foulait à ses pieds, insinuant qu'alors il reconnaîtrait Christ comme son supérieur. VJC 74 1 D'un côté, Satan espérait ébranler la confiance que Christ avait en son Père, qui avait permis qu'il fût amené dans cette condition d'extrême souffrance, dans ce désert que n'avaient jamais foulé les pieds de l'homme. D'un autre, le grand ennemi visait à pousser Christ, qui souffrait alors d'un épuisement et d'une faim extrêmes, à exercer sa puissance miraculeuse en sa propre faveur, et à se soustraire ainsi aux soins providentiels de son Père. VJC 74 2 Les circonstances personnelles de Christ et le lieu dans lequel il se trouvait, rendaient la tentation particulièrement forte. Le long jeûne auquel il s'était astreint l'avait affaibli; les spasmes de la faim le tourmentaient, et tout son corps, épuisé, réclamait de la nourriture. Il aurait pu accomplir un miracle en sa faveur et satisfaire aux déchirements de sa faim; mais cela n'aurait point été d'accord avec le plan divin. Exercer son pouvoir surhumain en sa faveur ne faisait point partie de sa mission, et jamais il ne fit cela tant qu'il fut sur la terre. Tous ses miracles furent accomplis pour le bien des autres. VJC 74 3 Souffrance, humiliation, faim et opprobre, Jésus accepta tout, et il repoussa Satan avec les mêmes paroles qu'il avait ordonné à Moïse de déclarer à Israël rebelle: "L'homme ne vivra pas seulement de pain, mais il vivra de toute parole qui sort de la bouche de Dieu." Par cette déclaration, comme par son exemple, Jésus montra que manquer de la nourriture temporelle est un malheur bien moins grand que d'encourir la désapprobation de Dieu. VJC 74 4 Pour devenir le substitut de l'homme et remporter la victoire où l'homme avait été vaincu, Christ ne devait point manifester sa puissance divine pour soulager ses propres souffrances. En effet, l'homme déchu ne pouvant faire aucun miracle pour s'épargner la souffrance, Christ, comme son représentant, devait supporter ses épreuves comme un homme, laissant un exemple d'une foi et d'une confiance parfaites en son Père céleste. VJC 75 1 Christ avait immédiatement reconnu Satan, et il fallait qu'il eût un grand empire sur lui-même pour pouvoir écouter les propositions insultantes du Séducteur sans repousser aussitôt ses téméraires prétentions. Mais le Sauveur ne fut point incité à le repousser avec indignation ni à lui donner des preuves de sa puissance divine; il refusa de controverser avec celui qui avait été chassé du ciel pour avoir été à la tête d'une révolte contre le Gouverneur suprême de l'univers, et dont le crime même avait été un refus de reconnaître la dignité du Fils de Dieu. Armé de foi en son Père céleste, gardant dans son coeur le souvenir précieux des paroles qui, à son baptême, étaient descendues du ciel, Jésus demeura inébranlable dans la solitude du désert en présence du puissant ennemi des âmes. VJC 75 2 Ce n'était point au Fils de Dieu à descendre de sa mission élevée pour prouver sa divinité à Satan, et il ne condescendit point à lui expliquer la raison de sa présente humiliation, et ce qu'il devait faire en sa qualité de Rédempteur de l'homme. Si les enfants des hommes voulaient suivre l'exemple de leur Sauveur, et n'avoir aucune relation avec Satan, ils s'épargneraient bien des défaites qu'il leur fait essuyer. Depuis six mille ans, cet ennemi des âmes lutte contre le gouvernement de Dieu, et la longue pratique du mal qu'il a acquise l'a rendu très habile à amorcer et à séduire les hommes. VJC 75 3 Mais Satan avait de trop grands intérêts engagés pour abandonner si promptement la lutte. Il savait que si Christ remportait la victoire, sa propre influence en serait diminuée. Il mena alors Jésus à Jérusalem, et le plaçant sur le haut du temple, il lui dit que s'il était véritablement le Fils de Dieu, il se jetât en bas de cette hauteur vertigineuse, montrant ainsi qu'il avait une parfaite confiance aux soins protecteurs de son Père. VJC 75 4 Le péché de présomption gît bien près de la vertu d'une foi et d'une confiance parfaites en Dieu; aussi Satan essaya-t-il de tirer avantage de l'humanité de Christ pour l'engager à dépasser la limite qui sépare la confiance de la présomption. Il admit alors que Christ avait raison, dans le désert, lorsqu'il témoigna d'une si parfaite confiance en son Père, et il lui conseilla de donner une preuve de plus de son entière foi en Dieu, en se jetant du haut du temple en bas. Il l'assura que s'il était réellement le Fils de Dieu, il n'avait rien à craindre, car les anges le soutiendraient. Satan savait très bien que s'il pouvait pousser Christ à voler du haut du temple en bas afin de prouver son droit à la protection de son Père céleste, il l'induirait par là même à témoigner de la faiblesse humaine. VJC 76 1 Mais Jésus sortit victorieux de la seconde tentation, en repoussant le péché de présomption. Tout en montrant qu'il avait une pleine confiance en son Père, il refusa de s'exposer volontairement à un danger qui eût obligé Dieu à déployer sa puissance divine pour sauver son Fils de la mort. Car il eût ainsi forcé la providence à venir à son aide, et n'eût point donné à son peuple un exemple parfait de foi et de confiance en Dieu. Notre Sauveur montra qu'il avait une confiance entière en son Père céleste, sachant qu'il ne souffrirait point qu'il fût tenté au delà de ce qu'il lui avait donné la force d'endurer. VJC 76 2 A chaque assaut, Jésus repoussait Satan par les Ecritures. De même, les disciples de Christ, quand ils sont assaillis par le tentateur, devraient faire de la Bible leur défense. Avec un esprit humble et confiant, muni des armes que la parole de Dieu fournit, le chrétien peut résister à toutes les puissances des ténèbres. VJC 76 3 Si nous faisons de la Bible notre guide, nous ne serons jamais trompés par Satan. Le prophète dit: "A la loi et au témoignage. Que s'ils ne parlent selon cette parole-ci, il n'y aura point de lumière du matin pour lui."1 VJC 76 4 Voyant qu'il ne pouvait rien obtenir de Christ par cette seconde tentation, Satan commença à être inquiet du résultat de ses efforts. La constante fermeté du Fils de Dieu le remplit de crainte, car il ne s'était point attendu à une opposition aussi ferme. Faisant un suprême et dernier effort, il appela à son aide toutes les ressources de sa nature diabolique pour confondre et vaincre le Sauveur. Dans ces deux premières tentations, il avait cherché de cacher son vrai caractère, prétendant être un divin messager de la cour céleste. Mais alors, il jette de côté tout déguisement, s'avoue être le prince des ténèbres, et prétend posséder toute la terre sous sa domination. Il mène Jésus sur une haute montagne et lui montre tous les royaumes du monde qu'il fait passer devant ses yeux comme dans un panorama. La lumière du soleil éclairait de grandes villes, des palais de marbre, des champs et des côteaux fertiles, dorant les cèdres de la montagne et faisant resplendir les eaux bleues de la mer. Jésus, dont les yeux venaient d'être arrêtés si longtemps sur un pays triste et désolé, contemplait alors une scène de beauté et de prospérité sans égale. Alors le tentateur ouvrit la bouche et lui dit: "Je te donnerai toute la puissance de ces royaumes et leur gloire; car elle m'a été donnée, et je la donne à qui je veux. Si donc tu te prosternes devant moi, toutes ces choses seront à toi." Satan déploya toute sa puissance dans cette dernière tentation; sa destinée, en effet, dépendait du résultat de cet effort. Il prétendait à la domination du monde, déclarant être le prince de la puissance de l'air. Il promettait de mettre Christ en possession de tous les royaumes, sans souffrances ni dangers, s'il consentait à faire une seule concession, savoir de reconnaître Satan comme son supérieur en lui rendant hommage. La dernière tentation devait être la plus séduisante de toutes. VJC 77 1 Christ avait en perspective non seulement une vie de souffrances, de peines, de luttes, suivies d'une mort ignominieuse, mais il devait porter le poids des péchés de toute la terre; il devait éprouver le fardeau de la colère du Père, à cause de la transgression de l'homme. Il devait endurer tout cela pour racheter le royaume perdu par la chute. Mais alors le tentateur offrait de céder la puissance qu'il avait usurpée, d'abandonner le gouvernement de la terre, délivrant ainsi Christ du terrible sort qui l'attendait, à la seule condition que Christ reconnût la suprématie de Satan. VJC 77 2 Les yeux de Christ s'arrêtèrent un instant sur la scène qui se déroulait devant lui, puis il s'en détourna résolument, refusant de converser plus longtemps avec le tentateur, et même de contempler les scènes enchanteresses qu'il faisait passer devant lui; mais lorsque Satan le sollicita de lui rendre hommage, Christ fut rempli d'une divine indignation et ne put tolérer plus longtemps ses prétentions blasphématoires, ni lui permettre de rester en sa présence. Faisant usage de son autorité divine, il commanda à Satan de s'éloigner en disant: "Retire-toi de moi, Satan! car il est écrit: Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul." VJC 78 1 Satan avait demandé à Christ de lui donner quelque signe qu'il était le Fils de Dieu, et cette fois, Christ lui donna la preuve qu'il demandait. L'ange déchu, incapable de résister à ce congé péremptoire, fut obligé d'obéir au commandement divin. Impuissant, confondu, frémissant de haine et de rage, le chef des rebelles s'éloigna de la présence du Rédempteur du monde. Le débat avait pris fin. La victoire de Christ était aussi complète que n'avait été la chute d'Adam. Mais la lutte avait été longue, pénible, et Christ, épuisé, la pâleur sur le visage, se sentit tomber sur le sol. Alors les anges célestes, qui s'étaient inclinés devant lui dans sa cour royale, et qui avaient suivi la lutte avec un pénible intérêt, vinrent le servir et le fortifièrent, en lui présentant de la nourriture, tandis qu'il gisait par terre comme mort. Ils avaient considéré avec surprise et effroi leur chef céleste passant à travers d'inexprimables souffrances pour accomplir le salut de l'homme. Il avait supporté une épreuve plus rigoureuse que jamais l'homme ne serait appelé à supporter. Mais, comme il gisait à terre épuisé et souffrant, les anges, venant du Père, lui apportèrent des nouvelles d'amour et d'encouragement, l'assurant que tout le ciel triomphait de la victoire qu'il avait remportée en faveur de l'homme. Ainsi le coeur généreux de Christ fut ranimé et fortifié pour l'oeuvre qui se présentait devant lui. VJC 78 2 Les hommes ne pourront jamais estimer parfaitement le prix de la rédemption avant le jour où les rachetés se tiendront avec le Rédempteur devant le trône de Dieu. Alors, lorsque la glorieuse valeur de la récompense éternelle paraîtra à leurs sens ravis, et que leurs yeux contempleront les gloires merveilleuses de l'immortalité, ils entonneront ce chant de victoire: "L'Agneau qui a été immolé est digne de recevoir la puissance, les richesses, la sagesse, la force, l'honneur, la gloire et la louange"; et "toutes les créatures", dit Jean, "qui sont dans le ciel, sur la terre et sous la terre, et dans la mer et toutes les choses qui y sont, disaient: 'A celui qui est assis sur le trône, et à l'Agneau, soient louange, honneur, gloire et force, aux siècles des siècles!'" VJC 79 1 Quoique Satan eût échoué dans ses tentations les plus fortes, il ne renonça pourtant point à l'espérance de pouvoir, dans un moment à venir, réussir dans ses efforts. Il s'attendait à ce qu'au moment où Christ serait entré dans son ministère, maintes occasions se présentassent pour essayer ses artifices contre lui. Repoussé et défait, il s'était à peine retiré de la lutte qu'il commença à forger des plans pour aveugler l'intelligence des Juifs, le peuple choisi de Dieu, afin qu'ils ne pussent discerner en Christ le Rédempteur du monde. Il résolut de remplir leurs coeurs d'envie, de jalousie et de haine contre le Fils de Dieu, de sorte qu'ils ne voudraient pas le recevoir, mais lui rendraient la vie aussi amère que possible. VJC 79 2 Satan tint conseil avec ses anges pour décider de la conduite qu'ils auraient à tenir pour prévenir le peuple d'avoir foi en Christ comme étant le Messie que les Juifs attendaient depuis si longtemps. Il était déçu et rempli de rage de n'avoir pu, par ses nombreuses tentations, l'emporter en rien sur Jésus; mais il pensait alors que s'il pouvait lui aliéner les coeurs du peuple même de Christ, de manière à ce qu'il ne crût point qu'il fût le Messie promis, il pourrait ainsi décourager le Sauveur dans sa mission, et faire des Juifs mêmes ses auxiliaires dans l'exécution de ses desseins diaboliques. Il alla se mettre à l'oeuvre avec ses ruses, afin d'accomplir par stratagèmes ce qu'il n'avait pu faire ouvertement par ses efforts personnels. ------------------------Chapitre 7 -- Jean rendant témoignage de Christ VJC 80 1 Après que Jésus eut achevé son long jeûne et eut remporté la victoire sur le tentateur, il retourna sur les bords du Jourdain, et se mêla aux disciples de Jean sans donner aucun signe visible de son oeuvre spéciale, et sans rien faire qui le distinguât. VJC 80 2 Les autorités supérieures de Jérusalem avaient envoyé des hommes pour s'informer de ce que pouvait être la grande agitation que Jean provoquait. On accourait des villes et des bourgades pour l'entendre; et les principaux de la nation désiraient connaître en vertu de quelle autorité il attirait ainsi l'attention du peuple et bouleversait la société. Ces envoyés sommèrent Jean de leur déclarer d'une manière certaine s'il était le Messie. Jean "le confessa, en disant: Je ne suis point le Christ. Qu'es-tu donc? lui demandèrent-ils. Es-tu Elie? Et il dit: Je ne le suis point. Es-tu le prophète? Et il répondit: Non. Ils lui dirent: Qui es-tu donc? afin que nous rendions réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu de toi-même? Il dit: Je suis la voix de celui qui crie dans le désert: Aplanissez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Esaïe." VJC 80 3 On demanda ensuite à Jean par quelle autorité il baptisait et agitait ainsi le peuple, s'il ne prétendait être ni le Christ, ni Elie, ni le "prophète". Cette dernière parole se rapportait à Moïse. Les Juifs étaient enclins à croire que Moïse ressusciterait des morts et serait enlevé au ciel. Ils ne savaient pas qu'il était déjà ressuscité. VJC 80 4 Lorsque Jean parut, baptisant d'eau, les Juifs pensèrent que ce pouvait être Moïse ressuscité, car il paraissait connaître à fond les prophéties données par ce dernier, et semblait comprendre l'histoire des Hébreux et de leur séjour dans le désert en conséquence de leurs murmures et de leurs rébellions. VJC 81 1 Le peuple se rappelait aussi les circonstances particulières de la naissance de Jean: l'apparition de l'ange de Dieu à Zacharie, son père, dans le temple, le mutisme dont avait été frappé le sacrificateur âgé parce qu'il n'avait point cru aux paroles de l'ange, et comment sa langue avait été déliée à la naissance de Jean. Pendant les trente années qui s'étaient écoulées depuis, ces choses avaient été en partie oubliées. Mais lorsque Jean parut comme prophète, on se rappela la manifestation de l'Esprit de Dieu à sa naissance. VJC 81 2 Lorsque les envoyés de Jérusalem parlaient à Jean de sa mission et de son oeuvre, il eût pu en prendre tout l'honneur pour lui-même, s'il y avait été disposé. Mais il n'aurait pas voulu s'attribuer l'honneur qui ne lui appartenait pas. Tandis qu'il parlait avec ces envoyés de Jérusalem, ses yeux s'enflammèrent tout à coup, son visage s'illumina, et tout son être parut agité d'une grande émotion: il venait de découvrir Jésus parmi la foule. Le prophète leva la main et, indiquant Jésus, il dit: "Il y a un homme au milieu de vous, que vous ne connaissez point." Je suis venu préparer le chemin à celui que vous voyez maintenant. C'est le Messie, "c'est celui qui vient après moi, qui m'est préféré, et je ne suis pas digne de délier la courroie de ses souliers." VJC 81 3 Le lendemain, Jean vit Jésus qui venait à lui, et il dit: Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde. C'est celui dont je disais: Il vient après moi un homme qui m'est préféré, car il est plus grand que moi. Et pour moi, je ne le connaissais pas; mais je suis venu baptiser d'eau, afin qu'il soit manifesté à Israël. Jean rendit encore ce témoignage, et dit: J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe, et il s'est arrêté sur lui. Pour moi, je ne le connaissais pas; mais celui qui m'a envoyé baptiser d'eau m'avait dit: Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et s'arrêter, c'est celui qui baptise du Saint-Esprit. Et je l'ai vu, et j'ai rendu témoignage que c'est lui qui est le Fils de Dieu. VJC 81 4 Le lendemain, Jean étant encore là avec deux de ses disciples, et voyant Jésus qui marchait, dit: Voilà l'Agneau de Dieu. Les deux disciples, ayant entendu ces paroles, suivirent Jésus. Alors Jésus, se retournant, vit qu'ils le suivaient, et il leur dit: "Que cherchez-vous?" Les disciples confessèrent qu'ils cherchaient Christ, qu'ils désiraient le connaître et recevoir ses instructions chez lui. Ils étaient charmés par ses leçons impressives, quoique simples et pratiques. Jamais ils ne s'étaient sentis aussi émus. André, frère de Simon Pierre, était l'un de ces disciples. Il était rempli d'intérêt pour ses amis et ses parents, et il désirait qu'eux aussi vissent Christ et entendissent eux-mêmes ses précieuses leçons. VJC 82 1 André s'en alla à la recherche de son frère Simon, et lui dit avec confiance avoir trouvé le Messie, le Sauveur du monde. Il amena son frère à Jésus qui, aussitôt qu'il le vit, dit: "Tu es Simon, fils de Jona: tu seras appelé Céphas (c'est-à-dire Pierre)." VJC 82 2 Le jour suivant, Jésus appela un autre disciple nommé Philippe, qui le suivit aussi. Philippe crut pleinement que Jésus était le Messie, et il se mit aussitôt à la recherche d'autres personnes pour les inviter à venir écouter les enseignements de Christ, enseignements qui l'avaient tellement charmé. Ainsi Philippe trouva Nathanaël, qui était du nombre de ceux qui avaient entendu Jean proclamer: "Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte les péchés du monde." Il avait été bien convaincu, sur quoi se retirant dans un pré, caché à tous les yeux, il médita sur ce que Jean venait d'annoncer, rappelant à son esprit les prophéties se rapportant à la venue du Messie et à sa mission. Il se demanda: Celui-ci pourrait-il bien être le Messie si longtemps attendu, et que tous désiraient si ardemment voir? L'espérance fit battre son coeur de joie, à la pensée que ce pourrait bien être celui qui sauverait Israël. Il s'agenouilla devant Dieu et demanda que si la personne que Jean avait déclarée être le Rédempteur du monde, était en effet le Sauveur promis, il pût le reconnaître. VJC 82 3 Pendant que Nathanaël priait, il entendit la voix de Philippe qui l'appelait: "Nous avons trouvé, disait-il, celui de qui Moïse a écrit dans la loi, et dont les prophètes ont parlé: c'est Jésus de Nazareth, le fils de Joseph. Nathanaël lui dit: Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth? Philippe lui dit: Viens, et vois. Jésus, voyant venir Nathanaël, dit de lui: Voici un véritable Israélite en qui il n'y a point de fraude. Nathanaël lui dit: D'où me connais-tu? Jésus lui répondit: Avant que Philippe t'appelât, je t'ai vu quand tu étais sous un figuier." Alors la foi chancelante de Nathanaël fut fortifiée, et il répondit et dit: "Maître! tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d'Israël. Jésus lui répondit: Parce que je t'ai dit que je t'avais vu sous un figuier, tu crois; tu verras de plus grandes choses que ceci. Il lui dit aussi: En vérité, en vérité je vous dis que désormais vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme." VJC 83 1 Dans cet appel de ces quelques premiers disciples, le fondement de l'Eglise chrétienne fut posé par des efforts individuels. Jean indique d'abord Jésus à deux de ses disciples. Ensuite l'un de ceux-ci trouva son frère et l'amena au Sauveur. Philippe est ensuite appelé et se met à la recherche de Nathanaël. Il y a ici une instruction pour tous les disciples de Christ. Elle leur enseigne l'importance des efforts personnels, faisant un appel direct à ses parents, à ses amis et à ses connaissances. Il en est qui professent toute leur vie durant d'être en rapport avec Christ, et qui pourtant ne font jamais aucun effort personnel pour amener des âmes au Sauveur. Ils laissent toute cette oeuvre au ministre. Celui-ci peut être bien qualifié pour cette oeuvre; mais il ne peut faire ce que Dieu a confié aux membres de l'église. Beaucoup de membres s'excusent de l'indifférence qu'ils apportent au salut de leurs semblables qui sont sans Christ, et se contentent de jouir égoïstement de la grâce de Dieu sans faire aucun effort pour amener d'autres âmes au Sauveur. Dans la vigne du Seigneur, il y a quelque chose à faire pour tous. Les ouvriers dévoués, désintéressés et fidèles recevront une abondante mesure de sa grâce ici-bas, et une récompense qu'il leur accordera ci-après. VJC 83 2 La foi s'exerce par les bonnes oeuvres, et le courage et l'espérance s'unissent à la foi agissante. La cause pour laquelle tant de chrétiens de profession n'ont pas une expérience vivante et joyeuse, c'est qu'ils ne font rien pour l'obtenir. S'ils se mettaient à l'oeuvre que Dieu désire les voir accomplir, leur foi augmenterait, et ils progresseraient dans la vie divine. VJC 84 1 Jésus prit plaisir à voir la foi sincère de Nathanaël, qui ne demanda point d'autres preuves que les quelques paroles qu'il avait entendues. Le Sauveur envisageait avec plaisir l'oeuvre qu'il devait accomplir lui-même à l'avenir en soulageant les affligés, en guérissant les malades et en rompant les liens de Satan. C'est en vue de ces bienfaits qu'il venait répandre, que Christ dit à Nathanaël, en présence des autres disciples: "Désormais vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme." VJC 84 2 Jésus dit virtuellement par ces paroles: Sur les bords du Jourdain, les cieux furent ouverts devant moi, et l'Esprit descendit sur moi sous la forme d'une colombe. Cette scène ne fut qu'un signe pour témoigner que je suis le Fils de Dieu. Si vous croyez en moi comme tel, votre foi sera vivifiée et vous verrez que les cieux sont ouverts pour ne plus jamais se fermer. Je les ai ouverts pour vous, et les anges de Dieu qui se joignent à moi dans la réconciliation entre le ciel et la terre, mettant en rapport les croyants sur la terre avec le Père dans les cieux, monteront pour porter au Père les prières de ceux qui sont dans le besoin et la détresse, et descendront pour apporter les bienfaits et l'espérance, le courage, la santé et la vie aux enfants des hommes. VJC 84 3 Le Sauveur présentait ici la vérité qui avait été révélée à Jacob dans le songe où il contempla "une échelle qui était appuyée sur la terre, et dont le haut touchait jusqu'aux cieux, et les anges de Dieu montaient et descendaient par cette échelle."1 Cette échelle représente Jésus. S'il n'était devenu le substitut de l'homme en s'offrant en sacrifice, il n'eût pu y avoir aucune communication entre le ciel et la terre; aucune bénédiction, aucun salut n'eût pu descendre de celui-là sur celle-ci. Jusqu'au moment de la rébellion de l'homme contre le gouvernement du ciel, il avait existé un libre échange de sentiments entre l'homme et son Créateur. Le ciel et la terre étaient reliés par une route que le Seigneur aimait à parcourir. Mais le péché d'Adam et d'Eve avait séparé la terre d'avec le ciel. La malédiction du péché qui reposait sur la race humaine, était si odieuse devant Dieu, qu'il ne put exister aucune communication entre Dieu et l'homme, avec quelque ardeur que ce dernier la désirât. Il lui était impossible de monter sur les crénaux des cieux et d'entrer dans la cité de Dieu, car il n'y entre rien de souillé. Cependant, le monde ne fut pas abandonné à un morne désespoir. Christ s'exila sur cette terre afin de ramener la brebis perdue, errante, le monde ruiné par le mal. Par ses mérites, il combla l'abîme creusé par le péché, et de nouveau les portes du paradis sont ouvertes aux enfants des hommes, et des messagers célestes, montant et descendant l'échelle, entretiennent les communications ouvertes derechef avec la race déchue. VJC 85 1 Les anges de Dieu vont constamment de la terre au ciel, et du ciel à la terre. Tous les miracles de Christ en faveur des affligés et des souffrants furent accomplis par la puissance de Dieu, par le ministère des anges. Christ condescendit à revêtir notre humanité, et de cette manière il lia ses intérêts à ceux d'une race déchue, les fils et les filles d'Adam ici-bas, tandis que sa divinité saisit le trône de Dieu. Et c'est ainsi que Christ ouvre la communication de l'homme avec Dieu, et de Dieu avec l'homme. Tous les bienfaits que Dieu fait à l'homme lui arrivent par le ministère des anges. ------------------------Chapitre 8 -- Le caractère de Jean VJC 86 1 Christ gagnait chaque jour de nouveaux disciples, et le peuple accourait en foule des villes et des villages pour l'entendre. Un grand nombre allaient à lui pour être baptisés; mais Christ ne baptisait personne; c'étaient ses disciples qui administraient cette ordonnance. Comme les disciples baptisaient un grand nombre de personnes, il s'éleva une dispute entre les disciples de Christ et les disciples de Jean sur la question de savoir si le baptême purifiait le pécheur de la culpabilité du péché. Les disciples de Jean répondaient que leur Maître n'administrait que le baptême de repentance, mais que les disciples de Christ baptisaient à une nouvelle vie. Les disciples de Jean furent jaloux de la popularité du nouveau prophète, et dirent à Jean en parlant de Christ: "Maître, celui qui était avec toi au delà du Jourdain, auquel tu as rendu témoignage, le voici qui baptise, et tous vont à lui. Jean leur répondit: Personne ne peut rien recevoir, s'il ne lui a été donné du ciel."1 VJC 86 2 Dans cette réponse, Jean leur répondit virtuellement: Pourquoi êtes-vous jaloux à mon égard? "Vous m'êtes vous-mêmes témoins que j'ai dit que ce n'est pas moi qui suis le Christ, mais que j'ai été envoyé devant lui. Celui qui a l'épouse est l'époux; mais l'ami de l'époux, qui est présent et qui l'écoute, est ravi de joie d'entendre la voix de l'époux; et c'est là ma joie qui est parfaite." VJC 86 3 Bien loin d'être jaloux en voyant prospérer le ministère de Christ, Jean se réjouissait du succès de l'oeuvre que Jésus était venu accomplir. Il assurait à ses disciples que sa mission spéciale était d'attirer l'attention du peuple sur Christ. VJC 87 1 "Il faut qu'il croisse, et que je diminue. Celui qui est venu d'En-Haut est au-dessus de tous; celui qui est venu de la terre est de la terre, et parle comme étant de la terre; celui qui est venu du ciel est au-dessus de tous; il rend témoignage de ce qu'il a vu et entendu; mais personne ne reçoit son témoignage." VJC 87 2 Jean assura à ses disciples que Jésus était le Messie promis, le Sauveur du monde. Comme son oeuvre était sur le point d'être terminée, il leur apprit à regarder à Jésus et à le suivre comme prophète de Dieu. VJC 87 3 A part la joie que Jean éprouvait en voyant le succès de sa mission, il avait une existence pénible; c'était une vie de peines et de renoncement. Celui qui annonça le premier avénement de Christ, ne put pas entendre personnellement les enseignements du Sauveur, ni voir de ses yeux la manifestation de sa puissance. On n'entendait guère la voix de Jean que dans le désert. Il menait une vie isolée; pourtant des multitudes de gens s'étaient rendus dans le désert pour entendre les paroles de l'étonnant prophète. Il avait mis la hache à la racine de l'arbre. Il avait réprimé le péché avec hardiesse et avait préparé la voie au ministère de Christ. VJC 87 4 Hérode fut ému à l'ouïe des paroles de Jean, paroles qui pénétraient jusqu'au plus profond de la conscience; et il lui demanda sincèrement ce qu'il devait faire pour devenir son disciple. Il fut convaincu de péché par les paroles de vérité qui sortaient de la bouche de l'homme de Dieu. Sa conscience l'accusait de s'être laissé séduire et gouverner par une femme aux passions déréglées. Cette femme sans principes, remplie d'ambition, et désireuse d'arriver au pouvoir et à l'autorité, pensa qu'elle arriverait à ses fins en épousant Hérode. Comme Hérode écoutait les vérités toutes pratiques que lui enseignait Jean, qui lui reprochait d'avoir transgressé la loi de Dieu et lui parlait de la punition future des coupables, il trembla de frayeur et désira grandement rompre la chaîne de péchés qui le retenait. Il ouvrit son coeur à Jean, qui lui parla franchement de la loi de Dieu et lui montra l'impossibilité pour lui d'avoir part au royaume du Messie, à moins de renoncer à ses relations illicites avec là femme de son frère, et d'obéir de tout son coeur aux commandements de Dieu. Hérode avait l'intention d'agir suivant les conseils de Jean et déclara à Hérodias qu'il ne pouvait l'épouser et braver ainsi la loi de Dieu. Mais cette femme résolue n'abandonna pas pour cela ses projets. Elle fut remplie de haine contre Jean. Hérode était un homme faible, d'un esprit indécis, de sorte qu'Hérodias n'eut point de peine à se remettre en faveur et à maintenir l'influence qu'elle exerçait sur lui. Hérode céda au plaisir du péché, plutôt que de se soumettre aux exigences de la loi de Dieu. Lorsque Hérodias eut reconquis la faveur du roi, elle résolut de se venger du prophète qui avait osé condamner sa conduite criminelle. Poussé par elle, Hérode fit mettre Jean en prison, comptant sur une occasion favorable pour le relâcher. VJC 88 1 Pendant qu'il était ainsi en prison, Jean apprit par ses disciples quelles oeuvres miraculeuses Jésus accomplissait. Quoiqu'il ne pût entendre personnellement les paroles de grâce qui sortaient de la bouche de Jésus, les disciples l'en informaient et le consolaient par la relation de ce qu'ils avaient vu et entendu. Jean avait jusqu'alors passé sa vie en plein air, occupé à un travail actif et persévérant, souffrant les privations, les courses pénibles; mais jamais il n'avait appris ce que c'était que d'être confiné entre quatre murs. C'est pourquoi il fut bientôt abattu, découragé et même assailli de doutes, au point qu'il se demanda si Jésus était véritablement le Messie. Ses disciples étaient venus lui faire le récit des choses merveilleuses que le Sauveur avait faites, et dont ils avaient été témoins; mais Jean en conclut que si Jésus était le Messie, il eût proclamé publiquement qu'il était le Sauveur du monde. VJC 88 2 Jean, comme les disciples du Sauveur, n'avait qu'une idée indistincte du royaume que Christ venait établir. Tous pensaient qu'il venait établir un royaume temporel et régner sur le trône de David à Jérusalem. Jean était impatient de ce que Jésus ne se faisait point connaître immédiatement, ne s'emparait point de l'autorité royale en subjuguant les Romains. Il espérait que si le Messie établissait son royaume il le ferait sortir de prison, et il en concluait que si réellement Jésus était le Fils de Dieu et pouvait faire toutes choses, il aurait fait usage de sa puissance pour le mettre en liberté. VJC 89 1 Jean envoya ses disciples pour demander à Christ: "Es-tu celui qui devait venir, ou devons-nous en attendre un autre?" Les disciples cherchèrent à parvenir en présence de Jésus; mais ils ne purent pas de suite s'approcher de lui à cause de la foule de gens qui apportaient des malades au puissant médecin. VJC 89 2 Les infirmes, les aveugles, les boiteux passaient à travers la foule. Les disciples de Jean virent qu'à la parole de Christ, les corps sans vie se ranimaient, et que l'incarnat de la santé faisait place à la pâleur de la mort. Jésus leur dit: "Allez, et rapportez à Jean ce que vous avez vu et entendu: que les aveugles recouvrent la vue, que les boiteux marchent, que les lépreux sont nettoyés, que les sourds entendent, que les morts ressuscitent, que l'Evangile est annoncé aux pauvres; et heureux est celui qui ne se scandalisera pas de moi."1 VJC 89 3 Par ces paroles, Jean fut doucement repris de son impatience, et cette discrète réprimande ne fut point perdue pour lui. Il comprit mieux alors la nature de la mission de Christ; et avec soumission et foi, il se remit entre les mains de Dieu, soit pour la vie soit pour la mort, selon que sa gloire en serait le plus avancée. VJC 89 4 Après que les disciples de Jean s'en furent allés, Jésus questionna la multitude concernant Jean, et dit: "Qu'êtes-vous allés voir dans le désert? Etait-ce un roseau agité du vent?" Jésus savait qu'un roseau tremblant au souffle du vent était une image directement opposée au caractère de Jean. La flatterie n'avait aucun effet sur Jean, et les erreurs qui prévalaient de son temps ne pouvaient le tromper. On n'aurait pu davantage le détourner de l'oeuvre qu'il était venu faire par des récompenses ou des honneurs mondains. Il eût gardé son intégrité au prix même de sa vie. Ferme comme un roc, le prophète de Dieu était prêt à dénoncer le péché et le mal sous toutes ses formes, aussi bien chez les rois et les nobles, que chez les hommes obscurs et méprisés. Il ne se détournait jamais du devoir. Droit envers son Dieu, dans la noble dignité et la moralité de son caractère, il se tenait, ferme comme un rocher, fidèle à ses principes. VJC 90 1 "Mais encore, qu'êtes-vous allés voir? Etait-ce un homme vêtu d'habits précieux? Voici ceux qui portent des habits précieux sont dans les maisons des rois. Qu'êtes-vous donc allés voir? Un prophète? Oui, vous dis-je, et plus qu'un prophète. Car c'est celui-ci de qui il est écrit: Voici, j'envoie mon ange devant ta face, qui préparera ton chemin devant toi. Je vous dis en vérité qu'entre ceux qui sont nés de femmes, il n'en a été suscité aucun plus grand que Jean-Baptiste; toutefois celui qui est le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. Mais depuis le temps de Jean-Baptiste jusqu'à maintenant, le royaume des cieux est forcé, et les violents le ravissent." VJC 90 2 Le peuple auquel Christ adressait ces paroles, savait bien que les vêtements que portait Jean étaient l'opposé de ceux que l'on portait dans les palais royaux. Christ leur demanda au fond: Par quel motif avez-vous été poussés à vous rendre en foule au désert pour y entendre prêcher Jean? Le désert n'est point le lieu où l'on trouve ceux qui vivent dans les délices et qui se vêtent richement et commodément. Christ désirait leur faire remarquer le contraste existant entre les vêtements de Jean et ceux des sacrificateurs juifs. Le prophète portait un vêtement simple et grossier qui, sans être beau, répondait au but pour lequel les vêtements furent primitivement destinés. Les habits somptueux des sacrificateurs et des anciens formaient un contraste frappant avec ceux de Jean. VJC 90 3 Ces fonctionnaires, pensant qu'ils seraient honorés en raison de leur apparence extérieure, s'affublaient des vêtements les plus somptueux, faisant parade de robes coûteuses et d'ornements éclatants. Ils étaient plus soucieux d'exciter l'admiration des hommes que d'acquérir la pureté du caractère, la sainteté de la vie, pour mériter l'approbation de Dieu. VJC 90 4 Christ exhorte ses disciples, ainsi que la multitude, à suivre ce qui était bon dans les enseignements des scribes et des pharisiens, mais à ne point imiter leur mauvais exemple, ni se laisser séduire par leurs ambitieuses prétentions. Il dit: "Observez donc, et faites tout ce qu'ils vous diront d'observer, mais ne faites pas comme ils font, parce qu'ils disent et ne font pas; car ils lient des fardeaux pesants et insupportables, et les mettent sur les épaules des hommes; mais ils ne voudraient pas les remuer du doigt. Et ils font toutes leurs actions afin que les hommes les voient; car ils portent de larges philactères, et ils ont de longues franges à leurs habits. Ils aiment à avoir les premières places dans les festins et les premiers siéges dans les synagogues, et à être salués dans les places publiques, et à être appelés par les hommes: Maître, maître."1 VJC 91 1 Jean voyait que ces Juifs orgueilleux s'élevaient et se glorifiaient en faisant parade de leur piété d'ostentation devant le public. Ils liaient des portions de la Parole de Dieu sur leurs fronts et autour de leurs poignets, afin que chacun pût reconnaître leur prétendue sainteté, et en témoigner son respect. Il est vrai que Dieu avait commandé aux enfants d'Israël de mettre un ruban bleu au bord de leurs vêtements, sur lequel devait être brodé un abrégé des dix commandements. Cela devait leur rappeler continuellement leur devoir d'aimer Dieu suprêmement et leur prochain comme eux-mêmes. Mais plus ils s'étaient éloignés de leur simplicité primitive et plus leur vie était en opposition avec la loi de Dieu, plus ils s'attachaient à agrandir leurs philactères et à ajouter aux paroles que Dieu avait spécifié devoir être inscrites sur le ruban bleu; tandis qu'extérieurement ils exprimaient la plus grande dévotion, leurs actes étaient en parfait contraste avec leur profession. ------------------------Chapitre 9 -- Mort de Jean-Baptiste VJC 92 1 Jean-Baptiste était poussé par un esprit de réforme. La sagesse et la puissance de Dieu illuminaient son âme. L'inspiration d'En-Haut avait allumé en lui un saint zèle qui le porta à dénoncer les sacrificateurs juifs et à les menacer de la malédiction de Dieu. Ils avaient de grandes prétentions de sainteté, tandis qu'ils étaient étrangers à la charité, à la miséricorde et à l'amour de Dieu. Ils cherchaient par la somptuosité de leurs vêtements et leurs manières hautaines à inspirer la crainte et à commander le respect, tandis que le Très-Haut les avaient en horreur. VJC 92 2 Tandis que leurs coeurs et leur conduite étaient en opposition à la volonté de Dieu; ils se séduisaient avec la vaine supposition que les biens éternels leur appartenaient, en vertu des promesses faites à Abraham, le père des fidèles. Ils n'étaient point revêtus d'humilité. Ils étaient destitués de la foi et de la piété d'Abraham. Ils n'avaient point acquis par leur intégrité et par la pureté de la vie cette valeur morale qui eût fait d'eux de vrais enfants d'Abraham; et pourtant ils s'attendaient à avoir part aux promesses que leur avait données le Seigneur. La manière courageuse avec laquelle Jean avait accusé les pharisiens et démasqué leur hypocrisie, avait frappé d'étonnement ceux qui avaient été accoutumés à les voir honorés et loués. VJC 92 3 Sa prédication avait de tous côtés soulevé un grand intérêt. Ses appels pressants et la sincérité avec laquelle il réprimandait le mal avait réveillé les consciences. Le peuple était accouru des villes, des bourgades et des villages, attiré dans le désert par ses exhortations sérieuses et ferventes, par ses avertissements; jamais de leur vie ils n'avaient entendu chose pareille. Il n'y avait rien dans l'extérieur de Jean qui attirât ou excitât l'admiration. Par la simplicité de son costume et sa nourriture simple et frugale, il ressemblait au prophète Elie. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage que lui procurait le désert, et buvait l'eau pure qui coulait des collines éternelles. VJC 93 1 Cependant, la foule qui accourait à lui était si grande que sa réputation s'était répandue par tout le pays. Maintenant qu'il était emprisonné, le peuple attendait curieusement de voir quel en serait le résultat, sans qu'il vînt à la pensée de qui que ce fût qu'il eût à subir quelque sévère punition, sa vie ayant été exempte de blâme. VJC 93 2 Par crainte de déplaire à Hérodias, qui était résolue à faire mourir Jean, Hérode renvoya d'un jour à l'autre sa mise en liberté. Pendant qu'il renvoyait ainsi, elle s'occupait activement à chercher le moyen de mieux se venger du prophète, qui avait osé dire la vérité-et blâmer sa conduite illicite. Elle savait que, quoique Hérode gardât Jean en prison, il avait le dessein de le relâcher, car il le respectait, le craignait et voyait en lui un vrai prophète de Dieu. Jean avait découvert à Hérode les secrets de son coeur et de sa vie, et ses réprimandes avaient frappé de terreur la conscience coupable du roi. VJC 93 3 En bien des choses, Hérode avait réformé sa vie dissolue; mais le luxe de sa table et les boissons stimulantes énervaient constamment ses forces morales aussi bien que ses forces physiques, et l'endurcissaient contre les pressants appels de l'Esprit de Dieu, qui l'avaient déjà convaincu de péché et le poussaient à délaisser la mauvaise voie. Hérodias avait bien connaissance des côtés faibles du caractère d'Hérode. Elle savait que dans les circonstances ordinaires, tandis qu'il était maître de lui-même, elle ne pourrait point obtenir la mort de Jean. VJC 93 4 Elle avait essayé, mais sans succès, d'obtenir le consentement d'Hérode pour faire mourir Jean, et son esprit vindicatif était à l'oeuvre pour accomplir par ruse son dessein inhumain. Elle savait qu'elle ne pourrait arriver à son but qu'en flattant les habitudes d'intempérance du roi. Elle cacha alors sa haine autant qu'elle put, et attendit impatiemment le jour de naissance du roi, qu'elle savait devoir être une occasion où le roi se laisserait aller à la gloutonnerie et à l'ivresse. Le penchant qu'avait le roi pour une table somptueuse et des vins exquis, devait lui permettre de détourner sa vigilance, et elle l'engagerait à se laisser aller à son faible, ce qui réveillerait ses viles passions et émousserait ses sentiments les plus nobles, produisant en lui l'indifférence des conséquences, et le rendant incapable d'exercer son propre jugement et sa résolution. VJC 94 1 Elle connaissait bien l'effet de ces festins sur l'intelligence et la moralité. Elle savait que la gaieté surnaturelle de l'esprit produite par l'intempérance abaissait le sens moral de l'intelligence, de sorte que les bonnes impulsions ne peuvent entrer dans le coeur et dominer les passions surexcitées; elle avait fait l'expérience que les fêtes, les amusements, les danses et la boisson obscurcissent les sens, et font disparaître la crainte de Dieu; c'est pourquoi elle mit tout en jeu pour flatter son orgueil et sa vanité et exciter ses passions. Elle fit les préparatifs les plus coûteux pour le repas et les plaisirs voluptueux. VJC 94 2 Lorsque le grand jour arriva et que le roi, avec les grands de sa cour, mangeaient et buvaient dans la salle du banquet, Hérodias envoya sa fille, vêtue de la manière la plus enchanteresse, en la présence du roi. Salomé était ornée de guirlandes et de fleurs, de joyaux étincelants et de bracelets éclatants. Ainsi légèrement vêtue, et sans modestie aucune, elle dansa pour l'amusement des hôtes du roi. A leurs sens engourdis elle parut être comme une vision d'une éblouissante beauté. Elle fit disparaître par ses charmes les derniers restes du respect et des convenances. La raison, le bon goût, et la sensibilité de la conscience avaient fait place en eux aux sentiments les plus méprisables. La vertu et les principes de justice étaient tout à fait oubliés. VJC 94 3 L'intelligence d'Hérode était comme dans un tourbillon. Ses facultés étaient obscurcies. Il n'avait plus ni jugement, ni respect de lui-même. Il ne voyait plus que la salle du festin avec ses joyeux convives, la table du banquet, le vin pétillant, les lumières éblouissantes, et la jeune fille qui dansait devant lui dans sa voluptueuse beauté. Dans l'insouciance du moment, il désira faire quelque éclat qui l'élevât encore davantage aux yeux des grands de son royaume, et il promit impétueusement, confirmant même sa promesse par serment, de donner à Salomé tout ce qu'elle pourrait demander. VJC 95 1 Le but pour lequel la jeune fille avait été envoyée en présence du roi était ainsi atteint. Ayant obtenu une promesse si étrange, elle courut auprès de sa mère désirant savoir ce qu'elle demanderait. La réponse d'Hérodias était prête: La tête de Jean-Baptiste dans un plat. Salomé fut frappée d'horreur. Elle ne comprenait point les sentiments de vengeance que cachait sa mère, et refusa d'abord de faire une demande aussi inhumaine; mais la résolution de sa méchante mère eut le dessus. De plus, elle commanda à sa fille de ne point tarder d'adresser sa demande à Hérode, avant qu'il eût le temps de la réflexion. Salomé se rendit donc auprès d'Hérode pour lui adresser son affreuse demande: "Donne-moi ici, dans un plat, la tête de Jean-Baptiste. Et le roi en fut fort triste; cependant, à cause du serment qu'il avait fait, et de ceux qui étaient à table avec lui, il commanda qu'on la lui donnât." VJC 95 2 Hérode fut étonné et confondu. La joie bruyante cessa aussitôt; car ses hôtes frissonnèrent d'horreur à cette requête barbare. La salle du banquet fut bientôt plongée dans un silence de mauvais augure. Le roi, quoique ivre et égaré, essaya d'appeler la raison à son aide. Ses flatteurs lui avaient attribué une constance et un jugement rares, et il ne voulait point paraître incertain ou irréfléchi. Le serment avait été fait en l'honneur de ses hôtes, et si l'un d'eux avait dit une parole de remontrance contre l'accomplissement de sa promesse, il eût volontiers sauvé la vie de Jean. Il leur donna occasion de parler en faveur du prisonnier. Ils avaient autrefois fait de longs voyages, depuis les montagnes au désert, pour entendre ses éloquents et puissants discours, et ils savaient que Jean n'avait commis aucun crime et qu'il était un prophète de Dieu. Hérode leur dit que si la chose ne devait point être considérée comme un manque d'honneur signalé à leur égard, il ne tiendrait point son serment. VJC 95 3 Mais quoiqu'ils fussent d'abord frappés d'horreur à la demande de la jeune fille, ils étaient tellement enivrés qu'ils demeurèrent dans une silencieuse stupeur, sans qu'aucun sentiment de raison ou d'humanité vînt intervenir en faveur du prophète. Quoiqu'ils fussent invités à délier le monarque de son serment, leur langue demeura muette: aucune voix ne s'éleva dans toute cette société pour sauver la vie d'un innocent qui n'avait jamais nui à qui que ce fût. Hérode, sous l'impression fausse que pour maintenir sa réputation il devait tenir un serment qu'il avait fait, influencé par l'ivresse, à moins qu'il n'en fût formellement délié, attendait en vain qu'une voix contraire s'élevât; mais aucune intervention ne se fit entendre. La vie du prophète de Dieu était entre les mains d'hommes avilis par une orgie. Ces hommes occupaient des positions élevées que leur avait confiées la nation, et de graves responsabilités pesaient sur eux; pourtant ils s'étaient repus de viandes délicates, et avaient ajouté l'ivresse à la gourmandise, jusqu'à ce que leur intelligence fût engourdie par le plaisir des sens, que leur cerveau fût troublé par la scène étourdissante de musique et de danses, et que leur conscience fût endormie. Par leur silence, ils prononcèrent la sentence de mort sur l'oint du Seigneur afin de satisfaire à l'horrible caprice d'une femme cruelle et dénaturée. VJC 96 1 Trop souvent, de nos jours, les responsabilités les plus solennelles reposent sur ceux qui, par leurs habitudes d'intempérance, ne sont pas dans une condition propre à exercer le jugement et la perception pénétrante de ce qui est juste et injuste, dont le Créateur les avait doués. Les chefs du peuple qui possèdent l'autorité et les décisions d'où dépend la vie de leurs concitoyens devraient être sévèrement punis lorsqu'ils sont trouvés coupables d'intempérance. Ceux qui sont chargés de faire observer les lois devraient s'y soumettre eux-mêmes. Ce devrait être des hommes sachant se gouverner eux-mêmes, dont les habitudes devraient être d'accord avec les lois qui régissent les forces physiques et mentales, afin qu'ils possédassent une intelligence vigoureuse et un profond sentiment de justice. Dans le martyre de Jean, nous voyons le résultat de l'intempérance, parmi ceux qui sont revêtus de l'autorité supérieure. Ce fatal anniversaire d'un jour de naissance devrait être un avertissement pour ceux qui recherchent le plaisir, et une exhortation à observer la tempérance chrétienne. VJC 97 1 Hérode avait attendu en vain d'être dégagé de son serment; il commanda avec répugnance que Jean fût décapité. Bientôt on apporta la tête du prophète devant le roi et ses hôtes. Ces lèvres qui avaient fidèlement déclaré à Hérode la réforme qu'il avait à accomplir dans sa vie, lorsque ce monarque lui avait demandé comment il pourrait être le disciple du prophète, étaient pour toujours silencieuses. Jamais on ne devait plus entendre cette voix qui appelait avec force les pécheurs à la repentance. Les frivolités et la dissipation d'une seule nuit avaient coûté la vie du plus grand des prophètes qui fût venu apporter aux hommes un message de la part de Dieu. VJC 97 2 Hérodias reçut cette tête sanglante avec une satisfaction haineuse. Elle se réjouissait de sa vengeance et pensait que rien ne troublerait plus la conscience d'Hérode; mais ses faux calculs furent bien trompés et elle ne recueillit que de mauvais fruits de son crime. Son nom fut méprisé et abhorré à cause de cet acte inhumain, tandis qu'Hérode fut plus tourmenté après la mort de Jean qu'il ne l'avait été par ses censures. Et l'acte même par lequel elle avait cru pouvoir détruire l'influence de Jean, lui valut l'auréole d'un saint martyr, non seulement dans le coeur de ses disciples, mais aussi chez ceux qui n'avaient pas osé auparavant se déclarer hardiment ses disciples. Un grand nombre de gens qui avaient entendu ses avertissements et avaient été convaincus par ses enseignements, stimulés par l'horreur qu'ils éprouvaient contre son meurtrier, prirent publiquement fait et cause pour lui, et se déclarèrent ses disciples. Hérodias échoua complétement dans ses efforts pour ruiner l'influence de Jean. Ses enseignements devaient passer de génération en génération jusqu'à la fin des temps, tandis que la conduite et la vengeance d'Hérodias ne devait recueillir que l'infamie. VJC 97 3 Après que la fête d'Hérode fut passée et que son ivresse eut disparu, la raison reprit le dessus, et le roi fut bourrelé de remords. Son crime se dressait continuellement devant lui et il cherchait constamment à trouver du soulagement contre les tourments de sa conscience coupable. Il croyait toujours fermement que Jean était un prophète honoré de Dieu. Lorsqu'il réfléchissait à sa vie de renoncement, à ses puissants discours, à ses appels pressants et solennels, à la clarté de son jugement comme conseiller, et qu'il réfléchissait qu'il l'avait fait mettre à mort, sa conscience était horriblement troublée. Lorsqu'il s'occupait des affaires de la nation, et qu'il recevait les hommages du peuple, il avait un visage souriant et un air digne, tandis qu'il cachait un coeur inquiet et souffrant; il était sans cesse tourmenté par le sinistre pressentiment que la colère de Dieu reposait sur lui. VJC 98 1 Lorsque Hérode entendit parler des oeuvres miraculeuses de Christ, guérissant les malades, chassant les démons, et ressuscitant les morts, il fut excessivement troublé et perplexe. Il avait la conviction que le Dieu que Jean prêchait était présent partout, qu'il avait vu la folle allégresse et la vile dissipation de la salle du banquet royal, et qu'il avait entendu, lorsqu'il avait donné ordre de décapiter Jean; que son oeil avait vu le triomphe d'Hérodias et le regard moqueur et insultant qu'elle avait jeté sur la tête ensanglantée de son ennemi. Et beaucoup de choses qu'il avait entendues de la bouche du prophète parlaient alors plus haut à sa conscience que la prédication du désert. Il avait entendu dire à Jean que rien ne pouvait être caché devant Dieu; aussi tremblait-il que quelque punition sévère ne le frappât à cause du péché qu'il avait commis. Lorsque Hérode entendit parler des sermons de Christ, il pensa que Dieu avait ressuscité Jean et qu'il l'avait envoyé pour condamner le péché avec une force encore plus grande. Il craignait aussi que Jean ne voulût se venger de sa mort en passant condamnation sur lui et sa maison. "Or, le roi Hérode entendit parler de Jésus, car son nom était fort célèbre, et il dit: Ce Jean, qui baptisait, est ressuscité d'entre les morts; c'est pour cela que les puissances du ciel agissent en lui. D'autres disaient: C'est Elie; et d'autres disaient: C'est un prophète, ou un homme semblable aux prophètes. Mais Hérode, en ayant ouï parler, dit: C'est ce Jean que j'ai fait décapiter; il est ressuscité d'entre les morts."1 VJC 99 1 L'Eternel suivit Hérode, comme il est écrit dans Deutéronome: "L'Eternel te donnera un coeur tremblant et des yeux qui ne voient point; et une âme pénétrée de douleur, et ta vie sera comme pendante devant toi; et tu seras dans l'effroi nuit et jour, et tu ne seras point assuré de ta vie; tu diras le matin: Qui me fera voir le soir? et le soir tu diras: Qui me fera voir le matin, à cause de l'effroi dont ton coeur sera effrayé; et à cause de ce que tu verras de tes yeux."1 VJC 99 2 Ces paroles renferment une bien vive peinture de la vie du criminel. Ses propres pensées sont ses accusateurs; il ne peut y avoir de tourments plus cuisants que ceux d'une conscience coupable qui ne laisse de repos ni jour ni nuit. VJC 99 3 Le prophète Jean était comme le chaînon qui unissait les deux dispensations. C'était une lumière à laquelle en devait succéder une plus grande. Elle devait ébranler la confiance du peuple dans ses traditions, rappeler leurs péchés et les conduire à la repentance, afin qu'ils fussent prêts à apprécier l'oeuvre de Christ. Dieu se communiquait à Jean par l'inspiration, éclairant l'entendement du prophète afin qu'il pût dissiper la superstition et l'ignorance qui obscurcissaient l'intelligence des Juifs pieux, et qui leur avaient été communiquées par de faux enseignements accumulés de génération en génération. VJC 99 4 Mais les moindres disciples qui suivaient Christ, qui étaient témoins de ses miracles et recevaient ses divines instructions et les encourageantes paroles de consolation qui découlaient de ses lèvres, étaient bien plus privilégiés que Jean-Baptiste. Aucune lumière n'a jamais lui et ne luira jamais aussi clairement sur l'esprit de l'homme déchu que celle qui émanait des enseignements et de l'exemple de Jésus. Christ et sa mission n'avaient été que confusément compris et symbolisés dans les sacrifices typiques de l'ancienne dispensation. Jean même fut pendant un certain temps sans comprendre la mission de Christ: il crut qu'il deviendrait un chef temporel et qu'il régnerait sur des sujets justes et saints, ne comprenant point parfaitement la vie future et immortelle par le Sauveur. "La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point reçue." VJC 100 1 Quoique aucun des prophètes n'eût eu une mission plus élevée ou une oeuvre plus grande à accomplir que celle dont Jean était chargé, pourtant le précurseur de Christ ne devait point voir le résultat de ses propres travaux. Il n'eut point l'avantage d'être avec Christ et d'être témoin de la puissance divine qui accompagnait cette lumière plus grande. Il ne devait point voir les aveugles recouvrant la vue, les malades guéris et les morts rendus à la vie. Il ne put voir de ses yeux la lumière qui jaillissait de chaque parole de Christ, projetant des rayons de gloire sur les promesses de la prophétie. Le monde était illuminé de la splendeur de la gloire du Père dans la personne de son Fils; mais il fut refusé au prophète solitaire de voir et de comprendre la sagesse de Dieu, par une connaissance personnelle du ministère de Christ. VJC 100 2 Dans ce sens, beaucoup de ceux qui étaient favorisés des enseignements de Christ et voyaient ses miracles, étaient plus grands que Jean. VJC 100 3 Ceux qui étaient avec Christ lorsqu'il vivait comme homme parmi les hommes; et qui entendirent ses instructions divines dans les circonstances les plus diverses, lorsqu'il prêchait dans le temple, qu'il parcourait les rues, enseignait les foules sur les chemins et sur les bords du lac, et lorsqu'il était assis à la table d'un Simon, d'un Lévi, adressant des paroles d'instruction qui s'appliquaient aux cas de tous ceux qui avaient besoin de son aide; guérissant, consolant et censurant, suivant que l'exigeaient les circonstances, -- ceux-là furent plus élevés que Jean-Baptiste. ------------------------Chapitre 10 -- Les noces de Cana VJC 101 1 Après avoir quitté les bords du Jourdain, Jésus retourna en Galilée. Il commença dès lors la grande oeuvre de sa vie, et le divin caractère de sa mission fut attesté par la puissance surnaturelle qu'il manifesta. VJC 101 2 Un mariage devait être célébré à Cana en Galilée.1 Les époux étaient des parents de Joseph et de Marie. Jésus avait connaissance de cette réunion de famille et il savait qu'un grand nombre de personnes influentes s'y rencontreraient, de sorte qu'accompagné des disciples qu'il venait de s'adjoindre, il se mit en route pour Cana. Dès qu'on sut que Jésus était arrivé dans ce lieu, on le fit spécialement inviter avec ses amis. Comme c'était précisément ce qu'il s'était proposé, Jésus honora la fête de sa présence. VJC 101 3 Il avait été séparé de sa mère depuis un certain temps. Durant cette période, il avait été baptisé par Jean et avait passé par la tentation au désert. Par la rumeur publique, Marie avait appris ce qui était arrivé à son fils et ce qu'il avait souffert. Jean, un de ses nouveaux disciples, avait été à la recherche de Christ et l'avait trouvé dans son humiliation, épuisé et portant les marques d'une grande souffrance physique et morale. Jésus ne voulant point que Jean fût témoin de son humiliation, avait doucement quoique fermement, commandé à Jean de s'éloigner de sa présence. Il désirait être seul; aucun oeil humain ne devait être témoin de son agonie, aucun coeur d'homme ne devait être appelé à sympathiser avec ses souffrances. VJC 101 4 Ce disciple était allé trouver Marie chez elle et lui avait raconté les incidents de sa rencontre avec Jésus aussi bien que ce qui s'était passé à son baptême, alors qu'on entendit la voix de Dieu le reconnaître pour son Fils, et comment Jean avait désigné Christ en disant: "Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde." Pendant trente ans, Marie avait recueilli des preuves que Jésus était le Fils de Dieu, le Sauveur promis au monde. Joseph était mort, et elle n'avait personne à qui confier les pensées qu'elle renfermait dans son coeur. Elle avait balloté entre l'espérance et les doutes qui la jetaient dans la perplexité, mais toujours éprouvant plus ou moins l'assurance que son fils était vraiment le Messie promis. VJC 102 1 Elle avait éprouvé de grands chagrins pendant les deux mois qui s'étaient écoulés, car elle avait été séparée de son fils qui avait toujours obéi fidèlement à ses désirs. Dans son veuvage, cette mère avait gémi au récit des souffrances que Jésus avait enduré dans sa solitude. Son ministère comme Messie lui avait causé du chagrin aussi bien que de la joie. Pourtant, aussi étrange que cela lui paraisse, elle le rencontre aux noces de Cana, le même fils tendre et respectueux. Cependant ce n'est plus le même, car son visage est changé; elle voit les signes de sa terrible lutte dans le désert de la tentation et la preuve de sa haute mission dans la sainte expression et la dignité aimable de sa présence. Elle le voit accompagné d'un certain nombre de jeunes hommes qui lui parlent avec respect, l'appelant maître. Ses compagnons racontent à Marie les choses merveilleuses dont ils ont été témoins, non seulement au baptême, mais dans d'autres occasions nombreuses et ils terminent en disant: "Nous avons trouvé celui de qui Moïse a écrit dans la loi, et dont les prophètes ont parlé; Jésus de Nazareth, le Messie dès longtemps attendu." VJC 102 2 Le coeur de Marie fut rempli de joie de voir que l'espérance qu'elle nourrissait dans son coeur depuis de si longues années était vraie. Il eût été assez étrange s'il ne se fût mêlé à cette grande et sainte joie d'une tendre mère quelque trace d'un orgueil naturel. Mais les convives étaient réunis et le temps passait. A la fin, il arriva un incident qui causa beaucoup d'inquiétude et de regrets. On découvrit que, pour une cause quelconque, le vin avait manqué. Le vin dont on usait était le pur jus du raisin, et il était impossible de s'en procurer à cette heure avancée. Dans de telles occasions on n'avait pas la coutume de s'en dispenser; de sorte que la mère de Christ, qui, en sa qualité de parente avait à s'occuper de la noce, parle à son Fils et lui dit: "Ils n'ont plus de vin." Il y avait dans cette communication une demande couverte, ou plutôt, la suggestion que Lui, auquel toutes choses étaient possibles voulût subvenir à leurs besoins. Mais Jésus lui répondit: "Femme, qu'y a-t-il entre moi et toi? mon heure n'est pas encore venue." Ces paroles furent dites avec respect, quoique avec fermeté. Il voulait enseigner à Marie que le temps où elle devait le gouverner comme une mère était passé. Son oeuvre vaste et importante était maintenant devant lui et personne ne devait le diriger concernant l'exercice de son pouvoir divin. Il y avait du danger à ce que Marie présumât trop de sa relation de parenté avec Christ et sentît qu'elle avait sur lui de l'autorité et des droits spéciaux. Comme Fils du Très-Haut, et Sauveur du monde, nul lien terrestre ne devait l'empêcher d'accomplir sa mission divine, ni influencer sa manière d'agir. Il était nécessaire qu'il restât en dehors de toute considération personnelle, toujours prêt à faire la volonté de son Père dans les cieux. VJC 103 1 Jésus aimait tendrement sa mère; car durant trente ans, il avait été soumis à l'autorité de ses parents; mais le temps était maintenant venu où il devait s'occuper des affaires de son Père. En censurant sa mère, Jésus censure aussi une classe nombreuse de gens qui ont un amour idolâtre pour leurs familles, et qui permettent aux liens de parentage de les détourner du service de Dieu. L'amour humain pour nos proches est un attribut sacré; mais nous ne devons pas permettre qu'il trouble notre expérience chrétienne, ou détourne nos coeurs de Dieu. VJC 103 2 Jésus pouvait contempler sa vie subséquente clairement tracée devant lui. Son pouvoir divin avait été caché jusque-là. Pendant trente ans, il avait attendu dans l'obscurité et l'humiliation, et il ne se sentait nullement pressé d'agir avant que son temps fût venu. Mais Marie souhaitait ardemment de le voir montrer à cette société réunie qu'il était réellement un personnage honoré de Dieu. Il lui semblait qu'il y avait là pour Christ une occasion favorable de convaincre de son pouvoir le peuple présent à cette occasion, en opérant sous leurs yeux un miracle qui le plaçât dans la position qu'il devait occuper devant les Juifs. Mais il répondit que son heure n'était pas encore venue. Le temps où il devait être honoré et glorifié comme Roi n'était pas encore arrivé; pour le présent, son sort était d'être un Homme de douleur et sachant ce que c'est que la langueur. VJC 104 1 Les relations de Christ avec sa mère étaient changées. Celui qui avait été son fils soumis, était maintenant son divin Seigneur. Sa seule espérance, en commun avec le reste des hommes, était de croire qu'il était le Rédempteur du monde et de lui rendre une obéissance implicite. Bien des personnes envisagent la mère de Christ comme étant à l'égal du Fils de Dieu dont les attributs sont infinis en perfection. Mais le Sauveur met les choses à leur place, et nous les fait voir sous une lumière bien différente; il montre qu'aucun lien de parenté humaine ne doit plus attacher ni gêner dans ses mouvements Celui dont la mission devait s'étendre en faveur du monde entier. VJC 104 2 La mère de Christ comprit la place qu'occupait son fils, et elle s'inclina devant sa volonté. Elle savait qu'il exaucerait sa requête s'il le trouvait bon. Sa manière d'agir montrait sa foi parfaite dans la sagesse et dans le pouvoir de Christ, et c'était à cette foi que Jésus répondit par le miracle qui suivit. Marie croyait que Jésus pouvait faire ce qu'elle lui avait demandé, et elle désirait vivement que tout ce qui concernait la fête se passât convenablement et avec honneur. Elle dit donc à ceux qui servaient: "Faites tout ce qu'il vous dira." Elle contribua donc, dans la mesure de ses forces, à préparer la voie au miracle que Jésus allait opérer. VJC 104 3 A l'entrée de la maison où ces choses se passaient, il y avait six vaisseaux de pierre. Jésus commanda aux serviteurs de remplir d'eau ces vaisseaux. Ils obéirent avec empressement à cet ordre singulier. Cela fait, comme on avait besoin de vin immédiatement, Jésus leur dit: "Puisez-en maintenant et portez-en au maître d'hôtel." Les serviteurs virent avec surprise qu'au lieu de l'eau cristalline dont ils venaient de remplir les vaisseaux, ils en tiraient du vin. Ni le maître d'hôtel, ni les convives en général ne savaient que le vin avait manqué, de sorte qu'en le goûtant, le maître d'hôtel fut étonné; car il était supérieur en qualité à tous les vins qu'il avait bus jusque-là, et était tout à fait différent de celui qui avait été servi au commencement de la fête. VJC 105 1 Il s'adressa donc à l'époux et lui dit: "Tout homme sert d'abord le bon vin, et ensuite le moindre, après qu'on a beaucoup bu; mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à présent." Dans ce miracle Jésus donne un exemple de cette vérité, savoir que tandis que le monde présente ses meilleurs dons premièrement, pour fasciner les sens et satisfaire les yeux, il donne des dons toujours frais, toujours nouveaux jusqu'à la fin. Ils ne deviennent jamais insipides au goût. Jamais le coeur n'en est rassasié ni fatigué. Les plaisirs du monde ne satisfont pas le coeur; ils ne procurent point le bonheur; son vin se change en amertume, sa gaîté en tristesse. Ce qui commence par les chants et la joie bruyante, se termine par la fatigue et le dégoût. Mais Jésus procure au coeur une fête qui ne manque jamais de donner de la satisfaction et de la joie. Chaque don nouveau rend celui qui le reçoit plus capable d'apprécier les bénédictions du Seigneur et d'en jouir. Il donne, non pas chichement, mais au delà de ce que nous demandons ou pensons. VJC 105 2 Ce don de Christ au souper de la noce était un symbole des moyens de salut. L'eau représentait le baptême dans sa mort, le vin, son sang répandu pour la purification des péchés du monde. La provision de vin faite par Jésus était amplement suffisante, et le moyen pourvu pour effacer les iniquités des hommes n'est pas moins amplement suffisant. VJC 105 3 Jésus sortait du désert où il avait enduré un long jeûne afin de vaincre le pouvoir de l'appétit sur l'homme, pouvoir qui avait, entre autres maux, introduit l'usage fréquent des boissons alcooliques. Christ ne procura pas aux convives de la noce, du vin qui, par la fermentation ou quelque autre procédé, était d'une nature enivrante, mais il leur donna le pur jus de raisin, clarifié et raffiné, dont l'effet devait être de corriger leur goût perverti. VJC 106 1 Les convives firent des remarques sur la qualité du vin; ils prirent aussitôt des informations, et apprirent bientôt des domestiques le récit de l'oeuvre merveilleuse que le jeune Galiléen venait d'accomplir. La société écouta avec un grand étonnement, et de temps à autre les convives échangeaient quelques paroles de doute et de surprise. A la fin ils cherchèrent Jésus, afin de lui rendre le respect qui lui était dû, et d'apprendre comment il avait opéré ce miraculeux changement de l'eau en vin; mais ils ne le trouvèrent point. Avec une simplicité remplie de dignité, il avait accompli ce miracle, puis s'était tranquillement retiré. VJC 106 2 Lorsqu'il fut reconnu que Jésus était réellement parti, l'attention de la société fut dirigée vers ses disciples qui étaient restés en arrière. Pour la première fois, ils avaient l'occasion de confesser qu'ils croyaient en Jésus de Nazareth comme étant le Sauveur du monde. Jean raconta ce qu'il avait entendu et vu de ses enseignements. Il parla des manifestations merveilleuses de la puissance de Dieu lorsque Jésus fut baptisé par le prophète Jean dans le Jourdain, et comment la lumière et la gloire du ciel étaient descendues sur lui sous la forme d'une colombe tandis qu'une voix venant du ciel déclarait que Jésus était le Fils du Père éternel. Jean narra ces faits avec une exactitude et une clarté convaincantes. La curiosité de tous ceux qui étaient présents fut éveillée et un grand nombre de ceux qui attendaient le Messie avec anxiété pensaient qu'il était tout à fait possible que celui-ci fut Celui qui avait été promis à Israël. VJC 106 3 Les nouvelles de ce miracle opéré par Jésus s'étaient répandues par toute cette région et étaient même parvenues jusqu'à Jérusalem. Les sacrificateurs et les anciens les apprirent avec étonnement. Avec un nouvel intérêt, ils sondèrent les prophéties qui mentionnent la venue de Christ. Ils manifestaient la plus intense anxiété pour savoir quel était le but et la mission de ce nouveau Docteur, qui venait parmi le peuple d'une manière si simple, et qui toutefois faisait ce que nul autre homme n'avait jamais fait. Contrairement aux pharisiens et aux autres dignitaires qui se drapaient dans leur austérité, il s'était joint à cette assemblée composée de diverses classes de personnes réunies à l'occasion de la noce. Il sanctionna ainsi la fête par sa présence; mais sans qu'aucune légèreté mondaine se mêlat à sa pure et sainte conversation. VJC 107 1 Il y a ici une leçon pour les disciples de Christ dans tous les temps; ils doivent apprendre par là à ne pas s'exclure de la société, à ne pas renoncer à tout lien social, ni à chercher à vivre séparés de leurs semblables. Afin d'avoir accès aux individus de toutes les classes, nous devons aller où ils se trouvent, car il est rare qu'ils viennent de plein gré nous chercher où nous sommes. Ce n'est pas seulement par les paroles prononcées du haut de la chaire que les coeurs sont touchés par la vérité divine. Christ éveilla leur intérêt en allant parmi eux comme quelqu'un qui désirait leur bien. Il les chercha dans leurs occupations journalières, et manifesta un intérêt véritable dans leurs affaires temporelles. Il porta ses instructions dans les maisons du peuple, amenant des familles entières sous l'influence de sa présence divine. Par sa sympathie pour les malheurs d'autrui, il attirait les coeurs et les gagnait à sa cause. VJC 107 2 Cet exemple du divin Maître devrait être exactement suivi par ses serviteurs. Quelque instructifs et profitables que puissent être leurs discours publics, ils devraient se souvenir qu'il y a un autre champ d'activité, plus humble peut-être, mais promettant une moisson non moins abondante. Il se trouve dans les humbles positions de la vie aussi bien que dans les splendides demeures des grands de ce monde; il se trouve à la table dressée par l'hospitalité et au milieu de ces assemblées réunies à l'occasion de fêtes innocentes. VJC 107 3 La conduite de Jésus à cet égard était en opposition directe à celle des conducteurs des Juifs. Ceux-ci ne fréquentaient que les personnes distinguées. Ils n'avaient aucune sympathie pour les maux du commun peuple, et ne cherchaient ni à leur faire du bien, ni à gagner leur amitié. Mais Christ se liait aux intérêts de l'humanité, et c'est ainsi que devraient agir ceux qui prêchent sa Parole, non point pour satisfaire leurs goûts pour leur propre jouissance personnelle ou le plaisir du changement et des amusements, mais dans le but de saisir toutes les occasions de faire du bien, et de répandre la lumière de la vérité dans les coeurs des hommes, en menant une vie pure, non entachée par les folies et les vanités de la société. VJC 108 1 Le but principal de Jésus en assistant à cette noce était de commencer à rompre la barrière qui existait entre les conducteurs des Juifs et le commun peuple, et ainsi de les rapprocher. Il est venu non point seulement comme Messie des Juifs, mais aussi comme Rédempteur du monde. Les pharisiens s'abstenaient de fréquenter aucune autre classe que la leur. Ils se tenaient à distance, non seulement des gentils, mais encore de leur propre peuple, et leur enseignement portait toutes les classes à se séparer du reste du monde de manière à les rendre pleins de leur propre justice, égoïstes et intolérants. Cet éloignement rigoureux du commerce du monde et cette bigoterie des pharisiens avaient diminué leur influence et créé des préjugés que Christ aurait voulu faire disparaître, afin que l'influence de sa mission se fît sentir parmi toutes les classes. VJC 108 2 Ceux qui pensent conserver leur religion en la cachant soigneusement entre les murailles d'un couvent pour la préserver de la corruption du monde, perdent des occasions précieuses d'éclairer les hommes et de leur faire du bien. Le Sauveur cherchait les hommes dans les rues, dans les maisons particulières, sur les bateaux, dans la synagogue, sur les bords des lacs et dans les fêtes de mariage. Il passait beaucoup de temps sur les montagnes, priant avec ardeur afin d'être fortifié pour la lutte et pour la tâche qu'il avait à remplir parmi les hommes; et tout en enseignant les riches et les nobles, il instruisait les ignorants, soulageait les pauvres et les malades et ceux qui étaient retenus dans les liens de Satan. VJC 108 3 Le ministère de Christ était en opposition directe à celui des principaux d'entre les Juifs. Ils se tenaient à l'écart, n'ayant aucune relation avec le commun peuple. Se considérant comme des êtres favorisés de Dieu, ils se revêtaient d'une fausse apparence de justice et de dignité. Les Juifs s'étaient tellement écartés des anciens enseignements de Jéhovah, qu'ils croyaient être justes et recevoir l'accomplissement de ses promesses s'ils gardaient strictement la lettre de la loi qui leur avait été donnée par Moïse. VJC 109 1 Le zèle avec lequel ils suivaient les enseignements des anciens leur donnait un air de grande piété. Non contents d'accomplir les services que Dieu leur avait désignés par Moïse, ils étaient continuellement à chercher des devoirs plus rigides et plus difficiles. Ils mesuraient leur sainteté par la multitude de leurs cérémonies, tandis que leurs coeurs étaient remplis d'hypocrisie, d'orgueil et d'avarice. La malédiction de Dieu était sur eux à cause de leurs iniquités, tandis qu'ils faisaient profession d'être la seule nation juste de la terre. VJC 109 2 Ils avaient reçu des interprétations de la loi confuses et déraisonnables. Ils avaient ajouté tradition sur tradition; ils avaient entravé la liberté de penser et d'agir, jusqu'à ce que les commandements, les ordonnances et le service de Dieu fussent perdus dans une série interminable de rites et de cérémonies sans signification. Leur religion était un joug de servitude. Ils étaient tombés dans un tel esclavage qu'il leur était impossible de remplir les devòirs essentiels de la vie sans employer les gentils pour faire pour eux bien des choses nécessaires qu'il leur était défendu de faire, de crainte de se souiller. Ils vivaient dans une crainte continuelle de se souiller. L'occupation constante de ces choses avait borné leurs esprits et restreint le cercle de leur existence. VJC 109 3 Jésus commença l'oeuvre de la réforme en s'unissant à l'humanité. Il était Juif, et il voulait laisser un modèle parfait de quelqu'un qui était Juif au dedans. Tout en censurant les pharisiens à cause de leur piété prétentieuse, et en essayant d'affranchir le peuple des charges déraisonnables qui lui avaient été imposées, il montrait la plus grande vénération pour la loi de Dieu, et il enseignait l'obéissance à ses préceptes. VJC 109 4 Jésus censurait l'intempérance, la sensualité et les folies; toutefois il était d'une nature sociable. Il acceptait des invitations à la table des savants et des nobles aussi bien qu'à celle des pauvres et des affligés. Dans ces occasions, sa conversation était d'une nature élevée et instructive, tenant ses auditeurs dans le ravissement. Il n'autorisait nullement la dissipation et la débauche; toutefois il aimait à voir le peuple jouir d'un plaisir innocent. Une noce chez les Juifs était une scène touchante et solennelle, et Jésus n'était point indifférent à la joie qui y était manifestée. Ce miracle était un fait qui avait pour but de renverser les préjugés des Juifs. Les disciples de Jésus en retirèrent une leçon de sympathie et d'humanité. Ses parents éprouvèrent un plus vif attachement pour lui, et ils l'accompagnèrent lorsque plus tard il alla à Capernaüm. VJC 110 1 En assistant à cette fête, Jésus sanctionna le mariage comme étant une institution divine, et pendant toute la période subséquente de son ministère, il honora l'alliance du mariage d'une manière toute spéciale, en s'en servant pour illustrer plusieurs vérités importantes. VJC 110 2 Ensuite Jésus commença à se présenter aux Nazaréens sous son vrai caractère. Il alla à Nazareth où il était connu comme humble ouvrier, et il entra dans une synagogue le jour du Sabbat.1 Selon la coutume, l'ancien lisait dans les prophètes et exhortait le peuple à continuer d'espérer en Celui qui devait venir, qui établirait son règne glorieux et mettrait fin à toute oppression. Il cherchait à animer la foi et le courage des Juifs en leur répétant les preuves de la prochaine venue du Messie; il s'arrêtait particulièrement sur le pouvoir royal et la majesté glorieuse qui accompagneraient son avénement. Il entretenait dans l'esprit de ses auditeurs l'idée que le Messie règnerait sur un trône terrestre à Jérusalem, et que son règne serait un règne temporel. Il leur enseignait que le Messie apparaîtrait à la tête de ses armées pour vaincre les païens et délivrer Israël de l'oppression de leurs ennemis. VJC 110 3 A la fin du service, Jésus se leva avec un calme rempli de dignité et demanda qu'on lui apportât le livre du prophète Esaïe. "Et ayant ouvert le livre, il trouva l'endroit où il était écrit: L'Esprit du Seigneur est sur moi, c'est pourquoi il m'a oint; il m'a envoyé pour annoncer l'évangile aux pauvres, pour guérir ceux qui ont le coeur brisé; pour publier la vérité aux captifs, et le recouvrement de la vue aux aveugles; pour renvoyer libres ceux qui sont dans l'oppression; et pour publier l année favorable du Seigneur. Et ayant replié le livre, et l'ayant rendu au ministre, il s'assit; et les yeux de tous ceux qui étaient dans la synagogue étaient arrêtés sur lui. Alors il commença à leur dire: Cette parole de l'Ecriture est accomplie aujourd'hui, et vous l'entendez. Tous lui rendaient témoignage, et admiraient les paroles pleines de grâce qui sortaient de sa bouche." VJC 111 1 Tous ceux qui étaient là comprirent que la portion de l'Ecriture que Jésus venait de lire se rapportait au Messie qui devait venir, et à son oeuvre. Et lorsque le Sauveur expliqua les paroles qu'il avait lues et qu'il désigna quel était l'office sacré du Messie, savoir: de soulager les opprimés, de délivrer les captifs, de guérir les malades, de rendre la vue aux aveugles, et de révéler au monde la lumière de la vérité, le peuple fut profondément ému par la sagesse et la puissance de ses paroles, et y répondit par de fervents amens et des louanges au Seigneur. Jésus n'avait pas été instruit à l'école des prophètes; toutefois les plus savants rabbins ne pouvaient parler avec plus de confiance et d'autorité que ce jeune Galiléen. VJC 111 2 Sa manière solennelle, la signification puissante de ses paroles et la lumière divine qui émanait de toute sa personne pénétrèrent les Juifs présents à cette occasion, d'une puissance qu'ils n'avaient point connue auparavant, mais qu'ils éprouvèrent lorsque Jésus se tint devant eux, interprète vivant des paroles du prophète le concernant. Mais lorsqu'il prononça ces paroles: "Cette parole de l'Ecriture est accomplie aujourd'hui, et vous l'entendez," ses auditeurs se mirent à réfléchir et à se demander quel droit cet homme pouvait avoir au titre de Messie, honneur le plus grand auquel l'homme puisse parvenir. VJC 111 3 L'intérêt de l'assemblée avait été entièrement éveillé, et leurs coeurs avaient été remplis de joie, mais Satan était là pour suggérer des doutes, et de l'incrédulité, et ils se rappelèrent qui était celui qui s'adressait à eux comme à des aveugles ou à des captifs dans l'esclavage, ayant besoin d'aide spéciale. Un grand nombre de ceux qui étaient présents connaissaient parfaitement la vie humble de Jésus. Ils n'ignoraient pas qu'il était le fils d'un charpentier, et travaillait de son état avec Joseph son père. Il ne réclamait aucun titre de distinction ou de grandeur, et sa demeure était parmi les pauvres et les humbles de ce monde. VJC 112 1 Le Messie que les Juifs attendaient présentait un contraste frappant avec cet homme humble. Les Juifs croyaient qu'il viendrait avec honneur et gloire, et que par la puissance des armes, il établirait le trône de David. Et ils murmuraient en disant: Celui-ci ne peut pas être celui qui doit délivrer Israël. Celui-ci ne s'appelle-t-il pas Jésus? N'est-il pas le fils de Joseph, ne connaissons-nous pas son père et sa mère? VJC 112 2 Et ils refusèrent de croire en lui, à moins qu'il ne leur donnât quelque signe remarquable. Ils ouvrirent leurs coeurs à l'incrédulité, et les préjugés s'emparèrent de leurs esprits, et aveuglèrent leur jugement, de sorte qu'ils ne tinrent nul compte des preuves qu'ils avaient déjà reçues, lorsqu'ils avaient découvert avec joie et étonnement que c'était leur Rédempteur qui s'adressait à eux. VJC 112 3 Mais Jésus leur montra alors une marque de son caractère divin en manifestant les secrets de leurs coeurs. "Et il leur dit: Vous me direz sans doute ce proverbe: Médecin, guéris-toi toi-même; fais aussi ici, dans ta patrie, tout ce que nous avons ouï dire que tu as fait à Capernaüm. Mais il leur dit: Je vous dis en vérité que nul prophète n'est reçu dans sa patrie. Je vous dis en vérité qu'il y avait plusieurs veuves en Israël au temps d'Elie, lorsque le ciel fut fermé trois ans et six mois, tellement qu'il y eut une grande famine par tout le pays. Néanmoins Elie ne fut envoyé chez aucune d'elles, mais il fut envoyé chez une veuve de Sarepta, dans le pays de Sidon. Il y avait aussi plusieurs lépreux en Israël, au temps d'Elisée le prophète, toutefois aucun d'eux ne fut guéri; le seul Naaman qui était Syrien le fut." VJC 112 4 Jésus lisait les pensées les plus secrètes de ceux qui étaient devant lui, et il prévenait leurs doutes par ce récit d'événements de la vie des prophètes. Ces hommes que Dieu avait choisis pour une oeuvre spéciale et importante n'étaient pas envoyés pour travailler en faveur de ceux qui étaient incrédules et endurcis, mais ceux dont les coeurs étaient bien disposés pour croire étaient tout particulièrement favorisés des manifestations de la puissance de Dieu déployée par ses prophètes. VJC 113 1 Jésus se servit de l'apostasie d'Israël aux jours d'Elie pour illustrer le véritable état du peuple auquel il s'adressait. L'incrédulité et l'orgueil de l'ancienne nation juive fut la cause pour laquelle Dieu laissa de côté les veuves nombreuses d'Israël, les pauvres et les affligés de cette nation, pour trouver à son serviteur un asile dans la maison d'une femme païenne; mais celle qui fut ainsi favorisée avait vécu strictement selon la lumière qu'elle possédait. Dieu laissa aussi les nombreux lépreux d'Israël parce que leur incrédulité et leur abus des priviléges précieux dont ils jouissaient les plaçaient dans une position où Jésus ne pouvait manifester son pouvoir en leur faveur. D'un autre côté, un seigneur païen qui avait été fidèle à ses convictions du devoir, qui avait vécu à la hauteur de ses priviléges, mais qui sentait son grand besoin d'être aidé, et dont le coeur s'ouvrait pour recevoir les leçons de Christ, était aux yeux de Dieu plus digne de recevoir ses faveurs spéciales, et il fut nettoyé de sa lèpre, et de plus son esprit fut éclairé concernant les vérités divines. VJC 113 2 Ici Jésus enseigna une leçon importante qui devrait être reçue par tous ceux qui professent son nom jusqu'à la fin du temps. C'est celle-ci: Que les païens mêmes, qui vivent selon la lumière qu'ils possèdent, faisant le bien autant qu'ils peuvent distinguer le bien du mal, sont considérés par Dieu avec une plus grande faveur que ceux qui, possédant une grande lumière, font une haute profession de piété que leur vie journalière contredit complètement. C'est ainsi que Jésus se tenait devant les Juifs, leur révélant avec calme leurs pensées secrètes et leur présentant avec force la vérité amère de leur vie d'iniquité. VJC 113 3 Chaque parole de Jésus était comme une épée tranchante atteignant leurs vies corrompues et leur coupable incrédulité, et les mettant à nu devant leurs yeux. Ils renoncèrent alors à la foi et au respect que Jésus leur avait d'abord inspirés, et ils refusèrent de reconnaître que cet homme, d'une origine si pauvre et si humble, fût autre qu'un homme ordinaire. Ils ne voulaient reconnaître aucun roi qui ne fût accompagné de richesses et d'honneur, et qui ne se tînt à la tête d'imposantes légions. VJC 114 1 Leur incrédulité engendrait la malice. Satan gouvernait leurs esprits, et ils crièrent contre le Sauveur avec haine et colère. L'assemblée se dispersa, et de méchantes gens mirent les mains sur Jésus en le mettant hors de la synagogue et hors de leur ville, et ils l'auraient mis à mort s'ils avaient pu le faire. Tous paraissaient avoir soif de sa mort. Ils l'entraînèrent sur le bord d'un précipice abrupt dans l'intention de l'y précipiter. Des cris et des malédictions remplissaient l'air. Quelques personnes lui jetaient des pierres et de la boue, mais soudainement il disparut du milieu d'eux, sans qu'ils sussent quand ni comment. Des anges de Dieu accompagnèrent Jésus au milieu de cette populace furieuse, et le protégèrent. Les messagers célestes se tenaient à ses côtés dans la synagogue, tandis qu'il parlait, et ils l'accompagnèrent lorsqu'il était entouré et menacé par cette multitude furieuse de Juifs incrédules. Ces anges aveuglèrent les yeux de cette foule insensée, et conduisirent Jésus dans un lieu de sûreté. ------------------------Chapitre 11 -- Jésus purifiant le temple VJC 115 1 A l'époque de la Pâque, lorsque Jérusalem était remplie de gens venus de très loin pour célébrer cette grande fête annuelle, Jésus et ses disciples se mêlèrent à la foule assemblée. C'était le matin de bonne heure; cependant, de grandes foules se rendaient déjà au temple. En entrant, Jésus fut indigné de trouver le parvis du temple préparé pour un marché aux bestiaux, et pour un lieu de trafic général. Il y avait non seulement des étables pour le bétail, mais encore des tables devant lesquelles les sacrificateurs eux-mêmes remplissaient l'office de changeurs. Au temps de Christ, on exigeait que tout Juif, riche ou pauvre, payât chaque année un demi-sicle comme offrande de propitiation pour son âme, et pour l'entretien du temple. A part cela, de grandes sommes étaient apportées comme dons, et déposées dans le trésor. Pour le service du temple, on n'acceptait qu'une pièce de monnaie, le sicle du sanctuaire, ce qui nécessitait le change de tout argent étranger. VJC 115 2 D'un simple échange de monnaies établi pour obliger les étrangers, cette réception des offrandes était devenue un trafic honteux, et une source de grand profit pour les sacrificateurs. Bien des personnes venaient de très loin et ne pouvaient pas apporter leurs offrandes pour le sacrifice. Sous prétexte de les favoriser, on avait mis en vente dans le parvis extérieur, du bétail et de la volaille à des prix exhorbitants. La confusion résultant naturellement d'un tel état de choses, indiquait l'existence d'un marché aux bestiaux rempli de tumulte, plutôt que celle d'un saint temple de Dieu. On pouvait y entendre les paroles sèches et animées de ceux qui achetaient et vendaient, le beuglement du bétail, le bêlement des brebis, le roucoulement des pigeons, mêlés au tintement des pièces d'argent, et au bruit des disputes animées. Chaque année, à la Pâque, un grand nombre de bêtes étaient sacrifiées, ce qui nécessitait un marché immense dans le temple. Ceux qui faisaient ce commerce en tiraient un grand profit qu'ils partageaient avec les sacrificateurs avares et les hommes d'autorité d'entre les Juifs. Ces spéculateurs hypocrites, sous le manteau de leur sainte profession, pratiquaient toute espèce d'extorsions, et faisaient de leur office sacré un moyen d'augmenter leurs richesses. VJC 116 1 Le mélange des voix, le bruit des divers animaux et les cris de ceux qui les gardaient, produisaient une telle confusion, précisément en dehors des limites sacrées, que les adorateurs qui se trouvaient à l'intérieur étaient dérangés, et que les paroles adressées au Souverain se trouvaient étouffées dans le vacarme qui envahissait le temple érigé à la gloire de Dieu. Néanmoins, les Juifs étaient excessivement fiers de leur piété, et attachés aux formes et aux observances extérieures. Ils se glorifiaient de leur temple, et considéraient comme un blasphème un mot prononcé contre ce bâtiment sacré. Ils étaient stricts quant à ce qui se pratiquait dans cet édifice, et toutefois ils se laissaient dominer par leur amour de l'argent et du pouvoir, à tel point qu'ils pouvaient à peine se rendre compte combien ils étaient éloignés de la pureté originelle des cérémonies des sacrifices, instituées par Dieu lui-même. VJC 116 2 Lorsque l'Eternel descendit sur le Mont Sinaï, ce lieu fut consacré par sa présence. Dieu ordonna à Moïse de mettre des bornes autour de la montagne et de la sanctifier; puis Dieu lui-même donna cet avertissement: "Donnez-vous garde de monter sur la montagne, et d'en toucher aucune extrémité; quiconque touchera la montagne sera puni de mort. Aucune main ne la touchera, soit bête, soit homme; certainement..... il ne vivra point."1 Tout le peuple se purifia et se sanctifia pour venir en la présence de l'Eternel. En contraste direct avec cet exemple, les Juifs firent des parvis du temple dédié au Tout-Puissant, un lieu de trafic, et une place de marché.* VJC 117 1 En entrant dans ce lieu, le jeune Galiléen s'arrêta, et ramassant de petites cordes qui avaient été jetées par quelque marchand de bétail, il en fit un fouet. Puis il gravit les degrés du temple, et contempla cette scène d'un air plein de calme et de dignité. Il vit et entendit le trafic et les marchés. Son visage changea; son front s'assombrit. Instinctivement, les regards d'un grand nombre de personnes se dirigèrent vers cet étranger; leurs yeux étaient comme rivés sur lui. D'autres suivirent leur exemple jusqu'à ce que tous ceux qui composaient cette multitude eussent les yeux attachés sur Jésus, avec un air mêlé de crainte et d'étonnement. VJC 117 2 Ils sentirent instinctivement que cet homme lisait leurs pensées les plus intimes, et leurs motifs cachés. Quelques-uns essayèrent de détourner leur visage, comme si leurs mauvaises oeuvres eussent été écrites sur leur front pour y être lues par ce regard scrutateur. VJC 117 3 La confusion fut arrêtée. Le bruit du trafic et des marchés cessa. Le silence devint pénible. L'assemblée tout entière était accablée sous le poids d'un sentiment de terreur. C'était comme s'ils eussent été traduits devant le tribunal de Dieu pour rendre compte de leurs actions. Les regards de Christ se promenaient sur la multitude et voyaient chaque individu en particulier. Sa personne même, par son attitude de suprême dignité, semblait dominer l'assemblée, et une lumière divine illuminait son visage. Il parla, et sa voix claire et sonore retentit sous les arches du temple: "Otez tout cela d'ici, dit-il, et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de marché."1 VJC 117 4 Il redescendit lentement les degrés, et levant le fouet qui dans sa main semblait s'être changé en un sceptre royal, il ordonna à ceux qui vendaient de se retirer de l'enceinte sacrée, et d'en ôter leurs marchandises. VJC 117 5 D'un zèle sublime et avec une sévérité qu'il n'avait jamais manifestée auparavant, il renversa les tables des changeurs, et l'argent résonna en roulant sur le pavé de marbre. Les plus endurcis et les plus hardis mêmes, n'osèrent mettre en question son autorité; mais, obéissant promptement, les dignitaires du temple, les sacrificateurs égoïstes, les marchands de bétail et les changeurs, se retirèrent en toute hâte de devant lui. Les plus avares mêmes ne s'arrêtèrent pas pour ramasser l'argent qu'ils idolâtraient, mais ils s'enfuirent sans penser à la perte de leurs biens mal acquis. VJC 118 1 Les bêtes et les oiseaux furent précipitamment chassés des portiques sacrés. Une terreur panique avait saisi la multitude, qui sentait l'influence de la divinité de Christ. Des cris de terreur s'échappaient de centaines de lèvres pâles, dans la foule effrayée qui se précipitait en désordre hors de ce lieu. Jésus ne les frappa point avec le fouet de cordes; ce simple fouet leur parut un instrument de vengeance, les menaçant de destruction. Les disciples mêmes tremblaient de frayeur, et étaient saisis de crainte par les paroles et par la tenue de Jésus, si différente de la conduite de l'humble et doux habitant de Nazareth. Ils se souvinrent qu'il était écrit: "Le zèle de ta maison m'a dévoré."1 Bientôt, la multitude, avec le bétail, les brebis et les pigeons, eut évacué le temple de l'Eternel. Les parvis ne furent plus le théâtre d'un commerce sacrilége, et un silence profond et solennel régna sur cette scène, jadis remplie de confusion. Si la présence de l'Eternel avait sanctifié la montagne de Sinaï, sa présence sanctifiait également le temple élevé en son honneur. VJC 118 2 Combien cette foule immense aurait pu facilement résister à l'autorité d'un seul homme; mais la puissance de sa divinité les accablait de confusion et du sentiment de leur culpabilité. Ils n'avaient aucune force pour résister à l'autorité divine du Sauveur du monde. Ceux qui profanaient le temple sacré de l'Eternel furent chassés de ses portes par la Majesté du Ciel. VJC 118 3 Lorsque le temple eut été purifié, le maintien de Jésus changea. La sévérité de son visage fit place à l'expression de la plus tendre sympathie. D'un air de douleur et de compassion, il considérait la foule s'enfuyant pêle-mêle. Quelques personnes, retenues par l'irrésistible attraction de sa présence, étaient restées. Elles n'étaient point épouvantées de sa dignité majestueuse; leurs coeurs étaient attirés vers lui avec amour et espérance. Ces personnes n'étaient point du nombre des grands ou des puissants de ce monde, qui s'attendaient à pénétrer Jésus du sentiment de leur grandeur, mais c'étaient les pauvres, les malades et les affligés. VJC 119 1 Après que les acheteurs, les vendeurs et la foule en désordre eurent été chassés, Jésus soulagea les affligés qui se pressaient autour de lui. Les malades furent guéris, les aveugles recouvrèrent la vue, les muets parlèrent et louèrent Dieu, les boiteux sautèrent de joie, et les démons furent chassés de ceux qu'ils avaient longtemps tourmentés. Des mères pâlies par les inquiétudes et les veilles apportaient à Jésus leurs enfants mourants pour qu'il les bénît. Il les prenait tendrement entre ses bras, et les rendait à leurs mères forts et bien portants. VJC 119 2 C'était une scène bien digne du temple du Seigneur. Celui qui, peu de temps auparavant, s'était tenu sur les degrés du temple comme un ange vengeur, était devenu un messager de miséricorde, calmant les douleurs des opprimés, encourageant ceux qui étaient abattus, soulageant ceux qui souffraient. Des centaines de personnes qui étaient venues à la Pâque faibles et découragées, s'en retournèrent bien portantes et l'esprit éclairé et fortifié. VJC 119 3 Pendant ce temps, le peuple revenait lentement. Ils s'étaient partiellement remis de la panique qui les avait saisis; mais leurs visages portaient une expression d'irrésolution et de timidité qu'ils ne pouvaient cacher. Ils considéraient avec étonnement les miracles de Jésus, et étaient témoins des cures merveilleuses qu'il accomplissait. Jamais, auparavant, ils n'avaient rien vu de semblable. Les principaux Juifs savaient que ce n'était pas par une puissance humaine que Jésus avait purifié le temple de ses spéculateurs sacriléges. L'autorité divine inspirait Jésus et l'élevait au-dessus de l'humanité, et c'est ce que sentaient et éprouvaient aussi les Juifs; et cela seul eût suffi à les amener à ses pieds comme de fidèles adorateurs. Mais ils étaient fermement décidés de ne pas croire. Ils craignaient que, par ses grandes oeuvres et son autorité surhumaine, cet humble Galiléen ne leur ravît le pouvoir et l'ascendant qu'ils possédaient sur le peuple. Dans leur orgueil, ils avaient attendu un roi qui viendrait avec grande pompe, subjuguant les nations de la terre, et leur donnant une place beaucoup plus élevée que celle qu'ils occupaient alors. Cet Homme, qui venait, enseignant l'humilité et l'amour, excitait leur haine et leur mépris. VJC 120 1 Lorsqu'il montra, dans cette occasion, la majesté de sa mission sacrée, ils furent frappés d'une terreur soudaine et se sentirent condamnés dans leur conscience; mais lorsque le premier moment de frayeur fut passé, ces hommes au coeur dur s'étonnèrent de ce qu'ils avaient ainsi été frappés de terreur, et avaient fui si précipitamment de la présence d'un seul homme. Quel droit ce Galiléen avait-il de se mêler de choses qui concernaient les chefs du temple? Après quelque temps, ils retournèrent; mais ils n'osèrent pas reprendre immédiatement leurs anciennes occupations. VJC 120 2 La foule était comparativement innocente de cette action, car c'était par l'arrangement des principales autorités du temple, que le parvis extérieur avait été transformé en marché. Le grand péché de profanation reposait sur les sacrificateurs qui avaient déshonoré leur office sacré et l'avaient détourné de son but. Les principaux sacrificateurs et les anciens consultèrent entre eux pour savoir ce qu'ils devaient faire à l'égard de Jésus, et ce que sa conduite pouvait signifier, car il prenait une autorité plus grande que la leur, et les censurait ouvertement. VJC 120 3 Ils allèrent vers Jésus avec une déférence que produisait la crainte sous laquelle ils étaient encore; car ils conclurent qu'il devait être un prophète envoyé de Dieu pour restaurer la sainteté du temple. Ils lui demandèrent: "Par quels signes nous montres-tu que tu as le pouvoir de faire de telles choses?" Jésus leur avait déjà donné les preuves les plus évidentes de sa mission divine. Il savait que s'ils n'étaient point convaincus en le voyant chasser du temple les vendeurs et les changeurs, aucune autre preuve ne les persuaderait qu'il était le Messie. C'est pourquoi il répondit à leur défi par ces paroles: "Abattez ce temple, et je le relèverai dans trois jours." Ils pensaient que Jésus parlait du temple de Jérusalem, et ils furent étonnés de son apparente présomption. Leurs esprits incrédules étaient incapables de remarquer qu'il faisait allusion à son propre corps, le temple terrestre du Fils de Dieu. Ils répondirent avec indignation: "On a été quarante-six ans à bâtir ce temple, et tu le relèveras en trois jours?" VJC 121 1 Jésus ne voulait pas que les Juifs sceptiques découvrissent la signification cachée de ses paroles. Il ne désirait pas même que ses disciples la comprissent alors. Après sa résurrection, ils se rappelèrent les paroles qu'il avait dites, et alors ils les comprirent correctement. Ils se souvinrent qu'il leur avait dit aussi qu'il avait le pouvoir de quitter sa vie, et le pouvoir de la reprendre. Jésus connaissait jusqu'au bout le sentier dans lequel il était entré. Ses paroles avaient une double signification. Elles se rapportaient au temple de Jérusalem aussi bien qu'à son propre corps. VJC 121 2 Le temple avait été bâti et ses services avaient été institués pour représenter la mort et la sacrificature de Christ. Sa crucifixion abolirait les services de ce temple, parce qu'ils étaient des figures du sacrifice du Fils de Dieu qui devait être accompli. Ils désignaient Christ lui-même, le grand antitype. Dès le jour que les Juifs auraient accompli leurs cruels desseins en faisant à Jésus tout ce qu'ils voulaient, les offrandes, les sacrifices et les services en rapport avec ces offrandes, n'auraient plus aucune valeur aux yeux de Dieu, car le type aurait fait place à l'antitype par l'offrande parfaite du Fils de Dieu. VJC 121 3 La sacrificature toute entière fut établie pour représenter le caractère médiatorial et l'oeuvre de Christ; et tout le plan du culte des sacrifices représentait la mort du Sauveur qui devait racheter le monde du péché. Les holocaustes et le sang des bêtes ne seraient plus nécessaires, lorsque le grand événement qu'ils avaient désigné depuis des générations aurait été accompli. Le temple était à Christ; ses services et ses cérémonies se rapportaient directement à lui. Que dut-il donc éprouver lors-qu'il le trouva souillé par l'esprit d'avarice et d'extorsion, et transformé en une maison de marché et de trafic! VJC 121 4 Lorsque Christ fut crucifié, le voile intérieur du temple se déchira en deux depuis le haut jusqu'en bas, événement qui signifiait que le système cérémoniel des offrandes et des sacrifices avait pour toujours pris fin, et que le grand sacrifice final avait été offert en la personne de Jésus, l'Agneau de Dieu, immolé pour les péchés du monde. VJC 122 1 Dans le cas de ceux qui souillèrent le temple par leur trafic, et dans l'action de Jésus chassant les vendeurs et les changeurs, il y a une leçon pour notre temps. Le même esprit qui animait les Juifs, les portant à substituer le gain à la piété, et la pompe extérieure à la pureté intérieure, prévaut dans le monde chrétien aujourd'hui, et lui est une malédiction. Il se répand comme une lèpre parmi ceux qui font profession d'être les adorateurs de Dieu. Les choses sacrées sont mises au même niveau que les choses vaines de ce monde. On prend le vice pour la vertu, et la justice pour le crime. Les affaires temporelles sont mêlées au culte de Dieu. L'extorsion et les spéculations iniques sont pratiquées par ceux qui professent être les serviteurs du Souverain. Voici le langage de l'apôtre inspiré: "Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous? Si quelqu'un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira; car le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple."1 Il est nécessaire que Jésus occupe continuellement dans le temple de notre coeur la place qui lui appartient, et qu'il le purifie de toutes les souillures du péché. ------------------------Chapitre 12 -- Nicodème venant à Christ VJC 123 1 La grande autorité que Jésus avait manifestée dans le temple, en condamnant les pratiques des dignitaires juifs, fut amplement commentée par les pharisiens, les sacrificateurs et les anciens. Son air majestueux, les accents de sa voix, l'irrésistible puissance qu'il avait exercée sur la multitude, tout était propre à porter un grand nombre d'entre eux à croire qu'il était en vérité le Messie qu'ils avaient si longtemps attendu, et qu'ils souhaitaient si ardemment de voir. VJC 123 2 Une partie des Juifs avaient toujours craint de s'opposer à un homme qui semblait posséder quelque puissance remarquable et qui paraissait être sous l'influence de l'Esprit de Dieu. De nombreux messages avaient été donnés à Israël par la bouche des prophètes. Toutefois, quelques-uns de ces saints hommes de Dieu avaient été mis à mort à l'instigation des chefs d'Israël, parce qu'ils avaient dévoilé les péchés de ceux qui étaient en haut lieu. La captivité des Juifs chez une nation païenne avait été un châtiment pour avoir refusé d'être repris de leurs iniquités, méprisé les avertissements de Dieu, et continué à s'attacher à leurs péchés. VJC 123 3 Au temps de Christ, les Juifs déploraient la position humiliante qu'ils occupaient sous la domination romaine, et condamnaient leurs ancêtres pour avoir lapidé les prophètes qui avaient été envoyés vers eux pour les corriger. Néanmoins, les sacrificateurs et les anciens nourrissaient dans leurs coeurs l'esprit qui devait les pousser à commettre les mêmes crimes. VJC 123 4 Les dignitaires du temple consultèrent ensemble concernant la conduite de Jésus, et pour décider comment ils devaient agir à son égard. Nicodème, l'un d'entre eux, conseilla la modération, soit dans leurs sentiments, soit dans leurs actes. Il déclara que si Jésus était véritablement investi d'autorité de la part de Dieu, il y aurait du danger à rejeter ses avertissements et les manifestations de sa puissance. Il ne pouvait pas le considérer comme un imposteur, ni se joindre au reste des pharisiens pour se moquer de lui. Il avait lui-même vu et entendu Jésus, et son esprit était grandement préoccupé à son égard. Il étudiait, soucieux, les rouleaux de parchemin contenant les prophéties concernant la venue du Messie. Il cherchait ardemment la vérité sur ce sujet, et plus il cherchait, plus il était fortement convaincu que cet homme était celui dont les prophètes avaient parlé. Si Jésus était véritablement le Christ, alors ce temps était réellement dans l'histoire du monde, et surtout dans l'histoire de la nation juive, une époque remplie d'importants événements. VJC 124 1 Après avoir purifié le temple profané par les vendeurs et les changeurs, Jésus passa la journée suivante tout entière à guérir les malades et à soulager les affligés. Nicodème avait vu avec quelle tendre compassion il avait accueilli les pauvres et les opprimés, et avait répondu à leurs besoins. Avec la tendresse d'un père envers des enfants souffrants, il avait opéré des guérisons et consolé les coeurs affligés. Aucun de ceux qui venaient vers lui avec des suppliques ne se retirait de sa présence sans avoir été soulagé. Les mères étaient réjouies de voir leurs petits enfants recouvrer la santé, et les pleurs et les gémissements faisaient place aux accents de la louange. Toute la journée, Jésus avait donné des instructions au peuple inquiet et curieux, raisonnant avec les scribes, et faisant taire par la sagesse de ses paroles les arguties des gouverneurs orgueilleux. Après avoir vu et entendu ces choses merveilleuses, et avoir sondé les prophéties qui désignaient Jésus comme étant le Messie promis, Nicodème n'osa pas mettre en doute qu'il fût envoyé de Dieu. VJC 124 2 Lorsque la nuit vint, Jésus, pâle et fatigué par un travail si long et si continu, chercha la retraite et le repos sur le mont des Oliviers. Ce fut là que Nicodème le trouva et désira s'entretenir avec lui.1 C'était un homme riche et honoré des Juifs. Il était renommé dans tout Jérusalem pour sa richesse, sa science, sa bienfaisance et surtout pour sa libéralité à pourvoir à l'entretien du temple et de ses services. Il était aussi un des membres influents du conseil national. Toutefois lorsqu'il se trouva en la présence de Jésus, une agitation et une timidité étranges s'emparèrent de lui, quoiqu'il essayât de les dissimuler sous un air de calme et de dignité. VJC 125 1 Il tâcha de faire paraître comme étant un acte de condescendance de sa part, que lui, savant gouverneur, sollicitât une entrevue avec un jeune étranger, à une heure aussi avancée de la nuit. Il l'aborda par ces paroles conciliantes: "Maître, nous savons que tu es un docteur venu de la part de Dieu; car personne ne saurait faire les miracles que tu fais si Dieu n'est avec lui." Mais au lieu de répondre à cette salutation flatteuse, Jésus arrêta sur son interlocuteur son regard calme et scrutateur, comme s'il lisait au plus profond de son âme; puis d'une voix douce et grave, il parla et révéla la véritable condition de Nicodème. "En vérité, en vérité, je te dis, que si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu." VJC 125 2 Le pharisien perdit son assurance à ces paroles qu'il comprenait en partie; car il avait entendu Jean-Baptiste prêcher la repentance et le baptême, et aussi la venue de celui qui baptiserait du Saint-Esprit. Depuis longtemps, Nicodème sentait qu'il y avait un manque de spiritualité parmi les Juifs, et qu'ils étaient en grande mesure mus dans leurs actions par la bigoterie, l'orgueil et l'ambition mondaine. Il avait espéré voir un meilleur état de choses lorsque le Messie viendrait. Mais il attendait un Sauveur qui établirait un trône temporel à Jérusalem, qui rassemblerait la nation juive sous son étendard, et subjuguerait le pouvoir romain par la force des armes. VJC 125 3 Ce savant dignitaire était un pharisien strict. Il s'était glorifié de ses bonnes oeuvres et de sa grande piété. Il considérait que sa vie journalière était parfaite devant Dieu, et il fut effrayé d'entendre Jésus parler d'un royaume trop pur pour qu'il pût y entrer dans sa condition actuelle. Son esprit lui inspira des craintes; toutefois il éprouva de l'irritation par l'application directe de ces paroles à son propre cas, et il répondit comme s'il les avait comprises dans leur sens le plus littéral: "Comment un homme peut-il naître quand il est vieux?" VJC 126 1 Mais Jésus répéta, en accentuant solennellement ses paroles: "En vérité, en vérité, je te dis, que si un homme ne naît d'eau et d'esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu." Nicodème ne pouvait plus se méprendre sur le sens des paroles de Jésus. Il savait très bien qu'il faisait allusion au baptême d'eau et à la grâce de Dieu. La puissance du Saint-Esprit transforme l'homme entièrement C'est cette transformation qui constitue la nouvelle naissance. VJC 126 2 Un grand nombre de Juifs avaient reconnu Jean comme un prophète envoyé de Dieu, et avaient été baptisés par lui du baptême de la repentance, tandis qu'il leur enseignait ouvertement que son oeuvre et sa mission avaient pour but de préparer le chemin devant Christ, la lumière supérieure, qui achèverait l'oeuvre qu'il avait commencée. Nicodème avait médité sur ces choses, et il était en ce moment sous la conviction qu'il se trouvait en la présence de celui dont Jean avait été le précurseur. VJC 126 3 Jésus lui dit: "Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'Esprit est esprit. Ne t'étonne point de ce que je t'ai dit: Il faut que vous naissiez de nouveau. Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit; mais tu ne sais d'où il vient, ni où il va. Il en est de même de tout homme qui est né de l'Esprit." Ici Jésus cherche à faire comprendre à Nicodème la nécessité positive de l'influence de l'Esprit de Dieu sur le coeur humain, pour le purifier et pour le préparer au développement d'un caractère juste et bien équilibré. "Car c'est du coeur que viennent les mauvaises pensées, les meurtres, les adultères, les fornications, les larcins, les faux témoignages, les blasphèmes."1 Cette source du coeur étant purifiée, ce qui en découle devient pur. VJC 127 1 Cette nouvelle naissance est pour Nicodème quelque chose de mystérieux. "Comment ces choses se peuvent-elles faire?" demande-t-il. Jésus, en lui disant de ne point s'étonner, emploie le vent comme exemple pour lui faire comprendre la signification de ses paroles. On entend le bruit du vent dans les branches des arbres, et son frémissement dans les feuilles et dans les fleurs; mais il est invisible à l'oeil, et nul ne sait d'où il vient, ni où il va. Telle est l'expérience de celui qui est né de l'Esprit. L'Esprit est un agent invisible employé de Dieu pour produire des résultats tangibles. Son influence est puissante et elle gouverne les actions des hommes. S'il est purifié de tout mal, il est la force motrice du bien. L'Esprit de Dieu régénérateur, prenant possession de l'esprit de l'homme, transforme sa vie; il éloigne les mauvaises pensées; on renonce aux mauvaises actions, et la colère, l'envie et la dispute font place à l'amour, à la paix, à l'humilité. Cette puissance, que nul oeil humain ne peut voir, a créé un être nouveau à l'image de Dieu. VJC 127 2 La nécessité de la nouvelle naissance fit moins d'impression sur l'esprit de Nicodème que la manière dont elle devait s'accomplir. Jésus le reprend et lui demande si lui, qui était docteur en Israël, et interprète des prophéties, pouvait ignorer ces choses. Avait-il lu en vain ces écrits sacrés, qu'il n'avait pas compris qu'ils enseignaient que le coeur doit être purifié de sa souillure naturelle par l'Esprit de Dieu, avant qu'il soit propre à habiter le royaume des cieux? Ici Christ ne faisait nullement allusion à la résurrection du corps, alors qu'une nation naîtra en un jour; mais il parlait de l'oeuvre intérieure de la grâce dans le coeur non régénéré. VJC 127 3 Jésus venait de purifier le temple, en chassant de ses parvis sacrés ceux qui l'avaient profané par leur trafic et leurs extorsions. Aucun de ceux qui, ce jour-là, avaient fui de devant la présence de Jésus, n'était propre à être employé aux services sacrés du temple. Il y avait, il est vrai, parmi les pharisiens quelques hommes honorables qui regrettaient profondément les maux qui corrompaient la nation juive et profanaient ses rites sacrés. Ils voyaient aussi que les traditions et les formes vaines avaient pris la place de la vraie sainteté, mais ils étaient impuissants à réprimer ces abus croissants. VJC 128 1 Jésus avait commencé son oeuvre en attaquant directement l'esprit d'égoïsme et d'avarice des Juifs, leur montrant que tout en prétendant être enfants d'Abraham, ils refusaient de suivre son exemple. Ils étaient zélés pour montrer une apparence de justice extérieure, tandis qu'ils négligeaient la sainteté intérieure. Ils s'attachaient strictement à la lettre de la loi, tandis qu'ils en transgressaient journellement l'esprit d'une façon criante. La loi défendait la haine et le vol; toutefois Christ déclara que les Juifs avaient fait de la maison de son Père une caverne de voleurs. Ce dont le peuple avait grand besoin, c'était d'une nouvelle naissance morale. Ils avaient besoin que les péchés qui les souillaient fussent ôtés, et qu'une connaissance éclairée et la vraie sainteté fussent renouvelées en eux. VJC 128 2 Cette oeuvre de purifier le temple est un exemple de l'oeuvre qui doit s'accomplir chez tous ceux qui veulent posséder la vie éternelle. Jésus exposa avec patience à Nicodème le plan du salut, lui montrant de quelle manière le Saint-Esprit fait pénétrer la lumière et la puissance transformatrice dans toute âme qui est née de l'Esprit. Semblable au vent qui est invisible, et dont toutefois les effets sont clairement vus et sentis, le baptême de l'Esprit de Dieu sur le coeur se révèle dans toutes les actions de celui qui fait l'expérience de son pouvoir salutaire. VJC 128 3 Il expliqua comment Christ délivre de son fardeau l'âme oppressée, et lui dit de se réjouir de sa délivrance. La tristesse fait place à la joie, et le visage réfléchit la lumière du ciel. Toutefois personne ne voit la main qui ôte le fardeau, ni la lumière descendre des parvis célestes. La bénédiction se produit lorsque l'âme, par la foi, se soumet au Seigneur. Ce mystère surpasse la science humaine; toutefois celui qui passe ainsi de la mort à la vie, éprouve que cette vérité est une vérité divine. VJC 128 4 La conversion de l'âme par la foi en Christ n'était que faiblement comprise par Nicodème, qui avait été habitué à considérer le froid formalisme et les services rigides comme étant la vraie religion. Le Docteur divin lui expliqua que sa mission sur la terre n'avait pas pour but d'établir un royaume temporel, rivalisant avec la pompe et la magnificence de ce monde, mais d'établir un règne de paix et d'amour, et d'amener les hommes au Père par l'oeuvre médiatrice de son Fils. VJC 129 1 Nicodème était grandement étonné. Mais Jésus ajouta: "Si je vous ai parlé des choses terrestres, et que vous ne les croyiez pas, comment croirez-vous, quand je vous parlerai des choses célestes?" Si Nicodème ne pouvait pas recevoir ses enseignements, démontrant l'oeuvre de grâce sur le coeur humain, ainsi qu'elle est représentée par la figure du vent, comment pouvait-il comprendre la nature de son royaume céleste et glorieux? Puisqu'il ne discernait point le caractère de l'oeuvre de Christ sur la terre, il ne pouvait pas comprendre son oeuvre dans le ciel. Jésus renvoie Nicodème aux prophéties de David et d'Ezéchiel: VJC 129 2 "Et je ferai qu'ils n'auront qu'un coeur, et je mettrai en eux un esprit nouveau; j'ôterai de leur chair le coeur de pierre, et je leur donnerai un coeur de chair; afin qu'ils marchent dans mes statuts, et qu'ils gardent mes ordonnances, et qu'ils les observent; et ils seront mon peuple, et je serai leur Dieu." "Et ils y entreront, et ils en ôteront toutes les infamies et toutes les abominations." "C'est pourquoi, ô maison d'Israël! je vous jugerai chacun de vous selon ses voies, dit le Seigneur, l'Eternel. Convertissez-vous, et détournez-vous de tous vos péchés, et l'iniquité ne vous sera pas une occasion de ruine. Jetez loin de vous tous vos péchés par lesquels vous avez péché, et faites-vous un nouveau coeur et un esprit nouveau." "O Dieu! crée-moi un coeur pur, et renouvelle au dedans de moi un esprit droit. Ne me rejette pas de devant ta face, et ne m'ôte pas l'esprit de ta sainteté. Rends-moi la joie de ton salut, et que l'esprit franc me soutienne. J'enseignerai tes voies aux méchants, et les pécheurs se convertiront à toi." "Et je vous donnerai un nouveau coeur, et je mettrai en vous un esprit nouveau; et j'ôterai le coeur de pierre de votre chair, et je vous donnerai un coeur de chair."1 VJC 130 1 Le savant Nicodème avait lu ces prophéties positives avec un esprit obscurci, mais maintenant il commençait à saisir leur véritable signification, et à comprendre que même un homme aussi juste et aussi honorable que lui, devait naître de nouveau par Jésus-Christ, afin d'être sauvé et de s'assurer l'entrée au royaume de Dieu. Jésus dit positivement que, à moins qu'un homme ne naisse de nouveau, il ne peut discerner le règne que Christ est venu établir sur la terre. Une conformation rigide à l'obéissance de la loi ne donnera à personne le droit d'entrer dans le royaume des cieux. VJC 130 2 Il doit y avoir une nouvelle naissance, un esprit nouveau par l'opération de l'Esprit de Dieu, qui purifie la vie et ennoblit le caractère. Cette relation avec Dieu prépare l'homme pour le glorieux royaume des cieux. Nulle invention humaine ne pourra jamais trouver un remède pour l'âme pécheresse. Ce n'est que par la repentance et l'humiliation, et par une soumission à ce que Dieu exige de nous, que l'oeuvre de la grâce peut s'accomplir. L'iniquité est si odieuse aux yeux de Dieu que le pécheur a si longtemps offensé et outragé, qu'une repentance proportionnée à la nature des péchés commis, produit souvent une angoisse d'esprit dure à supporter. VJC 130 3 Rien moins qu'une application et une acceptation pratiques de la vérité divine n'ouvrent à l'homme le royaume de Dieu. Il n'y a qu'un coeur pur et humble, obéissant et rempli d'amour pour Dieu, ferme dans la foi et fidèle au service du Souverain, qui puisse y entrer. Jésus aussi déclare que, "comme Moïse éleva le serpent dans le désert, de même il faut que le Fils de l'homme soit élevé; afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle." Le serpent au désert fut élevé sur une perche à la vue de tout le peuple, afin que tous ceux qui avaient été mordus par les serpents brûlants dont la blessure était mortelle pussent regarder ce serpent d'airain, symbole de Christ, et fussent aussitôt guéris. Mais ils devaient regarder avec foi, autrement cela ne leur aurait servi de rien. C'est aussi de la même manière que les hommes doivent tourner les regards de leur foi vers le Fils de l'homme, comme vers celui qui peut les sauver pour la vie éternelle. Par le péché l'homme s'était séparé de son Dieu. Christ manifesta sur cette terre sa divinité voilée par son humanité, afin de racheter l'homme de cet état de perdition. La nature humaine est dégradée, et le caractère de l'homme doit être changé avant qu'il puisse être en harmonie avec les êtres purs et saints du royaume immortel de Dieu. C'est cette transformation, qui s'appelle la nouvelle naissance. VJC 131 1 Si, par la foi, l'homme se saisit de l'amour divin, il devient une nouvelle créature par Jésus-Christ. Le monde est surmonté, la créature humaine est subjuguée, et Satan est vaincu. Dans cet important sermon que Jésus fit à Nicodème, il déroule devant ce noble pharisien tout le plan du salut et sa mission dans ce monde. Dans aucun de ses discours subséquents, le Sauveur n'expliqua avec autant de perfection et d'ordre l'oeuvre qui devait s'opérer dans le coeur pour qu'il pût hériter le royaume des cieux. Il parle du salut de l'homme comme ayant son origine directement dans l'amour du Père, qui le porta à livrer son Fils unique à la mort afin que l'homme fût sauvé. VJC 131 2 Jésus connaissait parfaitement le terrain dans lequel il jetait la semence de la vérité. Pendant trois ans il y eut peu de fruit apparent. Nicodème n'avait jamais été un ennemi de Jésus, mais il ne le confessait pas publiquement. Il pesait les choses avec une exactitude qui s'accordait avec sa nature. Il observait les oeuvres de la vie de Jésus avec un intense intérêt. Il méditait ses enseignements et était témoin de ses oeuvres puissantes. La résurrection de Lazare prouvait d'une manière irrécusable au savant Juif que Jésus était le Messie. VJC 131 3 Un jour que le Sanhédrin était assemblé pour délibérer sur le moyen le plus efficace pour condamner à mort Jésus, Nicodème fit entendre sa voix pleine d'autorité, en disant: "Notre loi condamne-t-elle un homme sans l'avoir ouï auparavant, et sans s'être informé de ce qu'il a fait?"1 Ces paroles provoquèrent de la part du souverain sacrificateur cette réponse piquante: "Es-tu aussi Galiléen? Informe-toi, et tu verras qu'aucun prophète n'a été suscité de la Galilée." Et le conseil se dispersa, car on ne put obtenir un consentement unanime sur la condamnation de Jésus. VJC 132 1 Les Juifs soupçonnèrent bien Joseph et Nicodème d'être sympathiques au docteur de la Galilée, et lorsque le conseil se réunit pour décider du sort de Jésus, ces hommes-là ne furent point appelés. Les paroles dites de nuit à un seul homme sur une montagne solitaire n'avaient pas été perdues. Lorsque Nicodème vit Jésus sur la croix, suspendu comme un malfaiteur entre le ciel et la terre, et toutefois priant pour ses meurtriers; lorsque dans cette heure terrible il fut témoin de la commotion de la nature, alors que le soleil cacha sa lumière et que la terre trembla dans l'espace, que les rochers se fendirent, et que le voile du temple se déchira en deux, il se souvint alors des enseignements solennels qu'il avait reçus sur la montagne: "Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, de même il faut que le Fils de l'homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle."1 VJC 132 2 Les écailles tombèrent de ses yeux, et le doute et l'incrédulité firent place à la foi. Des rayons de lumière jaillissant de l'entrevue secrète qui avait eu lieu sur la montagne, illuminèrent la croix du Sauveur. Dans ce moment de découragement et de danger, alors que les coeurs des disciples, remplis de craintes et de doutes, leur défaillaient, Joseph d'Arimathée, disciple secret de Jésus, vint demander à Pilate le corps du Seigneur, et Nicodème qui, au commencement, était venu de nuit vers Jésus, apporta cent livres d'une composition de myrrhe et d'aloès. Ces deux hommes accomplirent de leurs propres mains les dernières cérémonies sacrées, et placèrent le corps du Sauveur dans un sépulcre neuf dans lequel personne n'avait encore été mis. Ces puissants gouverneurs des Juifs répandirent ensemble des larmes sur le corps sacré de notre Sauveur. VJC 132 3 Maintenant que les disciples étaient dispersés et découragés, Nicodème s'avançait hardiment. Il était riche, et il employa ses biens pour le soutien de l'Eglise chrétienne naissante, que les Juifs s'attendaient à voir se disperser à la mort de Jésus. Celui qui avait été si prudent, si calculateur et si obsédé de doutes, était alors, dans le moment fâcheux, ferme comme un roc de granit, encourageant la foi chancelante des disciples de Christ, et contribuant de ses propres biens à l'avancement de la cause de Dieu. Il fut spolié, persécuté et flétri par ceux qui l'avaient respecté et honoré autrefois. Il devint pauvre des biens de ce monde, toutefois il resta inébranlable dans la foi qui avait eu son origine dans cette conférence nocturne avec Jésus. VJC 133 1 Nicodème raconta à Jean l'histoire de cette entrevue, et l'évangéliste inspiré en donne le récit pour l'instruction des générations futures. Les vérités essentielles enseignées dans ce récit sont aussi importantes aujourd'hui qu'elles l'étaient dans cette nuit solennelle, lorsque, dans cette sombre montagne, l'influent gouverneur juif vint apprendre le chemin de la vie de la bouche même de l'humble charpentier de Nazareth. VJC 133 2 "Le Seigneur ayant donc appris que les pharisiens avaient ouï dire qu'il faisait et baptisait plus de disciples que Jean (toutefois ce n'était pas Jésus lui-même qui baptisait, mais c'étaient ses disciples), il quitta la Judée, et s'en retourna en Galilée."1 VJC 133 3 Les préventions des Juifs furent excitées parce que les disciples de Jésus n'employaient pas exactement les paroles de Jean dans le rite du baptême. Les enseignements de Jean étaient en parfaite harmonie avec ceux de Jésus; toutefois les disciples de Jean devinrent jaloux, et craignirent que l'influence de leur maître ne diminuât. Une dispute s'éleva entre eux et les disciples de Jésus, au sujet des paroles sacramentelles à employer pour le baptême, et finalement quant au droit que Jésus avait de baptiser. VJC 133 4 Les disciples de Jean allèrent se plaindre à leur maître, en disant: "Maître! celui qui était avec toi, au delà du Jourdain, auquel tu as rendu témoignage, le voilà qui baptise et tous vont à lui."2 Jean n'était point exempt des infirmités ordinaires de la nature humaine. Dans cette affaire, il fut soumis à une rude épreuve. Son influence comme prophète de Dieu avait été plus grande que celle d'aucun autre homme, jusqu'à ce que le ministère de Christ eût commencé; mais la renommée de ce nouveau Docteur attirait l'attention de tout le peuple, et en conséquence, la popularité de Jean diminuait Ses disciples vinrent lui faire un récit exact de ce qui se passait: Jésus baptise, disaient-ils, et tous vont à lui. VJC 134 1 Jean se trouvait placé dans une position dangereuse; s'il avait approuvé la jalousie de ses disciples en répondant à leurs murmures par une seule parole de sympathie ou d'encouragement, une grave division aurait eu lieu. Mais l'esprit noble et désintéressé du prophète se montra dans la réponse qu'il fit à ses disciples: VJC 134 2 "Personne ne peut rien recevoir, s'il ne lui a été donné du ciel. Vous m'êtes vous-mêmes témoins que j'ai dit, que ce n'est pas moi qui suis le Christ, mais que j'ai été envoyé devant lui. Celui qui a l'épouse est l'époux; mais l'ami de l'époux, qui est présent et qui l'écoute, est ravi de joie d'entendre la voix de l'époux; et c'est là ma joie qui est parfaite. Il faut qu'il croisse et que je diminue." VJC 134 3 Si Jean avait manifesté quelque dépit ou du chagrin en se voyant remplacé par Jésus; si, lorsqu'il vit son pouvoir sur le peuple diminuer, il avait permis à ses propres sentiments de se rebeller contre Dieu; s'il avait un seul instant, dans cette heure de tentation, perdu de vue sa mission, le résultat eût été désastreux pour l'établissement de l'Eglise chrétienne. La semence de discorde aurait été semée, l'anarchie en aurait été le fruit, et la cause de Dieu aurait langui, faute de personnes convenables pour la soutenir. VJC 134 4 Mais Jean, sans tenir compte de ses intérêts personnels, prit la défense de Jésus, en rendant témoignage à sa supériorité, comme étant celui qui avait été promis à Israël, et devant lequel il était venu préparer le chemin. Il s'identifia pleinement avec la cause de Christ, et déclara que la prospérité de cette cause était sa plus grande joie. Puis, s'élevant au-dessus de toute considération mondaine, il rendit ce témoignage remarquable, témoignage qu'on pourrait presque appeler la contre-partie de celui que Jésus avait donné à Nicodème dans leur secrète entrevue sur la montagne: VJC 135 1 "Celui qui est venu d'en haut est au-dessus de tous; celui qui est venu de la terre est de la terre, et parle comme étant de la terre; celui qui est venu du ciel est au-dessus de tous. Et il rend témoignage de ce qu'il a vu et entendu; mais personne ne reçoit son témoignage. Celui qui a reçu son témoignage a scellé que Dieu est véritable. Car celui que Dieu a envoyé, annonce les paroles de Dieu, parce que Dieu ne lui donne pas l'esprit par mesure. Le Père aime le Fils, et lui a donné toutes choses entre les mains. Celui qui croit au Fils a la vie éternelle: mais celui qui ne croit pas au Fils ne verra point la vie; mais la colère de Dieu demeure sur lui." VJC 135 2 Quel sermon pour les pharisiens, préparant le chemin pour le ministère de Christ! Le même esprit dont Christ était animé était en Jean-Baptiste. Leurs témoignages s'accordaient; leurs vies étaient consacrées à la même oeuvre de réforme. Le prophète désigne le Sauveur comme étant le Soleil de Justice se levant avec splendeur en éclipsant bientôt sa propre lumière, laquelle alors pâlissait et s'effaçait devant une lumière plus grande. Par la joie désintéressée qu'il témoignait du succès du ministère de Jésus, Jean offre au monde le plus beau modèle de la véritable noblesse qui ait jamais été montré par aucun mortel. Il présente à ceux que Dieu a placés dans des positions de responsabilité, une leçon de soumission et de renoncement. Il leur enseigne à ne jamais s'approprier un honneur qui ne leur appartient pas, ni à laisser l'esprit de rivalité déshonorer la cause de Dieu. Le véritable chrétien doit soutenir le bien aux dépens de toutes les considérations personnelles. VJC 135 3 Les nouvelles qui étaient parvenues à Jean, concernant le succès de Jésus, furent aussi portées à Jérusalem, et y excitèrent contre lui de la jalousie, de l'envie et de la haine. Jésus connaissait l'endurcissement des coeurs des pharisiens et les ténèbres de leur esprit, et il savait qu'ils n'épargneraient rien pour faire naître la division entre ses propres disciples et ceux de Jean, et que cette division nuirait grandement à l'oeuvre; c'est pourquoi il cessa tranquillement de baptiser, et il se retira en Galilée. Il savait qu'il se préparait une tempête qui enlèverait bientôt le prophète le plus noble que Dieu eût jamais donné au monde. Il désirait éviter toute division de sentiment dans la grande oeuvre qui était devant lui, et pour le moment, il quitta cette région dans le but d'apaiser toute excitation qui aurait porté préjudice à la cause de Dieu. VJC 136 1 Il y a ici une leçon importante pour les disciples de Christ: ils devraient prendre toutes les précautions convenables pour éviter la discorde; car toute division d'intérêt, amenant des contestations et des différences malheureuses dans l'Eglise, a souvent pour résultat la perte d'âmes qui auraient pu être sauvées dans le royaume de Dieu. Lorsqu'il survient une crise religieuse, ceux qui ont une place importante dans l'Eglise, et qui font profession d'être les serviteurs de Dieu, devraient suivre l'exemple du Maître et celui du noble prophète Jean. Ils devraient rester fermes et unis dans la défense de la vérité, tout en travaillant soigneusement à éviter toute dissension nuisible. ------------------------Chapitre 13 -- La samaritaine VJC 137 1 En se rendant en Galilée, Jésus devait passer par la Samarie. En allant à pied de lieu en lieu, il saisissait toutes les occasions pour enseigner le peuple. Le Sauveur était fatigué, et il s'assit pour se reposer près du puits de Jacob, tandis que ses disciples allaient chercher des vivres pour eux et pour leur Maître. Pendant qu'il était assis là, seul, une femme de Samarie1 s'approcha sans faire attention à lui; mais Jésus avait l'oeil sur elle, et lorsqu'elle eut puisé de l'eau, il lui demanda à boire. VJC 137 2 La Samaritaine fut surprise qu'un Juif lui fît cette requête, et elle répondit: "Comment toi, qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une femme samaritaine? car les Juifs n'ont point de communication avec les Samaritains." Jésus répondit, et lui dit: "Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui qui te dit: Donne-moi à boire, tu lui en aurais demandé toi-même, et il t'aurait donné une eau vive." Il faisait ici allusion à la grâce divine que lui seul pouvait donner et qui, semblable à de l'eau vive, purifie l'âme, la rafraîchit et la fortifie. VJC 137 3 Mais l'intelligence de la femme ne saisit point la signification des paroles de Christ; elle supposait qu'il parlait du puits qui était devant elle, et elle répondit: "Seigneur! tu n'as rien pour puiser, et le puits est profond; d'où aurais-tu donc cette eau vive? Es-tu plus grand que Jacob, notre père, qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même?" Elle ne voyait devant elle qu'un voyageur altéré, fatigué et lassé du chemin; et instinctivement elle comparait cet étranger sans apparence avec le grand et digne patriarche. VJC 138 1 Jésus ne satisfit pas immédiatement la curiosité de cette femme quant à ce qui le concernait, mais d'un ton sérieux et solennel, il lui dit: VJC 138 2 "Quiconque boit de cette eau aura encore soif; mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai, n'aura jamais soif; mais l'eau que je lui donnerai, deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusqu'à la vie éternelle." VJC 138 3 La femme le regarda avec une attention mêlée d'étonnement; il avait réussi à éveiller son intérêt et à lui inspirer du respect pour lui-même. Elle comprit alors que l'eau à laquelle Jésus faisait allusion n'était pas celle du puits de Jacob, car elle faisait continuellement usage de cette eau-là et elle avait encore soif. Avec une foi remarquable, elle lui demanda de lui donner de l'eau dont il parlait afin qu'elle n'eût plus à venir au puits pour y puiser de l'eau. VJC 138 4 Jésus n'avait pas l'intention de lui donner l'idée qu'afin de n'avoir plus soif, il suffisait simplement de boire une seule fois de cette eau vive qu'il donnait, mais il voulait donner à entendre que quiconque est uni à Christ, a au dedans de soi une source d'eau vive à laquelle il puise la force et la grâce nécessaires dans toute circonstance difficile. Des paroles et des actes de justice découlent de cette source et rafraîchissent les coeurs des autres aussi bien que l'âme de celui dont elle jaillit. Jésus-Christ, source inépuisable de cette fontaine, remplit de joie la vie et illumine le sentier de tous ceux qui viennent lui demander du secours. L'amour envers Dieu et la ferme espérance du ciel se manifesteront par une vie d'obéissance et de fidélité qui conduira à la vie éternelle. VJC 138 5 Tout à coup, Jésus changea le sujet de la conversation, et ordonna à la femme d'appeler son mari. Elle répondit franchement qu'elle n'avait point de mari. Jésus était maintenant parvenu au point où il pouvait la convaincre qu'il avait le pouvoir de lire l'histoire de sa vie, bien qu'il ne la connût pas personnellement auparavant. Il lui parla ainsi: "Tu as fort bien dit: Je n'ai point de mari; car tu as eu cinq maris, et celui que tu as maintenant n'est pas ton mari; tu as dit vrai en cela." VJC 139 1 Jésus avait en vue un double objet: il désirait non seulement réveiller sa conscience sur sa conduite coupable, mais aussi lui prouver qu'un oeil plus sage que les yeux humains avait lu les secrets de sa vie. VJC 139 2 Mais quoiqu'elle ne comprît pas toute la culpabilité de sa conduite, la femme fut grandement étonnée de la connaissance de cet étranger. Avec un profond respect, elle dit: "Seigneur, je vois que tu es un prophète." Ses préoccupations personnelles firent alors place à une vive inquiétude quant aux intérêts religieux. Elle poursuivit: "Nos pères ont adoré sur cette montagne, et vous dites, vous autres, que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem." VJC 139 3 Cette montagne de Guérizim se trouvait précisément en face de l'endroit où Jésus parlait avec la Samaritaine. Le temple qui y avait été bâti par les Samaritains avait été démoli, et il n'y restait plus que l'autel. Le lieu où il fallait adorer avait été un sujet de dispute entre les Juifs et les Samaritains. Une partie des ancêtres de ces derniers avaient autrefois fait partie du peuple d'Israël, mais à cause de leurs transgressions et de leur négligence à obéir aux commandements de Dieu, l'Eternel avait permis qu'ils fussent vaincus par une nation idolâtre, et depuis plusieurs générations, ils se trouvaient mélangés avec des païens, les Assyriens, dont la religion avait graduellement corrompu la leur. Ayant encore conservé quelque respect pour le vrai Dieu, ils le représentaient par des figures de bois et de pierre devant lesquelles ils se prosternaient. VJC 139 4 Lorsque le temple de Jérusalem fut rebâti, les Samaritains désirèrent se joindre aux Juifs pour construire cet édifice. Ce privilége leur fut refusé, et en conséquence, il s'éleva entre les deux peuples une grande animosité. Finalement, les Samaritains bâtirent sur le mont Guérizim un temple rival où ils adorèrent suivant les cérémonies que Dieu avait données à Moïse, quoique leur culte fût entaché d'idolâtrie. Mais les Samaritains eurent à essuyer bien des désastres; leur temple fut détruit par l'ennemi, et il semblait que la malédiction de Dieu reposât sur eux. VJC 139 5 Ils étaient forcés de croire que Dieu les punissait à cause de leur apostasie. Ils prirent la détermination de se réformer, et ils demandèrent à des docteurs juifs de vouloir les instruire dans la véritable religion. Par le moyen de cet enseignement, leurs idées de Dieu et de sa loi devinrent plus claires, et leurs services religieux se rapprochèrent davantage de celui des Juifs. Mais dans une certaine mesure, ils se rattachaient encore à leur idolâtrie, et il y avait toujours un désaccord entre eux et les Juifs. Les Samaritains ne voulaient pas respecter le temple de Jérusalem et refusaient d'admettre que ce fût véritablement dans ce lieu qu'il fallait adorer. VJC 140 1 Jésus répondit à la femme en lui disant que le temps allait venir où ils n'adoreraient plus le Père ni sur cette montagne, ni à Jérusalem. Il dit: "Vous adorez ce que vous ne connaissez point; pour nous, nous adorons ce que nous connaissons; car le salut vient des Juifs. Mais le temps vient, et il est déjà venu, que les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité, car le Père demande de tels adorateurs. Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité." VJC 140 2 C'était là une déclaration positive que, dans les principes de leur religion, les Juifs étaient plus près de la vérité qu'aucune autre nation. Jésus aussi faisait allusion au fait que la foi des Samaritains était mêlée au culte des idoles. Il est vrai qu'ils prétendaient que ces images ne faisaient que leur rappeler le Dieu vivant, le Gouverneur de l'univers, mais néanmoins, le peuple était porté à révérer ces statues inanimées. VJC 140 3 Jésus, qui était le fondement de l'ancienne dispensation, s'identifiait aux Juifs, sanctionnant leur foi au vrai Dieu et en son gouvernement. Il dévoila à cette femme de grandes et importantes vérités. Il lui déclara que le temps était arrivé auquel les vrais adorateurs n'auraient pas besoin de chercher une sainte montagne, ni un temple sacré, mais où ils adoreraient le Père en esprit et en vérité. La religion ne devait pas être limitée à des formes et à des cérémonies extérieures, mais elle devait régner dans le coeur, purifier la vie et produire de bonnes oeuvres. VJC 140 4 Les paroles de vérité qui sortaient de la bouche du divin Maître remuaient jusqu'au fond le coeur de cette femme. Jamais elle n'avait entendu exprimer de tels sentiments, ni par les sacrificateurs de son peuple, ni par ceux des Juifs. Les instructions frappantes de cet étranger reportaient l'esprit de la Samaritaine aux prophéties concernant le Christ promis; car les Samaritains, aussi bien que les Juifs, attendaient sa venue. "Je sais", dit-elle, "que le Messie doit venir; quand il sera venu, il nous annoncera toutes choses." Jésus lui répondit: "Je le suis, moi qui te parle." VJC 141 1 Heureuse Samaritaine! Pendant cet entretien, elle s'était sentie comme en présence de la divinité; maintenant elle confesse son Seigneur avec allégresse. Elle ne lui demande aucun miracle, comme l'avaient fait les Juifs, pour prouver son caractère divin. Avec une confiance entière en ses paroles, elle accepte sa déclaration, sans mettre en doute l'influence sainte qui émanait de lui. VJC 141 2 De retour de la ville, les disciples furent surpris de trouver leur Maître conversant avec une femme samaritaine; toutefois aucun d'eux ne lui dit: Que lui demandes-tu? ou: Pourquoi parles-tu avec elle? La femme, oubliant le but qui l'avait amenée vers le puits, laissa sa cruche et s'en alla à la ville, disant aux gens du lieu: "Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait; ne serait-ce point le Christ?" VJC 141 3 Quoique cette femme fût une grande pécheresse, elle était néanmoins dans un état plus favorable pour devenir héritière du royaume de Christ que ceux d'entre les Juifs qui faisaient grande profession de piété, mais qui fondaient leurs espérances de salut dans l'observance des formes et des cérémonies extérieures. Ils ne sentaient point le besoin d'un Sauveur, ni la nécessité de recevoir instruction. Cette pauvre femme languissait d'être délivrée du fardeau du péché. Elle était avide d'instruction; avec un secret espoir, elle avait attendu la consolation d'Israël, et ce fut avec joie qu'elle accepta le Sauveur quand il fut révélé. Jésus qui n'avait pas dévoilé sa qualité de Fils de Dieu aux Juifs et aux gouverneurs fiers et sceptiques, se manifesta à cette personne humble qui était disposée à croire en lui. VJC 141 4 Jésus n'avait pas encore pris les rafraîchissements qu'il désirait, ni goûté la nourriture que ses disciples lui avaient apportée. Le salut des âmes qui s'en allaient périr absorbait tellement son attention qu'il oubliait ses besoins physiques. Mais ses disciples le suppliaient de manger. Encore plongé dans la contemplation du grand but de sa mission, il leur répondit: "J'ai à manger d'une viande que vous ne connaissez pas." Ses disciples furent surpris et commencèrent à se demander les uns aux autres qui aurait pu lui apporter de la nourriture en leur absence. Mais Jésus leur dit: "Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé, et d'accomplir son oeuvre." VJC 142 1 Ce n'était point la nourriture temporelle seule qui le soutenait dans sa vie si pénible, mais ce qui le fortifiait pour ses travaux et l'élevait au-dessus des nécessités de l'humanité, c'était l'accomplissement de cette oeuvre pour laquelle il avait quitté les célestes parvis. Répondre aux besoins d'une âme affamée et altérée de vérité était quelque chose de plus précieux pour le Fils de l'homme que le manger et le boire. Il était plein de compassion envers les pécheurs; son coeur débordait de sympathie pour les pauvres Samaritains, qui sentaient leur ignorance et leur misère, et qui attendaient avec anxiété l'avénement du Messie qui éclairerait leurs esprits et leur enseignerait la véritable religion. VJC 142 2 Les Juifs se contentaient de leur propre justice; ils ne désiraient nullement d'être éclairés; mais ils attendaient un Sauveur qui les délivrerait de l'esclavage du joug romain et qui les élèverait au-dessus de leurs oppresseurs. Ils ne pouvaient pas recevoir quelqu'un qui les censurait pour leurs péchés et qui condamnait leurs vies égoïstes et hypocrites. Ils attendaient un Messie qui régnerait avec une grande puissance terrestre et une grande gloire, qui confondrait et vaincrait les Romains, et établirait les Juifs sur toutes les autres nations. VJC 142 3 Jésus voyait un champ d'activité parmi les Samaritains. Devant lui s'étendaient les champs de blé dont le vert tendre étincelait aux rayons dorés du soleil. Contemplant cette scène magnifique, il l'emploie comme symbole: "Ne dites-vous pas qu'il y a encore quatre mois jusqu'à la moisson? Mais moi, je vous dis: Levez vos yeux, et regardez les campagnes qui sont déjà blanches et prêtes à être moissonnées." Il parlait ici du champ de l'Evangile, de l'oeuvre du christianisme parmi les pauvres Samaritains méprisés. Il étendait vers eux une main compatissante pour les recueillir dans son grenier; ils étaient prêts pour la moisson. VJC 143 1 Le Sauveur était au-dessus de tout préjugé de nation; il était disposé à faire part des bénédictions et des priviléges des Juifs à tous ceux qui accepteraient la lumière qu'il était venu apporter dans le monde. VJC 143 2 Il éprouvait une grande joie de voir même une seule âme venir à lui du sein des ténèbres de l'aveuglement spirituel. Ce que Jésus n'avait pas révélé aux Juifs, et qu'il avait commandé à ses disciples de tenir secret, fut clairement révélé à la Samaritaine; car Celui qui connaissait toutes choses vit qu'elle ferait un bon usage de sa connaissance, et qu'elle serait un instrument pour en amener d'autres à la vraie foi. VJC 143 3 Ce ne fut pas simplement le fait que Jésus dit à cette femme les secrets de sa vie qui lui inspira de la confiance en lui; mais ce fut aussi son regard et ses paroles solennelles qui atteignirent son âme et la convainquirent qu'elle était en présence d'un être supérieur. En même temps, elle sentit qu'il était son ami, plein de compassion et d'amour pour elle. Tel est le caractère du Rédempteur du monde: tandis qu'il condamnait sa vie de péché, il lui montrait aussi sa grâce divine comme remède sûr et parfait. L'amour compatissant du Sauveur ne se restreint pas à une secte ou à un parti. VJC 143 4 Comme la Samaritaine se hâtait de retourner vers ses amis, répandant sur son passage la merveilleuse nouvelle, plusieurs sortirent de la ville pour aller s'assurer si elle disait la vérité. Un bon nombre de gens quittèrent leur travail pour se rendre au puits de Jacob, pour voir et entendre cet homme remarquable. Ils entourèrent Jésus, et écoutèrent attentivement ses instructions. Ils le pressèrent de questions, et reçurent avec avidité ses explications concernant les choses qu'ils ne pouvaient comprendre auparavant. Ils étaient comme un peuple plongé dans d'épaisses ténèbres, et qui, apercevant un rayon de lumière percer soudain au travers de leur obscurité, s'empresserait de le poursuivre avec ardeur jusqu'à sa source, afin de pouvoir se réchauffer à la lumière et à la chaleur du jour. VJC 144 1 Les Samaritains étaient attirés et intéressés par les enseignements de Jésus. Mais ils ne furent pas satisfaits de ce court entretien; ils désirèrent ardemment en entendre davantage, et ils souhaitèrent que leurs compatriotes aussi entendissent les paroles merveilleuses de cet homme remarquable. Ils le prièrent de rester avec eux et de les instruire. Pendant deux jours il resta à Samarie, enseignant le peuple. Plusieurs crurent en lui et acceptèrent ses paroles. Jésus était juif, et toutefois il se mêlait volontairement avec ces Samaritains, foulant ainsi aux pieds les coutumes et la bigoterie de sa nation. Il avait déjà commencé à abattre le mur mitoyen de séparation qui existait entre les Juifs et les gentils, et à prêcher le salut au monde. VJC 144 2 Ces Samaritains étaient dans les ténèbres et la superstition, mais ils n'étaient pas satisfaits de leur condition, et les paroles de Jésus les délivrèrent de bien des doutes et de bien des incertitudes dont leurs esprits avaient été troublés. Un grand nombre de ceux qui étaient venus par curiosité pour voir et entendre ce personnage remarquable furent convaincus de la vérité de ses enseignements, et le reconnurent comme leur Sauveur. Ils écoutèrent avec avidité les paroles qu'il prononça concernant le royaume de Dieu. Dans leur joie nouvelle, ils dirent à la femme: "Ce n'est plus à cause de ce que tu nous as dit, que nous croyons; car nous l'avons entendu nous-mêmes, et nous savons que c'est lui qui est véritablement le Christ, le Sauveur du monde." VJC 144 3 Christ, au commencement même de son ministère, blâma ouvertement la moralité superficielle et la piété d'ostentation des Juifs. Il ne conforma point sa vie, ni son oeuvre, à leurs coutumes et à leurs règles. Il n'agit point sous l'influence de leurs préjugés déraisonnables contre les gentils. Mais au contraire, il les censura sévèrement pour leur suffisance et leur séparation égoïste d'avec les gentils. Les pharisiens rejetaient Christ; ils prétendaient ne point voir ses miracles, ni la vraie simplicité de son caractère. Ils refusèrent de reconnaître sa spiritualité pure et élevée, et toutes les preuves de sa divinité. Ils lui demandèrent dédaigneusement de leur donner un signe afin qu'ils sussent qu'il était véritablement le Fils de Dieu. VJC 145 1 Maís les Samaritains ne demandèrent point de signe, et Jésus n'accomplit aucun miracle parmi eux; néanmoins, ils reçurent ses enseignements, furent convaincus de leur grand besoin d'un Sauveur, et l'acceptèrent comme leur Rédempteur. Ils étaient donc dans une position beaucoup plus favorable devant Dieu que la nation juive avec son orgueil, sa vanité, sa bigoterie aveugle, ses préjugés étroits, et la haine amère qu'il avait contre tous les autres peuples de la terre. Malgré tous ses préjugés, Jésus accepta l'hospitalité de ce peuple méprisé; il dormit sous leurs toits, mangea à leurs tables, goûta des mets préparés et servis par leurs mains; il enseigna dans leurs rues et les traita avec la plus grande bonté. VJC 145 2 Il y avait dans le temple de Jérusalem un mur mitoyen qui séparait le parvis extérieur du parvis intérieur. Il était permis aux gentils d'entrer dans le parvis extérieur; mais il n'était permis qu'aux Juifs de pénétrer dans la division intérieure. Si un Samaritain avait franchi cette limite sacrée, le temple eût été profané, et cet homme aurait payé de sa vie cette profanation. Mais Jésus, qui était en réalité le fondement et l'auteur du temple, dont les services et les cérémonies n'étaient qu'un type du grand sacrifice qu'il devait accomplir, et le désignaient comme étant le Fils de Dieu, entourait les gentils de sa sympathie et les favorisait de sa présence, tandis que par sa grâce et son pouvoir divins il leur apportait le salut que les Juifs refusaient d'accepter. Jésus avait passé plusieurs mois en Judée, et il avait ainsi donné aux gouverneurs d'Israël une occasion favorable d'éprouver son caractère comme Sauveur du monde. Il avait accompli au milieu d'eux plusieurs oeuvres puissantes; mais il était néanmoins toujours traité par eux avec soupçon et jalousie. En traversant la Samarie pour se rendre en Galilée, la réception que lui firent les Samaritains, et l'empressement avec lequel ils écoutèrent ses enseignements, formaient un contraste frappant avec l'incrédulité des Juifs qui avaient mal interprété les prophéties de Daniel, de Zacharie et d'Ezéchiel, confondant le premier avénement de Christ avec sa seconde apparition en gloire et en majesté. VJC 146 1 Leur aveuglement était la conséquence de leur orgueil superbe et de leur arrogance, car ils ne recherchaient que l'honneur et les trésors du monde. Ils imposaient leurs interprétations des prophéties aux Samaritains qui croyaient que le Messie devait venir, non seulement comme Rédempteur des Juifs, mais aussi comme Rédempteur du monde. Cela causait une grande animosité entre eux et les Juifs qui soutenaient que Christ viendrait pour exalter Israël, et pour soumettre toutes les autres nations. Cette perversion des prophéties avait conduit les Samaritains à rejeter tous les écrits sacrés, excepté ceux de Moïse. Mais leurs esprits étaient préparés à être éclairés, et ils reçurent joyeusement les instructions du Sauveur, et ils l'acceptèrent comme étant le Messie promis. ------------------------Chapitre 14 -- Le fils du seigneur de la cour VJC 147 1 Après avoir travaillé deux jours parmi les Samaritains, Jésus partit pour continuer son voyage en Galilée. Il ne séjourna pas à Nazareth où il avait été élevé, et où il avait passé sa jeunesse. La réception qu'on lui avait faite dans la synagogue à Nazareth, lorsqu'il s'était présenté comme l'Oint, le Messie, avait été si défavorable qu'il se décida à chercher ailleurs des auditeurs plus disposés à écouter, et plus désireux de recevoir son message. Il déclara à ses disciples qu'un prophète n'est point honoré dans son pays. Cette parole montre la répugnance naturelle qu'éprouvent beaucoup de gens lorsqu'il s'agit de reconnaître quelque qualité admirable dans le caractère de quelqu'un qui a vécu sans ostentation au milieu d'eux, et qui a été intimement connu d'eux dès son enfance. En même temps, ces mêmes personnes peuvent s'extasier sur les prétendues qualités d'un étranger et d'un aventurier. VJC 147 2 Le miracle que Jésus avait accompli à Cana disposa les habitants de ce lieu à le recevoir cordialement. En s'en retournant de la fête de Pâques, le peuple avait raconté de quelle manière merveilleuse il avait purifié le temple en chassant ceux qui le souillaient. Ils s'entretenaient des miracles de Jésus: comment il avait guéri les malades, rendu la vue aux aveugles et l'ouïe aux sourds. Le jugement que les dignitaires du temple avaient prononcé sur ses actes lui prépara le chemin dans la Galilée; car un grand nombre de gens déploraient l'usage profane que l'on faisait du temple et l'arrogance superbe des sacrificateurs, et ils espéraient que cet homme, qui avait le pouvoir de mettre en fuite ces principaux, pourrait être en vérité le Libérateur qu'ils attendaient. VJC 148 1 On apprit bientôt par toute la Galilée et la région d'alentour que Jésus était retourné de la Judée à Cana. Ces nouvelles parvinrent aux oreilles d'un seigneur de Capernaüm,1 Juif très considéré de ceux de sa nation. Il était profondément intéressé aux récits qu'il entendait concernant la puissance de Jésus à guérir les malades, car lui-même avait un fils frappé de maladie. Le père avait consulté les médecins les plus savants parmi les Juifs, et ceux-ci avaient déclaré que le jeune garçon était incurable et lui avaient dit que son fils devait mourir prochainement. VJC 148 2 Mais quand le père eut appris que Jésus était en Galilée, son coeur s'ouvrit à l'espérance; car il croyait que celui qui avait miraculeusement changé l'eau en vin, et chassé les profanateurs du temple pouvait rendre la santé à son fils, fut-il déjà sur le bord de la tombe. Capernaüm se trouvait à une assez grande distance de Cana, et le seigneur craignait que, s'il quittait sa demeure pour chercher Jésus et lui présenter sa supplication, l'enfant, qui était déjà très mal, ne mourût en son absence. Toutefois il n'osa pas confier ce message à un serviteur; car il espérait que les prières d'un père aimant toucheraient de compassion le coeur du souverain Médecin, et le décideraient à venir avec lui vers le lit de son fils mourant. VJC 148 3 Il s'en alla donc à Cana en toute hâte, de crainte d'arriver trop tard. Se frayant un passage au travers de la foule qui entourait Jésus, il se trouva enfin devant lui. Mais sa foi chancela lorsqu'il vit un homme simplement vêtu, couvert de poussière et fatigué du voyage. Il doutait que cet homme pût faire ce qu'il était venu lui demander; toutefois il se décida à l'éprouver. Ayant obtenu le privilége de parler à Jésus, il lui fit part du but de sa démarche, et le supplia de venir avec lui dans sa maison pour guérir son fils. Mais Jésus connaissait déjà sa douleur. Même avant que le seigneur fût sorti de sa maison, le Sauveur compatissant avait vu l'angoisse du père, et son coeur aimant était rempli de sympathie pour l'enfant souffrant. VJC 148 4 Mais il n'ignorait pas non plus que le père avait fait dans son coeur des conditions concernant sa foi au Sauveur. A moins que sa requête ne lui fût accordée, il ne croirait point en lui comme Messie. Tandis que le père attendait avec une profonde anxiété une réponse à sa requête, Jésus lui dit: "Si vous ne voyez des signes et des miracles, vous ne croyez point." Par ces paroles, il mettait à découvert la foi superficielle du seigneur, laquelle le conduirait à accepter ou à rejeter Christ, suivant qu'il accomplirait ou non ce qu'il venait lui demander. VJC 149 1 Jésus avait pour but, non seulement de guérir l'enfant, mais encore d'éclairer l'esprit obscurci du père. Il voyait l'incrédulité lutter contre sa foi. Il savait que cet homme avait recherché son aide comme dernier et seul espoir. Jésus voyait dans la condition de cet homme celle d'un grand nombre de gens de sa nation. C'étaient des motifs égoïstes qui portaient la plupart des Juifs à rechercher Jésus; ils désiraient obtenir de sa puissance quelque bienfait spécial, mais ils étaient dans l'ignorance quant à leur état spirituel, et ne voyaient point le besoin urgent qu'ils avaient de la grâce divine. Leur foi dépendait de concessions avantageuses de la part de Jésus. Jésus traita ce cas comme représentant la position d'un grand nombre de Juifs. Il mettait en contraste cette incrédulité raisonneuse avec la foi des Samaritains qui étaient prêts à le recevoir comme un docteur envoyé de Dieu et à l'accepter comme le Messie promis, sans qu'il leur donnât aucun signe ou aucun miracle pour prouver sa divinité. VJC 149 2 Le coeur du père fut remué jusqu'au fond par la pensée que ses doutes pourraient causer la mort de son fils. Les paroles de Jésus produisirent l'effet désiré: le seigneur comprit que ses motifs, en cherchant le Sauveur, étaient purement égoïstes; sa foi chancelante lui apparut sous son vrai jour; il sentit qu'il était véritablement en la présence de celui qui pouvait lire dans les coeurs, et auquel toutes choses étaient possibles. Cette pensée lui rappelle avec une force nouvelle son enfant souffrant, et dans son angoisse, il jette ce cri où toute son âme se répand: "Seigneur! descends avant que mon fils meure." VJC 149 3 Il craint que la mort n'ait rendu sa démarche inutile pendant qu'il a laissé les doutes et l'incrédulité prendre possession de son coeur. C'était assez. Le père, dans cette extrémité, se saisit des mérites de Jésus comme son Sauveur. En le suppliant de descendre avant que son fils meure, il se cramponne à la force seule de Jésus comme à son unique espérance. Sa foi est aussi impérative que celle de Jacob, lorsque, luttant avec l'ange, il s'écria: "Je ne te laisserai point, que tu ne m'aies béni!"1 VJC 150 1 Jésus répond à la supplication du seigneur en lui disant: "Va, ton fils se porte bien." Ces paroles simples et concises font tressaillir le coeur du père. Les accents de la voix de Jésus lui font éprouver sa divine puissance. Au lieu d'aller à Capernaüm, Jésus, avec la rapidité de l'éclair, envoie à travers l'espace le divin message de la guéríson jusqu'au lit de souffrances de cet enfant. Il renvoie le suppliant, qui, le coeur rempli d'une gratitude inexprimable et d'une foi parfaite dans les paroles du Sauveur, reprend, paisible et joyeux, le chemin de sa demeure. VJC 150 2 Au même moment, les gardes veillaient l'enfant mourant dans la demeure éloignée de l'officier du roi. Ce corps, naguère si fort et si bien proportionné dans toute la beauté de la jeunesse, était maintenant consumé et amaigri. Ses joues creuses brûlaient d'un feu ardent. Soudain, la fièvre le quitte, l'intelligence rayonne dans ses yeux, son esprit s'éclaircit, la santé et la force lui reviennent. La fièvre l'a quitté dans la chaleur même du jour. Les assistants contemplent avec étonnement ce changement merveilleux, la famille se rassemble et se livre à une grande joie. L'enfant ne conserve aucune trace de sa maladie; sa peau, brûlante naguère, est devenue souple et humide, et il tombe dans le paisible sommeil de l'enfance. VJC 150 3 En même temps, le père plein d'espoir se hâte de rentrer en sa maison. Il était allé vers Jésus affligé et craintif. Il le quitte joyeux et confiant. Il éprouve l'assurance solennelle que Celui avec qui il s'est entretenu possède une puissance illimitée. Il ne doute nullement que Jésus n'ait réellement guéri son fils à Capernaüm. Pendant qu'il est encore à quelque distance de la maison, ses serviteurs accourent au-devant de lui en lui annonçant la bonne nouvelle de la guérison de son fils. Le coeur léger, il presse le pas, et en arrivant il trouve son enfant plein de santé et de beauté. Il le serre contre son coeur, comme s'il l'avait retrouvé d'entre les morts, et il rend constamment grâces à Dieu du fond de son coeur pour cette miraculeuse guérison. VJC 151 1 L'officier de la cour et toute sa famille devinrent des disciples de Jésus. Leur affliction fut ainsi le moyen de la conversion de la famille entière. Ils publièrent ce miracle par tout Capernaüm, et préparèrent ainsi la voie pour les travaux futurs de Jésus dans cette ville. Un grand nombre de ses miracles furent accomplis en ce lieu. VJC 151 2 Le cas de ce seigneur juif devrait être une leçon pour tous les disciples de Christ. Il veut que ses disciples aient en lui une foi implicite comme en leur Rédempteur, lequel est prêt et désireux de sauver tous ceux qui viennent à lui. Mais si quelquefois il diffère de répandre sur nous ses dons précieux, c'est afin de pénétrer nos coeurs du sentiment de notre réel besoin de cette vraie piété qui nous donne droit à lui demander tout ce qui nous est nécessaire. Nous devons mettre de côté l'égoïsme qui est fréquemment la principale cause pour laquelle nous le recherchons, et lui confesser notre impuissance et notre amer dénûment, nous confiant en ses promesses. Il invite à venir à lui tous ceux qui sont fatigués et chargés, et il leur donnera du repos. ------------------------Chapitre 15 -- Jésus à Béthesda VJC 152 1 "Après cela, comme les Juifs avaient une fête, Jésus monta à Jérusalem. Or, il y avait à Jérusalem, près de la porte des brebis, un réservoir d'eau, appelé en hébreu Béthesda, qui avait cinq portiques, où étaient couchés un grand nombre de malades, d'aveugles, d'impotents, et de gens qui avaient les membres secs, et qui attendaient le mouvement de l'eau. Car un ange descendait en un certain temps dans le réservoir, et en troublait l'eau; et le premier qui descendait dans le réservoir après que l'eau avait été troublée, était guéri, de quelque maladie qu'il fût détenu."1 VJC 152 2 Jésus ne se tenait pas à l'écart des pauvres, des affligés et des pécheurs. Son coeur brûlait d'amour pour ces infortunés qui avaient besoin de son secours. Il savait bien quels étaient les malades qui avaient appris à attendre le temps où on pensait que l'eau allait être troublée par un pouvoir surnaturel. Bien des malades souffrant de diverses maladies se rendaient vers le réservoir, mais la foule était si grande au moment désigné, que tous s'y précipitaient en même temps, et les plus faibles, hommes, femmes et enfants, étaient foulés aux pieds par les plus forts et laissés en arrière. VJC 152 3 Des centaines de malades étaient ainsi repoussés et ne pouvaient s'approcher de l'eau. Plusieurs mêmes qui, par des efforts inouïs, avaient réussi à arriver jusqu'au réservoir, mouraient sur le bord sans avoir la force de se plonger dans ses eaux. On avait dressé des abris autour du réservoir afin que les malades fussent protégés contre les rayons brûlants du soleil et contre la fraîcheur des nuits. Bien des pauvres malades passaient des nuits dans les portiques, et jour après jour se traînaient péniblement jusqu'à ce lieu privilégié, dans l'espoir, vain, hélas! d'obtenir la guérison. VJC 153 1 Un homme souffrant d'une maladie incurable depuis trente-huit ans, était fréquemment venu jusqu'au réservoir. Ceux qui avaient pitié de sa faiblesse le transportaient vers le réservoir lorsqu'on supposait que l'eau avait été troublée. Mais ceux qui étaient plus forts que lui s'y précipitaient avant lui et saisissaient l'occasion qu'il convoitait. Ainsi le pauvre paralytique attendait jour et nuit près du réservoir, espérant qu'à la fin, le moment fortuné viendrait où il pourrait se plonger dans l'eau et être guéri. Ses efforts persévérants pour atteindre ce but et les doutes et les anxiétés de son esprit consumaient rapidement le peu de forces qui lui restait. VJC 153 2 Jésus visita cette scène de misères, et son regard s'arrêta sur ce pauvre malade, faible et impuissant. L'infortuné était accablé de souffrances et plongé dans le désespoir; mais lorsque le moment attendu fut arrivé, il fit un suprême effort pour atteindre l'eau. A l'instant où il allait parvenir à son but, un autre y entra avant lui. Il se traîna alors jusqu'à son grabat, attendant la mort. Mais un visage compatissant se pencha sur lui: "Veux-tu être guéri?" lui dit Jésus. Le pauvre malade découragé leva les yeux, pensant que ce pourrait être quelqu'un qui était venu lui aider à se jeter dans le réservoir; mais cette faible lueur d'espérance s'évanouit lorsqu'il se souvint qu'il était trop tard; tout espoir pour lui était perdu pour cette fois, et dans son état de maladie et d'abandon, il pouvait à peine espérer vivre jusqu'à ce qu'une autre occasion se présentât. VJC 153 3 Il se détourna, et répondit avec amertume: "Seigneur! je n'ai personne pour me jeter dans le réservoir quand l'eau est troublée; car pendant que j'y viens, un autre y descend avant moi." Pauvre infortuné! comment pouvait-il espérer de lutter avec succès contre cette foule égoïste et avide! Jésus ne demanda pas au pauvre malade de montrer sa foi en lui, mais avec une voix d'autorité, il lui dit: "Lève-toi, emporte ton lit, et marche." Une soudaine vigueur parcourut aussitôt les membres du paralytique. Son être tout entier éprouva le pouvoir de la guérison. Il sentit un sang nouveau et une force nouvelle circuler dans tous ses membres. Obéissant à l'ordre du Sauveur, il bondit sur ses pieds, et se mit en devoir de ramasser son lit qui consistait simplement en un tapis et une couverture. Comme il se redressait, pénétré d'un profond sentiment de délices de pouvoir après tant d'années d'irrémédiable infirmité se tenir sur ses pieds, il se tourna vers son Libérateur: ses regards le cherchent en vain, il a disparu. Jésus s'était perdu dans la foule, et le paralytique guéri craignait de ne pouvoir le reconnaître s'il lui arrivait de le revoir. Il fut grandement désappointé, car il lui tardait d'exprimer toute sa gratitude à l'étranger qui l'avait guéri. Comme il se dirigeait en toute hâte et d'un pas ferme vers Jérusalem, louant Dieu en chemin, et se réjouissant d'avoir recouvré ses forces, il rencontra des pharisiens, et il leur raconta immédiatement la guérison merveilleuse qu'il venait d'éprouver. Il fut surpris de la froideur avec laquelle ces pharisiens écoutèrent son récit. VJC 154 1 Bientôt ils l'interrompirent en lui demandant pourquoi il portait son lit le jour du Sabbat. Ils lui rappelèrent avec sévérité qu'il ne lui était pas permis de porter des fardeaux le jour du Seigneur. Dans sa joie, cet homme avait oublié que c'était le Sabbat; cependant il ne se sentait nullement coupable d'avoir obéi au commandement de Celui qui, par sa puissance divine, avait opéré en sa personne un tel miracle. Il répondit hardiment: "Celui qui m'a guéri m'a dit: Emporte ton lit et marche." Les pharisiens ne se réjouirent point de la guérison qui avait été opérée dans ce pauvre invalide, impuissant depuis trente-huit ans. Ils fermèrent les yeux sur cette merveilleuse guérison, et, mus par la bigoterie qui les caractérisait, ils stigmatisèrent cet acte comme une violation de la loi du Sabbat. VJC 154 2 Ils ne jetèrent aucun blâme sur l'homme qui avait été guéri, mais ils parurent offusqués de la conduite de Celui qui avait pris la responsabilité de commander à un homme d'emporter son lit le jour du Sabbat. Ils lui demandèrent qui avait fait cela, mais il ne pouvait point les renseigner à ce sujet. Ces gouverneurs savaient très bien qu'il n'y avait qu'une seule personne qui pût faire cette action, mais ils désiraient avoir une preuve directe que c'était Jésus; car ils espéraient pouvoir le condamner comme transgresseur du Sabbat. Ils considéraient que non seulement Jésus avait transgressé la loi en guérissant le paralytique le jour du Sabbat, mais qu'il avait commis un acte sacrilége en lui ordonnant de prendre son lit et de l'emporter. VJC 155 1 Jésus n'était pas venu dans le monde pour amoindrir la dignité de la loi, mais pour l'exalter. Par leurs traditions et leurs notions erronées, les Juifs en avaient perverti le sens. Ils en avaient fait un joug de servitude. Leurs nombreuses exactions traditionnelles sans signification étaient devenues la risée de toutes les autres nations. Le Sabbat surtout avait été progressivement entouré de toutes espèces de restrictions déraisonnables qui rendaient ce saint jour presque insupportable. Par exemple, il n'était pas permis à un Juif d'allumer du feu, ni même une chandelle le jour du Sabbat. Leurs idées étaient si étroites qu'ils étaient devenus esclaves de leurs règles inutiles. En conséquence de cet état de choses, ils dépendaient des Gentils pour leur rendre plusieurs services que leur règlement leur défendait d'accomplir eux-mêmes. VJC 155 2 Ils ne réfléchissaient pas que si l'accomplissement de ces devoirs nécessaires de la vie était un péché, ils étaient aussi coupables en employant d'autres personnes pour les faire, que s'ils les eussent faits eux-mêmes. Ils pensaient que le salut n'était que pour les Juifs, et que la condition de tous les autres, étant entièrement désespérée, ne pouvait être ni empirée ni améliorée. Mais un Dieu juste n'a donné aucun commandement qui ne puisse être observé par tous d'une manière conséquente. Ses lois ne sanctionnent aucun usage déraisonnable, ni aucune restriction inutile. VJC 155 3 Bientôt après, Jésus rencontra dans le temple l'homme qu'il avait guéri. Il était venu apporter une offrande pour le péché, un holocauste et un sacrifice de prospérité pour la grâce signalée qu'il avait reçue. Jésus le trouvant parmi les adorateurs se fit connaître à lui. Le grand Médecin l'aborda en lui donnant un avertissement à propos: "Voilà, tu as été guéri; ne pèche plus désormais, de peur qu'il ne t'arrive quelque chose de pire." Celui qui avait souffert pendant trente-huit ans, en partie comme résultat de sa propre dissipation, était ainsi clairement averti de fuir les péchés qui lui avaient causé de telles souffrances. VJC 156 1 L'homme qui avait été guéri fut ravi de joie de se trouver en face de son Libérateur, et, ignorant la malice des Juifs contre Jésus, il informa les pharisiens qui l'avaient auparavant interrogé, que Jésus était celui qui avait opéré chez lui une si miraculeuse guérison. Les dignitaires juifs n'attendaient que la preuve que c'était bien Jésus qui avait fait cela. Dès l'abord ils avaient été persuadés que ce ne pouvait être que lui. Alors un grand tumulte s'éleva dans les parvis du temple, car ils cherchaient à mettre à mort Jésus; mais ils en furent empêchés par le peuple, dont un grand nombre reconnaissaient en lui un ami qui les avait guéris de leurs infirmités et qui avait soulagé leurs souffrances. VJC 156 2 Alors une controverse s'éleva concernant les véritables exigences de la loi du Sabbat. Jésus avait à dessein choisi le jour du Sabbat pour accomplir ce miracle au réservoir de Béthesda. Il aurait pu guérir ce paralytique un autre jour de la semaine; il aurait aussi pu simplement le guérir, et éviter de soulever l'indignation des Juifs en lui disant d'emporter son lit. Mais un but plein de sagesse était à la base de chaque action de la vie de Christ sur la terre; tout ce qu'il faisait était important, soit quant aux actions elles-mêmes, soit quant à la portée de leur enseignement. Il vint pour maintenir la loi de son Père et la rendre honorable. Au lieu d'être un privilége béni, le Sabbat était devenu une servitude accablante à cause des exigences que les Juifs y avaient ajoutées. Jésus désirait, en le dégageant de ses entraves, le rétablir dans son état primitif et lui rendre la sainte dignité qui lui appartenait. VJC 156 3 C'est pourquoi Jésus trouva bon d'accomplir cette oeuvre spéciale le jour du Sabbat. Il choisit parmi les malades du réservoir de Béthesda le cas le plus désespéré pour exercer son pouvoir miraculeux, et il commanda à celui qui avait été paralytique d'emporter son lit au travers de la ville, afin de publier ainsi la merveilleuse guérison qui venait d'être opérée en sa personne, et d'attirer l'attention du peuple sur les circonstances qui avaient accompagné sa guérison, et sur Celui par qui cette guérison avait été accomplie. Cela devait soulever la question concernant ce qu'il était permis de faire le jour du Sabbat, et lui fournir l'occasion de dénoncer les préjugés étroits des Juifs et leurs restrictions traditionnelles concernant le jour du Seigneur, et de déclarer nulles les bigoteries et les traditions dont ils l'avaient surchargé. VJC 157 1 Jésus déclara aux pharisiens qu'en guérissant les malades il ne faisait rien qui ne fût d'accord avec la loi du Sabbat, qu'il s'occupât du salut de leurs âmes, ou qu'il les délivrât de leurs souffrances physiques. Cette oeuvre s'harmonisait avec celle des anges de Dieu, qui montaient et descendaient continuellement entre le ciel et la terre pour secourir l'humanité souffrante. Jésus répondit à leurs accusations par cette déclaration: "Mon Père travaille jusqu'à maintenant, et moi je travaille aussi." Tous les jours appartiennent à Dieu pour exécuter ses plans miséricordieux en faveur de l'humanité. Si l'interprétation que les Juifs donnaient de la loi était correcte, alors Jéhovah était en défaut; lui, dont l'oeuvre avait soutenu et vivifié la création depuis qu'il avait posé les fondements de la terre, alors que les étoiles du matin poussaient ensemble des cris de joie, et que tous les enfants de Dieu chantaient en triomphe. Celui qui avait déclaré que son oeuvre était bonne, et qui avait établi l'institution du Sabbat pour en commémorer l'achèvement devait alors mettre un point d'arrêt à son oeuvre, et faire cesser la marche continuelle de l'univers. VJC 157 2 Dieu doit-il commander au soleil de discontinuer son cours le jour du Sabbat? Doit-il supprimer ses rayons bienfaisants qui nourrissent la terre et produisent la végétation? Le système de l'univers entier doit-il rester ce jour-là dans l'inaction? Dieu devrait-il ordonner que les ruisseaux murmurants cessent de couler au travers des champs et des forêts qu'ils arrosent, et doit-il commander aux vagues houleuses de la mer d'interrompre leur perpétuel mouvement de flux et reflux? Le blé doit-il s'arrêter de croître, et le fruit de mûrir pendant un seul jour? Les arbres verdoyants et les plantes délicates ne doivent-ils pousser ni boutons ni fleurs, le jour du Sabbat? VJC 158 1 Sûrement, si tel était le cas, l'homme serait privé des fruits de la terre et des bénédictions et bienfaits qui embellissent la vie. La nature doit suivre son cours invariable; Dieu ne peut pas laisser reposer ses mains un seul instant, autrement l'homme défaillirait et mourrait. Et dans la même proportion, l'homme a une oeuvre à accomplir le jour du Sabbat. Il faut satisfaire aux besoins de la vie, soigner les malades, et pourvoir aux besoins des nécessiteux. Dieu ne tiendra point pour innocent celui qui, le jour du Sabbat, s'abstient de soulager ceux qui souffrent. Le saint Sabbat a été fait pour l'homme, et des actes de bienfaisance et de miséricorde accomplis ce jour-là sont toujours approuvés de Dieu. Dieu ne désire pas que ses créatures souffrent pendant une heure seulement des douleurs qui pourraient être soulagées le jour du Sabbat ou tout autre jour. VJC 158 2 Jésus cherche à faire comprendre aux Juifs leur étroitesse d'esprit et les idées absurdes qu'ils se faisaient du Sabbat. Il leur montre que Dieu ne cesse jamais d'agir; que ses oeuvres sont même plus grandes le jour du Sabbat que dans toute autre occasion, car ce jour-là, les enfants de Dieu quittent leur travail ordinaire et passent leur temps au culte, à la méditation et à la prière. Le jour du Sabbat, plus qu'aucun autre jour, ils demandent à Dieu ses bienfaits; ils réclament son attention spéciale; ils sollicitent ardemment ses meilleures bénédictions; ils offrent des prières ardentes pour réclamer ses faveurs. Dieu n'attend point que le Sabbat soit passé avant de répondre à ces requêtes, mais avec une sagesse judicieuse, il accorde à ceux qui les font ce qui leur convient le mieux. VJC 158 3 L'oeuvre du ciel ne cesse pas un seul instant, et l'homme ne devrait point non plus cesser de faire du bien. La loi du Sabbat défend tout travail pendant le saint jour de repos de l'Eternel. Le travail pour la subsistance doit cesser; nul travail ayant pour but des plaisirs mondains ou un profit quelconque n'est légitime le jour du Seigneur; mais l'oeuvre de Christ en guérissant les malades, a sûrement honoré le saint Sabbat Jésus réclamait les mêmes droits que Dieu, en faisant une oeuvre également sacrée et du même caractère que celle à laquelle était occupé son Père dans le ciel. Mais les pharisiens furent encore plus courroucés, parce que non seulement il avait transgressé la loi, selon leur jugement, mais parce qu'à cette offense, il avait ajouté le péché de se déclarer égal à Dieu. Ce fut l'intervention seule du peuple qui empêcha les autorités juives de mettre à mort Jésus sur le lieu même. "Jésus prenant la parole, leur dit: En vérité, en vérité je vous dis que le Fils ne peut rien faire de lui-même, à moins qu'il ne le voie faire au Père; car tout ce que le Père fait, le Fils aussi le fait pareillement; car le Père aime le Fils, et il lui montre tout ce qu'il fait; et il lui montrera des oeuvres plus grandes que celles-ci, en sorte que vous en serez remplis d'admiration. Car comme le Père ressuscite les morts et leur donne la vie, de même aussi le Fils donne la vie à ceux qu'il veut." VJC 159 1 Ici Jésus prit sa véritable place devant les Juifs, et se déclara être le Fils de Dieu. Ensuite, dans un langage à la fois plein de douceur et de dignité, il les instruisit à l'égard du Sabbat. Il leur dit que le jour de repos que Jéhovah avait sanctifié et mis à part pour un but spécial, après avoir achevé l'oeuvre de la création, n'avait pas été désigné pour être un jour d'inactivité inutile. De même que Dieu avait cessé de créer, et qu'il s'était reposé ce jour et l'avait béni, ainsi l'homme devait quitter les occupations de sa vie journalière, et employer ces heures sacrées à un repos salutaire, au culte, et à de saintes actions. VJC 159 2 Les gouverneurs du peuple ne purent répondre à ces grandes vérités qui étaient mises sur leurs consciences. Ils n'avaient aucun argument pour les combattre; ils ne pouvaient que citer leurs coutumes et leurs traditions, mais ces choses semblaient bien faibles et insipides comparées aux arguments puissants et concluants que Jésus avait tirés de l'oeuvre de Dieu et de l'activité incessante de la nature. S'ils avaient eu le moindre désir d'être éclairés, ils auraient été convaincus que Jésus leur disait la vérité. Mais ils éludèrent les questions relatives au Sabbat, et cherchèrent à soulever contre lui la colère du peuple parce qu'il s'était fait égal à Dieu. La fureur des gouverneurs ne connaissait plus de bornes, et ce fut avec peine qu'on les empêcha de faire saisir Jésus et de le mettre à mort. VJC 160 1 Mais le peuple n'avait aucune pensée de violence, et ils faisaient honte aux gouverneurs par le sérieux avec lequel ils écoutaient les paroles de Jésus. Ils l'approuvèrent d'avoir guéri le pauvre paralytique qui avait été malade pendant trente-huit ans. De sorte que les sacrificateurs et les anciens furent obligés de contenir leur haine pour le moment, et d'attendre une occasion plus favorable pour accomplir leurs mauvais desseins. VJC 160 2 Jésus déclare qu'il ne peut rien faire de lui-même, "à moins qu il ne le voie faire au Père." Ses relations avec Dieu ne lui permettaient pas de travailler d'une manière indépendante de lui, et il ne pouvait rien faire contre sa volonté. Quel reproche, surtout pour ceux qui présentaient des accusations contre le Fils de Dieu, à cause de l'oeuvre même pour laquelle il avait été envoyé sur la terre! Par leurs mauvaises actions, ils s'étaient séparés de Dieu, et dans leur orgueil et leur vanité, ils agissaient indépendamment de lui, se croyant capables d'agir par eux-mêmes en toutes choses, et ne sentant pas le besoin qu'ils avaient d'une sagesse plus grande que la leur, pour leur aider et les diriger dans leurs actions. VJC 160 3 Peu de personnes comprennent toute la force des paroles de Christ à l'égard de son union avec son Père. Ces paroles enseignent à l'homme à se considérer uni d'une manière inséparable à son Père céleste, afin que, quelle que soit la position qu'il occupe, il soit responsable envers Dieu qui tient nos destinées entre ses mains. Il a destiné l'homme à accomplir son oeuvre, il l'a doué de facultés intellectuelles, et lui a donné les moyens d'atteindre ce but; et tant que l'homme est fidèle à ce noble service d'économe de Dieu, il peut avec assurance compter sur les bénédictions et les promesses de son Maître. VJC 160 4 Mais si, lorsqu'il est placé dans une position de confiance, il s'enorgueillit à ses propres yeux, comptant sur son propre pouvoir et sa propre sagesse, agissant indépendamment de Celui qu'il fait profession de servir, Dieu le rendra responsable de sa conduite présomptueuse; il n'a pas agi d'accord avec son Maître. VJC 161 1 Jésus se présenta alors devant les Juifs sous son véritable jour. Il déclara que toutes les choses que le Père faisait, le Fils les accomplissait aussi de la même manière, par l'exercice de la même puissance, et avec de semblables résultats. Il promit aussi à ceux qui l'entendaient qu'ils seraient témoins de plus grandes choses que celles qu'il avait accomplies en guérissant les malades, les aveugles et les paralytiques. Les sadducéens différaient des pharisiens à l'égard de la résurrection des morts. Les premiers affirmaient qu'il n'y aurait point de résurrection des corps. Mais Jésus leur dit qu'une des plus grandes oeuvres de son Père est de ressusciter les morts, et que de même le Fils de Dieu a le pouvoir en lui-même de ressusciter les morts. "Ne soyez pas surpris, dit-il, de cela; car le temps viendra que tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix; et ceux qui auront fait de bonnes oeuvres en sortiront, et ressusciteront pour la vie; et ceux qui en auront fait de mauvaises ressusciteront pour la condamnation." VJC 161 2 L'humble Jésus de Nazareth revendique sa véritable noblesse. Il s'élève au-dessus de l'humanité, met de côté l'humiliation attachée à la nature humaine et paraît comme celui qui est honoré des anges, le Fils de Dieu, égal au Créateur de l'univers. Les gouverneurs des Juifs et la multitude attentive sont muets sous le charme de ces vérités puissantes et de la dignité de son maintien. Nul homme n'avait jamais prononcé des paroles comme celles-ci, ni n'avait agi avec cette majesté royale. Son langage est clair et simple; il déclare pleinement sa mission et le devoir du monde. "Le Père ne juge personne, mais il a donné au Fils tout pouvoir de juger; afin que tous honorent le Fils, comme ils honorent le Père. Celui qui n'honore pas le Fils n'honore pas le Père qui l'a envoyé. En vérité, en vérité je vous dis, que celui qui écoute ma parole, et qui croit à celui qui m'a envoyé, a la vie éternelle, et il ne sera point sujet à la condamnation, mais il est passé de la mort à la vie. En vérité, en vérité je vous dis que le temps vient, et qu'il est déjà venu, que les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et que ceux qui l'auront entendue vivront. Car comme le Père a la vie en lui-même, il a aussi donné au Fils d'avoir la vie en lui-même; et il lui a aussi donné l'autorité d'exercer le jugement, parce qu'il est le Fils de l'homme." VJC 162 1 Ici Jésus rejette sur les gouverneurs leurs accusations contre lui, et leurs tentatives de lui dicter son oeuvre, et de juger, par leur étroitesse et leur bigoterie, ses actes de miséricorde et de bienfaisance. Il se déclara lui-même leur Juge, et le Juge de tout le monde. Lorsqu'il vint sur la terre comme Rédempteur, le monde fut placé entre ses mains et c'est à lui que tous les hommes devront rendre compte. Il se chargea du fardeau de l'humanité, afin qu'il délivrât les hommes des conséquences de leurs péchés. Il est à la fois leur Avocat et leur Juge. Ayant bu jusqu'à la lie la coupe de la tentation et de l'affliction humaines, il peut comprendre la fragilité et les péchés des hommes et prononcer sur eux son jugement. C'est pourquoi, le Père a remis cette oeuvre entre les mains de son Fils, sachant que celui qui résista victorieusement aux tentations de Satan, pour l'amour de l'homme, sera infiniment sage, juste et miséricordieux dans ses relations avec ce dernier. VJC 162 2 Les paroles de Jésus étaient d'autant plus frappantes que la controverse était forte. Il était virtuellement appelé devant les dignitaires des Juifs pour y subir une épreuve qui devait décider de son sort. Lui, le Seigneur du Sabbat, fut traduit devant un tribunal terrestre pour répondre à l'accusation d'avoir transgressé la loi du Sabbat. Lorsque avec une si grande assurance il fit connaître sa mission et son oeuvre, ses juges le regardèrent avec un étonnement mêlé de rage, mais ils étaient incapables de lui répondre et ils ne purent le condamner. VJC 162 3 Il contesta aux pharisiens le droit de le questionnner ou de se mêler de ses affaires. Le système judaïque ne les revêtait aucunement d'une telle autorité; leurs prétentions étaient fondées sur leur orgueil et leur arrogance. Il refusa de reconnaître les torts dont on l'accusait, et ne consentit point à se laisser catéchiser par les pharisiens. VJC 162 4 Après leur avoir présenté ces grandes vérités concernant son oeuvre en rapport avec le Père, il confirme ses assertions par les témoignages qui ont été rendus de lui. "Je ne puis rien faire de moi-même: je juge selon que j'entends, et mon jugement est juste; car je ne cherche point ma volonté, mais je cherche la volonté du Père qui m'a envoyé. Si je me rends témoignage à moi-même, mon témoignage n'est pas digne de foi. Il y en a un autre qui me rend témoignage, et je sais que le témoignage qu'il me rend est digne de foi. Vous avez envoyé vers Jean, et il a rendu témoignage à la vérité. Pour moi, je ne cherche point le témoignage des hommes; mais je dis ceci, afin que vous soyez sauvés. Jean était une chandelle allumée et brillante; et vous avez voulu pour un peu de temps vous réjouir à sa lumière." De sa hauteur sublime il lit les secrets de leurs coeurs et leur rappelle que pendant un temps ils avaient reçu Jean comme un prophète de Dieu, et s'étaient réjouis dans le message qu'il leur avait apporté. Il affirme que la mission de Jean avait uniquement pour but de préparer le chemin pour lui-même, que le prophète avait témoigné être le Christ, le Rédempteur du monde. VJC 163 1 Mais personne ne pouvait témoigner concernant le rapport mystérieux de Jésus avec le Père; la connaissance humaine ne peut pénétrer dans les parvis célestes. Jésus leur assure qu'il n'en appelle pas au témoignage de Jean pour soutenir ses droits, mais seulement afin que ses persécuteurs soient convaincus de leur aveuglement et de leur inconséquence en s'opposant audacieusement à Celui que Jean avait déclaré être le Fils de Dieu. Ils n'étaient point dans l'ignorance concernant la preuve que Jean avait eue du caractère messianique de Christ, car ils lui avaient envoyé un député qui avait rapporté sa déclaration à l'égard du baptême de Jésus et des merveilleuses manifestations de Dieu en ce moment-là. VJC 163 2 Jésus parle de Jean pour que les Juifs puissent voir comment, en le rejetant lui-même, ils rejettent aussi le prophète qu'ils avaient reçu avec joie. Et il ajoute: "Mais moi j'ai un témoignage plus grand que celui de Jean; car les oeuvres que mon Père m'a donné le pouvoir d'accomplir, ces oeuvres-là que je fais rendent ce témoignage de moi, que mon Père m'a envoyé." Les cieux ne s'étaient-ils pas ouverts, et la lumière émanant du trône de Dieu ne l'avait-elle pas environné de gloire, tandis que la voix de Jéhovah prononçait ces paroles: "C'est ici mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon affection!" A part toutes ces choses, ses propres paroles rendaient témoignage à sa divinité. Celui qui avait été accusé comme transgresseur du Sabbat se tenait devant ses accusateurs revêtu d'une grâce divine, et prononçant des paroles qui pénétraient dans leurs coeurs comme des flèches. Au lieu de faire des excuses pour l'acte dont ils l'accusaient ou d'expliquer son but en agissant ainsi, il reprend les gouverneurs, et l'accusé devient l'accusateur. VJC 164 1 Il les reprend à cause de la dureté de leurs coeurs, et de l'aveugle ignorance avec laquelle ils lisaient les Ecritures, tout en se vantant de leur supériorité sur tous les autres peuples. Ceux qui prétendaient être docteurs des Ecritures, et interprètes de la loi, ignoraient eux-mêmes entièrement les véritables exigences de cette loi. Il dénonce leur mondanité, leur soif de louange et de pouvoir, leur avarice et leur dureté. Il les accuse de ne pas croire aux Ecritures qu'ils professent de révérer, accomplissant ses formes et ses cérémonies, tandis qu'ils négligent les grands principes de vérités qui sont la base de la loi. Il déclare que, puisqu'ils ont rejeté Celui que Dieu a envoyé, ils ont rejeté la parole de Dieu. Il leur donne ce commandement: "Sondez les Ecritures; car c'est par elles que vous croyez avoir la vie éternelle, et ce sont elles qui rendent témoignage de moi." VJC 164 2 La vérité prononcée par Jésus était en opposition à leurs préjugés et à leurs coutumes, et ils la rejetèrent loin d'eux, et endurcirent leurs coeurs contre elle. Ils refusèrent d'écouter les enseignements de Christ, parce que ces enseignements condamnaient directement les péchés qu'ils aimaient et qu'ils voulaient conserver. Si le Fils de l'homme était venu en flattant leur orgueil et en justifiant leur iniquité, ils se seraient empressés de lui rendre honneur. Jésus dit: "Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez pas: si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez." Des imposteurs, ne pouvant présenter aucune preuve d'autorité divine, auraient pu s'élever, et, en prophétisant des choses agréables, en satisfaisant la vanité des riches et des mondains, auraient obtenu leur adhésion. Ces faux prophètes auraient entraîné leurs disciples dans la ruine éternelle. VJC 165 1 Jésus déclara qu'il n'y avait aucune nécessité pour lui de les accuser devant son Père, car Moïse, en qui ils faisaient profession de croire, les avait déjà accusés. "Car, dit-il, si vous croyiez à Moïse, vous croiriez aussi en moi; car il a écrit de moi. Mais si vous ne croyez pas à ses écrits, comment croirez-vous à mes paroles?" Jésus savait que les Juifs étaient déterminés à lui ôter la vie; toutefois, dans son discours, il leur expose pleinement son caractère de Fils de Dieu, la relation qu'il soutenait envers son Père, et son égalité avec lui. Cela les laissa sans excuse pour justifier leur opposition aveugle et leur rage insensée contre le Sauveur. Mais quoique les sacrificateurs et les anciens fussent intimidés par la vérité divine et l'éloquence de Christ, et que leurs complots fussent déjoués, leur haine meurtrière n'était toutefois pas encore assouvie. La crainte les saisit, car ils ne pouvaient fermer leur intelligence au pouvoir convaincant qui accompagnait le ministère de Christ. Mais ils étaient tellement retenus dans les chaînes de l'orgueil et de l'arrogance qu'ils rejetèrent les preuves de son pouvoir divin, résistèrent à ses appels, et se renfermèrent dans leurs ténèbres. VJC 165 2 Ils avaient échoué d'une manière signalée dans leurs efforts pour renverser l'autorité de Jésus, ou pour détourner de lui le respect et l'attention du peuple, dont un grand nombre avaient été puissamment affectés et profondément convaincus par son discours émouvant. VJC 165 3 Ses oeuvres puissantes avaient d'abord arrêté leur attention et éveillé leur admiration, et lorsque ses paroles scrutatrices découvrirent son véritable caractère, ils furent prêts à reconnaître son autorité divine. D'un autre côté, ses paroles avaient pénétré les coeurs des gouverneurs du sentiment de leur condamnation à cause de leur conduite. Il avait parlé à leur conscience concernant leur culpabilité, mais cela n'avait fait que les rendre plus acharnés contre lui, et ils étaient pleinement déterminés à lui ôter la vie. Ils envoyèrent des messagers par tout le pays, pour avertir le peuple concernant Jésus qu'ils dénoncèrent comme un imposteur. Des espions furent envoyés pour l'observer et pour rapporter ce qu'il avait fait et dit. Le Sauveur était alors certainement sous l'ombre de la croix. ------------------------Chapitre 16 -- Jésus à Capernaüm VJC 166 1 Après la guérison accomplie par Jésus le jour du Sabbat, au réservoir de Béthesda, la malice des principaux d'entre les Juifs s'enflamma si fort contre lui qu'ils complotèrent pour lui ôter la vie, de sorte qu'il ne pouvait plus rester à Jérusalem sans compromettre sa sûreté personnelle. Il se rendit donc en Galilée, et fit de Capernaüm1 le champ principal de ses travaux. Comme il enseignait dans cette ville, le jour du Sabbat, des foules s'assemblèrent pour l'écouter. Là il paraissait pouvoir travailler sans empêchement, quoiqu'il fût observé par des espions qui cherchaient comment ils pourraient l'accuser. VJC 166 2 Les coeurs des humbles d'entre le peuple étaient ouverts pour recevoir ses divines instructions. Le coeur du Sauveur débordait de sympathie pour l'humanité souffrante, et c'était avec joie qu'il voyait de pauvres pécheurs répondre à ses enseignements d'amour et de bienfaisance. Ses auditeurs étaient charmés de la simplicité éloquente avec laquelle il prêchait la vérité. Il tirait ses illustrations des scènes de la vie de chaque jour. Il adaptait son langage aux personnes de toute classe et de toute condition. VJC 166 3 Jésus n'alla point à Capernaüm pour éviter la société ou pour se reposer de ses travaux. Capernaüm était une grande ville de communications, un lieu de passage pour les voyageurs venant de divers pays, et qui parfois s'y reposaient avant de continuer leur voyage. Là, le divin Docteur avait l'occasion de s'adresser à des gens de toute nation et de tout rang. Il pouvait donner des leçons qui non seulement seraient reçues par ceux qui les entendaient, mais qui seraient portées par eux dans bien des pays et dans bien des demeures. Par ce moyen, le peuple serait incité à s'enquérir plus soigneusement des prophéties, son attention serait dirigée vers le Sauveur, et son oeuvre, sa mission, seraient présentées au monde. VJC 167 1 A Capernaüm, il avait une meilleure occasion qu'ailleurs de rencontrer les représentants de toutes les classes qui s'y trouvaient mélangées, vu que chacun s'y rendait pour ses propres affaires. Là, son ministère pouvait parvenir aux grands de ce monde, recherchés à cause de leurs richesses, aussi bien qu'aux pauvres et aux nécessiteux. Christ se présentait au peuple comme le Sauveur du monde. Aussitôt que l'on sut qu'il était à Capernaüm, les foules s'empressèrent d'accourir pour entendre ses paroles de sagesse divine. Jésus s'était retiré sur une montagne avec ses disciples pour jouir de quelques moments de solitude et de recueillement, mais quand il vit le peuple accourir vers lui en foule, il ne voulut pas les renvoyer sans leur donner les instructions dont ils avaient besoin. VJC 167 2 La fête des Juifs approchait, et beaucoup de gens qui se rendaient à Jérusalem, et qui passaient par la ville, cherchaient à voir Jésus, dont les étonnants miracles étaient parvenus jusqu'à eux. Les malades et les affligés lui furent amenés, et il les guérit de leurs maladies. En contemplant la joie de ceux qu'il avait guéris, son coeur, rempli d'amour, se réjouissait avec ceux qui avaient été l'objet de ses faveurs. Il rendit le bonheur à bien des familles en guérissant leurs malades. Il fit reparaître la joie dans bien des demeures plongées dans la tristesse et l'affliction. Les affligés étaient consolés, les ignorants instruits, et les coeurs abattus se ranimaient à l'espérance. VJC 167 3 Le peuple reçut le message qu'il leur apportait et crut à ses paroles. Personne n'était plus disposé à accepter la vérité que les pauvres et les humbles, qui n'étaient pas séparés de leur Sauveur par la vanité et l'orgueil, les trésors de ce monde, ou la louange des hommes. Ils trouvaient en lui de la consolation dans toutes leurs luttes et leurs privations. Jésus ne renvoyait aucun d'eux. Il était touché d'une tendre compassion pour la détresse de ceux qui recherchaient son aide, et lorsqu'ils sortaient de sa présence, ils emportaient avec eux, en leurs propres personnes, les preuves de son pouvoir vivifiant. Les coeurs de ces gens débordaient de respect, d'amour et de reconnaissance pour leur Bienfaiteur, et il partageait leur joie. Ses travaux à Capernaüm produisirent un bon résultat, et beaucoup furent amenés à croire en lui. Ses actes incomparables de miséricorde gagnaient le coeur des multitudes. VJC 168 1 Les scribes et les pharisiens étaient confondus; leurs desseins à l'égard de Jésus étaient déjoués. Ils avaient écouté ses enseignements afin de le surprendre dans ses paroles, et de détourner de lui l'esprit du peuple pour l'attirer sur eux-mêmes. Ils savaient que depuis que le ministère de Jésus avait commencé, leur influence sur le peuple avait grandement diminué. Les coeurs sympathiques de la multitude acceptaient des leçons d'amour, de bienveillance et de bonté plutôt que les formes froides et les cérémonies rigides exigées par les sacrificateurs. VJC 168 2 Quoique les pharisiens fussent étonnés des miracles que Jésus opérait, ils étaient d'autant plus désireux de se débarrasser de ce personnage dont la grande puissance était fatale à leurs prétentions. VJC 168 3 Les maladies corporelles, quelque graves qu'elles fussent et apparemment sans espoir de guérison, étaient arrêtées par son pouvoir divin; mais la maladie de l'âme, enracinée dans l'incrédulité et les préjugés aveugles prenait plus fortement prise sur ceux qui fermaient les yeux à la lumière. La preuve la plus puissante que l'on pût produire ne faisait que fortifier leur opposition. La lèpre et la paralysie n'étaient point aussi redoutables que la bigoterie et l'incrédulité. Jésus se détourna des docteurs d'Israël, et leurs chaînes d'obscurité et de scepticisme les enlacèrent plus fortement que jamais. VJC 168 4 Les habitants de Capernaüm avaient été grandement étonnés de la guérison soudaine du fils du seigneur, opérée par une seule parole de Jésus, lorsqu'il était à une distance de plus de vingt milles du malade. Ils furent réjouis d'apprendre que Celui qui possédait un tel pouvoir miraculeux se trouvait dans leur propre ville. Le jour du Sabbat, la synagogue dans laquelle il devait parler était comble, et un grand nombre de personnes furent obligées de rester dehors. Comme à l'ordinaire, un grand nombre vinrent par curiosité, mais il y en avait beaucoup qui désiraient sérieusement s'informer de l'Evangile du royaume de Dieu. VJC 169 1 Tous ceux qui l'entendaient étaient étonnés, "car il les enseignait comme ayant autorité, et non pas comme les scribes."1 Ses paroles étaient une démonstration de l'Esprit de Dieu, et pénétraient dans la conscience des hommes avec une puissance divine. L'enseignement des scribes et des pharisiens était froid et monotone, comme une leçon apprise par routine. Ils expliquaient la loi comme une affaire d'habitude, mais leur parole n'était point sanctifiée par l'autorité de Dieu; leurs propres coeurs et ceux de leurs auditeurs n'étaient point émus d'une sainte inspiration. VJC 169 2 Jésus n'avait rien à faire avec les divers sujets de dissension qui existaient parmi les Juifs. Ses paroles étaient si simples qu'un enfant même pouvait les comprendre; toutefois, dans leur sublime simplicité, elles étaient assez élevées pour charmer l'esprit le plus cultivé par les nobles vérités qu'elles exprimaient. Il parlait d'un nouveau royaume qu'il venait établir parmi eux en opposition aux royaumes de ce monde; et de son pouvoir pour arracher son royaume d'entre les mains de Satan, et pour délivrer les captifs enchaînés sous son pouvoir. VJC 169 3 Il y avait dans la synagogue un homme possédé de l'esprit de Satan. Cet homme interrompit le discours de Jésus en poussant un cri perçant qui glaça les auditeurs d'une terreur indicible. "Ha! qu'y a-t-il entre nous et toi, Jésus de Nazareth? Es-tu venu pour nous perdre? Je sais qui tu es: tu es le Saint de Dieu." VJC 169 4 Les démons même croyaient et tremblaient; mais l'Israël de Dieu avait fermé les yeux et les oreilles aux preuves de la divinité de Christ, et il ne connaissait point le temps de sa visitation. Le but de Satan en conduisant sa malheureuse victime dans la synagogue, était de détourner de Jésus l'attention du peuple en la dirigeant vers les paroxysmes du pauvre possédé, et d'empêcher ainsi que les paroles de la vérité ne pénétrassent dans les coeurs. Mais l'intelligence obscurcie même de cet homme comprenait que les enseignements de Jésus venaient du ciel. La puissance de la divinité éveillait la terreur du démon qui s'était emparé de lui, et une lutte s'engagea entre cet esprit malin, et ce qui restait de raison à ce pauvre possédé. VJC 170 1 A mesure que la victime sentait que le céleste Médecin était là pour lui rendre la liberté, son coeur souhaitait ardemment d'être délivré de la puissance de Satan. Le démon résistait à ce pouvoir et cherchait à retenir sous son empire ce pauvre malheureux qui luttait contre lui. Ce démoniaque tâchait de crier à Jésus pour lui demander de l'aide, mais lorsqu'il essayait de parler, le démon mettait d'autres paroles dans sa bouche, de sorte qu'il s'écria dans l'intensité de sa crainte: "Ah! qu'y at-il entre nous et toi, Jésus de Nazareth?" La raison obscurcie de ce pauvre homme comprenait en partie qu'il était en présence de Celui qui pouvait l'affranchir de l'esclavage dans lequel il avait été si longtemps retenu; mais lorsqu'il chercha à s'approcher du divin Médecin, la volonté d'un autre le retint, les paroles d'un autre sortirent de sa bouche. VJC 170 2 Par sa conduite coupable, cet homme s'était placé sur le chemin de l'ennemi, et Satan s'était emparé de toutes ses facultés, de sorte que, lorsque quelques rayons de lumière émanant de la présence du Sauveur percèrent les ténèbres dont était entourée son intelligence, la lutte entre son désir de liberté et la puissance du diable lui firent faire d'affreuses contorsions et lui arrachèrent des cris surnaturels. Le démon exerçait tout son diabolique pouvoir pour retenir sa victime sous son empire. S'il perdait du terrain dans cette circonstance, c'était céder une victoire à Jésus. Celui qui, dans sa propre personne, avait vaincu le prince de la puissance des ténèbres dans la tentation au désert, se trouvait de nouveau face à face avec son ennemi. VJC 170 3 Il semblait que le pauvre homme si cruellement torturé dût perdre la vie dans cette lutte contre le démon qui avait été la ruine de son intelligence. Une seule puissance pouvait briser cette cruelle tyrannie. Jésus parla avec une voix d'autorité et rendit la liberté au pauvre captif. L'esprit démoniaque fit un dernier effort pour arracher la vie de sa victime avant d'être forcé de sortir de celui qu'il avait tourmenté si longtemps. Ensuite l'homme qui avait été possédé se tint devant le peuple émerveillé, heureux d'avoir retrouvé la liberté et la possession de lui-même. Dans la synagogue, le jour du Sabbat, devant l'assemblée réunie, le prince des ténèbres avait été de nouveau vaincu, et le démon même avait rendu témoignage au pouvoir divin du Sauveur, en criant: "Jésus de Nazareth! es-tu venu pour nous perdre? Je sais qui tu es: tu es le Saint de Dieu." VJC 171 1 L'homme dont la raison avait été si soudainement restaurée louait Dieu de sa délivrance. Ses yeux qui, si récemment, brillaient du feu de la folie, rayonnaient maintenant d'intelligence, et étaient inondés de larmes de gratitude. Le peuple était muet de surprise. Aussitôt que les assistants purent parler, ils se dirent les uns aux autres avec étonnement: "Qu'est-ce que ceci? Il commande avec autorité et avec puissance aux esprits immondes, et ils sortent!" VJC 171 2 Ce n'était pas la volonté de Dieu que cet homme fût frappé d'une si terrible affliction au point d'être entièrement livré entre les mains de Satan. C'était dans sa propre manière de vivre que se trouvait la source secrète des malheurs qui en avaient fait un objet d'horreur pour ses amis, et un fardeau pour lui-même. Les plaisirs du péché l'avaient fasciné, le sentier de la dissipation lui avait paru attrayant; il avait pensé faire de la vie une longue fête. Il n'avait pas songé qu'en agissant ainsi il deviendrait un jour un objet d'effroi et de dégoût pour le monde, et d'opprobre pour sa famille. Il pensait qu'il pouvait passer son temps dans des folies prétendues innocentes; mais une fois sur la pente du vice, il était rapidement arrivé au bas, après avoir transgressé les lois de la santé et de la moralité. L'intempérance et la frivolité enchaînaient ses sens, les sensibilités délicates de son esprit avaient été détruites, et Satan s'était emparé du contrôle absolu de toutes ses facultés. Le remords fut trop tardif, et quoique cet homme eût été disposé alors à sacrifier les richesses et le plaisir pour rentrer en possession d'une virilité lâchement consumée, il était sans force entre les mains du méchant. Satan avait tenté ce jeune homme par beaucoup de séductions agréables; il avait revêtu le vice d'un manteau de fleurs afin que la victime le portât sur son coeur; mais ce but une fois atteint, et l'infortuné livré à son pouvoir, le démon était devenu impitoyable dans sa tyrannie, et redoutable dans ses visitations cruelles. Il en est toujours ainsi de ceux qui succombent au mal; les plaisirs attrayants de leur jeunesse se terminent dans le plus sombre désespoir ou dans l'égarement d'une âme perdue et ruinée. VJC 172 1 Mais celui qui vainquit le grand ennemi dans le désert arracha ce captif à l'agonie, au pouvoir de Satan. Jésus savait bien que ce démon, quoique revêtant une autre forme, était le même esprit malfaisant qui l'avait tenté dans le désert. Satan cherche par divers artifices à atteindre son but. Le même esprit qui vit et reconnut le Sauveur, et lui cria: "Ha! qu'y a-t-il entre nous et toi?" animait les méchants Juifs qui rejetaient Christ, et se moquaient de ses enseignements. Mais chez ces derniers, il revêtait un air de piété et de science, cherchant à les tromper quant aux véritables motifs qui les portaient à refuser le Sauveur. VJC 172 2 Ensuite Jésus sortit de la synagogue, laissant le peuple saisi d'étonnement et d'admiration. Ce miracle fut alors suivi d'un autre tout aussi merveilleux. Jésus chercha la maison de Pierre pour s'y reposer un peu, mais il n'y avait point de repos pour le Fils de l'homme. On lui dit que la belle-mère de Pierre était malade de la fièvre. Son coeur sympathique le porta aussitôt à soulager cette femme souffrante. Il commanda à la fièvre, et la fièvre la quitta immédiatement. Puis elle se leva, le coeur débordant de joie et de reconnaissance, et elle se mit à servir Jésus et ses disciples, avec empressement et amour. VJC 172 3 La nouvelle de ces miracles et de ces guérisons se répandit par toute la ville. Toutefois ces actes de miséricorde ne firent qu'augmenter l'intensité de la haine des pharisiens. Ils observaient attentivement tous les mouvements de Jésus, cherchant en quoi ils pourraient l'accuser. Par leur influence, ils empêchaient beaucoup de gens de venir à Jésus le jour du Sabbat pour être soulagés de leurs infirmités. Ils craignaient d'être flétris comme transgresseurs de la loi. Mais dès que le soleil avait disparu à l'occident, il se faisait une grande commotion. De toutes parts les malades accouraient vers Jésus. Ceux qui avaient assez de force venaient seuls, mais un bien plus grand nombre étaient portés par leurs amis vers le souverain Médecin. VJC 173 1 Ces malheureux représentaient la maladie à tous ses degrés, jusqu'au point de la mort. Quelques-uns étaient en proie à une fièvre brûlante, d'autres étaient paralysés, frappés d'hydropisie, aveugles, sourds et impotents. On entendait à quelque distance les cris pitoyables du lépreux: "Le souillé! le souillé!" et on le voyait étendre vers le grand Médecin des mains rongées par la hideuse maladie. L'oeuvre de Jésus commença quand le premier malade lui fut présenté. Les suppliants étaient guéris par un mot de ses lèvres ou par l'attouchement de sa main. Le coeur rempli de joie et de gratitude, ils s'en retournaient pleins de santé et de vigueur physique et mentale, pour réjouir de leur présence les demeures qu'ils avaient naguère quittées, invalides et sans force. VJC 173 2 Ceux qui les avaient soigneusement portés de leurs lits en la présence de Jésus retournaient avec eux, versant des larmes de joie et proclamant les louanges du Sauveur. Les petits enfants n'étaient pas oubliés, et ces chers petits malades étaient rendus à leurs heureuses mères, brillants de fraîcheur et de vivacité. Ces preuves vivantes du pouvoir divin de Jésus produisirent une grande excitation dans toute cette région. Jamais encore Capernaüm n'avait eu de jour semblable à celui-ci. L'air retentissait de chants de triomphe et de délivrance. VJC 173 3 Le Sauveur qui avait opéré de si merveilleuses guérisons, se réjouissait aussi de la joie qu'il avait produite dans les coeurs de tant d'êtres souffrants. Il avait guéri tous ceux qui étaient allés vers lui. Son grand amour pour l'homme fut remué jusque dans ses profondeurs, lorsqu'il vit les souffrances de ceux qui étaient venus vers lui, et il se réjouissait de ce qu'il avait la puissance de leur rendre la santé et le bonheur. ------------------------Chapitre 17 -- Le choix des disciples VJC 174 1 Les disciples ne s'étaient pas encore assez intimement unis à Jésus pour être ses collaborateurs. Ils avaient été témoins d'un grand nombre de miracles, et leurs esprits avaient été éclairés par les discours qu'ils avaient entendus de sa bouche, mais ils n'avaient pas encore entièrement quitté leur métier de pêcheurs. Leurs coeurs avaient été remplis de tristesse par le sort de Jean, et leurs esprits étaient troublés par des pensées contradictoires. Si la mission de Jean avait fini d'une manière si peu glorieuse, quel serait le sort de leur Maître, puisque les scribes et les pharisiens étaient si acharnés contre lui? Au milieu de leurs doutes et de leurs craintes, c'était pour eux un soulagement de retourner encore une fois à leur pêche, et, pour un peu de temps, trouver dans leur ancienne occupation, une diversion à leur anxiété. VJC 174 2 Jésus les renvoyait fréquemment pour visiter leurs demeures et se reposer; mais avec une douceur mêlée de fermeté, il résistait à toutes leurs sollicitations de prendre lui-même du repos. Il passait une partie des nuits en prière, parce qu'il ne pouvait trouver du temps durant le jour. Pendant que le monde qu'il était venu sauver était plongé dans le sommeil, le Rédempteur, dans le sanctuaire de la montagne, intercédait pour l'homme auprès du Père. Souvent il passait des nuits entières en prière et en méditation, et retournait le matin à son oeuvre infatigable. VJC 174 3 L'aube se levait sur la mer de Galilée, et les pêcheurs, après une longue nuit de vains efforts, avaient quitté leurs bateaux, et s'occupaient assidûment à laver et à raccommoder leurs filets sur la plage. Lorsqu'il fit jour, on vit Jésus marchant au bord de l'eau. Le calme du matin promettait un peu de tranquillité avant l'arrivée de la multitude qui le suivait jour après jour. Mais il semblait impossible que le Sauveur pût obtenir quelque tranquillité; déjà la foule s'amassait autour de lui. On lui amenait des malades et des affligés pour qu'il les soulageât. A la fin, le peuple s'était attroupé en si grande multitude qu'il n'y avait presque pas de place pour lui. C'est pourquoi Jésus pria Pierre de le prendre dans sa barque, et dès qu'il y fut monté, il commanda aux disciples de s'éloigner un peu de la terre. Alors, s'étant retiré à une petite distance du peuple, où il était mieux placé pour être vu et entendu par eux, il leur prêcha, de la barque où il était, concernant les mystères du royaume de Dieu. Son langage était simple et solennel, faisant appel à l'intelligence du peuple avec un pouvoir convaincant. VJC 175 1 Lorsque Jésus eut terminé son discours, il dit à Pierre d'avancer en pleine eau, et de jeter ses filets pour pêcher. Mais Pierre était entièrement découragé; non seulement il était attristé du sort de Jean-Baptiste, et son esprit était tourmenté par le doute à la pensée de cet événement, mais il était découragé quant à ses affaires temporelles. Il n'avait pas eu de succès dans sa pêche, et le travail de la nuit écoulée avait été infructueux. Ce fut donc sur un ton d'abattement qu'il répondit au commandement de Jésus: "Maître! nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre; toutefois sur ta parole je jetterai le filet."1 VJC 175 2 Il appela son frère à son aide, et ensemble ils jetèrent le filet dans les eaux profondes, comme Jésus l'avait ordonné. Lorsqu'ils voulurent le tirer, ils ne le purent, à cause de la grande quantité de poissons qu'il contenait; ils furent obligés d'appeler à leur aide Jacques et Jean pour pouvoir tirer le filet dans la nacelle et le vider. Lorsqu'ils eurent fini, la barque se trouvait si remplie qu'elle était en danger de sombrer. VJC 175 3 Pierre avait vu Jésus accomplir de grands miracles, mais aucun n'avait fait sur son esprit une aussi forte impression que cette pêche miraculeuse après une nuit de travail inutile. L'incrédulité et le découragement qui avaient accablé les disciples pendant cette nuit longue et pénible, firent alors place à l'étonnement, et à un saint effroi. Pierre était profondément pénétré du sentiment de la puissance divine de son Maître. Il avait honte de sa coupable incrédulité. Il savait qu'il était en présence du Fils de Dieu, et- il se sentait indigne de se trouver dans une telle présence. Par un mouvement involontaire, il se jeta aux pieds de Jésus, et s'écria: "Seigneur! retire-toi de moi, car je suis un homme pécheur." Mais même pendant qu'il parlait, il se cramponnait aux pieds de Jésus, et il n'aurait pas voulu qu'il l'eût pris au mot, même s'il eût voulu le faire. VJC 176 1 Mais Jésus comprenait les émotions diverses qui remplissaient le coeur de l'impétueux disciple, et il lui dit: "N'aie point de peur; désormais tu seras pêcheur d'hommes vivants." Des paroles semblables furent ensuite adressées aux trois autres pêcheurs quand ils étaient tous sur le rivage. Tandis qu'ils étaient activement occupés à raccommoder leurs filets qui s'étaient rompus à cause de la grande quantité de poissons qu'ils avaient pris, Jésus leur dit: "Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d'hommes." Et immédiatement, ils laissèrent leurs filets et leurs barques et suivirent le Sauveur. Ces humbles pêcheurs reconnurent l'autorité divine de Jésus, et abandonnèrent aussitôt leur occupation régulière, leurs biens et leurs avantages temporels, pour obéir au commandement de leur Seigneur. VJC 176 2 Ces quatre disciples furent plus intimement liés à Jésus dans sa vie terrestre qu'aucun des autres disciples. Christ, la lumière du monde, était éminemment capable de qualifier ces pêcheurs illettrés de la Galilée pour la mission importante qu'il allait leur confier. Les paroles qu'il adressa à ces hommes humbles étaient d'une très grande signification; elles devaient avoir une influence sur le monde dans la suite du temps. Il semblait être pour Jésus une chose bien simple d'appeler ces hommes pauvres et découragés à le suivre; mais c'était un événement qui devait produire des résultats inconcevables; il devait ébranler le monde. Le pouvoir vivifiant de Dieu, éclairant les esprits de ces simples pêcheurs illettrés, devait les rendre capables de répandre au loin les doctrines de Christ, et d'autres devaient reprendre leur tâche, jusqu'à ce que cette doctrine fût parvenue à tous les peuples, et fût enseignée dans toutes les générations pour gagner beaucoup d'âmes au salut. C'est ainsi que les pauvres pêcheurs de la Galilée devaient être en vérité "pêcheurs d'hommes". VJC 177 1 Jésus ne s'opposait pas à l'éducation. La plus grande culture de l'esprit, si elle est sanctifiée par l'amour et la crainte de Dieu, reçoit son approbation. On soulève parfois une objection contre l'éducation, parce que Jésus choisit pour disciples des pêcheurs ignorants. Mais pendant trois ans, ces hommes furent soumis à son influence sanctifiante et éducatrice, et le Sauveur fut le plus parfait éducateur que le monde ait jamais connu. Le Prince de la Vie ne choisit point pour disciples les savants docteurs de la loi, les scribes et les anciens, car ils n'auraient pas voulu le suivre. C'est pourquoi il choisit, pour lui aider, d'humbles paysans. Les hommes riches et instruits d'entre les Juifs se glorifiaient de leur sagesse mondaine et de leur propre justice, et ils s'enorgueillissaient en eux-mêmes, ne sentant pas leur urgent besoin d'un Rédempteur. Leurs idées étaient arrêtées, et ils ne voulaient pas recevoir les enseignements de Christ. Mais les humbles pêcheurs étaient réjouis d'être en relation avec le Sauveur, et de devenir ses collaborateurs. VJC 177 2 En se rendant à Jérusalem, Jésus vit Matthieu1 occupé à ses affaires pour la perception des impôts. Il était Juif; aussi, quand il devint péager, ses frères le méprisèrent-ils. Les Juifs étaient continuellement irrités à cause du joug romain. Le fait qu'une nation païenne et méprisée levait des impôts sur eux, leur rappelait constamment que leur puissance et leur gloire comme nation indépendante les avaient quittés. Leur indignation ne connaissait plus de bornes lorsqu'un homme de leur propre nation oubliait l'honneur de sa race élevée jusqu'à accepter la place de percepteur d'impôts. VJC 178 1 Ceux qui aidaient ainsi à soutenir l'autorité romaine étaient regardés comme des apostats. Les Juifs estimaient comme quelque chose de dégradant d'avoir n'importe quelles relations avec un péager. Ils considéraient cet emploi comme le synonyme de l'oppression et de l'extorsion. Mais l'esprit de Jésus n'était pas façonné d'après les préjugés des pharisiens. Il regardait au-dessus de la surface, et lisait jusqu'au fond du coeur. Son oeil divin vit dans Matthieu quelqu'un dont il pouvait se servir pour l'établissement de son Eglise. Cet homme avait écouté les enseignements de Christ et avait été attiré vers lui. Son coeur était plein de respect pour le Sauveur, mais jamais la pensée n'était entrée dans l'esprit de Matthieu que ce divin Maître condescendrait à prendre garde à lui, et bien moins encore à le choisir comme disciple. C'est pourquoi son étonnement fut grand, lorsque Jésus lui adressa ces paroles: "Suis-moi." VJC 178 2 Sans murmurer, ni se laisser arrêter par la perte pécuniaire qui serait la conséquence de son action, Matthieu se leva, suivit son Maître, et joignit ses intérêts à ceux des disciples de Jésus. Le péager méprisé sentit que le Sauveur lui avait conféré un honneur qu'il ne méritait pas. Il ne s'arrêta pas un instant à penser à la position lucrative qu'il échangeait contre une vie de fatigue et de pauvreté. C'était assez pour lui d'être en la présence de Christ, afin de pouvoir apprendre de sa bouche la sagesse et la bonté, contempler ses oeuvres merveilleuses, et travailler avec lui dans son oeuvre si ardue. VJC 178 3 Matthieu avait de la fortune, mais il était disposé à tout sacrifier pour son Maître. Il était très désireux que ses nombreux amis et ses connaissances devinssent des disciples de Jésus, et il désirait qu'ils eussent l'occasion de se trouver avec lui. Il éprouvait la certitude qu'ils seraient charmés de sa doctrine simple et pure, enseignée sans ostentation et sans faste. VJC 178 4 En conséquence, il fit un festin dans sa propre maison, et y invita ses parents et ses amis, parmi lesquels se trouvaient un certain nombre de péagers. Jésus fut invité comme le convive en l'honneur duquel le banquet avait été donné. Avec ses disciples, il accepta cette aimable invitation, et honora le banquet de sa présence. Les scribes et les pharisiens, remplis d'envie et épiant tous les mouvements de Jésus, ne laissèrent pas échapper cette occasion pour chercher à condamner la cause de Christ. Ils furent très indignés de ce que quelqu'un portant le nom de Juif, se mêlât avec les péagers. Quoiqu'ils refusassent de le reconnaître comme Messie, et ne voulussent accepter aucun de ses enseignements, ils ne pouvaient toutefois fermer les yeux sur le fait qu'il avait une grande influence sur le peuple. C'est pourquoi ils étaient irrités de ce que, par son exemple, il semblait ignorer leurs préjugés et leurs traditions. Quand Jésus appela Matthieu à le suivre, leur fureur ne connut plus de bornes. Ils ne pouvaient accepter l'idée que Jésus honorât ainsi un péager qu'ils détestaient. Ils attaquèrent ouvertement les disciples sur ce sujet, et les accusèrent de manger avec des péagers et des gens de mauvaise vie. VJC 179 1 "Et un jour, Jésus étant à table dans la maison de cet homme, beaucoup de péagers et de gens de mauvaise vie y vinrent, et se mirent à table avec Jésus et ses disciples. Les pharisiens, voyant cela, dirent à ses disciples: Pourquoi votre Maître mange-t-il avec des péagers et des gens de mauvaise vie?" C'était d'un air dédaigneux et méprisant qu'ils firent cette question. Jésus n'attendit pas que ses disciples répondissent à cette hautaine accusation, et il leur dit: "Ce ne sont pas ceux qui sont en santé qui ont besoin de médecin, ce sont ceux qui se portent mal. Mais allez, et apprenez ce que signifie cette parole: Je veux la miséricorde, et non pas le sacrifice; car ce ne sont pas les justes que je suis venu appeler à la repentance, mais ce sont les pécheurs." Ici il explique sa conduite en prenant le cas d'un médecin dont la sphère d'activité n'est pas parmi ceux qui sont en santé, mais parmi ceux qui se portent mal. Celui qui était venu pour sauver l'âme perdue par le péché, devait aller parmi ceux qui avaient le plus besoin de sa grâce, de son pardon et de son amour. VJC 179 2 Ces péagers et ces gens de mauvaise vie, quoique souillés par le péché, sentaient le besoin qu'ils avaient de repentance et de pardon. C'était la mission du ciel de soulager précisément de telles misères. Quoique apparemment ces personnes regardassent avec indifférence les rites religieux et les observances extérieures, toutefois elles étaient mieux préparées à devenir de sincères chrétiens, que les pharisiens et les sacrificateurs qui se moquaient d'eux. Un grand nombre d'entre eux possédaient une noble intégrité, et n'auraient pas voulu faire violence à leur conscience en rejetant une doctrine que leur raison déclarait être véritable. VJC 180 1 Jésus était venu pour guérir les blessures qu'avait faites le péché au milieu de sa propre nation; mais son peuple refusa l'aide qu'il lui offrait; il foula aux pieds ses enseignements, et fit peu de cas de ses oeuvres puissantes. Le Seigneur se tourna donc vers ceux qui étaient disposés à écouter ses paroles. Matthieu et ceux qui étaient en relation avec lui obéirent à l'appel du Maître, et le suivirent. Le péager méprisé devint l'un des évangélistes les plus dévoués. Son coeur désintéressé était attiré vers les âmes qui avaient besoin de lumière. Il ne repoussait pas les pécheurs en accentuant sa propre piété, et en la mettant en contraste avec leur méchanceté, mais il se les attachait par une profonde sympathie, en leur présentant le précieux Evangile de Christ. Ses travaux furent accompagnés de succès signalés. Beaucoup de ceux qui assistaient à ce repas, et qui écoutaient les divines instructions de Jésus, devinrent des instruments pour présenter la lumière au peuple. VJC 180 2 Les paroles à propos que Jésus adressa aux pharisiens à l'occasion de ce festin, les réduisirent au silence, mais ne firent point disparaître leurs préventions, et ne touchèrent point leurs coeurs. Ils s'en allèrent et se plaignirent aux disciples de Jean sur la manière de faire de Jésus et de ses disciples. Ils s'étendirent longuement sur la dangereuse influence qu'il exerçait sur le peuple, en annulant leurs anciennes traditions, en prêchant au monde une doctrine de miséricorde et d'amour. Ils cherchèrent à soulever du mécontentement dans l'esprit des disciples de Jean, en mettant en contraste leur austère piété et leurs jeûnes rigoureux avec l'exemple de Jésus qui se mettait à table avec les péagers et les gens de mauvaise vie. VJC 180 3 Les disciples de Jean s'émurent, et se plaignirent aux disciples de Jésus, concernant la manière d'agir de leur Maître, laquelle était si contraire aux enseignements de Jean. Si Jean avait été envoyé de la part de Dieu, et s'il avait enseigné selon son Esprit, comment la conduite de Jésus pouvait-elle être juste? Les disciples du Sauveur, étant incapables de répondre à ces questions, présentèrent cette affaire à leur Maître. "Ils lui dirent ainsi: Pourquoi les disciples de Jean jeûnent-ils souvent et font-ils des prières, de même que ceux des pharisiens, au lieu que les tiens mangent et boivent? Il leur dit: Pouvez-vous faire jeûner les amis de l'époux pendant que l'époux est avec eux? Mais les jours viendront que l'époux leur sera ôté; ils jeûneront en ces jours-là."1 VJC 181 1 Jésus était venu apporter au monde la lumière du ciel. Comme Rédempteur de l'humanité, il vint pour limiter la puissance de Satan, et délivrer les captifs. A sa naissance, les messagers célestes avaient porté la bonne nouvelle d'une grande joie aux humbles bergers sur la colline de Bethléem: "Gloire soit à Dieu au plus haut des cieux! Paix sur la terre, bonne volonté envers les hommes!" VJC 181 2 Le plus grand don du ciel avait été donné au monde. Joie aux pauvres, car Christ est venu pour les rendre héritiers de son royaume! Joie aux riches, car il leur apprendra comment employer leurs trésors terrestres pour qu'ils leur assurent dans le ciel des richesses éternelles! Joie aux ignorants, car il est venu leur donner la sagesse à salut! Joie aux savants, car il dévoilera à leur intelligence des mystères plus profonds que ceux qu'ils ont jamais sondés! Le Sauveur dit: "Mais pour vous, vous êtes heureux d'avoir des yeux qui voient et des oreilles qui entendent. Car je vous dis en vérité que plusieurs prophètes et plusieurs justes ont désiré de voir ce que vous voyez, et ne l'ont pas vu, et d'entendre ce que vous entendez, et ne l'ont pas entendu."2 La mission de Christ révélait à l'esprit des hommes des vérités qui avaient été cachées dès la fondation du monde. VJC 181 3 Toute entreprise humaine devient insignifiante lorsqu'elle est comparée avec l'avénement de Christ sur notre terre. Quelle occasion de se réjouir les disciples n'avaient-ils pas? eux qui possédaient le privilége de marcher et de converser avec la Majesté du ciel. Combien ils étaient heureux, ceux qui avaient au milieu d'eux le Prince de la Paix, répandant sur eux, journellement, de nouvelles grâces et de nouvelles bénédictions! Pourquoi eussent-ils pleuré et jeûné? Le deuil convenait plutôt à ceux qui rejetaient le Sauveur, qui fermaient les yeux et les oreilles à ses divins enseignements, et se détournaient de la paix et de la joie qui découlent de l'amour et de la vérité infinis. Le trésor du ciel leur fut confié pendant un temps, et eux, méconnaissant le don, préférèrent l'esclavage et les ténèbres à la liberté et à la lumière qui leur était apportées par Christ. VJC 182 1 Dans la synagogue à Nazareth, Jésus s'était annoncé comme le Rédempteur de l'humanité. Il avait dit: "L'Esprit du Seigneur est sur moi, c'est pourquoi il m'a oint; il m'a envoyé pour annoncer l'Evangile aux pauvres, pour guérir ceux qui ont le coeur brisé; pour publier la liberté aux captifs, et le recouvrement de la vue aux aveugles; pour renvoyer libres ceux qui sont dans l'oppression, et pour publier l'année favorable du Seigneur."1 VJC 182 2 Comment les amis de l'époux peuvent-ils jeûner pendant que l'époux est encore avec eux? Mais quand il s'en retournera au ciel, laissant ses disciples faire face seuls à l'incrédulité et aux ténèbres du monde, alors il conviendra à l'Eglise de jeûner et de mener deuil jusqu'au retour de son Seigneur absent. VJC 182 3 Les pharisiens jaloux donnaient une mauvaise interprétation à toutes les actions de notre Seigneur. Les actes mêmes qui auraient dû fléchir leurs coeurs et gagner leur admiration, leur servaient d'excuses pour l'accuser d'immoralité. Jésus avait si souvent repris ces hommes à propre justice à cause de leur iniquité, et avait si souvent mis à découvert leurs mauvais desseins et leurs natures perverses, qu'ils n'osèrent pas lui adresser leurs plaintes; mais ils les portèrent à ceux dans les coeurs desquels elles étaient le plus propres à faire naître des préjugés et de l'incrédulité. Si les disciples de Jésus avaient écouté ces insinuations, ils auraient cessé de suivre leur Maître. Mais ils dédaignèrent d'écouter les basses accusations d'impiété lancées contre lui par des gens remplis de malice et de haine. Il était accusé de fréquenter de mauvaises compagnies, mais cette déclaration injuste n'avait aucun poids sur son esprit. VJC 183 1 Le Sauveur mangeait avec les pécheurs; il leur disait des paroles de vie, et un grand nombre d'entre eux l'acceptèrent comme leur Rédempteur. Le festin de Christ était saint, mais les pharisiens jeûneurs auront leur part avec les hypocrites et les incrédules, quand Christ viendra dans sa gloire, et que ceux qu'ils auront tournés en dérision seront recueillis dans son royaume. ------------------------Chapitre 18 -- La guérison du lépreux VJC 184 1 Jésus était souvent obligé de cacher sa présence au peuple; car les foules qui se pressaient autour de lui pour être témoin de ses miracles étaient si grandes et leur enthousiasme si exalté, qu'il était nécessaire de prendre des précautions; sinon les prêtres et les gouverneurs auraient pris occasion de ces grandes assemblées pour insinuer aux autorités romaines, qu'une insurrection était à craindre. VJC 184 2 Jamais le monde n'avait vu un temps semblable. Le ciel était descendu sur la terre. Tous ceux qui s'approchaient du Seigneur dans le but de s'instruire comprenaient qu'il était rempli de bonté et de sagesse. Ils recevaient de cette grande source d'intelligence de précieuses leçons et des connaissances toutes divines. Beaucoup d'âmes affamées et altérées qui avaient attendu longtemps la rédemption d'Israël, jouissaient en plein de la grâce libérale d'un Sauveur miséricordieux. Le prophète que l'on attendait était arrivé, et un peuple favorisé vivait à la parfaite splendeur de sa lumière; beaucoup pourtant ne comprenaient pas et se détournaient de son divin éclat avec indifférence ou incrédulité. VJC 184 3 Jésus guérissait de nombreuses maladies corporelles pendant qu'il prêchait et faisait la cure des âmes atteintes de la maladie du péché. Bien des coeurs étaient délivrés de la cruelle servitude du péché. L'incrédulité, le découragement et le désespoir faisaient place à la foi, à l'espérance, au bonheur. Mais quand les malades et les estropiés s'adressaient au Sauveur pour être secourus, il soulageait d'abord le pauvre corps souffrant avant d'entreprendre la cure de l'esprit endurci. Quand il avait adouci la misère corporelle du suppliant, il pouvait mieux amener ses pensées à la lumière et à la vérité. VJC 185 1 La lèpre était la maladie la plus terrible et la plus repoussante de l'Orient. Elle était envisagée avec effroi par toutes les classes de la société, à cause de son caractère contagieux et de ses horribles effets sur ses victimes. On prenait de grandes précautions pour empêcher que cette maladie ne se répandît parmi le peuple. Chez les Hébreux, le lépreux était déclaré impur. Il était isolé de sa famille, privé des avantages de la société, et retranché de la congrégation d'Israël. Il était condamné à ne se joindre qu'à ceux qui, comme lui, étaient affligés de cette maladie. VJC 185 2 Loin de ses amis et de sa parenté, il devait porter la malédiction de son sort. Aucune main affectueuse ne pouvait adoucir sa peine. Il était obligé de publier lui-même sa propre calamité, de déchirer ses vêtements, de sonner l'alarme et d'avertir chacun de fuir loin de son corps souillé et dépérissant. Le cri: souillé! souillé! prononcé d'un ton lugubre par le malheureux banni, était un signal que personne ne pouvait entendre qu'avec crainte et horreur. VJC 185 3 Il y avait, dans la région où Christ exerçait son ministère, plusieurs de ces êtres, objets d'un dégoût général. La nouvelle que le grand Médecin était apparu, leur était parvenue jusque dans leur isolement, et un rayon d'espérance avait lui dans leurs coeurs. S'ils pouvaient arriver en présence de Jésus, il les guérirait, pensaient-ils. Mais comme il leur était interdit d'entrer dans aucune ville ou village, il leur paraissait impossible de s'approcher jamais du grand Médecin dont le ministère principal s'exerçait au milieu du peuple. VJC 185 4 Il y avait là un lépreux qui avait occupé un haut rang dans la société. C'était avec la plus vive douleur que lui et sa famille avaient dû se convaincre qu'il était victime de la fatale maladie. Des médecins éminents avaient été consultés, ils avaient examiné le malade avec soin, ils avaient cherché avec anxiété dans leurs livres dans le but d'obtenir des renseignements plus précis; mais ils furent péniblement obligés de reconnaître que leur habileté était confondue, la maladie était incurable. C'était alors du devoir du prêtre de faire un examen; le résultat montra que le malade était atteint de la lèpre la plus maligne. Ce jugement le condamnait à être comme un mort vivant, séparé de ses amis et de la société au milieu de laquelle il occupait une position si honorable. Et maintenant, ceux qui avaient brigué ses faveurs et accepté son hospitalité fuyaient avec horreur sa présence. Il sortit de sa maison pour quitter la société dont il était banni. VJC 186 1 Jésus enseignait alors près du lac, hors des limites de la ville, et une foule s'était rassemblée pour entendre ses paroles. Le lépreux1 qui avait entendu parler de ses oeuvres puissantes, sortit pour le voir, et s'approcha autant qu'il lui était permis. Depuis son exil, la maladie avait fait de terribles ravages sur lui. Sa vue était un spectacle repoussant; son corps en décomposition était horrible à voir. Se tenant éloigné, il entendit quelques-unes des paroles de Jésus, et le vit poser ses mains sur des malades pour les guérir. Il vit avec surprise les boiteux, les aveugles, les paralytiques et ceux qui se mouraient de diverses maladies, se lever à la parole du Sauveur, rendus à la santé et louant Dieu de leur délivrance. Il regarda son corps misérable, et se demanda si ce grand Médecin ne pourrait point le guérir lui aussi. Plus il entendait, plus il voyait, plus il était convaincu que c'était bien là le Sauveur du monde promis par les prophètes, auquel toutes choses étaient possibles. Personne ne pouvait accomplir de tels miracles, sinon celui à qui il aurait été donné de Dieu, et il tardait au lépreux d'arriver en sa présence pour être guéri. VJC 186 2 Il n'avait pas l'intention de s'approcher si près qu'il pût nuire au peuple; mais dans ce moment, sa pensée était tellement absorbée qu'il oublia les restrictions auxquelles il était lié, la sûreté du peuple et l'horreur avec laquelle on le regardait. Il ne pensait plus qu'à l'espérance bénie qui était en lui, que la puissance de Jésus pouvait le délivrer de son infirmité. Sa foi saisissait le Sauveur, et il se précipita étourdiment en avant, sans souci de la multitude effrayée qui reculait à son approche et se précipitait en arrière afin de ne point le toucher. VJC 187 1 Quelques-uns voulurent l'empêcher d'approcher de Jésus, mais leurs efforts furent vains. Il ne les voyait ni ne les entendait. Il n'apercevait pas l'expression de dégoût et les regards pleins d'horreur qu'on jetait sur lui de tous côtés. Il ne voyait que le Fils de Dieu, il n'entendait que la voix qui donnait la santé et le bonheur aux souffrants et aux malheureux. Lorsqu'il arriva devant Jésus, ses sentiments refoulés dans son coeur débordèrent, et, se prosternant devant lui, il s'écria: "Seigneur, si tu le veux, tu peux me nettoyer." Il ne prononça que quelques paroles, mais elles exprimaient la profondeur de sa détresse. Il crut que Jésus pouvait lui donner vie et santé. VJC 187 2 Jésus ne s'éloigna point de lui; au contraire, il s'en rapprocha. Le peuple reculait et même les disciples se sentaient remplis d'horreur, et auraient volontiers empêché leur Maître de le toucher; car suivant la loi de Moïse, celui qui touchait un lépreux était lui-même impur. Mais Jésus, avec calme et sang-froid, plaça sa main sur le malheureux et répondit à sa prière par ces paroles magiques: "Sois nettoyé!" VJC 187 3 A peine ces paroles vivifiantes furent-elles prononcées, que l'on vit se transformer ce corps en décomposition. La chair devint saine; les nerfs devinrent sensibles, et les muscles se raffermirent. Cette peau rude, fendillée, particulière aux lépreux, avait disparu, et une peau douce et lisse, semblable à celle d'un petit enfant, l'avait remplacée. La multitude alarmée perdit instantanément sa crainte, et s'approcha pour contempler cette nouvelle manifestation de la puissance divine. VJC 187 4 Jésus recommanda au lépreux de ne pas publier ce qui avait été fait pour lui, disant: "Garde-toi d'en rien dire à personne; mais va-t'en, et montre-toi au sacrificateur, et offre pour ta purification ce que Moïse a commandé, afin que cela leur serve de témoignage." Conformément à ces paroles, l'homme heureux s'en alla trouver le même sacrificateur dont la décision l'avait banni loin de sa famille et de ses amis. VJC 187 5 Il offrit joyeusement le don aux sacrificateurs, et magnifia le nom de Jésus qui lui avait rendu la santé. Ce témoignage irréfutable convainquit les sacrificateurs de la puissance divine de Jésus, quoiqu'ils refusassent encore de le reconnaître comme le Messie. Les pharisiens avaient dit que ses enseignements étaient diamétralement opposés à ceux de Moïse et qu'il se glorifiait lui-même; mais les directions spéciales qu'il donna au lépreux guéri, d'aller, suivant la loi de Moïse, offrir un don au sacrificateur, prouvaient le contraire. VJC 188 1 Il n'était pas permis aux sacrificateurs d'accepter un don de quelqu'un qui avait été affligé de la lèpre, avant de l'avoir d'abord bien examiné, et d'avoir proclamé au peuple qu'il était entièrement net de cette maladie contagieuse, qu'il était en santé, et pouvait de nouveau rejoindre sa famille et ses amis sans leur nuire. Quelque répugnance qu'eût le sacrificateur à attribuer cette cure merveilleuse à Jésus, il ne pouvait se refuser à examiner l'homme rendu à la santé et à lui donner la déclaration de sa guérison. La multitude était impatiente d'apprendre le résultat de cet examen, et lorsqu'il fut déclaré libre de toute maladie, et qu'il lui fut permis de retourner auprès de sa famille et de ses amis, l'excitation fut très grande. On n'avait jamais vu une telle chose auparavant. VJC 188 2 Mais malgré l'ordre de Jésus au lépreux, celui-ci publia la chose partout. Pensant que ce n'était qu'à cause de sa grande modestie que Jésus lui avait fait ces défenses, il s'en alla proclamer au large la grande puissance de celui qui l'avait guéri. Il ne comprenait pas que chaque nouvelle manifestation de la puissance divine de Jésus affermissait la résolution qu'avaient formée les sacrificateurs et les anciens du peuple de le tuer. L'homme qui avait été guéri éprouvait combien le don de la santé était précieux. Le sang pur qui circulait dans ses veines excitait dans son être tout entier une nouvelle et délicieuse animation. Il se réjouissait de sa vigueur nouvelle et de son rétablissement au milieu de sa famille, de ses amis et de la société. Il se sentait incapable de réprimer le désir qu'il avait de donner gloire au Médecin qui lui avait tout rendu. VJC 188 3 La publicité de ce miracle causa une telle excitation que Jésus fut obligé de s'éloigner de la ville. "Et de toutes parts on venait à lui." Ces miracles n'étaient pas accomplis pour faire parade; les actes de Jésus étaient en parfait contraste avec ceux des pharisiens dont la grande ambition était d'attirer sur eux la louange et l'honneur des hommes. Jésus savait bien que si la nouvelle de la guérison du lépreux était répandue au large, ceux qui étaient atteints de la même maladie seraient désireux d'obtenir la même guérison. Cela ferait répandre le bruit que le peuple était souillé par le contact de cette maladie contagieuse. Ses ennemis saisiraient une telle occasion pour l'accuser et le condamner. VJC 189 1 Jésus savait que beaucoup de lépreux qui le rechercheraient n'étaient pas dignes du don de la santé, et qu'ils ne s'en serviraient pas à l'honneur et à la gloire de Dieu s'ils l'obtenaient. Ils n'avaient ni foi réelle, ni principes, mais simplement un grand désir d'être délivrés du sort certain qui les menaçait. Le Sauveur savait aussi que ses ennemis cherchaient sans cesse à limiter son oeuvre et à détourner le peuple de lui. S'ils pouvaient se servir dans ce but de la guérison du lépreux, ils ne manqueraient pas de le faire. Mais en envoyant l'homme guéri présenter son don au sacrificateur, comme l'ordonnait la loi judaïque, Jésus voulait les convaincre, s'ils étaient tant soit peu susceptibles de l'être, qu'il n'était point opposé à la loi de Moïse. ------------------------Chapitre 19 -- Le paralytique VJC 190 1 Jésus fut de nouveau amene par sa mission à Capernaüm. Lorsque la nouvelle se répandit que Jésus était l'hôte de Pierre, hommes, femmes et enfants accoururent de toutes les directions, pour entendre l'étonnant docteur. Il y avait dans le voisinage un homme qui était réduit à une entière incapacité, par l'incurable maladie appelée paralysie.1 Il avait abandonné tout espoir de guérison. Mais ses amis et ses parents avaient entendu l'instruction pleine de grâce de Jésus; ils avaient vu ses étonnants miracles; ils voyaient qu'il ne repoussait personne, que même les impurs lépreux trouvaient accès auprès de lui, et étaient guéris, et ils commencèrent à espérer que le paralytique pourrait être guéri, s'il pouvait être porté en présence de Jésus. VJC 190 2 Ils cherchèrent à encourager le patient, lui parlant du pouvoir miraculeux de Jésus, pour guérir toute maladie, des paroles de miséricorde qu'il avait dites à ceux qui étaient désespérés, et de ceux qui étaient délivrés de la puissance de Satan par une parole de sa sublime autorité. Comme le paralytique écoutait ces bonnes nouvelles, l'espérance de pouvoir être guéri de cette terrible infirmité se ranima dans son coeur. Il lui tardait de voir Jésus, et d'être placé entre ses mains. Mais lorsqu'il réfléchit que la dissipation avait été la cause principale de son affliction, son espoir s'évanouit, car il craignait de ne pas être toléré en la présence du saint Médecin. Il avait aimé les plaisirs du péché: sa vie avait été une transgression de la loi de Dieu, et son affliction corporelle était la punition de ses péchés. VJC 190 3 Il avait depuis longtemps placé son cas entre les mains des pharisiens et des docteurs, réclamant leur intérêt et leur sympathie, espérant qu'ils feraient quelque chose pour soulager son esprit tourmenté et ses souffrances physiques. Mais ils l'avaient regardé froidement et l'avaient déclaré incurable. Ils avaient ajouté à son malheur en lui disant qu'il ne souffrait que la juste rétribution de Dieu pour sa mauvaise conduite. Les pharisiens avaient l'habitude de se tenir éloignés des malades et des nécessiteux. Ils prétendaient que la maladie et la gêne étaient toujours une preuve de la colère de Dieu contre le transgresseur. Pourtant, fréquemment, ces mêmes hommes qui se glorifiaient d'être saints et de jouir de la faveur de Dieu, étaient plus corrompus de coeur et de conduite que les pauvres malades qu'ils condamnaient. VJC 191 1 Le paralytique, ne voyant de secours d'aucun côté, était tombé dans le désespoir quand, soudain, la nouvelle des miracles de miséricorde accomplis par Jésus, fit de nouveau naître l'espérance dans son coeur. Pourtant il craignait qu'il ne lui fût permis de paraître en présence de Jésus; il sentait que si Jésus voulait seulement le voir, et soulager son coeur, en pardonnant ses péchés, il se contenterait de vivre ou de mourir, suivant sa juste volonté. Ses amis lui assurèrent que Jésus en avait guéri d'autres qui étaient à tous égards aussi coupables et malades que lui, et cela l'encouragea à croire que sa propre demande serait exaucée. VJC 191 2 Il sentait qu'il n'y avait pas de temps à perdre; déjà son corps ruiné commençait à dépérir. Si quelque chose pouvait être fait pour arrêter sa mort, cela devait se faire tout de suite. Le cri désespéré du pauvre mourant était: Oh, si je pouvais paraître en sa présence! Ses amis désiraient lui aider à accomplir son souhait, et on fit plusieurs projets pour atteindre ce résultat; mais aucun ne paraissait praticable. Le malade, quoique tourmenté par ses douleurs physiques, avait conservé toute la force de son intelligence; il proposa alors à ses amis qu'ils le prissent dans son lit, et le portassent à Jésus. C'est ce qu'ils entreprirent de faire avec joie. VJC 191 3 Comme ils approchaient de la foule pressée, qui s'était assemblée à l'intérieur et autour de la maison où Jésus enseignait, il leur parut douteux qu'ils pussent accomplir leur dessein. Pourtant ils avancèrent avec leur fardeau jusqu'à ce que le passage fut complétement obstrué, et ils furent obligés de s'arrêter avant d'arriver à la portée de la voix du Sauveur. Jésus était dans l'intérieur de la maison, et comme d'habitude, ses disciples étaient assis près de lui; car il était de la plus grande importance qu'ils entendissent ses paroles et comprissent les vérités qu'ils devaient proclamer par leurs paroles et leurs écrits dans tous les pays et à travers tous les âges. VJC 192 1 Les pharisiens hautains, les docteurs et les scribes étaient aussi présents machinant de mauvais desseins dans leurs coeurs, et désirant troubler et confondre le céleste Docteur, afin de pouvoir l'accuser d'être un imposteur, et le condamner à mort. Jaloux de son pouvoir et de sa sagesse, ils cachèrent leur haine ardente, afin de surveiller de près ses paroles, et afin de le questionner sur des sujets variés, avec l'espoir de le surprendre dans quelques contradictions ou dans quelques hérésies défendues, qui leur auraient donné l'occasion de l'accuser. Ils étaient présents lorsque Jésus guérit la main sèche un jour de Sabbat, et ces hommes qui prétendaient jouir de la faveur spéciale de Dieu, furent remplis de fureur, parce qu'il présumait faire cette bonne oeuvre le jour du Seigneur. VJC 192 2 Derrière ces grands personnages, une foule de gens se pressaient, attirés là par divers motifs. Quelques-uns éprouvaient un irrésistible désir d'entendre les paroles de Jésus, et pourtant ils saisissaient imparfaitement leur signification. Ils étaient avides de saisir chaque syllabe des paroles sacrées et, dans bien des cas, des semences de vie se logèrent dans leurs coeurs, pour croître peu après et porter des fruits bénis. D'autres n'étaient venus que par curiosité, ou par amour de l'excitation, par le désir de voir et d'entendre quelque nouvelle chose. Tous les rangs de la société étaient représentés, ainsi que plusieurs nationalités différentes. VJC 192 3 Ceux qui portaient le paralytique cherchaient à se frayer un chemin à travers cette foule serrée, mais leurs efforts étaient inutiles. Ils avançaient l'urgence de leur cas pour engager les gens à reculer, mais c'était sans résultat. Les souffrances de l'invalide étaient augmentées par l'anxiété, et ses amis craignaient qu'il ne mourût dans cette scène de confusion. Le pauvre malade regarde autour de lui avec une angoisse inexprimable. Doit-il abandonner tout espoir, lorsqu'il est si près du secours qu'il a désiré depuis si longtemps? Il sent qu'il ne peut supporter une si amère déception. Il suggère à ses amis l'idée de le porter au haut de la maison, et de le faire descendre par le toit en présence de Jésus. VJC 193 1 Voyant que c'était sa seule chance de salut, et craignant qu'il ne pût vivre jusqu'à ce qu'ils l'eussent porté à la maison, ses amis suivirent son conseil. Le toit est ouvert, et le malade est descendu aux pieds mêmes de Jésus. Le discours est interrompu; le Sauveur regarde son visage souffrant et voit les yeux suppliants du malade fixés sur lui dans une silencieuse supplication. Il comprend le malade, car c'était Jésus qui avait attiré à lui son esprit perplexe et incrédule. Il était venu au monde pour donner espérance au coupable et au malheureux. Jean l'avait montré comme "l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde." Le divin esprit de Jésus avait attendri le coeur de ce pauvre pécheur, et, pendant qu'il était encore chez lui, il avait apporté la conviction à sa conscience. Jésus avait veillé sur la première lueur de foi qui s'était augmentée jusqu'à ce que le malade crût que Jésus était son seul secours; et le Sauveur avait vu se fortifier cette foi par chaque effort que faisait le paralytique pour arriver en sa présence. VJC 193 2 Le malade avait des biens, mais il ne pouvait pas décharger son âme de sa culpabilité, ni se guérir de sa maladie. Mais la puissance divine l'attirait vers l'Ami des pécheurs, qui seul pouvait le secourir. Jésus reconnaît la foi que montrent les efforts du malade, dans des difficultés si perplexes, pour arriver en présence de son Seigneur; et élevant la voix d'un ton plein de mélodie, il lui dit: "Prends courage, mon fils, tes péchés te sont pardonnés."1 Le poids de ténèbres et de désespoir qui pesait sur le coeur du malade disparaît à l'instant; la paix que procurent l'amour parfait et le pardon remplit son âme, et brille sur son visage. Ses peines physiques ont disparu, et tout son être est transformé aux yeux de la multitude étonnée. Le malheureux perclus est guéri, le pécheur coupable est pardonné! Il a reçu maintenant la preuve de ce qu'il a tant désiré. Pourtant ce n'était point là, mais chez lui, lorsqu'il s'était repenti de ses péchés et qu'il avait cru au pouvoir que Jésus avait de le guérir, que la miséricorde vivifiante du Sauveur avait d'abord soulagé les soupirs de son coeur. VJC 194 1 La foi simple du paralytique accepte les paroles du Maître, comme le don d'une nouvelle vie. Il ne demande rien de plus, il ne fait point de démonstration bruyante, mais il demeure dans un joyeux silence, trop heureux pour pouvoir articuler une parole. La lumière du ciel rendait son visage radieux, et le peuple regardait cette scène avec une admiration mêlée d'effroi. Christ se tenait là avec une majesté calme qui l'élevait au-dessus des dignitaires de la synagogue et des docteurs de la loi. Les pharisiens, les scribes et les docteurs avaient attendu avec anxiété pour voir ce que Jésus ferait dans cette circonstance. Ils se rappelaient que le patient leur avait demandé du secours et qu'ils s'étaient retranchés dans la sainteté de leur charge, et lui avaient refusé tout encouragement. Ils avaient même montré de l'ennui d'être troublés par une chose si désagréable. Ils avaient regardé avec horreur sa taille rapetissée, et s'étaient écriés: Nous ne pouvons relever quelqu'un d'entre les morts; la dissolution a déjà commencé. VJC 194 2 Non contents d'avoir ainsi mis cet homme à l'agonie, ils avaient déclaré qu'il souffrait la colère de Dieu à cause de ses péchés. Toutes ces choses revinrent vivement à leur esprit, lorsqu'ils virent le malade devant eux. Ils s'aperçurent aussi que le peuple, dont la plupart connaissaient ces faits, observait cette scène avec intérêt et respect. VJC 194 3 Ils éprouvèrent une terrible crainte que leur propre influence ne fût perdue, non seulement sur la multitude présente, mais aussi sur tous ceux qui entendraient parler de cet événement merveilleux. Ces hommes fiers n'échangèrent aucune parole entre eux, mais, se regardant les uns les autres, ils lurent la même pensée sur leurs visages: Il faut faire quelque chose pour arrêter le flot du sentiment populaire. Jésus avait déclaré que les péchés du paralytique étaient pardonnés. Les pharisiens se saisirent de ces paroles comme d'une prétention à la puissance infinie, d'un blasphème contre Dieu, et ils pensèrent pouvoir présenter cela devant le peuple comme un crime digne de mort. Ils n'exprimèrent pas leurs pensées, mais ces adorateurs des formes et des symboles disaient en leur coeur: C'est un blasphémateur! Qui peut pardonner les péchés, sinon Dieu seul? Ils se servaient des paroles de pardon du Sauveur comme d'un moyen de l'accuser. Mais Jésus lut leurs pensées, et leur jetant un regard réprobateur qui les fit reculer lâchement, leur parla ainsi: "Pourquoi avez-vous de mauvaises pensées dans vos coeurs? Car lequel est le plus aisé, de dire: Tes péchés te sont pardonnés; ou de dire: lève-toi, et marche? Or, afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a l'autorité sur la terre de pardonner les péchés: Lève-toi, dit-il alors au paralytique, charge-toi de ton lit, et t'en va dans ta maison." VJC 195 1 Alors celui qui avait été apporté à Jésus sur un lit, et dont les membres étaient sans force, se leva sur ses pieds avec l'élasticité et la force de la jeunesse. Un sang vivifiant parcourut ses veines, répandant dans tout son corps une force inconnue. La chaleur et l'activité de la santé succédèrent à la pâleur de la mort. "Et aussitôt il se leva, et s'étant chargé de son lit, il sortit en la présence de tout le monde; de sorte qu'ils furent tous dans l'étonnement, et qu'ils glorifièrent Dieu, disant: Nous ne vîmes jamais rien de pareil." Oh! merveilleux amour de Christ, s'abaissant à guérir le coupable et l'affligé! La Divinité qui s'afflige sur l'humanité souffrante et qui en adoucit les maux! Oh! merveilleuse puissance déployée ainsi en faveur des enfants des hommes! Qui peut douter du message du salut? Qui peut mépriser la miséricorde d'un Sauveur aussi compatissant? VJC 195 2 L'effet de cet étonnant miracle fut sur le peuple comme si le ciel se fût ouvert et eût révélé les gloires d'un monde meilleur. Comme l'homme qui avait été guéri de la paralysie passait à travers la foule, bénissant Dieu à chaque pas, et portant son fardeau comme s'il eût eu la pesanteur d'une plume, le peuple reculait pour lui faire place, le regardait avec des visages frappés d'étonnement, et ils chuchotaient doucement entre eux, disant: "Nous ne vîmes jamais rien de pareil." Les pharisiens étaient muets de surprise et accablés par leur défaite. Ils virent que leurs préjugés et leur jalousie ne pourraient pas tirer occasion de cette guérison pour enflammer la multitude. L'oeuvre merveilleuse accomplie en l'homme qu'ils avaient, dans leur arrogance, voué à la mort et à la colère de Dieu, avait fait une telle impression sur l'esprit du peuple, que ces principaux des Juifs avaient, pour le moment, perdu leur influence. Ils virent que Christ possédait une puissance qu'il déclarait être sa propre prérogative, ce que les pharisiens pensaient n'appartenir qu'à Dieu. VJC 196 1 L'aimable dignité de ses manières unie à ses oeuvres miraculeuses, contrastait tellement avec leur orgueil et leur propre justice, qu'ils étaient déconcertés et confus, reconnaissant, mais sans la confesser, la présence d'un Être supérieur. VJC 196 2 Si les scribes et les pharisiens avaient été droits devant Dieu, ils auraient cédé à la preuve concluante qu'ils avaient vue, que Jésus était le Messie promis à Israël. Mais ils avaient résolu de ne point se laisser persuader de ce fait. Ils s'opposaient fièrement et résolument à ce docteur doux et et humble qui sortait de Nazareth, et qui, pourtant, menaçait de ruiner, par ses oeuvres merveilleuses, leur dignité et leur position. Ainsi, ils ne délaissèrent pas au moindre degré leur haine et leur malice, mais s'en allèrent forger de nouveaux plans pour condamner et réduire au silence le Fils de Dieu. VJC 196 3 Ces hommes avaient reçu des preuves réitérées que Jésus était le Sauveur promis, mais aucune n'avait été aussi convaincante que ce miracle de miséricorde. Quelque forte qu'avait été l'évidence présentée à leurs esprits, que Jésus avait puissance sur la terre de pardonner les péchés, aussi bien que de guérir les malades, ils s'armèrent pourtant de haine et d'incrédulité, jusqu'à ce que Dieu les abandonna dans les chaînes de ténèbres qu'ils avaient eux-mêmes forgées. Il ne restait aucune puissance qui pût atteindre des coeurs aussi endurcis par la malice et le scepticisme. VJC 197 1 Il en est beaucoup de nos jours qui agissent comme les Juifs incrédules. Dieu leur a donné une lumière qu'ils refusent d'accepter. Son esprit les a censurés, mais ils ont fait de sa répréhension une pierre d'achoppement sur leur chemin, sur laquelle ils trébuchent et tombent. Ils ont rejeté ses offres miséricordieuses, ils ont dédaigné de croire à sa vérité, jusqu'à ce qu'ils soient abandonnés à leur conduite fatale. VJC 197 2 Il y eut de grandes réjouissances dans la maison du paralytique guéri, lorsqu'il arriva au milieu de sa famille, portant aisément la couche sur laquelle il avait été lentement enlevé de leur présence, peu de temps auparavant. Ils se réunirent autour de lui avec des larmes de joie, osant à peine en croire leurs yeux. Il était là, devant eux, dans la pleine vigueur de la santé. Ces bras qu'ils avaient vus privés de vie, étaient prompts à exécuter sa volonté; sa chair, qui s'était contractée et décolorée, était alors fraîche et pleine d'une jeunesse nouvelle; il marchait d'un pas ferme et libre; l'espérance se lisait sur tous ses traits; toute tristesse avait disparu, et une expression de paix et de pureté avait remplacé les marques du péché et de la souffrance. De joyeuses actions de grâce s'élevèrent à Dieu de cette maison, et Dieu fut glorifié par son Fils qui avait rendu l'espérance au désespéré, et la force à celui qui était abattu. Cet homme et sa famille furent prêts à donner leurs vies pour Jésus. Aucun doute ne pouvait obscurcir leur foi, aucune incrédulité ne pouvait corrompre leur parfaite fidélité envers Christ, qui avait apporté la lumière dans leur demeure assombrie. ------------------------Chapitre 20 -- Le Sabbat VJC 198 1 L'institution du Sabbat était ce qui distinguait particulièrement les Juifs des nations dont ils étaient entourés. C'était ce qui les désignait comme vrais adorateurs du Créateur. L'observance de ce jour était un signe continuel et visible de leur relation avec Dieu, et de leur séparation des autres peuples. Tout travail ordinaire pour un gain terrestre était interdit le septième jour. Selon le quatrième commandement, le Sabbat était consacré au repos et au culte religieux. Tout travail ordinaire devait être interrompu, mais les oeuvres de miséricorde et de bienfaisance étaient en harmonie avec la pensée de l'Eternel. Elles ne devaient pas être limitées par le temps, ou le lieu. Soulager les malades, consoler les affligés est une oeuvre d'amour qui honore le saint jour de Dieu. VJC 198 2 Le service des sacrificateurs se rapportant aux offrandes et aux sacrifices était augmenté le jour du Sabbat; toutefois en accomplissant leur oeuvre sacrée pour le service de Dieu, ils ne violaient pas le quatrième commandement du décalogue. A mesure qu'Israël se séparait de Dieu, le véritable but de l'institution du Sabbat devenait moins distinct dans leurs esprits. Ils devinrent négligents dans l'observance de ce jour, et inattentifs à ses ordonnances. Les prophètes leur rendirent témoignage du déplaisir de Dieu à cause de leur transgression de son Sabbat Néhémie dit: "En ces jours-là je vis quelques personnes en Juda qui foulaient aux pressoirs le jour du Sabbat, et d'autres qui apportaient des gerbes, et qui en chargeaient des ânes; qui les chargeaient de vin, de raisins, de figues et de toutes sortes de charges, et qui les apportaient à Jérusalem le jour du Sabbat Et je les sommai, le jour qu'ils vendaient les provisions, de ne plus le faire."1 VJC 199 1 Et Jérémie leur fait ce commandement: "Ainsi a dit l'Eternel: Prenez garde à vos âmes, et ne portez aucun fardeau au jour du Sabbat, et n'en faites point passer par les portes de Jérusalem; et ne tirez hors de vos maisons aucun fardeau au jour du Sabbat, et ne faites aucune oeuvre; mais sanctifiez le jour du Sabbat, comme j'ai commandé à vos pères."2 VJC 199 2 Mais ils ne firent nulle attention aux avertissements des prophètes inspirés, et ils s'éloignèrent de plus en plus de la religion de leurs pères. A la fin les calamités, la persécution et l'esclavage tombèrent sur eux, à cause de leur mépris des ordres de Dieu. VJC 199 3 Alarmés par ces visitations des jugements divins ils retournèrent à la stricte observance de toutes les formes extérieures enjointes par la loi sacrée; non contents de cela, ils ajoutèrent à ces ordonnances des cérémonies, gênantes. Leur orgueil et leur bigoterie les conduisaient à une interprétation des plus étroites des ordres divins. Avec le temps, ils s'entourèrent graduellement des traditions et des coutumes de leurs ancêtres, jusqu'à ce qu'ils les considérassent comme ayant toute la sainteté de la loi originelle. Cette confiance en eux-mêmes et en leurs propres règlements, jointe à tous leurs préjugés contre les autres nations, les portaient à résister à l'Esprit de Dieu, et à se séparer toujours plus de sa faveur. VJC 199 4 Leurs exactions et leurs restrictions étaient si fatigantes que Jésus fit cette déclaration: "Car ils lient des fardeaux pesants et insupportables, et les mettent sur les épaules des hommes."3 Leur fausse opinion du devoir, leur idée superficielle de la piété, obscurcissaient des ordres divins, positifs et réels. Le service du coeur était négligé dans l'accomplissement rigide de cérémonies extérieures. Les Juifs avaient tellement perverti les commandements divins en les surchargeant de traditions, qu'aux jours de Christ, ils étaient prêts à l'accuser de transgresser le Sabbat, parce qu'il accomplissait des actes de miséricorde ce jour-là. VJC 200 1 Les épis étaient prêts pour la faucille quand Jésus et ses disciples passèrent par les blés un jour de Sabbat. Les disciples avaient faim, car leur Maître avait prolongé son oeuvre d'enseignement et de guérison jusqu'à une heure avancée, et depuis longtemps il n'avaient point pris de nourriture. En conséquence, ils se mirent à arracher des épis de blé et à les manger, après les avoir froissés entre leurs mains selon ce que dit la loi de Moïse: "Quand tu entreras dans les blés de ton prochain, tu pourras bien arracher des épis avec ta main, mais tu ne mettras point la faucille dans les blés de ton prochain."1 VJC 200 2 Mais Jésus était continuellement suivi par des espions qui cherchaient quelque occasion de l'accuser et de le condamner. Quand ils virent cet acte des disciples, ils firent aussitôt leurs plaintes à Jésus en disant: "Regarde, pourquoi font-ils ce qui n'est pas permis dans les jours de Sabbat?" Par ces paroles ils exprimaient leurs vues étroites sur la loi. Mais Jésus prit la défense de ses disciples, en disant: "N'avez-vous jamais lu ce que fit David, quand il fut dans la nécessité, et qu'il eut faim, lui et ceux qui étaient avec lui; comment il entra dans la maison de Dieu, du temps d'Abiathar, souverain sacrificateur, et mangea les pains de proposition, qu'il n'était permis de manger qu'aux sacrificateurs, et en donna même à ceux qui étaient avec lui? Puis il leur dit: Le Sabbat a été fait pour l'homme, et non pas l'homme pour le Sabbat. Ainsi le Fils de l'homme est maître même du Sabbat."2 VJC 200 3 Si une faim excessive excusait David d'avoir violé la sainteté même du Sanctuaire, et dégageait son action de toute culpabilité, à combien plus forte raison la simple action des disciples arrachant des épis le jour du Sabbat, et en mangeant, n'était-elle pas excusable! Jésus voulait enseigner à ses disciples et à ses ennemis que le service de Dieu devait tenir la première place; et que si la fatigue et la faim étaient inséparables de ce service, il était juste et droit de satisfaire les besoins de l'humanité, même le jour du Sabbat. Cette sainte institution ne fut pas donnée pour que nous fussions empêchés de satisfaire les besoins de notre être, ni pour nous causer des souffrances et du malaise, mais pour nous apporter des bénédictions. "Le Sabbat a été fait pour l'homme", pour lui donner du repos et de la paix, et lui rappeler l'oeuvre de son Créateur, et non pas pour être un joug pesant. VJC 201 1 L'oeuvre que faisaient les sacrificateurs dans le temple le jour du Sabbat, était en harmonie avec la loi; toutefois le même travail pour des affaires temporelles aurait été la violation de cette loi. L'acte d'arracher des épis et d'en manger pour soutenir le corps, afin d'employer ses forces dans le service de Dieu était juste et légitime. Ensuite Jésus couronne son argument en se déclarant le "Maître du Sabbat", c'est-à-dire quelqu'un qui était au-dessus de toute question et de toute loi. Ce Juge Infini décharge les disciples de blâme, en faisant appel aux statuts mêmes qu'ils étaient accusés de violer. VJC 201 2 Mais Jésus ne laissa pas tomber cette affaire sans adresser des reproches à ses ennemis. Il déclara que, dans leur aveuglement, ils s'étaient trompés sur le but du Sabbat. Il dit: "Que si vous saviez ce que signifie ceci: Je veux la miséricorde, et non pas le sacrifice, vous n'auriez pas condamné ceux qui ne sont point coupables."1 Puis il mit en contraste les nombreux rites auxquels le coeur était étranger, avec l'intégrité véridique et l'amour qui doivent caractériser les vrais adorateurs de Dieu: "Car je veux la miséricorde plutôt que le sacrifice, et la connaissance de Dieu plutôt que les holocaustes. Mais ils ont transgressé l'alliance, comme si elle eût été d'un homme; en quoi ils ont péché contre moi".2 VJC 201 3 Jésus avait été élevé parmi ce peuple, si entaché de sa bigoterie et de ses préjugés; et par conséquent il savait qu'en guérissant des malades le jour du Sabbat, il serait considéré comme un transgresseur de la loi. Il n'ignorait pas que les pharisiens se saisiraient de ses actes avec une grande indignation, et chercheraient par là à influencer le peuple contre lui. Il savait qu'ils se serviraient de ses oeuvres de miséricorde comme de forts arguments pour agir sur l'esprit des masses qui avaient toute leur vie été liées par les restrictions et les exactions judaïques. Néanmoins, la connaissance de ces choses ne l'empêcha point d'abattre le mur insensé de superstitions qui emprisonnait le Sabbat, et d'enseigner aux hommes que des actes de charité et de bienfaisance sont légitimes tous les jours. VJC 202 1 Il entra dans la synagogue, et y vit un homme qui avait une main sèche.1 Les pharisiens l'observaient, désireux de voir ce qu'il ferait concernant ce cas, et s'il guérirait cet homme le jour du Sabbat, ou s'il ne le guérirait pas. Leur seul but était de trouver un sujet d'accusation contre lui. Jésus regarda l'homme qui avait la main sèche, et lui demanda de se lever et de se tenir debout là au milieu. Puis il dit: "Est-il permis de faire du bien dans les jours de Sabbat, ou de faire du mal? de sauver une personne, ou de la laisser périr? Et ils se turent. Alors, les regardant tous avec indignation, et étant affligé de l'endurcissement de leurs coeurs, il dit à cet homme: Etends ta main. Et il l'étendit, et sa main devint saine comme l'autre." VJC 202 2 Il justifia cette miraculeuse guérison du paralytique comme étant en parfaite harmonie avec le quatrième commandement. Mais ils lui firent cette question: "Est-il permis de guérir dans les jours de Sabbat?" Et Jésus leur fit cette réponse claire et forte: "Qui sera celui d'entre vous, qui, ayant une brebis, si elle tombe au jour du Sabbat dans une fosse, ne la prenne et ne l'en retire? Et combien un homme ne vaut-il pas mieux qu'une brebis! Il est donc permis de faire du bien dans les jours de Sabbat." VJC 202 3 Sur ces paroles de notre Sauveur, les espions n'osèrent pas, en présence de la multitude, répondre à cette question, de crainte de s'engager dans quelque difficulté. Ils savaient qu'ils laisseraient leurs semblables souffrir et mourir plutôt que de violer leurs traditions en les soulageant le jour de l'Eternel, mais que si une bête tombait dans quelque danger, elle en serait aussitôt retirée, à cause de la perte qui en résulterait pour le propriétaire, si ce devoir était négligé. Ainsi la brute était élevée au-dessus de l'homme créé à l'image de Dieu. VJC 203 1 Jésus désirait corriger les faux enseignements des Juifs concernant le Sabbat, et aussi pénétrer l'esprit de ses disciples du fait que des actes de miséricorde étaient légitimes ce jour-là. Dans le cas de la guérison de la main sèche, il renversa les coutumes des Juifs, et laissa subsister le quatrième commandement, tel que Dieu l'avait donné au monde. Par cet acte, il exalta le Sabbat, anéantissant les restrictions sans signification dont il était entravé. Son acte miséricordieux honora ce jour, tandis que ceux qui se plaignaient de lui, déshonoraient eux-mêmes le Sabbat par leurs rites et leurs cérémonies inutiles. VJC 203 2 De nos jours, il y a des ministres qui enseignent que le Fils de Dieu transgressa le Sabbat et justifia ses disciples dans cette action. Ils se placent sur le même terrain que ces Juifs quoique ostensiblement dans un autre but, puisqu'ils enseignent que Christ abolit le Sabbat. VJC 203 3 Par cette question adressée aux pharisiens: Est-il permis de faire du bien dans les jours de Sabbat ou de faire du mal? de sauver une personne ou de la laisser périr? Jésus les attaquait par leurs propres desseins de méchanceté. Ils l'épiaient pour trouver une occasion de l'accuser faussement; ils cherchaient sa vie avec une malice et une haine implacables, pendant qu'il cherchait à les sauver, et à apporter la joie à bien des coeurs. Etait-ce mieux de tuer un homme le jour du Sabbat, comme ils cherchaient à le faire, que de guérir les malades comme Jésus le faisait? Etait-ce plus juste de garder dans son coeur des pensées de meurtre le saint jour de Dieu, que de nourrir des pensées d'amour envers tous les hommes, pensées qui se traduisent en actes de miséricorde et d'amour? ------------------------Chapitre 21 -- Sermon sur la montagne VJC 204 1 Le Rédempteur du monde cherchait à rendre ses leçons si simples que tous ceux qui l'entendaient pussent les comprendre. Il ne choisissait pas pour les enseigner les lieux entourés de murailles ou les temples. Il est vrai qu'il le fit souvent pour atteindre une classe de gens qu'il ne rencontrait pas en parlant en plein air, mais Jésus préférait les champs, les bosquets et les rives des lacs pour ses temples. C'étaient aussi ses refuges favoris pour la méditation et la prière. VJC 204 2 Il avait des raisons spéciales pour choisir ces sanctuaires naturels pour y instruire le peuple. La campagne s'étalait devant lui, riche en scènes et en objets également familiers aux altiers et aux humbles. Il en tirait des exemples qui simplifiaient ses enseignements et s'imprimaient dans l'esprit de ses auditeurs. Les oiseaux chantant sur les branches feuillées, les fleurs éclatantes des vallées, le lis immaculé, étalant ses fleurs sur la surface du lac, les grands arbres, les campagnes fertiles, les blés ondoyants, les landes stériles, les arbres sans fruits, les hautes montagnes, les ruisseaux murmurants, le soleil couchant qui empourprait et dorait le ciel, tout servait de moyens d'instruction, ou d'emblèmes par lesquels il enseignait les beautés de la vérité divine. Il rattachait les oeuvres visibles du Créateur aux paroles de vie qu'il annonçait, et élevait ainsi l'esprit par la contemplation de la nature au Dieu de la nature. VJC 204 3 La méchanceté des Juifs était si grande par suite de la guérison, en un jour de Sabbat, de l'homme qui avait une main sèche, qu'il s'en alla avec ses disciples chercher un champ d'activité plus favorable. Ils vinrent sur les bords du lac de Galilée, et de grandes multitudes le suivirent; car le dernier miracle fait en un jour de Sabbat s'était ébruité dans toute cette région. Comme Jésus enseignait, beaucoup de malades lui furent apportés et on amenait ceux qui étaient possédés d'esprits immondes, et il les guérissait. Son coeur plein de charité se remplissait d'une divine pitié pour ces pauvres souffrants; beaucoup cherchaient seulement à l'approcher d'assez près pour le toucher, croyant qu'en faisant cela ils seraient guéris, et ils n'étaient point déçus, car l'attouchement de la foi faisait sortir du grand Médecin une vertu qui changeait la détresse et le chagrin en joie et en actions de grâce. Il chassa aussi plusieurs démons qui, en abandonnant leurs victimes, reconnaissaient Christ, en s'écriant: "Tu es le Fils de Dieu." VJC 205 1 Les gens de Galilée se rassemblèrent en foule autour de Jésus. A la fin, ils s'accrurent tellement qu'il avait de la peine à se tenir debout parmi eux, c'est pourquoi il entra dans un petit bateau qui était près du bord, et de là prêcha à la foule rassemblée sur la côte. Il travaillait ainsi sans interruption, soit en enseignant le peuple, soit en guérissant les malades. Mais quand la plus grande partie de la journée était passée, il se retirait lui-même dans les solitudes des montagnes, afin de communiquer avec son Père dans le secret. Jésus passait la nuit entière à prier pendant que ses disciples dormaient au pied de la montagne. VJC 205 2 Vers l'aube, il venait et les réveillait. Les disciples allaient bientôt recevoir une charge d'une responsabilité sacrée, charge qui n'avait de supérieure que celle de Christ lui-même. Ils allaient être mis à part pour l'oeuvre évangélique. Ils devraient marcher avec Jésus, être avec lui, partager ses joies et ses épreuves, recevoir ses enseignements, et être les fidèles témoins de ses oeuvres merveilleuses, afin d'être capables de prêcher au monde les instructions qu'ils avaient ainsi reçues. Ils devaient être qualifiés de manière que Jésus pût parfois les envoyer enseigner et accomplir les mêmes oeuvres qu'il accomplissait. Jésus désirait que ses disciples acquissent de l'expérience dans l'oeuvre évangélique pendant qu'il était sur la terre pour les soutenir et les diriger, afin qu'ils pussent après sa mort continuer son oeuvre avec succès et poser le fondement de l'Eglise chrétienne. VJC 206 1 Pendant que Jésus préparait ses disciples pour cette mission et qu'il les instruisait de leurs devoirs dans cette grande oeuvre qui était devant eux, Judas sollicita une place au milieu d'eux. Cet homme faisait grande profession d'être dévoué à Jésus, et se proposa pour être un de ses disciples. Il dit: "Seigneur, je te suivrai partout où tu iras." Jésus ne le reçut pas joyeusement, et ne le repoussa pas non plus, mais il lui adressa ces paroles pleines d'une triste éloquence: "Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids; mais le Fils de l'homme n'a pas un lieu où il puisse reposer sa tête." Judas était égoïste, et son but principal en cherchant à se joindre à Christ, était d'obtenir des avantages temporels par son moyen; mais Christ en rappelant sa pauvreté, et comparant sa condition avec celle des renards et des oiseaux, avait pour but d'enlever à Judas toute espérance qu'il pût nourrir de se procurer des gains terrestres en devenant un disciple de Christ. Judas était un homme habile, plein de connaissances pratiques, et il possédait une grande influence. C'est pour cette raison que les disciples de Christ désiraient qu'il fût un des leurs. VJC 206 2 Ils le recommandèrent chaleureusement à Jésus comme l'un de ceux qui pourraient le mieux l'assister dans son oeuvre. Ils furent par conséquent surpris qu'il le reçût si froidement; mais le Sauveur lisait dans le coeur de Judas, et savait, même alors, la part qu'il aurait dans sa trahison et dans sa mort. Malgré cela, Jésus désire mettre cet homme en rapport avec lui, afin qu'il pût apprendre sa mission divine, et acquérir la force morale de vaincre les défauts de son caractère, et de changer entièrement son coeur, ce qui eût assuré son salut. Il lui était possible de faire cela avec l'aide de Christ. VJC 206 3 Si Jésus avait repoussé Judas, les disciples qui le regardaient si favorablement, auraient douté de la sagesse de leur Maître. En le recevant, Jésus évita cela, et plaça ainsi l'égoïste et avare Judas dans la position la plus favorable pour développer les qualités de son esprit et de son coeur, afin qu'il pût éventuellement acquérir une place au royaume des cieux. Mais nonobstant ces précieux avantages, Judas choisit une voie qui le couvrit d'une éternelle infamie. VJC 207 1 Rassemblant ses disciples autour de lui, Jésus s'agenouilla au milieu d'eux, et, posant ses mains sur leurs têtes, il présenta une prière à Dieu, les consacrant à son oeuvre sacrée. C'est ainsi que les disciples du Seigneur furent ordonnés au ministère évangélique. Ceci étant accompli, Jésus retourna avec ses apôtres sur les bords du lac de Génézareth, où les foules s'assemblaient déjà pour l'entendre. Beaucoup d'entre eux étaient là dans le but d'être délivrés de leurs diverses maladies. Il guérit les malades et secourut les affligés jusqu'à ce que la foule augmenta à tel point qu'il n'y eût plus de place pour eux sur la côte étroite. C'est pourquoi Jésus se rendit sur la montagne dans un espace uni où le peuple pouvait se placer. Il appela ses disciples auprès de lui, afin que les grandes vérités qu'il leur présenterait ne manquassent pas de produire en leurs coeurs une impression indélébile, et que rien ne vînt distraire leur attention de ses paroles. VJC 207 2 Quoique les disciples fussent tout près de lui, et que ses paroles semblassent leur être adressées spécialement, elles étaient encore destinées à atteindre les coeurs et les consciences de la foule mélangée qui était réunie autour de lui. Dans chaque grande assemblée de ce genre, le peuple s'attendait à ce que Jésus fît grande preuve de sa puissance en vue du nouveau royaume dont il avait parlé. Les Juifs croyants regardaient à lui pour qu'il les délivrât du joug et de la servitude des Romains, et qu'il les rétablît dans leur ancienne gloire. Mais dans son sermon sur la montagne,1 Jésus renversa leurs espérances de gloire terrestre. Il ouvrit son discours en posant les principes qui devraient gouverner son royaume de grâce divine, comme ils sont contenus dans les diverses béatitudes. VJC 207 3 "Bienheureux sont les pauvres en esprit; car le royaume des cieux est à eux." Les pauvres en esprit sont ceux qui ne font pas prétention de mérites personnels et ne se glorifient d'aucune vertu. Ayant compris leur complète incapacité, et profondément convaincus de péché, ils ne mettent plus de confiance dans les cérémonies extérieures, mais se confient entièrement en Jésus qui est toute justice et plein de compassion. Le chrétien ne peut s'élever que par l'humilité. Le coeur orgueilleux s'efforce en vain de gagner le salut par les bonnes oeuvres; car quoique personne ne puisse être sauvé sans bonnes oeuvres, celles-ci seules ne suffiront pas à mériter la vie éternelle. Après que l'homme a fait le bien qu'il lui est possible de faire, Christ doit lui imputer sa propre justice. VJC 208 1 En Christ, Dieu a fait le plus grand don du ciel pour racheter l'homme, et, comme ce don est complet et infini, la grâce qui sauve est aussi sans limite et parfaitement suffisante. Ces paroles de Jésus étaient la hache qui coupait à sa base la propre justice des pharisiens qui se sentaient déjà riches en connaissances spirituelles et pensaient n'avoir pas besoin d'en apprendre davantage. De tels caractères ne pouvaient avoir part au royaume de Christ. VJC 208 2 "Bienheureux sont ceux qui pleurent; car ils seront consolés." En prononçant une bénédiction sur ceux qui pleurent, Jésus ne veut pas dire qu'il y ait quelque vertu à demeurer sous un nuage perpétuel, ou que le chagrin égoïste et la plainte aient quelque mérite pour ôter la moindre tache de péché. Les pleurs dont parle Christ sont une sainte douleur d'avoir péché qui produit une repentance en vie éternelle. Beaucoup s'attristent quand leur culpabilité est découverte, parce que le résultat de leur mauvaise conduite les a mis dans des circonstances pénibles. Après qu'Esaü fut tombé dans le péché, il éprouva du chagrin d'avoir méprisé et vendu son droit d'aînesse; mais c'était la conséquence imprévue de ses péchés qui causait sa douleur. De même, Pharaon regretta sa défiance obstinée envers Dieu, quand il cria avec larmes pour que les plaies fussent éloignées de lui; mais son coeur n'était pas changé, et il était prêt à commettre à nouveau son péché quand il y avait du relâche. Cette affliction-là ne conduit pas à la repentance. VJC 208 3 Celui qui est vraiment convaincu de péché sent que toute sa vie a été une vie d'ingratitude. Il sent qu'il a ravi à son meilleur ami le temps et la force qui furent achetés par lui à un prix infini. Son âme est saisie d'une inexprimable douleur de ce qu'il a fait mourir et de ce qu'il a dédaigné et affligé son Sauveur compatissant. Une telle affliction est précieuse car elle produit des fruits paisibles de justice. Le mondain, à son point de vue, peut déclarer que cette affliction est une faiblesse; mais c'est la force qui unit le pénitent au Dieu Infini avec des liens qui ne peuvent être brisés. Elle montre que les anges de Dieu rendent à son âme les grâces perdues par la dureté du coeur et la transgression. Confesser et déplorer ses erreurs montre une excellence de caractère capable de les discerner et de s'en corriger. Les larmes du pénitent ne sont que les nuages et les gouttes de pluie qui précèdent le soleil de la sainteté, l'affliction qui annonce une joie qui sera une fontaine de vie pour l'âme. Les hommes qui sèment maintenant dans le grand champ de Dieu avec peine et avec larmes, néanmoins avec une attente patiente, seront bénis; car le ciel s'ouvrira, et la pluie tombera, assurant une abondante moisson Lorsque le Maître viendra, il s'en retournera joyeux en emmenant chez lui ses gerbes. VJC 209 1 "Bienheureux sont les débonnaires; car ils hériteront la terre." Les difficultés que le chrétien rencontre pourraient être bien amoindries par la débonnaireté de caractère qui se cache en Christ. Jésus invite tous ceux qui sont travaillés et chargés à venir à lui qui est doux et humble de coeur, afin qu'ils trouvent le repos. Si le chrétien possède l'humilité de son Maître, il s'élèvera au-dessus du mépris, des dédains et des vexations auxquels il est exposé journellement, et ils cesseront de jeter du chagrin sur son esprit. Cette débonnaireté que Jésus bénit, opère dans les scènes de la vie domestique, elle rend la famille heureuse, elle ne provoque aucune querelle, évite toute réponse aigre, elle adoucit les tempéraments irritables et répand une bienveillance qu'éprouvent tous ceux qui sont sous son influence. Elle calme l'inflammable esprit de revanche, et reflète le caractère de Christ. VJC 209 2 Il serait infiniment meilleur pour les chrétiens de souffrir de fausses accusations que de supporter la torture de la conscience après s'être vengés de leurs ennemis. La haine et la vengeance sont des instigations de Satan, et n'apportent que le remords à ceux qui en sont animés. L'humilité du coeur est la force qui donne la victoire au chrétien. Sa récompense est un héritage de gloire. VJC 210 1 "Bienheureux sont ceux qui ont faim et soif de la justice; car ils seront rassasiés." Comme le corps sent la nécessité d'une nourriture temporelle pour suppléer à ses pertes et conserver sa force physique, ainsi l'âme doit désirer la nourriture qui augmente sa force morale, et satisfait les besoins de l'esprit et du coeur. De même que le corps reçoit continuellement la nourriture qui soutient la vie et la vigueur, l'âme doit recevoir la nourriture céleste qui donne, pour ainsi dire, les muscles et les nerfs spirituels. Comme le voyageur fatigué cherche ardemment la source d'eau dans le désert, et, l'ayant trouvée, étanche sa soif brûlante dans ces eaux fraîches et pures, ainsi le chrétien doit désirer et rechercher les eaux pures de la vie, dont Christ est la source. A cette source, l'âme peut être désaltérée, la fièvre qui naît des luttes mondaines est apaisée, et l'esprit est pour toujours rafraîchi. Mais la plupart de ceux qui écoutaient Jésus n'avaient faim que d'avantages et d'honneurs mondains. Nous voyons particulièrement l'amour-propre des pharisiens les empêchant de rechercher un état plus élevé que celui auquel ils avaient atteint, car dans leur propre estimation, ils avaient atteint au faîte même de la parfaite justice. Quoi qu'il en soit, il y en eut plusieurs qui entendirent avec reconnaissance les leçons de Jésus, et qui, dès ce temps, réglèrent leur vie sur ses enseignements. VJC 210 2 "Bienheureux sont les miséricordieux; car ils obtiendront miséricorde." Jésus censurait par ces paroles toute l'arrogance et l'intolérance cruelle des Juifs. Prêtres et peuple en général accablaient tous ceux qui leur étaient opposés, se montrant critiques sévères et gardant du ressentiment de tout blâme jeté sur leurs actes. Jésus disait aux pharisiens: "Vous payez la dîme de la menthe, de la rue, et de toutes sortes d'herbes, tandis que vous négligez la justice et l'amour de Dieu."1 Le Sauveur désirait enseigner à ses disciples une leçon de miséricorde afin qu'ils ne manquassent point de cette tendre compassion qui plaint et secourt ceux qui sont dans la souffrance et dans l'erreur, et évite d'exagérer les fautes d'autrui. VJC 211 1 "Bienheureux sont ceux qui ont le coeur pur; car ils verront Dieu." Les Juifs étaient si rigoureusement stricts à l'égard de la pureté cérémonielle que leurs règlements étaient extrêmement gênants. Leurs esprits étaient si occupés de règles et de restrictions, et de la crainte de la souillure extérieure, qu'ils perdaient de vue la nécessité de la pureté des motifs et de la noblesse d'action. Ils n'apercevaient pas la tache que l'égoïsme, l'injustice et la malice laissent sur l'âme. VJC 211 2 Jésus déclarait que ceux qui ont le coeur pur verront Dieu; qu'ils le reconnaîtraient dans la personne de son Fils, qui était envoyé au monde pour le salut de la race humaine. Leurs esprits étant purifiés et occupés de saintes pensées, ils découvriraient plus clairement le Créateur dans les oeuvres de sa main puissante, dans les beautés et les magnificences que renferme l'univers. Ils vivraient comme en la présence visible du Très-Haut, dans un monde qui est sa création, et durant tout le temps qui leur est donné en partage sur cette terre. Ils verraient aussi Dieu dans l'immortalité à venir, comme Adam quand il marchait et parlait avec Dieu en Eden. Déjà maintenant, ceux qui ont le coeur pur voient Dieu comme dans un miroir, obscurément, mais alors ils le verront face à face.2 VJC 211 3 "Bienheureux sont ceux qui procurent la paix; car ils seront appelés enfants de Dieu." Notre Père céleste est un Dieu de paix. Quand il créa l'homme, il le plaça dans un lieu de paix et de sûreté. Tout était unité et bonheur dans le jardin d'Eden. Ceux qui sont participants de la nature divine aimeront la paix et le contentement; ils cultiveront les vertus qui procurent ces résultats. Ils chercheront à adoucir la colère, à calmer le ressentiment et l'esprit d'accusation qui entretiennent les querelles et les dissensions. VJC 211 4 Plus les hommes s'unissent au monde, et tombent dans ses errements, moins ils possèdent les vrais éléments de paix dans leurs coeurs et plus ils sont livrés à l'amertume des luttes mondaines, à la jalousie et aux mauvaises pensées les uns envers les autres, et ces sentiments n'ont besoin pour se développer que de certaines circonstances qui les changent en mauvaises actions et les font devenir d'actifs agents du mal. Ceux qui s'irritent méchamment à la moindre provocation, et ceux qui veillent sur les paroles et les actes d'autrui pour les reporter secrètement où ils exciteront la haine, sont directement l'opposé de ceux qui procurent la paix et qui sont appelés enfants de Dieu. VJC 212 1 Le vrai chrétien, dans ses rapports avec les hommes, évitera toutes les paroles qui tendraient à provoquer la colère et d'inutiles débats. Tout le ciel est en paix, et ceux qui sont en rapports intimes avec Christ, seront en harmonie avec le ciel. Jésus déclarait: "Je vous ai dit ces choses, afin que vous ayez la paix en moi. Vous aurez des afflictions dans le monde; mais prenez courage, j'ai vaincu le monde."1 Ceux qui sont en communion avec Christ ne seront pas inquiets et mécontents. Ils partageront la nature de Christ et leur vie imitera son exemple. VJC 212 2 Les multitudes étaient étonnées de cette doctrine si différente des préceptes et de l'exemple des scribes et des pharisiens. Le peuple avait été imbu par eux de l'idée que le bonheur consistait dans la possession des choses de ce monde, et que l'on devait aspirer à la gloire et à l'honneur qui viennent des hommes. Ils prenaient plaisir à être appelés "Rabbi", et à être loués comme des hommes très sages et religieux; ils aimaient à faire parade de leurs vertus en public. C'était considéré comme le faîte du bonheur. Mais Jésus déclara en présence de cette grande foule que le gain et l'honneur de ce monde sont toute la récompense que de telles personnes recevront jamais. Jésus parlait avec assurance, et un pouvoir convaincant accompagnait ses paroles. Le peuple était réduit au silence, et un sentiment de crainte remplissait les coeurs. Ils se regardaient les uns les autres avec un air de doute. Qui pourrait donc être sauvé si les paroles de cet homme étaient vraies? Beaucoup étaient convaincus que ce remarquable docteur était animé de l'Esprit de Dieu, et que les sentiments qu'il exprimait étaient divins. VJC 213 1 Ces leçons avaient particulièrement pour but de faire du bien aux disciples dont la vie devait être gouvernée par les principes qu'elles renfermaient. Ce devait être leur oeuvre de communiquer au monde la connaissance divine qu'ils recevaient de Jésus. C'était leur tâche de répandre l'Evangile au long et au large parmi les peuples de tous les pays, et il était important que les leçons de Jésus fussent claires dans leurs esprits, gravées dans leurs mémoires, et incorporées dans leurs vies. Chaque vérité devait être gardée dans leurs esprits et dans leurs coeurs pour un usage futur. VJC 213 2 Après que Jésus eut expliqué au peuple ce qui constituait le vrai bonheur, et comment il peut être obtenu, il définit plus particulièrement le devoir de ses disciples, comme docteurs choisis de Dieu pour conduire les hommes dans le chemin de la justice et de la vie éternelle. Il savait qu'ils souffriraient souvent de déceptions et de découragements, qu'ils rencontreraient une vive opposition, qu'ils seraient insultés, et que leur témoignage serait rejeté. Ses yeux pénétrants voyaient dans l'avenir les années de leur ministère, et apercevaient le chagrin et les injures qui accompagneraient leurs efforts pour appeler les hommes au salut. Il savait bien que les humbles disciples qui écoutaient si attentivement ses paroles, auraient à supporter, dans l'accomplissement de leur mission, la calomnie, la torture, l'emprisonnement et la mort, et il continue: VJC 213 3 "Bienheureux sont ceux qui sont persécutés pour la justice; car le royaume des cieux est à eux. Vous serez bienheureux lorsqu'à cause de moi on vous dira des injures, qu'on vous persécutera, et qu'on dira faussement contre vous toute sorte de mal. Réjouissez-vous alors, et tressaillez de joie, parce que votre récompense sera grande dans les cieux; car on a ainsi persécuté les prophètes qui ont été avant vous." Jésus leur montre ici qu'au temps même où ils éprouvent de grandes souffrances pour sa cause, ils ont lieu d'être contents, et il reconnaît que leurs afflictions leur sont profitables, ayant une grande influence pour détacher leurs affections du monde et les concentrer sur le ciel. Il leur enseigna que leurs pertes et leurs déceptions seraient changées en gains et que les grandes épreuves de leur foi et de leur patience devraient être acceptées joyeusement plutôt que craintes et évitées. Ces afflictions seraient des agents de Dieu pour les rendre propres à cette oeuvre particulière, et ajouteraient à la précieuse récompense qui les attendait au ciel. Il leur recommande, quand ils seront persécutés, de ne point perdre confiance, et de ne point se laisser abattre ou murmurer de leur pénible lot, mais de se souvenir que les hommes justes des temps passés avaient également souffert pour leur obéissance. Désireux de remplir leurs devoirs dans le monde, fixant leurs désirs sur l'approbation de Dieu, ils devaient s'acquitter avec calme et fidélité de chaque devoir, indépendamment de la crainte ou de la faveur de l'homme. VJC 214 1 Les choses qui semblent au chrétien des plus cruelles deviennent souvent la plus grande bénédiction. Les reproches et les fausses accusations ont toujours été le partage de ceux qui ont été fidèles à remplir leurs devoirs. Un caractère juste, quoique noirci dans sa réputation par la calomnie et la médisance, gardera la pureté de sa vertu et de son excellence. Traînée dans la fange, ou élevée au ciel, la vie du chrétien doit être la même, et la conscience fière de son innocence est sa propre récompense. La persécution de la part des ennemis éprouve le fondement sur lequel repose réellement la réputation. Tôt ou tard il est révélé au monde si ces méchants rapports étaient vrais, ou si c'étaient les traits empoisonnés de la malice et de la vengeance. La constance à servir Dieu est la seule manière de régler de telles questions. Jésus désire que ses disciples aient le plus grand soin de ne donner aux ennemis de sa cause aucun sujet de condamner leur sainte foi. Aucune mauvaise action ne doit jeter une flétrissure sur sa pureté. Quand tous les arguments font défaut, les calomniateurs ouvrent fréquemment leur feu amer sur les serviteurs de Dieu; mais leurs langues mensongères apportent finalement la malédiction sur eux-mèmes. A la fin Dieu, vengera le juste, honorera l'innocent, et les cachera dans le secret de son pavillon à l'abri des atteintes de la langue. VJC 215 1 Les serviteurs de Dieu ont toujours souffert l'opprobre; mais la grande oeuvre se poursuit au milieu de la persécution, des emprisonnements, des luttes et de la mort. Le caractère de la persécution change avec les temps, mais le principe -- l'esprit qui en est la base, -- est le même que celui qui animait ceux qui lapidèrent, battirent et tuèrent les élus du Seigneur il y a quelques siècles. VJC 215 2 Il n'y eut jamais homme plus cruellement calomnié que le Fils de Dieu. Il rencontrait à chaque pas les paroles les plus amères. Il était haï sans cause. Les pharisiens payèrent des hommes pour aller répéter de ville en ville les calomnies qu'ils inventaient eux-mêmes pour détruire l'influence de Jésus. Mais il se tient calme devant eux, déclarant que l'opprobre était une partie du lot du chrétien, conseillant à ses disciples comment ils devaient affronter les flèches de la malice, leur recommandant de ne point défaillir sous les persécutions, mais de se réjouir, et tressaillir de joie; "car on a ainsi persécuté les prophètes qui ont été avant vous". Jésus continua à imprimer dans le coeur de ses disciples le sentiment de leur responsabilité dans leurs relations avec le monde. Il dit: VJC 215 3 "Vous êtes le sel de la terre; mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on? Il ne vaut plus rien qu'à être jeté dehors, et à être foulé aux pieds par les hommes." VJC 215 4 Le peuple pouvait voir le sel blanc, étincelant sur le sentier où il avait été jeté parce qu'il avait perdu sa saveur et était par conséquent hors d'usage. Jésus se sert du sel comme d'un exemple de l'influence de la vie du chrétien dans le monde. VJC 215 5 Si ce n'était les quelques justes qui habitent la terre, la colère de Dieu ne tarderait pas un instant de punir les méchants. Mais les prières et les bonnes oeuvres des enfants de Dieu préservent le monde; ils sont une saveur de vie. Mais si les chrétiens ne sont tels que de nom, s'ils n'ont pas le caractère de la vertu, et une vie pieuse, ils sont comme du sel qui a perdu sa saveur. Leur influence sur le monde est mauvaise; ils sont pires que les incrédules. VJC 216 1 Jésus se servait, comme emblêmes des vérités enseignées à ses disciples, d'objets qui fussent à la vue de ses auditeurs. Le peuple était accouru pour l'entendre, quoiqu'il fût encore bien tôt. Le soleil glorieux s'élevant de plus en plus dans le ciel bleu, chassait l'obscurité qui s'enfuyait dans les vallées et les étroits défilés des montagnes. La gloire du ciel d'orient n'était pas encore affaiblie. VJC 216 2 La lumière de l'astre du jour couvrait le pays de sa splendeur, la tranquille surface du lac reflétait la lumière dorée et miroitait les nuages empourprés du matin. Sur l'herbe et les fleurs scintillaient les gouttes de rosée. La nature souriait sous la bénédiction d'un nouveau jour, et les oiseaux chantaient doucement dans le feuillage des arbres. Le Sauveur, jetant un coup d'oeil sur le peuple qui était devant lui, puis sur le lever du soleil, dit à ses disciples: "Vous êtes la lumière du monde." Cette figure était particulièrement frappante. Comme le soleil éclaire la campagne de ses rayons vivifiants et chasse les ombres de la nuit, ainsi les disciples devaient répandre la lumière de la vérité, et chasser les ténèbres morales qui s'étendaient sur le monde. Vus à la lueur du matin, les villes et les villages étagés sur les pentes et les sommets des collines environnantes, formaient comme le cadre de la scène. Jésus y faisait allusion en disant: "Une ville située sur une montagne ne peut être cachée; et on n'allume point une chandelle pour la mettre sous un boisseau, mais on la met sur un chandelier; et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Que vôtre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres, et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux." Dans ces paroles, Jésus enseignait à ses disciples que s'ils voulaient diriger les autres dans le chemin de la justice, leur propre exemple devait être juste, et leurs actes refléter la lumière de la vérité. VJC 216 3 Les misères morales abondent, et les ténèbres couvrent la terre; mais les disciples de Christ sont représentés comme des lumières éclairant au milieu de l'obscurité de la nuit. Leurs rayons révèlent les dangers qui se trouvent dans les sentiers des pécheurs, et montrent le vrai chemin de la justice et du salut. Si ceux qui professent d'être disciples de Christ et d'avoir la lumière de la vérité ne sont pas soigneux de présenter cette vérité aux autres d'une manière convenable, ceux qui sont dans les ténèbres de l'erreur n'y verront aucune beauté. VJC 217 1 Si la personne portant une lanterne pendant une nuit obscure pour éclairer le chemin d'un voyageur, vient à s'interposer entre la lumière et le voyageur, l'obscurité de la nuit deviendra encore plus intense pour celui que l'on conduit. Il en est ainsi de beaucoup de gens qui essayent de présenter la vérité de Dieu à d'autres; ils cachent la lumière précieuse par leur caractère défectueux, et mettent en évidence ce qu'il y a de haïssable en eux, ce qui en détourne beaucoup de la vérité. Le caractère de ceux qui professent être disciples de Christ doit être tel, et leurs actions si exemplaires que le monde soit attiré vers une religion qui porte de semblables fruits de justice. Les hommes seront ainsi engagés à étudier et à embrasser les principes d'une telle religion par le fait que la vie de ses représentants brille d'un éclat de pureté tel qu'ils sont comme des phares éclairant les ténèbres du monde. VJC 217 2 Les pharisiens se retiraient du monde, et se mettaient ainsi dans l'impossibilité d'exercer une influence sur le peuple et parmi le monde; mais Jésus appelle ses disciples "la lumière du monde". Leurs enseignements et leur exemple doivent chasser les ténèbres de l'erreur, et tous les peuples et nations doivent éprouver leur influence. La religion de la Bible ne doit pas être confinée entre les couvertures d'un livre ni les murailles d'un temple. Elle ne doit pas être exposée occasionnellement seulement, et à notre propre avantage, et ensuite mise de côté, mais elle doit sanctifier la vie journalière, se manifester dans chaque transaction commerciale et dans toutes les relations de la vie sociale. Une telle religion est en parfait contraste avec celle des pharisiens, qui consistait seulement dans l'observation extérieure des règles et des cérémonies, et ne répandait aucune influence qui ennoblît leur vie. VJC 217 3 Jésus était assidûment surveillé par des espions prêts à saisir toute parole imprudente qui aurait pu s'échapper de ses lèvres. Le Sauveur était bien averti des préventions qui existaient dans l'esprit de ses auditeurs. Il ne dit rien pour ébranler la foi des Juifs dans la religion et les institutions de Moïse. La même voix qui donna la loi morale et la loi cérémonielle, qui formaient la base de tout le système judaïque, proclama aussi les paroles d'instruction sur la montagne.1 C'est à cause de sa grande vénération pour la loi et les prophètes que Jésus chercha à démolir les murailles de superstitions qui enveloppaient les Juifs. Il voulait que non seulement ils observassent la loi, mais qu'ils missent en pratique les principes de cette loi et les enseignements des prophètes. VJC 218 1 Jésus critiquait sévèrement la fausse interprétation que les Juifs donnaient à la loi, tout en mettant ses disciples suffisamment en garde contre le danger de négliger les vérités vitales données aux Hébreux. Jésus n'était pas venu pour détruire leur confiance dans les instructions qu'il leur avait lui-même données par Moïse dans le désert. Mais, tandis qu'il leur enseignait à rendre à cette loi le respect qui lui est dû, il désire les conduire à des vérités plus élevées, à des connaissances plus grandes, afin qu'ils puissent avancer dans une lumière plus brillante. VJC 218 2 Comme Jésus expliquait à ses disciples leur devoir d'accomplir des oeuvres de justice, les pharisiens virent que les doctrines qu'il enseignait condamnaient leurs actions, et, afin d'indisposer le peuple contre le grand Docteur, ils se disaient l'un à l'autre, à voix basse, que les leçons de Jésus étaient en opposition avec la loi de Moïse, parce qu'il ne faisait pas mention de cette loi. De cette manière, ils désiraient soulever l'indignation du peuple contre Christ. Mais Jésus voyant leur intention, en présence de la grande foule, et d'une voix claire et distincte, déclara à la confusion de ses ennemis les paroles suivantes: VJC 218 3 "Ne pensez point que je sois venu abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour les abolir, mais pour les accomplir. Car je vous dis en vérité que jusqu'à ce que le ciel et la terre passent, il n'y aura rien dans la loi qui ne s'accomplisse, jusqu'à un seul iota et à un seul trait de lettre." Ici Jésus réfute l'accusation des pharisiens. Sa mission dans le monde est de revendiquer les exigences de cette loi sacrée qu'ils l'accusaient de violer. Si la loi de Dieu avait pu être changée ou abolie, Christ n'aurait pas eu besoin de venir dans un monde déchu pour souffrir la conséquence de la transgression de l'homme. Jésus vint pour expliquer la relation de la loi de Dieu avec l'homme, et pour montrer ses préceptes par l'exemple de son obéissance. Il déclara en uite que, "celui donc qui aura violé l'un de ces plus petits commandements et qui aura ainsi enseigné les hommes, sera estimé le plus petit dans le royaume des cieux." C'est ainsi que Jésus proclame la validité de la loi morale. Ceux qui désobéissent aux commandements de Dieu, et qui enseignent aux autres à faire la même chose par leur exemple, sont condamnés par Christ. Ils sont les enfants du malin qui, le premier, fut rebelle à la loi de Dieu. Ayant explicitement déclaré son respect pour la loi de son Père, Jésus, dans ces mots, condamne les pratiques des pharisiens, qui étaient stricts dans leur observance extérieure de cette loi pendant que leurs coeurs et leurs vies étaient corrompus: VJC 219 1 "Car je vous dis que si votre justice ne surpasse celle des pharisiens, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux." La justice que Jésus réclame est la conformité du coeur et de la vie à la volonté de Dieu telle qu'il l'a révélée. Jésus enseignait que la loi de Dieu devait régler les pensées et les intentions du coeur. La vraie piété élève les pensées et les actions; alors les formes extérieures de la religion s'accordent avec la pureté du coeur; alors les cérémonies qu'exige le service de Dieu ne sont point des rites insignifiants, semblables à ceux des pharisiens hypocrites. VJC 219 2 Beaucoup de ministres de nos jours transgressent les commandements de Dieu, et enseignent aux autres à faire de même. Au lieu des saints commandements, ils enseignent audacieusement les coutumes et les traditions des hommes, sans égard au témoignage direct de Christ qui dit que ceux qui font cela seront les plus petits au royaume des cieux. Jésus déclara à la multitude assemblée pour l'entendre, aux pharisiens qui cherchaient à l'accuser de déprécier la loi, et aux hommes de tous les temps, que les préceptes de Jéhovah sont immuables et éternels. VJC 219 3 On avait rapporté que des meurtres et des vols avaient été commis dans la région sauvage qui avoisinait Capernaüm, de sorte que ceux qui étaient assemblés pour entendre Jésus éprouvaient tous un sentiment d'horreur et d'indignation. Le divin Maître profita de cette circonstance pour en tirer une importante leçon, en disant: VJC 220 1 "Vous avez entendu qu'il a été dit aux anciens: Tu ne tueras point; et celui qui tuera sera punissable par le jugement. Mais moi je vous dis que quiconque se met en colère contre son frère sans cause, sera puni par le jugement; et celui qui dira à son frère: Raca, sera puni par le conseil; et celui qui lui dira: Fou, sera puni par la géhenne du feu." Jésus décrit ici le meurtre comme existant d'abord dans la pensée. La malice et la rancune, qui se changeraient en actes de violence, sont en elles-mêmes des meurtres. Jésus va encore plus loin et dit: "Quiconque se met en colère sans cause contre son frère, sera puni par le jugement." Il y a une colère qui n'est pas criminelle de sa nature. Une certaine indignation peut se justifier, dans certaines circonstances, même chez les disciples de Christ. Quand ils voient Dieu déshonoré, son nom méprisé, et la précieuse cause de sa vérité mise en discrédit par ceux qui professent de la révérer; quand ils voient l'innocent oppressé et persécuté, une juste indignation soulève leur âme; une telle colère, qui naît de sentiments moraux, sensibles, n'est pas un péché. Parmi les auditeurs de Jésus il en est qui se louent de leur propre justice parce qu'ils n'ont pas commis quelque crime visible, tout en nourrissant dans leurs coeurs les sentiments mêmes qui ont poussé des meurtriers à commettre leurs actions criminelles. Pourtant ces personnes font profession de piété, et se conforment aux exigences de la religion extérieure. A de telles gens, Jésus adresse ces paroles: VJC 220 2 "Si donc tu apportes ton offrande à l'autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l'autel, et va-t'en premièrement te réconcilier avec ton frère; et après cela viens, et offre ton offrande." Il montre ainsi que les crimes ont leur source dans le coeur, et que ceux qui laissent entrer en eux l'esprit de haine et de vengeance, ont déjà posé le pied dans le chemin du meurtrier; et leurs offrandes ne sont pas agréables à Dieu. Le seul remède est de déraciner toute aigreur et toute animosité du coeur. Mais le Seigneur va encore plus loin et déclare que si un autre a quelque chose contre nous, nous devons essayer de l'apaiser, et si possible lui ôter ce sentiment, avant que notre offrande soit présentée à Dieu. Cette leçon est d'une importance spéciale pour l'Eglise de nos jours. Beaucoup sont zélés dans les services religieux pendant que de malheureux différends existent entre eux et leurs frères, différends qu'il leur est possible de faire disparaître et que Dieu exige qu'ils fassent disparaître avant de vouloir accepter leur culte. Christ a indiqué si clairement la manière d'agir du chrétien, qu'il ne peut y avoir aucun doute dans notre esprit quant à notre devoir. VJC 221 1 Pendant que Jésus enseignait, on vit passer sur le lac des barques remplies de gens amateurs du plaisir, et tous savaient que ceux qui étaient dans ces barques étaient des gens de mauvaise réputation. Le peuple qui écoutait Jésus s'attendait à ce qu'il les censurât sévèrement, mais ils furent surpris lorsqu'il dit: "Vous avez entendu qu'il a été dit aux anciens: Tu ne commettras point adultère. Mais moi je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter, il a déjà commis l'adultère avec elle dans son coeur." Ceux qui ont considéré le coupable caractère de ceux dont la vie est une dissipation sensuelle, et qui les ont regardés comme les plus grands pécheurs, sont étonnés d'entendre Jésus assurer que ceux qui nourrissent des pensées impudiques, sont aussi coupables de coeur que les violateurs éhontés du septième commandement. Jésus condamne la coutume alors existante de répudier sa femme pour des offenses légères. Cette habitude menait au dévergondage et au crime. Jésus attaque la première cause de relâchement par lequel étaient affaiblies les relations du mariage, quand il condamne les passions profanes qui trouvaient dans l'institution du mariage, une barrière à la satisfaction de leurs convoitises. Christ voulait que le mariage fût entouré de réserves judiciaires telles qu'il ne pût y avoir aucune séparation légale entre le mari et la femme, sauf en cas d'adultère. VJC 221 2 Ceux qui ont regardé les commandements de Dieu comme prohibant les crimes visibles, mais n'atteignant pas plus loin, voient ici qu'on doit obéir à la loi de Dieu en esprit aussi bien qu'à la lettre. De cette manière, Jésus prend les commandements séparément et explique la profondeur et l'étendue de leurs exigences, montrant l'erreur fatale des Juifs dans leur obéissance essentiellement extérieure. Jésus donne une leçon au sujet du serment, disant: "Que votre parole soit: Oui, oui, Non, non; ce qu'on dit de plus vient du malin." Le troisième commandement condamne le jureur profane, mais l'esprit du précepte atteint au delà, et défend que le nom de Dieu soit mêlé à la conversation d'une manière négligente et irrévérencieuse. Beaucoup de personnes, même parmi celles qui professent être les disciples de Christ, ont l'habitude d'user légèrement du nom de Dieu, et même dans leurs prières et leurs exhortations, elles n'emploient pas ce nom suprême avec une solennité convenable. VJC 222 1 Un détachement de troupe romaine campait près de là sur les bords du lac, et Jésus est interrompu par le son éclatant de la trompette qui donne aux soldats le signal de s'assembler dans la plaine voisine. Ils se placent dans un ordre régulier et s'inclinent pour rendre hommage à l'étendard romain qu'on leur présente. Les Juifs regardent avec amertume cette scène qui leur rappelle qu'ils sont une nation assujettie. On voit alors des messagers se détacher de la troupe pour aller porter des ordres dans des postes éloignés. En montant la côte abrupte du lac, ils s'approchent de la foule assemblée autour de Jésus, et obligent quelques paysans juifs à porter leurs fardeaux pour monter la côte escarpée. Les paysans résistent à cet acte d'oppression en adressant des paroles violentes à leurs persécuteurs; mais ils sont finalement obligés d'obéir aux soldats et d'accomplir la tâche humiliante qui leur est demandée. Cette exhibition de l'autorité romaine remplit le peuple d'indignation et il se tournent avec une ardente curiosité du côté de Jésus pour écouter ce qu'il dirait de cet acte d'oppression. Attristé à la pensée des péchés qui avaient amené les Juifs sous un tel esclavage, Jésus regardait cette scène honteuse; il vit aussi la haine et l'esprit de vengeance empreints sur le visage des Juifs, et savait combien ils désiraient pouvoir écraser leurs oppresseurs. Il prononça alors tristement ces paroles: VJC 223 1 "Vous avez entendu qu'il a été dit: OEil pour oeil, et dent pour dent. Mais moi je vous dis de ne pas résister à celui qui vous fait du mal; mais si quelqu'un te frappe à la joue droite, présente-lui aussi l'autre; et si quelqu'un veut plaider contre toi, et t'ôter ta robe, laisse-lui encore l'habit; et si quelqu'un te veut contraindre d'aller une lieue avec lui, vas-en deux. Donne à celui qui te demande, et ne te détourne point de celui qui veut emprunter de toi." VJC 223 2 L'exemple de Jésus était une démonstration pratique de la leçon qui est enseignée ici. L'injure et la persécution ne le poussèrent jamais à rendre la pareille à ses ennemis. Mais c'était une forte leçon pour les Juifs vindicatifs, et ils en murmurèrent entre eux. Jésus fait alors une déclaration plus forte: VJC 223 3 "Vous avez entendu qu'il a été dit: Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent; faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous outragent et qui vous persécutent; afin que vous soyez enfants de votre Père céleste qui est dans les cieux; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Car si vous n'aimez que ceux qui vous aiment, quelle récompense en aurez-vous? Les péagers mêmes n'en font-ils pas autant? Et si vous ne faites accueil qu'à vos frères, que faites-vous d'extraordinaire? Les péagers mêmes n'en font-ils pas autant?" VJC 223 4 La haine que nous témoignons à nos ennemis ne détruira jamais leur malice. Mais l'amour et la bienveillance produisent l'amour et la bienveillance en retour. Quoique Dieu récompense fidèlement la vertu et punisse le mal, il ne retire pas ses bénédictions aux méchants, quand même ils déshonorent journellement son nom. Il fait luire son soleil et fait descendre sa pluie sur les justes et les injustes, leur partageant également les bénédictions terrestres. Si un Dieu saint exerce un tel support et une telle bienveillance envers les rebelles et les idolâtres, combien est-il nécessaire que les hommes coupables manifestent un même esprit envers leur prochain. Au lieu de maudire ceux qui les injurient, il est de leur devoir de chercher à les détourner de leur mauvaise voie par une bonté sembable à celle qu'avait Christ pour ceux qui le persécutaient. Jésus enseignait à ses disciples à montrer une bienveillance chrétienne envers tous ceux qui sont sous leur influence, qu'ils ne devaient pas oublier les actes de miséricorde, et que lorsqu'on leur demanderait une faveur, ils devaient montrer une bienveillance supérieure à celle des mondains. Les enfants de Dieu devraient représenter l'esprit qui règne dans le ciel. Leurs principes d'actions ne doivent pas avoir le même caractère d'étroitesse, d'égoïsme, que ceux du monde. VJC 224 1 La perfection seule peut satisfaire le modèle divin. Comme Dieu lui-même est parfait dans sa sphère élevée, de même les enfants de Dieu doivent être parfaits dans l'humble sphère qu'ils occupent. Ce n'est que de cette manière qu'ils peuvent être dignes de se joindre aux êtres saints qui peuplent le royaume des cieux. Christ adresse à ses disciples ces paroles qui montrent le vrai modèle du caractère chrétien: "Soyez donc parfaits, comme votre Père qui est dans les cieux est parfait." ------------------------Chapitre 22 -- La parabole du semeur VJC 225 1 Jésus avait passé la nuit entière en prière; de bon matin, il descendit vers la plage pour chercher ses disciples qui pêchaient près de la côte. Il ne pouvait être longtemps sans être assailli par le peuple. Aussitôt que l'on sut que Christ était près du lac, la multitude se pressa autour de lui. Elle s'accrut tellement qu'il était pressé de tous côtés. Comme il se tenait debout pour les enseigner, la foule devint si nombreuse qu'il se plaça dans une barque et s'éloigna un peu de la côte, pour que le peuple pût mieux le voir et l'entendre, pendant qu'il continuait ses discours. VJC 225 2 Il adoptait fréquemment ce plan pour échapper à ses auditeurs empressés qui se jetaient les uns sur les autres, pour arriver auprès de lui. De cette manière, il pouvait parler des choses qu'il désirait leur enseigner, sans être interrompu. Le Sauveur, assis sur un grossier bateau de pêche, annonçait les paroles de vie au peuple qui l'écoutait sur la plage. Il était patient avec ceux qui étaient tentés, et tendre et bon pour les affligés et les découragés. Ses paroles trouvaient une réponse dans bien des coeurs, et la lumière de ses divines instructions brillait dans beaucoup d'esprits obscurcis. VJC 225 3 Quelle scène les anges n'avaient-ils pas à contempler! Leur glorieux chef assis dans une barque de pêcheur, balancée çà et là par les eaux mouvantes, et prêchant le salut à la foule qui l'écoutait en se pressant au bord de l'eau! Lui qui était honoré au ciel, enseigne sa sublime doctrine de délivrance en plein air au commun peuple. Pourtant il ne pouvait avoir une plus magnifique scène pour ses travaux. Le lac, les montagnes, les champs étendus, le soleil inondant la terre de ses rayons, tout fournissait des sujets par lesquels ses leçons pouvaient être imprimées dans l'esprit des hommes. VJC 226 1 En pleine vue étaient les semeurs et les moissonneurs, côte à côte, les uns jetant la semence, les autres moissonnant les premiers grains. Les vallées fertiles et les pentes des collines étaient de toute beauté. Les rochers stériles se dressaient sur le rivage, les oiseaux faisaient retentir l'air de leurs gazouillements et les oiseaux aquatiques effleuraient la surface des eaux. Jésus saisit cette occasion pour tirer de la nature des leçons qui fissent une impression profonde sur l'intelligence de ses auditeurs. Il emploie les scènes qui l'entourent, pour illustrer sa doctrine, de sorte qu'à l'avenir lorsque ces scènes se représenteraient à leurs yeux, leurs pensées leur rappelassent les leçons de vérité que Jésus en avait tirées. VJC 226 2 Assis là, et regardant la scène animée qui était devant lui, Jésus prononça la parabole1 qui nous a été transmise à travers les âges, aussi pure et belle dans sa simplicité aujourd'hui, que lorsqu'elle fut donnée le matin de ce jour au bord de la mer de Galilée, il y a plus de dix-huit cents ans: VJC 226 3 "Un semeur s'en alla pour semer. Et il arriva qu'en semant, une partie de la semence tomba le long du chemin; et les oiseaux vinrent, et la mangèrent toute. Une autre partie tomba sur des endroits pierreux, où elle avait peu de terre; et elle leva d'abord, parce qu'elle n'entrait pas profondément dans la terre; mais quand le soleil fut levé, elle fut brûlée; et parce qu'elle n'avait point de racine, elle sécha. Une autre partie tomba parmi les épines; et les épines crûrent, et l'étouffèrent, et elle ne rapporta point de fruit. Une autre partie tomba dans une bonne terre, et rendit du fruit, qui monta et crût; en sorte qu'un grain en rapporta trente, un autre soixante, et un autre cent. Que celui qui a des oreilles pour ouïr, entende." VJC 226 4 Cette illustration frappante de la propagation de l'Evangile du Fils de Dieu attira la plus grande attention du peuple. Le prédicateur attirait à lui l'esprit de ses auditeurs. Leurs âmes étaient émues, et plusieurs agités par de nouveaux désirs. Ils étaient charmés par une doctrine si noble dans ses principes et pourtant si facile à comprendre. Les connaissances spirituelles élevées que Jésus enseignait semblaient alors très désirables. Mais comme ces impressions reçues devaient vite passer chez quelques-uns lorsqu'ils seraient de nouveau mêlés au monde; le péché, qui avait paru si haïssable à la sainte lumière de la présence du Maître, s'attacherait de nouveau à leurs coeurs égarés. Un entourage défavorable, les soucis mondains et les tentations les feraient retomber bientôt dans l'indifférence. VJC 227 1 Mais d'autres, qui écoutaient, devaient commencer dès ce moment une vie plus sainte et pratiquer journellement les principes des enseignements de Christ. Le sujet qui avait fait la substance de son discours, illustré par les scènes qui étaient devant eux, ne devait jamais s'effacer de leur esprit. Les champs variés, quelques-uns ne produisant que des chardons et des herbes nuisibles, les chaînes de rochers couverts d'une mince couche de terre, les semeurs avec leurs semences, tout cela se déroulant sous leurs yeux, imprimait ses paroles dans leurs esprits comme aucune autre chose n'aurait pu le faire. VJC 227 2 L'état de choses existant porta Jésus à donner la parabole du semeur. Le peuple qui suivait Jésus avait été déçu de ce qu'il n'établissait pas un nouveau royaume. Depuis longtemps ils avaient attendu un Messie qui les élèverait et les glorifierait comme nation, et comme leur espérance ne se réalisait pas, ils refusaient de le recevoir comme leur Rédempteur. Même les disciples choisis s'impatientaient de ce qu'il ne s'emparait pas de l'autorité temporelle, et ses parents étaient désappointés et le rejetaient. Ils lui avaient parlé en ces termes: "Pars d'ici, et t'en va en Judée, afin que tes disciples voient aussi les oeuvres que tu fais. Car personne ne fait rien en cachette, quand il veut agir franchement. Puisque tu fais ces choses, montre-toi toi-même au monde."1 VJC 227 3 Ceux qui le suivaient étaient mortifiés de ce que les savants et les riches n'étaient pas les plus désireux de le recevoir comme leur Sauveur. Ils sentaient le déshonneur qui s'attachait à leur Maître parce que c'étaient les pauvres, les affligés et la plus humble classe généralement, qui devenaient ses disciples. Pourquoi, se demandaient-ils, les scribes et les pharisiens, les docteurs des écoles des prophètes ne reconnaissent-ils pas qu'il est le Messie depuis longtemps attendu? C'était pour combattre ce doute et ce mécontentement que Jésus prononça cette parabole. Quand la foule se fut éloignée, les douze avec les autres croyants se réunirent autour de lui, et lui demandèrent de la leur expliquer. "Et il leur dit: Il vous est donné de connaître le mystère du royaume de Dieu; mais pour ceux qui sont de dehors, tout se traite par des paraboles; de sorte qu'en voyant ils voient et n'aperçoivent point; et qu'en entendant ils entendent et ne comprennent point; de peur qu'ils ne se convertissent, et que leurs péchés ne leur soient pardonnés. Et il leur dit: N'entendez-vous pas cette similitude? Et comment entendrez-vous les autres?" Par ces paroles, il expliquait que ses illustrations avaient pour but de faire réfléchir ses auditeurs. S'ils désiraient une explication plus complète de ses paroles, ils pouvaient la lui demander, comme ses disciples l'avaient fait, et la recevoir. VJC 228 1 Les pharisiens comprirent la parabole, mais ils affectèrent de ne pas apercevoir sa signification. Ils fermèrent leurs yeux afin de pas voir, et leurs oreilles afin de ne point entendre, de sorte que leurs coeurs ne pouvaient être atteints. Ils auraient à souffrir la rétribution de leur ignorance volontaire et de l'aveuglement qu'ils s'imposaient eux-mêmes. Une des raisons pour lesquelles il enseignait tant de choses en paraboles, c'est que les espions des Juifs veillaient constamment afin de trouver lieu de porter plainte contre lui. Jésus voulait démasquer leur hypocrisie et leurs mauvaises actions sans s'exposer lui-même au danger d'être arrêté et emprisonné par eux, et d'être enlevé ainsi à l'oeuvre qu'il était venu accomplir parmi le peuple. VJC 228 2 Il pouvait dire des paroles sévères en paraboles, révéler l'iniquité qu'il était nécessaire de démasquer, sans craindre aucunement leurs lois. Ils pouvaient en faire l'application car ils ne pouvaient manquer d'en reconnaître la signification, et pourtant ils étaient impuissants à le condamner pour avoir employé une simple parabole dans son discours. VJC 229 1 Les paroles de Jésus renferment un reproche pour ses disciples, à cause de leur dureté à comprendre la signification de ses paroles, car dans la parabole du semeur, il avait illustré la doctrine qu'il était venu enseigner au monde. S'ils ne pouvaient saisir des choses si faciles à comprendre, comment pourraient-ils sonder les vérités plus grandes qu'il leur déclarerait en paraboles? Il leur dit aussi qu'il révèlerait de plus grands mystères concernant le royaume de Dieu à ceux qui le suivaient et lui obéissaient qu'à ceux qui se tenaient hors de son association. Ils devaient ouvrir leurs esprits à l'instruction et être prêts à croire. VJC 229 2 Ceux qui avaient habitué leurs coeurs à l'amour de la pompe et des cérémonies ne souhaitaient pas de comprendre ses enseignements, et ne désiraient pas l'oeuvre de la grâce de Dieu dans leurs coeurs. Ces personnes aimaient à demeurer dans l'ignorance de leur choix. Ceux qui étaient unis au ciel et recevaient Christ, source de la lumière et de la vérité, comprenaient ses paroles et devaient acquérir une connaissance pratique concernant le royaume de Dieu. Mais ceux qui, pour une raison quelconque, négligeaient les occasions qui leur étaient offertes de connaître la vérité, et n'usaient pas droitement de leur intelligence, mais refusaient d'être convaincus par ce que leurs yeux voyaient et ce que leurs oreilles entendaient, devaient être laissés dans les ténèbres: voyant, ils n'apercevaient point, entendant, ils ne comprenaient point. Les vérités de Dieu demandaient trop de renoncements et de pureté personnelle pour attirer leur esprit charnel, et ils fermaient leurs coeurs par bigoterie et incrédulité. VJC 229 3 Jésus bénissait ses disciples parce qu'ils voyaient et entendaient avec des yeux et des oreilles de croyants. Il leur dit: Plusieurs prophètes et plusieurs justes ont désiré de voir ce que vous voyez, et ne l'ont pas vu; et d'entendre ce que vous entendez, et ne l'ont pas entendu. Jésus expliqua alors à ses disciples les différentes classes de personnes représentées dans la parabole du semeur. VJC 229 4 Christ, le semeur, répand la semence. Il y a les mondains dont les coeurs sont semblables aux chemins durcis, insensibles aux enseignements de la sagesse divine. Ils n'aiment pas les exigences que le service de Dieu comprend, et ils suivent les penchants de leur nature. Beaucoup sont convaincus quand ils entendent les importantes leçons de Christ. Ils croient ses paroles et prennent la résolution de vivre saintement; mais quand Satan vient avec ses mauvaises suggestions, ils sont vaincus avant que la bonne semence ait complétement repris vie. VJC 230 1 Si leurs coeurs avaient été profondément brisés par la repentance, ils auraient vu combien étaient mauvais leur amour égoïste du monde, leur orgueil, leur avarice, et ils auraient abandonné ces défauts. Les semences de vérité auraient projeté de profondes racines dans leurs coeurs, ce terrain préparé pour elles, elles auraient crû et porté du fruit. Mais les mauvaises habitudes avaient si longtemps dominé leurs vies, que leurs bonnes résolutions s'étaient évanouies devant la voix du tentateur. "Lorsque un homme entend la parole du royaume de Dieu, et qu'il ne la comprend point, le malin vient et ravit ce qui est semé dans le coeur: c'est celui qui a reçu la semence le long du chemin." VJC 230 2 Il y en a qui reçoivent la précieuse vérité avec joie. Ils sont excessivement zélés, et ils expriment leur étonnement de ce que tous ne puissent comprendre les choses qui leur sont si claires. Ils pressent les autres d'embrasser une doctrine qu'ils trouvent si convaincante. Ils condamnent immédiatement ceux qui hésitent et ceux qui pèsent soigneusement les preuves de la vérité et qui la considèrent sous toutes ses faces. Ils les accusent de froideur et d'incrédulité. Mais au moment de l'épreuve, ces personnes enthousiastes chancellent et tombent. Elles n'avaient pas accepté la croix comme appartenant à leur vie chrétienne; leur ardeur a disparu; ils refusent de se charger de cette croix et s'en détournent finalement. VJC 230 3 Si la vie s'écoule doucement pour ces gens-là, si leur chemin n'est jamais obstrué, si tout s'harmonise avec leurs inclinations, ils paraissent être des chrétiens sincères. Mais ils tombent sous l'épreuve ardente de la tentation, ils ne peuvent endurer l'opprobre pour la cause de la vérité. La bonne semence qui avait formé en eux une plante si florissante flétrit et meurt parce qu'elle n'a point de racines pour la soutenir dans le temps de la sécheresse. La cause même qui aurait dû faire pénétrer ses racines plus profondément pour donner à la plante un accroissement plus vigoureux, brûle et tue toute la plante. Il en est exactement ainsi du soleil d'été. Il fortifie et mûrit les plantes robustes, mais brûle et détruit celles qui, quoique fraîches et vertes, n'ont point de profondes racines, parce que leurs tendres fibres ne peuvent percer le terrain dur et pierreux. VJC 231 1 Ces personnes pourraient cultiver et enrichir le sol de leurs coeurs, si elles le voulaient, de sorte que la vérité s'y enracinerait plus profondément; mais cela demande trop de patience et de renoncement. Il leur coûte trop d'efforts d'opérer un changement radical dans leurs vies. Elles sont facilement offensées par la réprimande et prêtes à dire avec les disciples qui quittèrent Jésus: "Cette parole est dure, qui peut l'entendre?" "Et celui qui a reçu la semence dans des endroits pierreux, c'est celui qui entend la parole, et qui la reçoit d'abord avec joie; mais il n'a point de racine en lui-même: c'est pourquoi il n'est que pour un temps; et lorsque l'affliction ou la persécution surviennent à cause de la parole, il se scandalise aussitôt." VJC 231 2 Jésus compare la parole qui leur est annoncée à la semence qui tombe dans des endroits négligés, et dont les mauvaises herbes nuisent aux bonnes plantes qui s'élèvent au milieu d'elles; celles-ci croissent maladives, et périssent. Beaucoup de personnes répondent à la voix de la vérité, mais ne la reçoivent pas convenablement et ne l'apprécient pas. Elles lui donnent une place dans le sol de leur coeur naturel sans préparer le terrain en ôtant les herbes empoisonnées qui y fleurissent, et sans veiller à toute heure afin de les extirper si elles apparaissent de nouveau. Les soucis de cette vie, la fascination des richesses, le désir des choses défendues, étouffent l'amour de la justice avant que la bonne semence puisse porter du fruit. L'orgueil, la colère, l'amour propre, l'amour du monde, l'envie et la malice ne peuvent aller de pair avec la vérité de Dieu. Comme il est nécessaire de cultiver à fond le sol qui a été infecté de mauvaises plantes, il est nécessaire aussi que le chrétien soit diligent à extirper les fautes qui menacent de le perdre étèrnellement. Un effort patient, sincère, au nom et par la force de Jésus, peut seul déraciner ces pernicieuses tendances du coeur naturel. Mais ceux qui ont laissé surmonter leur foi par les influences sataniques, tombent dans un état pire que celui où ils étaient avant d'entendre les paroles de vie. "Et celui qui a reçu la semence parmi les épines, c'est celui qui entend la parole; mais les soucis de ce monde et la séduction des richesses étouffent la parole, et elle devient infructueuse." VJC 232 1 Peu de coeurs sont semblables à la bonne terre, bien cultivée, recevant les semences de la vérité, et portant des fruits abondants à la gloire de Dieu. Cependant Jésus trouve quelques chrétiens sincères et riches en bonnes oeuvres. "Mais celui qui a reçu la semence dans une bonne terre, c'est celui qui entend la parole, et qui la comprend, et qui porte du fruit; en sorte qu'un grain en produit cent, un autre soixante, et un autre trente." VJC 232 2 Ainsi Jésus représente les caractères divers de ceux à qui il s'adressait dans une parabole courte mais vaste dans sa signification. Ceux qui étaient animés de l'esprit du monde, ceux qui étaient disposés au mal, les endurcis, sont tous présentés à l'esprit de ses auditeurs. Il répondit ainsi à la question que nous entendons de nos jours: Pourquoi l'oeuvre de Christ produisitelle de si maigres résultats pendant son ministère personnel sur la terre? Des miracles de bonté et de miséricorde marquèrent sa vie. Mais pendant qu'il guérissait les affligés et chassait les démons qui persécutaient les hommes, il laissait à chacun le soin de corriger les défauts de son caractère. Il leur apprenait comment ils devaient unir leurs efforts humains avec sa puissance divine, et triompher par sa force des péchés qui les obsédaient. VJC 232 3 Cette expérience était nécessaire afin de donner de la puissance morale au caractère chrétien, et le rendre propre pour le ciel. Jésus n'employait aucun agent miraculeux pour obliger les hommes à croire en lui. Ils avaient à l'accepter ou à le rejeter, suivant leur propre volonté. Aucun pouvoir direct ne devait les forcer à l'obéissance et détruire l'action libre que Dieu a donnée à l'homme. La parabole du semeur montre bien les tendances du coeur humain et les différentes classes de personnes avec lesquelles Christ avait à faire, et explique également les raisons pour lesquelles son ministère n'eut pas de succès dans ses effets immédiats. VJC 233 1 Les paraboles de Jésus avaient pour but d'exciter un esprit de recherche qui aurait pour résultat une exposition plus claire de la vérité. Tandis qu'il instruisait ainsi ses disciples sur la signification de ses paroles, la foule l'entourait de nouveau pour écouter, et plusieurs de ceux qui l'entendaient gravaient ses enseignements dans leur esprit, et les y conservaient avec délices. Les discours de Jésus ne s'adressaient point seulement à une classe d'esprits inférieurs; mais le Sauveur était entouré également de personnes intelligentes et cultivées, habituées à une critique sévère. On y distinguait des scribes, des pharisiens, des docteurs de la loi, des gouverneurs, et des représentants de toutes nations; et pourtant, il ne s'en trouvait point, dans toute cette vaste assemblée, pour contredire ses paroles. ------------------------Chapitre 23 -- Autres paraboles VJC 234 1 La curiosité du peuple était excitée, et on se faisait mille questions concernant le royaume dont Christ parlait et qu'on ne pouvait voir des yeux de la chair. Jésus connaissait toutes les perplexités qui agitaient les esprits de ses auditeurs, et, comme la multitude se pressait de nouveau autour de lui, il continua à les instruire par des paraboles.1 "Il leur disait encore: Apporte-t-on une chandelle pour la mettre sous un boisseau, ou sous un lit? N'est-ce pas pour la mettre sur un chandelier? Car il n'y a rien de secret qui ne doive être manifesté, et il n'y a rien de caché qui ne doive venir en évidence. Si quelqu'un a des oreilles pour entendre, qu'il entende. Il leur dit encore: Prenez garde à ce que vous entendez. On vous mesurera de la même mesure dont vous aurez mesuré, et on y ajoutera encore davantage pour vous qui écoutez. Car on donnera à celui qui a; mais pour celui qui n'a pas, on lui ôtera même ce qu'il a." VJC 234 2 Jésus se sert de la lumière d'une chandelle pour représenter ses doctrines qui illuminent les âmes de ceux qui les acceptent. Cette lumière ne doit pas être cachée au monde, mais doit projeter ses rayons bienfaisants pour éclairer et être en bénédiction à ceux qui la voient. L'instruction reçue par ceux qui écoutaient Jésus devait être communiquée par eux à d'autres, et passer ainsi à la postérité. Il déclare aussi qu'il n'y avait pas de secret qui ne dût être manifesté. Tout ce qui était dans le coeur, devait tôt ou tard être révélé par les actions, qui détermineraient si les semences avaient pris racine dans les esprits et porté de bons fruits, ou si les épines et les ronces les avaient étouffées. Il les exhortait à l'écouter et à le comprendre. En mettant à profit les priviléges bénis qui leur était communiqués, ils devaient assurer leur propre salut et en faire profiter d'autres. VJC 235 1 Suivant la mesure d'attention sincère qu'ils mettraient à ses instructions, ils recevraient en retour une semblable mesure de connaissances. Tous ceux qui désiraient vraiment comprendre ses doctrines seraient pleinement satisfaits; les priviléges qu'ils recevaient du ciel s'accroîtraient; leur lumière augmenterait jusqu'au jour parfait. Mais ceux qui ne désiraient pas la lumière de la vérité seraient condamnés à aller à tâtons dans les ténèbres, et à être surmontés par les puissantes tentations de Satan. Ils perdraient et leur dignité, et l'empire d'eux-mêmes, et le peu de connaissances dont ils se glorifiaient quand ils déclaraient qu'ils n'avaient pas besoin de Christ, et qu'ils se moquaient de la direction de celui qui avait laissé un trône dans les cieux pour les sauver. VJC 235 2 Suivant le fil de son discours, notre divin Maître emploie une autre parabole, disant: "Il en est du royaume de Dieu comme si un homme avait jeté de la semence en terre; soit qu'il dorme, ou qu'il se lève, la nuit ou le jour, la semence germe et croît sans qu'il sache comment. Car la terre produit d'elle-même premièrement l'herbe, ensuite l'épi, et puis le grain tout formé dans l'épi; et quand le fruit est dans sa maturité, on y met aussitôt la faucille, parce que la moisson est prête." VJC 235 3 La semence dont il est ici parlé est la Parole de Dieu semée dans le coeur et rendue productive par la grâce divine. Si la vérité prend racine dans le coeur, elle devra tôt ou tard porter ses fruits dans la vie. La vie et le caractère montreront la nature et la quantité de semence répandue. Mais la culture est l'oeuvre de toute la vie. Les principes de la vérité, une fois implantés dans le coeur, doivent être mis en action dans les devoirs journaliers de la vie. La croissance du caractère chrétien est graduelle -- comme celle de la plante dans ses divers degrés de développement. Mais toutefois, le progrès est continuel. Il en est de la grâce comme de la nature: la plante doit croître ou mourir. VJC 236 1 Jour après jour, l'influence sanctifiante de l'Esprit de Dieu conduit presque imperceptiblement vers la justice parfaite ceux qui aiment les voies de la vérité, jusqu'à ce que l'âme étant finalement mûre pour la moisson, l'oeuvre de la vie étant achevée, Dieu recueille son grain. Il n'y a point de période dans la vie chrétienne où l'on n'ait plus rien à apprendre, et où l'on n'ait plus à atteindre à un plus haut degré de perfection. La sanctification est l'oeuvre de la vie entière. Premièrement l'herbe, ensuite l'épi, puis le grain tout formé dans l'épi, enfin la maturité et la moisson; car lorsque le fruit est dans sa maturité, il est prêt pour la faucille. VJC 236 2 Cette parabole présentait un contraste remarquable avec la condition des Juifs. Leur religion était froide et formaliste, le Saint-Esprit n'avait point de place dans leurs coeurs; c'est pourquoi, au lieu de croître en grâce, et d'avancer dans la connaissance de Dieu, ils devenaient de plus en plus durs et bigots, s'éloignant toujours davantage de la présence du Seigneur. Les pharisiens orgueilleux et querelleurs regardaient de côté et d'autre, dans la grande multitude de gens assemblés pour entendre Jésus, et notaient avec mépris combien peu le reconnaissaient pour le Messie. Il y avait là beaucoup d'hommes d'une grande influence et d'une haute éducation qui étaient venus pour entendre le prophète dont la réputation s'était étendue au loin et au près. Quelques-uns regardaient avec un intérêt curieux la foule composée de toutes les classes de la société et de toutes les nationalités. Il y avait là des pauvres, des illettrés, des mendiants en haillons, des ravisseurs portant la marque du crime sur leurs visages, des malades, des estropiés, des gens vicieux. Grands et petits, riches et pauvres, se poussaient les uns les autres pour avoir une place et entendre les paroles de Jésus. VJC 236 3 Comme ils regardaient autour d'eux, ils se demandaient les uns aux autres si le royaume de Dieu se composait de tels éléments. Jésus, qui connaissait leurs pensées, leur répondit par une autre parabole: VJC 236 4 "A quoi comparerons-nous le royaume de Dieu, ou par quelle similitude le représenterons-nous? Il en est comme du grain de moutarde, lequel, lorsqu'on le sème dans la terre, est la plus petite de toutes les semences que l'on jette en terre; mais après qu'on l'a semé, il monte, et devient plus grand que tous les autres légumes, et pousse de grandes branches; en sorte que les oiseaux du ciel peuvent demeurer sous son ombre."1 Au loin et au près, la moutarde s'élevait au-dessus des herbes et des céréales, balançant légèrement ses branches dans les airs. Les oiseaux volaient de rameau en rameau, chantant parmi ses branches feuillues. Pourtant le grain d'où sort cette plante géante, est la moindre de toutes les semences. Il ne produit d'abord qu'un tendre rejeton; mais il a une forte vitalité, et se développe jusqu'à ce que les oiseaux du ciel puissent demeurer sous son ombre. VJC 237 1 Le peuple voyait autour de lui les plantes de moutarde qui croissaient si vigoureusement, et leurs esprits recevaient une vive impression de la parabole dont Jésus s'était servi pour faire pénétrer les enseignements de sa doctrine. Il déclare ainsi que ce n'est point par la force des armes, la pompe et le fracas de la guerre que le royaume de Christ doit être établi. Mais cette oeuvre est d'un développement graduel. Quoique le commencement puisse être petit, il croîtra et se fortifiera jusqu'à ce que, comme le grain de moutarde, il atteigne, par des degrés imperceptibles de développement, une majestueuse grandeur. VJC 237 2 Jésus prend cette pauvre petite graine pour illustrer ces puissantes vérités. La chose la plus infime n'est pas au-dessous de l'attention du grand Maître. Un grand nombre de ceux qui étaient là devaient commencer leur expérience chrétienne en ce jour, et croîtraient en force et en beauté, semblables au symbole du grain de moutarde qui, quoique foulé aux pieds, conserve sa vigueur. Cette image était écrite d'une manière ineffaçable dans l'esprit des centaines de personnes qui écoutaient les paroles de Jésus. Ils ne verraient jamais les vigoureuses plantes de moutarde, si nombreuses dans cette région, sans que la parabole du Sauveur revînt à leur esprit. Leurs coeurs se souviendraient de la leçon concernant la mystérieuse influence de la grâce divine sur l'âme humaine, et la puissance vivifiante de la Parole qui se manifeste dans la vie journalière. VJC 238 1 "Il leur dit une autre similitude: Le royaume des cieux est semblable à du levain qu'une femme prend, et qu'elle met parmi trois mesures de farine, jusqu'à ce que la pâte soit toute levée." Le levain dans la farine représente l'oeuvre progressive de la grâce divine dans le coeur humain. Le levain n'était pas naturellement dans la farine; mais lorsqu'il s'y trouva placé, il produisit une fermentation qui eut pour résultat un changement total de la masse entière. Il en est ainsi des principes de la vérité divine qui, cachés dans le coeur d'un individu, changent toute sa nature, et exercent une influence décisive sur sa vie. Les sentiments naturels sont transformés, les affections sont purifiées, et l'esprit en est élevé. Physiquement, un tel homme paraît le même, mais intérieurement, il a été renouvelé par les principes célestes qui animent sa vie. VJC 238 2 Et de nouveau Jésus prit les champs qui s'étendaient devant lui, les semeurs et les moissonneurs pour illustrer ses vérités, disant: "Le royaume des cieux est semblable à un homme qui avait semé de bonne semence en son champ. Mais pendant que les hommes dormaient, son ennemi vint, qui sema de l'ivraie parmi le blé, et s'en alla. Et après que la semence eut poussé, et qu'elle eut produit du fruit, l'ivraie parut aussi." VJC 238 3 L'ivraie était une plante nuisible, très désagréable pour le cultivateur, car elle croissait en même temps que le bon grain. On ne pouvait arracher l'ivraie parmi le blé sans courir le danger de déraciner les jeunes plantes de blé. De plus, l'ivraie ressemblait tellement au blé lorsqu'elle croissait, qu'il était difficile de distinguer l'un d'avec l'autre. VJC 238 4 Quand les serviteurs du père de famille vinrent et demandèrent, étonnés, d'où venait l'ivraie, puisqu'il avait semé de bonne semence dans son champ, il leur répondit qu'un ennemi, pour lui nuire, avait semé de l'ivraie parmi le bon grain. Alors ils lui demandèrent s'ils ne devaient pas aller arracher l'ivraie et débarrasser le bon grain. "Et il leur dit: Non, de peur qu'il n'arrive qu'en cueillant l'ivraie vous n'arrachiez le froment en même temps. Laissez-les croître tous deux ensemble jusqu'à la moisson: et au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs: Cueillez premièrement l'ivraie, et liez-la en faisceaux pour la brûler; mais assemblez le froment dans mon grenier." VJC 239 1 L'ennemi qui sème la mauvaise semence est une image de l'oeuvre de Satan sur l'esprit humain. Christ est le Semeur qui répand le précieux grain sur le fond inculte du coeur; mais l'ennemi des âmes y pénètre en secret et y sème la semence du mal. Ces germes d'erreur se lèvent très abondants et portent leurs fruits nuisibles, arrachant quelquefois et détruisant les précieuses plantes qui sont autour d'eux. Le terrain qui aurait dû produire du bon grain pour la nourriture de l'homme, devient une solitude, et des semences de péché en sont transportées dans d'autres champs. VJC 239 2 La croissance de l'ivraie parmi le bon grain attire l'attention. Il se pourra que le bon grain soit grandement désapprécié. Tout le champ peut être estimé comme sans valeur, par un observateur superficiel, ou par quelqu'un qui prend plaisir à découvrir le mal. Le semeur peut être condamné par lui, comme s'il avait mélangé l'ivraie au bon grain dans un mauvais but. C'est ainsi que ceux qui vivent dans le péché et les hypocrites qui professent de suivre Jésus, attirent le mépris sur le christianisme, et répandent le doute dans le monde concernant les vérités de Christ. Comme la présence de l'ivraie parmi le blé neutralise à un haut degré l'oeuvre du semeur, de même le péché parmi les chrétiens, détruit en quelque mesure le plan de Jésus qui a pour but de sauver l'homme déchu du pouvoir de Satan, et de rendre le terrain inculte du coeur humain fertile en bonnes oeuvres. VJC 239 3 L'ivraie ressemblait de si près au bon grain que les laboureurs se seraient facilement trompés lorsque les plantes étaient en herbe, et auraient pu arracher les bonnes plantes. Mais lorsque le champ était blanc pour la moisson, alors la mauvaise herbe n'avait plus aucune ressemblance avec le blé qui pliait sous le poids de ses épis mûrs. Alors l'ivraie était impitoyablement arrachée et détruite, tandis que le bon grain était rassemblé au grenier. Des pécheurs, simulant la piété, se mêlent pour un temps aux vrais disciples de Christ, et cette apparence extérieure de christianisme est bien faite pour en tromper beaucoup. Mais dans la moisson du monde, il n'y aura point de ressemblance entre le bien et le mal. Les méchants seront séparés des justes qu'ils ne troubleront plus jamais. VJC 240 1 Après que Jésus eut renvoyé la multitude, et se fut retiré avec ses disciples à la maison, ils lui demandèrent d'expliquer la parabole qu'il leur avait adressée, et il répondit: "Celui qui sème la bonne semence, c'est le Fils de l'homme; le champ, c'est le monde; la bonne semence, ce sont les enfants du royaume; l'ivraie, ce sont les enfants du malin; l'ennemi qui l'a semée, c'est le diable; la moisson, c'est la fin du monde; et les moissonneurs sont les anges. Comme donc on amasse l'ivraie, et qu'on la brûle dans le feu, il en sera de même à la fin du monde. Le Fils de l'homme enverra ses anges, qui ôteront de son royaume tous les scandales et ceux qui font l'iniquité; et ils les jetteront dans la fournaise ardente: c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. Alors les justes luiront comme le soleil dans le royaume de leur Père. Que celui qui a des oreilles pour ouïr, entende." VJC 240 2 Ces paroles de Jésus n'ont aucun sens pour ceux qui attendent un millénium temporel, où tout le monde sera converti. Il déclare expressément que le bon grain et l'ivraie croîtront ensemble jusqu'à la moisson, qui est la fin du monde. Alors l'ivraie sera arrachée et jetée hors du champ, au lieu d'être transformée en bon grain, par quelque puissant miracle. Elle doit rester ivraie, et être jetée au feu afin d'être entièrement détruite. VJC 240 3 Jésus, dans l'explication de la parabole, montra distinctement à ses disciples la grande différence qu'il devait y avoir entre le traitement des méchants et celui des justes, au temps où l'homme sera jugé selon ses oeuvres. S'étendant dans son enseignement jusqu'à la fin des temps, il corrige les fausses doctrines de ceux qui s'élèvent pour tromper le peuple. Il voulait enseigner aux hommes que Dieu, qui fit tomber une terrible pluie de feu sur les villes de la plaine, à cause de l'iniquité qui était au milieu d'elles, veut sûrement punir le pécheur. Il tient les destinées des hommes et des nations dans sa main, et il ne peut souffrir à toujours qu'on se moque de lui. Jésus déclare lui-même qu'il existe un péché plus grand que celui qui attira la destruction de Sodome et de Gomorrhe: c'est celui de ceux qui voient le Fils de Dieu et entendent ses enseignements, et se détournent pourtant du salut, rejetant le pardon qu'il offre. Mais les justes recevront en récompense la vie éternelle. VJC 241 1 Jésus, dans les enseignements qu'il donna à cette occasion, prononça plusieurs paraboles afin que les vérités qu'il prêchait fissent une impression puissante sur l'esprit de ses auditeurs. La mission de notre Sauveur dans le monde était d'amener à la lumière des mystères cachés que l'homme borné n'aurait pu sonder, des problèmes divins que l'esprit humain est incapable de résoudre. "C'est ce salut qui a été l'objet de l'exacte recherche et de la profonde méditation des prophètes, qui ont prophétisé touchant la grâce qui vous était destinée." "Dans lesquelles les anges désirent de voir jusqu'au fond."1 Le Fils de Dieu vint pour être la lumière du monde, pour révéler aux fils des hommes des mystères que même les anges avaient vainement désiré de comprendre. Il explique patiemment la merveilleuse transformation de pécheurs mortels en enfants de Dieu, ci-après ses cohéritiers des cieux. L'introduction du péché avait ouvert la porte à toute espèce de souffrances et de misères, jusqu'à ce que les ténèbres morales couvrissent la terre comme d'un voile de deuil; mais Jésus, le grand Restaurateur, met l'homme en rapport avec lui, et le crée de nouveau à sa divine image. VJC 241 2 Le Seigneur continua d'instruire par ses paraboles le peuple qui l'écoutait, disant: "Le royaume des cieux est encore semblable à un trésor caché dans un champ, qu'un homme a trouvé, et qu'il cache; et de la joie qu'il en a, il s'en va, et vend tout ce qu'il a, et achète ce champ-là. Le royaume des cieux est encore semblable à un marchand qui cherche de belles perles; et qui, ayant trouvé une perle de grand prix, s'en va, et vend tout ce qu'il a, et l'achète." Il y avait en ces jours-là beaucoup de gens qui recherchaient des trésors que l'on supposait avoir été enterrés dans certains endroits, où de grandes villes avaient autrefois existé. Sur la grande route où Jésus enseignait alors, il n'était point rare de rencontrer des personnes qui étaient venues de très loin, pour se rendre dans un lieu où l'on supposait qu'un trésor caché pouvait être trouvé. Le désir d'acquérir de grandes richesses les avait engagées à faire un voyage souvent périlleux. Ils avaient abandonné leurs occupations pour se lancer dans une voie aventureuse malgré l'incertitude du succès. Mais s'ils réussissaient à trouver quelque chose de valeur, ils redoublaient d'efforts, espérant obtenir de plus grandes richesses. C'est cette classe d'auditeurs que Jésus avait en vue, lorsqu'il illustra ainsi les mystérieuses richesses de sa grâce qui, lorsqu'elles ont attiré le coeur de l'homme, le portent à rechercher des connaissances plus élevées et de plus grandes bénédictions. Plus il goûte la paix de Dieu, plus il désire boire à la source de son amour. Sa soif de justice, son désir et sa recherche de ses trésors augmentent continuellement. VJC 242 1 Pour obtenir un grand trésor qui est supposé caché dans un champ, ou une pierre d'une valeur considérable et inconnue encore, l'homme qui recherche les richesses consacre tout son bien à ce champ ou le donne pour acheter le précieux joyau, comptant qu'il augmentera de valeur entre ses mains, et lui apportera la fortune qu'il convoite. Il en devrait être ainsi du chrétien qui aspire aux richesses du ciel. Il devrait laisser de côté toutes les considérations qui mettent des entraves à son bien-être éternel, et employer toutes ses forces dans la poursuite des richesses de l'amour de Christ. Ses talents, ses moyens, son énergie doivent tous être employés de telle manière qu'il puisse obtenir l'approbation de Dieu. Jésus dirige l'esprit de ses auditeurs vers les richesses infinies, cachées, où tous peuvent les chercher, sûrs du succès, jamais condamnés au désappointement d'efforts stériles. Il vint du ciel pour diriger les recherches. Grands et petits, riches et pauvres ont les mêmes droits, et personne n'a besoin de chercher en vain. L'obéissance à sa volonté est la seule condition de succès, et celui qui cherche sincèrement peut bien vendre tout ce qu'il a pour posséder cette bénédiction de l'amour divin -- la perle de grand prix. VJC 243 1 Il y avait plusieurs pêcheurs dans la multitude qui écoutait les enseignements de Jésus; c'est pourquoi Jésus prononça une parabole qui devait faire pénétrer sa vérité directement dans l'esprit de ses auditeurs, par une illustration tirée de leur vie journalière. Il dit: "Le royaume des cieux est encore semblable à un filet qui, étant jeté dans la mer, ramasse toutes sortes de choses. Quand il est rempli, les pêcheurs le tirent sur le rivage; et s'étant assis, ils mettent ce qu'il y a de bon à part dans leurs vaisseaux, et ils jettent ce qui ne vaut rien. Il en sera de même à la fin du monde; les anges viendront, et sépareront les méchants du milieu des justes; et ils jetteront les méchants dans la fournaise ardente; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents." Ici, de nouveau, la séparation des méchants et des justes, à la fin du monde, est imprimée dans l'esprit de ses auditeurs en paroles sur lesquelles il n'était point possible de se méprendre. VJC 243 2 Jésus avait un sage dessein en faisant usage de tant de paraboles pour enseigner les mêmes importantes vérités. Toutes les classes de la société étaient devant lui, car c'était un lieu où un grand nombre de gens de tous rangs se rencontraient dans la poursuite de leurs affaires ou dans leurs voyages. En employant une grande variété d'illustrations, il réussissait à atteindre beaucoup d'intelligences. La parabole du semeur et celle du bon grain et de l'ivraie s'appliquaient à tous. Les champs étaient devant eux, ainsi que les ouvriers y répandant la semence ou moissonnant les premiers grains. De même, la moutarde qui croissait d'une manière si luxuriante autour d'eux, fournissait une leçon pour tous. VJC 243 3 Mais afin de faire entrer ses vérités plus profondément dans le coeur, il prononça d'autres paraboles, pour répondre à des cas particuliers. Celui qui cherchait les richesses représentait une grande classe de gens qui ne pouvaient qu'être frappés par la parabole du trésor caché. Et tandis que le levain caché dans la farine était une illustration qui pouvait être comprise par tous, elle devait faire entrer avec une force nouvelle la vérité dans l'esprit des femmes qui comprenaient si bien l'action du levain sur la farine, et qui pourraient en tirer une comparaison frappante avec l'oeuvre de la grâce de Dieu sur le coeur humain. Jésus n'oubliait personne dans ses enseignements, et il se souvenait des humbles avec une tendre miséricorde. VJC 244 1 Le Sauveur demanda à ses disciples s'ils comprenaient ces choses. Ils répondirent: "Oui, Seigneur! Et il leur dit: C'est pour cela que tout docteur qui est bien instruit dans ce qui regarde le royaume des cieux, est semblable à un père de famille qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses vieilles." Dans cette parabole, le Seigneur représente à ses disciples la responsabilité de ceux qui sont chargés de présenter au monde la vérité qu'ils ont reçue de lui. L'Ancien Testament était alors tout ce qui existait des saintes Ecritures; mais il n'était pas seulement écrit pour les temps passés, mais pour tous les siècles et pour tous les peuples. VJC 244 2 Jésus voulait que ceux qui enseignaient sa doctrine recherchassent diligemment l'Ancien Testament, afin d'y trouver la lumière qui établit son identité comme le Messie prédit dans la prophétie, et qui révèle au monde la nature de sa mission. L'Ancien et le Nouveau Testament sont inséparables, car tous deux sont les enseignements de Christ. La doctrine des Juifs, qui n'acceptent que l'Ancien Testament, est insuffisante pour le salut puisqu'ils rejettent le Sauveur dont la vie et le ministère étaient un accomplissement de la loi et des prophéties; et la doctrine de ceux qui rejettent l'Ancien Testament ne peut conduire au salut, parce qu'elle repousse ce qui est un témoignage direct de Christ. Les sceptiques commencent par déprécier l'Ancien Testament; il ne leur faut ensuite qu'un pas pour nier la validité du Nouveau, et rejetter ainsi toute la Bible. VJC 244 3 Les Juifs ont peu d'influence sur le monde chrétien pour lui montrer l'importance des commandements y compris la loi obligatoire du Sabbat, parce qu'en montrant les anciens trésors de vérité, ils rejettent les nouveaux dans les enseignements personnels de Christ. D'un autre côté, la plus forte raison de l'insuccès des chrétiens à engager les Juifs à accepter les enseignements de Christ, comme le langage de la sagesse divine, c'est parce qu'en montrant les trésors de sa Parole, ils traitent avec mépris les richesses de l'Ancien Testament, qui sont les enseignements primitifs du Fils de Dieu, donnés par le ministère de Moïse. Ils rejettent la loi proclamée du haut du Sinaï, et le Sabbat du quatrième commandement institué dans le jardin d'Eden. Mais le ministre de l'Evangile, qui suit les enseignements de Christ, acquerra une connaissance approfondie des deux Testaments, afin de pouvoir les présenter sous leur vrai jour au peuple, comme un tout inséparable -- l'un dépendant de l'autre, et l'illuminant. Ainsi, il tirera de son trésor des "choses nouvelles et des choses vieilles", comme le fit Jésus en instruisant ses disciples. VJC 245 1 En regardant au large sur les nombreux champs où il avait travaillé, Jésus était rempli de compassion pour les âmes dispersées qui l'avaient accepté comme leur Sauveur, et qui regardaient à lui pour avoir le pain de vie. Elles lui semblaient être comme des brebis qui seraient sans pasteur, quand il devrait monter au ciel. Avant ses souffrances et sa mort, il était nécessaire qu'il donnât mission à ses disciples de continuer son oeuvre comme ses représentants,1 afin que les croyants pussent les considérer comme docteurs divinement choisis; de sorte que dans le temps de ténèbres et de découragement qui approchait, ils ne fussent point laissés sans conseillers. Appelant les douze autour de lui, il leur dit: "La moisson est grande, mais il y a peu d'ouvriers. Priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers dans sa moisson." Jusqu'alors, les disciples avaient peu d'expérience dans la prédication des vérités pratiques reçues de leur Maître. Mais ils avaient été ses compagnons pendant plusieurs mois, et il les avait envoyés occasionnellement pour travailler seuls pendant un peu de temps, afin de les préparer à leur future mission lorsqu'il ne serait plus avec eux. Mais alors, il les envoya deux à deux, dans différentes directions. Il leur donna le pouvoir de faire des miracles, mais ils ne devaient en aucun cas employer ce pouvoir pour leur propre gloire ou leur avantage. Ils ne seraient absents que quelques jours, et dans cette première tournée ils n'étaient pas envoyés parmi les étrangers, mais vers leurs frères qui devaient leur préparer la voie, afin qu'ils pussent avoir accès auprès des gens du peuple, dont beaucoup désiraient sincèrement connaître les doctrines de Christ. VJC 246 1 En envoyant ses disciples, Jésus leur apprend qu'en entrant dans un bourg ou dans une ville, ils devront rechercher ceux qui étaient de bonne réputation, et demeurer avec eux durant le temps qu'ils travailleraient dans cette ville; car l'influence de telles personnes profiterait à la vérité. Mais si les disciples n'étaient pas reçus par ceux chez lesquels ils allaient, ils devaient secouer la poussière de leurs souliers contre la maison qui se fermait devant eux, ou la ville qui refusait d'entendre leur message. Cet acte était de nature à faire comprendre au peuple l'importance du message évangélique, et le fait qu'il ne pouvait être méprisé ou rejeté impunément. Le grand Maître fait à ses disciples cette déclaration effrayante que Sodome et Gomorrhe seraient traitées moins rigoureusement, au jour du Jugement, que ces villes qui refuseraient de les écouter. VJC 246 2 Jésus commanda à ses disciples de faire connaître aux autres ces vérités qu'eux seuls avaient eu le privilége d'entendre. Il leur dit: "Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le dans la lumière; et ce que vous entendez qu'on vous dit à l'oreille, prêchez-le sur le haut des maisons." Connaissant la résistance et la persécution qu'ils auraient à rencontrer dans le ministère dans lequel ils étaient sur le point d'entrer, il les fortifie pour leur oeuvre, en leur assurant que dans toutes leurs luttes et dans tous les dangers à venir, Dieu veillerait sur eux. Ils devaient aller, sans souci de l'opposition des hommes, ne cherchant qu'à plaire à Dieu, entre les mains de qui ils étaient. "Et ne craignez point ceux qui ôtent la vie du corps, et qui ne peuvent faire mourir l'âme: mais craignez plutôt celui qui peut perdre et l'âme et le corps dans la géhenne." VJC 247 3 Ils devaient aller de l'avant, rendant témoignage à la vérité, et remettant leur sort entre les mains de leur Père céleste. Jésus les fortifie en leur disant que la Providence divine veille sur leurs vies. "Deux passereaux ne se vendent-ils pas une pite? et néanmoins il n'en tombera pas un seul à terre sans la permission de votre Père. Les cheveux même de votre tête sont tous comptés. Ne craignez donc rien; vous valez mieux que beaucoup de passereaux." VJC 247 1 Et il couronne finalement ses instructions et ses encouragements par la glorieuse assurance d'une éternelle récompense pour ceux qui acceptent le Fils de Dieu et obéissent à ses enseignements, et par une menace contre ceux qui les repoussent: "Quiconque donc me confessera devant les hommes, je le confesserai aussi devant mon Père qui est aux cieux. Mais quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai aussi devant mon Père qui est aux cieux." VJC 247 2 Ainsi le Sauveur chargea ses disciples d'aller dans le monde pour prêcher sa Parole, guérir les malades et consoler les affligés, comme ils l'avaient vu faire, et ils s'en allèrent, agissant suivant ses directions. La mission des serviteurs de Dieu de nos jours, a la même importance vitale que celle des apôtres que Christ envoya avec des paroles d'instructions si solennelles. L'acceptation ou la rejection du message de Christ assurera les résultats indiqués par le Maître à ses disciples à cette occasion solennelle, alors qu'il les envoya prêcher sa parole au peuple. ------------------------Chapitre 24 -- Christ calme la tempête VJC 248 1 Jésus avait enseigné et guéri sans interruption toute la journée, et il désirait ardemment se retirer à l'écart et trouver un lieu où il pût se reposer avec ses disciples; c'est pourquoi il leur proposa de passer avec lui de l'autre côté du lac. Mais avant de s'embarquer, il fut accosté par un scribe qui lui avait entendu dire que la vérité était d'une plus grande valeur qu'un trésor caché. Dans l'obscurité de son esprit, le scribe comprenait que Christ avait l'intention d'enrichir ses disciples de trésors terrestres. Il s'adresse donc à lui avec avidité, comme l'avait fait Judas, disant: "Maître! je te suivrai partout où tu iras." Le Sauveur lut les pensées indignes qui animaient son coeur, et il lui répondit comme il avait répondu à Judas: "Les renards ont des tanières, et les oiseaux de l'air ont des nids; mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête."1 Ce docteur juif n'avait en vue, lorsqu'il offrit à Jésus de le suivre, que ses propres intérêts égoïstes. Il espérait que le Sauveur établirait bientôt son royaume sur la terre, et que les richesses et la position que les disciples obtiendraient étaient les biens dont Jésus avait parlé. Mais il n'y a qu'un esprit aveuglé par l'avarice et la convoitise du monde qui puisse avoir aussi mal interprété les paroles du Sauveur. VJC 248 2 Si ce n'était à cause de la pauvreté de Christ et le fait que les pauvres et les humbles se rangent sous sa bannière, beaucoup d'hommes viendraient à lui et glorifieraient son nom. S'il avait accordé des honneurs et des richesses à ceux qui devinrent ses disciples, avec quelle joie les orgueilleux pharisiens, les principaux sacrificateurs et les scribes ne lui auraient-ils pas rendu hommage. De nos jours, beaucoup de gens accepteraient la vérité, s'il n'y avait aucun renoncement à faire. S'ils pouvaient avoir le monde avec Christ, ils s'enrôleraient dans son armée. Mais pour le suivre dans son humiliation, sans espoir d'une récompense terrestre, c'est plus que leur faible foi ne peut supporter. Ils tournent le dos et s'en vont la tête basse, comme le scribe qui fut repris par Jésus. VJC 249 1 Après avoir renvoyé la multitude, Jésus et ses disciples s'embarquèrent pour passer sur la rive opposée. C'était une côte déserte, en comparaison de celle qu'ils quittaient; mais, pour cette raison même, étant éloignés des habitations des hommes, ils espéraient trouver, après la fatigue et les travaux, le repos depuis si longtemps attendu. Pourtant, lorsqu'ils s'éloignèrent, un certain nombre de barques, remplies de gens qui désiraient connaître plus complétement la doctrine de Jésus, les suivirent. VJC 249 2 Le Sauveur était fatigué de ses longs et pénibles travaux, et étant délivré pour un moment de la multitude, il se coucha sur les planches dures de la barque de pêcheurs, et s'endormit. Peu après, le temps qui avait été calme et agréable changea soudainement. De sombres nuages s'accumulèrent dans le ciel, et une terrible tempête, telle qu'on en voit fréquemment dans ces parages, se déchaîna sur le lac.1 Le soleil s'était couché, et l'obscurité de la nuit descendait sur les eaux. Les ondes furieuses poussaient la barque çà et là sur les flots, menaçant de l'engloutir. Les vagues la balayaient, et déjà elle se remplissait d'eau. A l'intérieur, tout était précipitation et confusion, et le bruit des voix se mêlait avec celui de la tempête. Les pêcheurs, forts et courageux, étaient habiles à manier leurs barques, et connaissaient par expérience les brusques changements du lac; mais ils se sentaient impuissants en face de cette terrible bourrasque, et voyant que le bateau s'enfonçait, ils commencèrent à désespérer. VJC 250 1 Ils avaient fait de si grands efforts pour se sauver et pour tenir le bateau à flot, qu'ils avaient oublié que Jésus était dans la barque. Mais alors, comme leur courage défaillait et qu'ils se croyaient perdus, ils se souvinrent que c'était Jésus qui leur avait commandé de traverser le lac. Dans leur grande détresse, ils s'adressent à lui, et s'écrient: "Maître! Maître!" Mais le mugissement de la tempête couvre leurs voix, et ils n'obtiennent point de réponse. VJC 250 2 Le désespoir les saisit; ils appellent de nouveau; mais ils ne reçoivent d'autre réponse que le bruit du vent et des eaux. Le Maître les a-t-il délaissés? S'en est-il allé sur les vagues écumantes, les abandonnant à leur sort? Affollés, ils appellent, ils appellent encore, car ils ne peuvent rien faire de plus pour se sauver. La tempête avait tellement grossi que tous leurs efforts pour diriger la barque étaient vains; Jésus est leur seule espérance. La lueur d'un éclair le leur découvre soudain, profondément et paisiblement endormi, au milieu du bruit et de la confusion. VJC 250 3 Se penchant sur son corps, ils s'écrient avec amertume: "Maître! ne te soucies-tu point que nous périssions?" Ils sont choqués de le voir dormir si paisiblement, pendant que le danger et la mort les menacent, et qu'ils luttent si fort contre la fureur de la tempête. Ce cri de désespoir réveille Jésus. Pendant que les disciples saisissent de nouveau leurs rames pour faire un dernier effort, Jésus se lève lentement. Il est là debout dans sa divine majesté, dans l'humble barque des pêcheurs, calme et sans crainte au milieu de la fureur de la tempête; les vagues se brisent contre l'avant du bateau et les éclairs illuminent son visage. Sa main si souvent employée pour accomplir des miracles de grâce se lève, et il dit à la mer en courroux: "Tais-toi, sois tranquille." L'orage cesse, les vagues irritées s'apaisent. Les nuages se dissipent, et les étoiles apparaissent; la barque repose maintenant sur un lac tranquille. Alors, se tournant vers ses disciples, Jésus les censure disant: "Pourquoi avez-vous peur? Comment n'avez-vous point de foi?" VJC 250 4 Les disciples étaient muets d'étonnement; aucun ne rompait le silence; l'impétueux Pierre même n'essaya point d'exprimer la crainte respectueuse qui remplissait son coeur. Les barques qui avaient accompagné Jésus avaient été dans le même danger que celle des disciples. La terreur et finalement le désespoir s'étaient emparés des personnes qui les occupaient; mais au commandement de Jésus, la tranquillité succéda au tumulte. Toute crainte s'évanouit, car le danger était passé. La fureur de la tempête avait entraîné les barques les unes vers les autres, et tous avaient vu le miracle de Jésus. Après que la tempête fut calmée, ils chuchotaient entre eux: "Mais qui est celui-ci, que le vent même et la mer lui obéissent?" Jamais cette scène si imposante ne fut oubliée de ceux qui en avaient été témoins. Jamais son étonnante majesté ne manquera de remplir les enfants de Dieu de respect et de crainte. VJC 251 1 Lorsqu'il fut brusquement réveillé par les pêcheurs effrayés, le Sauveur n'avait aucune crainte pour lui-même, mais pour ses disciples qui ne s'étaient pas fiés à lui dans le danger. Il leur reprocha leur frayeur qui montrait leur peu de foi. Ils auraient dû s'adresser à lui à la première apparence de danger et il les aurait délivrés de leur détresse. Mais dans leurs efforts pour se sauver eux-mêmes, ils avaient oublié que Jésus était dans la barque. Combien de personnes, pendant les épreuves de la vie, ou au milieu des perplexités et des dangers, luttent seules contre le torrent de l'adversité, oubliant qu'il en est Un qui peut les aider. Elles se confient en leurs propres forces et en leur habileté, jusqu'à ce que, déconcertées et découragées, elles se souviennent de Jésus, et le prient humblement de les sauver. Quoiqu'il réprouve avec chagrin leur incrédulité et leur vaine confiance en leurs propres forces, il ne manque jamais d'entendre leurs cris et de leur accorder le secours dont elles ont besoin. VJC 251 2 Agité sur les vagues écumantes de la mer, le voyageur fatigué devrait se souvenir que Jésus était sur la mer dans un moment de semblable péril; que sa voix commanda à la terrible tempête de cesser; que les éléments déchaînés obéirent à son ordre, et que ses disciples fidèles furent sauvés. Lorsque les vagues se brisent contre notre barque chancelante, et que les éclairs nous révèlent les récifs qui menacent de nous détruire, nous pouvons nous souvenir que Jésus est dans la barque. Il entend notre cri d'angoisse et il n'abandonnera jamais ceux qui mettent en lui leur confiance. VJC 252 1 Que nous soyons sur la terre ou sur la mer, que nous dormions ou que nous veillons, si nous avons le Sauveur dans nos coeurs, il n'est pas besoin d'avoir peur. L'appel de la foi obtiendra toujours une réponse. Nous pouvons être repris parce que nous ne l'avons pas cherché au commencement de notre épreuve; mais cependant il acceptera nos humbles prières, fatigués comme nous le sommes dans nos efforts pour nous sauver nous-mêmes. La foi vivante dans le Rédempteur calmera l'océan de la vie, et il nous délivrera du danger, de la manière qu'il sait être la meilleure. ------------------------Chapitre 25 -- Les démoniaques VJC 253 1 La nuit pendant laquelle ils avaient traversé le lac était écoulée; Jésus et ses disciples étaient arrivés de bon matin à l'autre bord, avec ceux qui les avaient suivis à travers la mer. Mais à peine avaient-ils mis le pied sur la côte que deux hommes possédés d'un mauvais esprit coururent contre eux, comme s'ils eussent voulu les mettre en pièces.1 Ils traînaient après eux des chaînes qu'ils avaient brisées en s'échappant de leur prison. Ils se coupaient et se meurtrissaient avec des pierres tranchantes et d'autres instruments qui leur tombaient sous la main. Ils avaient eu pour demeure des sépulcres, et aucun voyageur ne pouvait passer en sécurité par ce chemin-là; car ils se seraient jetés sur lui avec la fureur des démons et l'auraient tué, s'ils avaient pu. Leurs visages farouches étaient encadrés d'une chevelure longue et ébouriffée qui les faisait plutôt ressembler à des bêtes sauvages qu'à des êtres humains. VJC 253 2 Lorsque les disciples et ceux qui les avaient suivis virent ces terribles démoniaques se précipiter sur eux, ils s'enfuirent épouvantés. Mais ils découvrirent bientôt que Jésus n'était pas avec eux, et se détournèrent pour voir ce qu'il était devenu. Ils le virent alors se tenant tranquillement où ils l'avaient laissé. Lui qui avait calmé la tempête, lui qui avait auparavant lutté contre Satan et qui l'avait vaincu, ne fuyait pas devant ces démons. Lorsque ces hommes, grinçant des dents et la bouche écumante, se furent approchés de lui à la distance de quelques pieds, Jésus leva cette main qui avait calmé les vagues de la mer, et ces hommes ne purent l'approcher davantage; ils se tenaient devant lui pleins de fureur, mais impuissants. VJC 254 1 Avec un ton d'autorité, il ordonna aux mauvais esprits de sortir d'eux. Les paroles de Jésus pénétrèrent assez l'esprit obscurci de ces hommes pour qu'ils pussent comprendre faiblement qu'il en était Un auprès d'eux, qui pouvait les délivrer des démons qui les tourmentaient. Ils tombèrent devant Jésus et l'adorèrent. Mais lorsqu'ils ouvrirent leur bouche pour réclamer sa miséricorde, le démon parla par eux et cria avec force: "Qu'y a-t-il entre toi et moi, Jésus, Fils du Dieu très-haut? Je te conjure par le nom de Dieu de ne me point tourmenter." VJC 254 2 Jésus lui demanda: "Comment t'appelles-tu? et il répondit: Je m'appelle Légion; car nous sommes plusieurs." Se servant de ces hommes affligés comme moyen de communication entre eux et Jésus, ils le prièrent de ne point les envoyer hors de la contrée, mais de leur permettre d'entrer dans un troupeau de pourceaux qui paissaient près de là. Jésus le leur permit; mais à peine cela fut-il arrivé, que le troupeau se précipita de la pente escarpée et se noya dans la mer. La lumière se fit dans l'esprit des démoniaques guéris. Leurs yeux brillaient d'une intelligence à laquelle ils avaient longtemps été étrangers. Leurs visages si longtemps semblables à l'image de Satan, prirent tout à coup une expression de douceur; leurs mains tachées de sang se calmèrent, et ils louèrent le Seigneur qui les avait délivrés de la servitude des démons. VJC 254 3 Le dessein de Satan, en demandant que les démons pussent entrer dans les pourceaux était de mettre obstacle à l'oeuvre de Jésus dans cette contrée. La destruction des pourceaux causa une perte considérable aux propriétaires; et l'ennemi ne se trompa point en pensant que cette circonstance serait défavorable à Jésus parmi ce peuple. Ceux qui paissaient les pourceaux avaient vu avec étonnement tout ce qui s'était passé. Ils avaient vu les démoniaques tout à coup calmes et de sens rassis; ils avaient vu tout le troupeau de pourceaux se précipiter dans la mer où ils furent immédiatement noyés. Ils étaient obligés de rendre compte de leur perte aux propriétaires, et ils coururent immédiatement en porter la nouvelle dans la ville et par la campagne. La destruction des pourceaux parut aux propriétaires d'une importance beaucoup plus grande que le fait réjouissant des deux lunatiques rendus à la raison, et qui ne feraient plus courir de dangers aux gens qui passaient sur leur chemin. VJC 255 1 Ces hommes égoïstes ne se souciaient point de ce que ces infortunés eussent été délivrés et fussent assis calmement aux pieds de Jésus, le coeur plein de reconnaissance, écoutant ses divines paroles, et glorifiant le nom de celui qui les avait guéris. Ils n'avaient de soucis pour autre chose que pour les pourceaux qu'ils avaient perdus, et ils craignaient que la présence de cet étranger au milieu d'eux ne leur amenât de plus grandes calamités. Une panique se répandit au près et au loin; les gens de cette contrée craignirent la ruine totale de leur commerce. Une foule vint à Jésus, déplorant la perte récente de leurs troupeaux. Ils regardaient avec indifférence les lunatiques qui avaient recouvré la raison, et qui conversaient intelligemment avec Jésus. Ils les connaissaient parfaitement bien, car ils avaient été pendant longtemps la terreur de la contrée. Mais la guérison miraculeuse de ces hommes leur paraissait de moindre importance que leurs propres intérêts égoïstes. Ils étaient alarmés et mécontents de leur perte, et la perspective de voir Jésus au milieu d'eux les remplissait de crainte. Ils le prièrent de se retirer de leurs quartiers. Le Sauveur leur accorda leur demande et entra immédiatement dans une barque avec ses disciples, les abandonnant à leur avarice et à leur incrédulité. VJC 255 2 Les habitants de ce pays avaient eu des preuves visibles du pouvoir et de la miséricorde de celui qu'ils chassaient. Ils virent que les lunatiques avaient été rendus à la raison; mais ils craignaient tellement de subir des pertes pécuniaires, que le Sauveur qui avait, devant leurs yeux, vaincu le prince des ténèbres, fut traité comme un intrus fâcheux, et qu'ils éconduisirent celui qui venait du ciel, rejetant aveuglément sa visite miséricordieuse. Nous n'avons pas l'occasion de nous détourner de la personne de Christ comme le firent les Gadaréniens; mais il est beaucoup de gens de nos jours qui refusent de suivre ses enseignements, parce qu'en faisant cela ils devraient sacrifier quelques intérêts mondains. Plusieurs, dans la poursuite de différents intérêts terrestres, détournent Jésus de leur coeur, craignant que sa présence ne leur coûte quelques pertes pécuniaires. Semblables aux égoïstes Gadaréniens, ils méprisent sa grâce et éloignent aveuglément son Esprit. C'est à eux que s'appliquent ces paroles: "Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon." VJC 256 1 Quelques personnes pourraient dire sans doute que la conduite de Jésus, dans cette occasion, empêcha le peuple de cette contrée de recevoir sa doctrine; que cette démonstration effrayante de sa puissance les détourna de ses enseignements et les éloigna de son influence. Mais ces esprits ne pénètrent point les desseins de Christ. Au moment où les Gadaréniens prièrent Jésus de quitter leurs quartiers, les lunatiques guéris le prièrent aussi qu'il leur fût permis d'accompagner leur Sauveur. En sa présence, ils se sentaient à l'abri des démons qui les avaient tourmentés, et qui avaient ruiné leur vie précédente. Se tenant près de lui au moment où il allait entrer dans la barque, ils se jetèrent à ses pieds et le supplièrent de les prendre avec lui et de les instruire dans sa vérité. Mais Jésus leur ordonna de s'en retourner chez eux, vers leurs amis, pour leur dire les grandes choses qu'il avait faites en leur faveur. VJC 256 2 Ils avaient là une oeuvre à faire: c'était d'aller dans leur patrie païenne et de faire part à leurs parents et amis de la lumière qu'ils avaient reçue de Jésus. Ils peuvent avoir insisté en disant que c'était une grande épreuve pour eux d'être séparés de leur Bienfaiteur, alors qu'ils avaient si peu d'expérience, et qu'il leur paraissait plus conforme à leurs sentiments de demeurer avec lui, que d'être exposés aux épreuves et aux difficultés qu'ils étaient sûrs de rencontrer en faisant ce que Jésus leur commandait. Ils auraient pu alléguer aussi que leur long isolement de la société les avait rendus impropres à la tâche qui leur était donnée. VJC 256 3 Mais au lieu de cela, aussitôt que Jésus leur eut indiqué leur devoir, ils se préparèrent à l'accomplir. Non seulement ils éclairèrent leurs parents et leurs voisins concernant Jésus, mais ils proclamèrent sa puissance à travers tout le pays de Décapolis, parmi les gentils, leur racontant l'oeuvre merveilleuse que Christ avait accomplie en leur faveur en chassant les démons. Le peuple de ces quartiers avait refusé de recevoir le Sauveur parce qu'il avait été la cause de la perte de leurs pourceaux. Cependant ils ne furent pas laissés entièrement dans les ténèbres; comme ils ne l'avaient pas encore ouï parler lorsqu'ils le prièrent de quitter leur contrée, ils n'étaient pas coupables d'avoir rejeté sa doctrine. La parole de vie qui n'a pas retenti à leurs oreilles doit leur être annoncée. Aussi chargea-t-il ceux qui avaient été récemment les instruments de Satan, de communiquer la lumière qu'ils avaient reçue à ce peuple plongé dans les ténèbres. Ceux qui avaient été peu avant les représentants du prince des ténèbres étaient convertis en messagers de vérité, en serviteurs du Fils de Dieu. VJC 257 1 Ceux qui entendaient ces étonnantes nouvelles étaient émerveillés. Leur intérêt pour ces choses était éveillé et ils étaient désireux d'avoir part au royaume dont Jésus parlait. Rien n'aurait pu réveiller le peuple de cette contrée aussi fortement que ne le fit le miracle qui se fit au milieu d'eux. Ils ne s'étaient intéressés jusque-là que des avantages de ce monde, et avaient bien peu pensé à leurs intérêts éternels. Jésus avait plus souci de leur bonheur réel qu'ils n'en avaient eux-mêmes. Il avait accordé ce que le malin esprit demandait, et le résultat avait été la destruction de leurs biens. Cette perte avait soulevé l'indignation du peuple et directement attiré l'attention du public sur Jésus. Quoiqu'ils le priassent de s'éloigner d'eux, ils virent et entendirent pourtant les hommes qu'il avait guéris. Lorsque ces personnes qui avaient été la terreur de la contrée devinrent des messagers de vérité, et prêchèrent le salut en Jésus, ils exercèrent une puissante influence pour convaincre le peuple de cette région, que Jésus était le Fils de Dieu. VJC 257 2 Les Gadaréniens renvoyèrent Jésus de leurs quartiers parce qu'ils craignaient de perdre encore de leurs biens, lors même que ceux qui avaient passé le lac avec Jésus leur racontassent les dangers de la nuit précédente et le miracle accompli par le Sauveur qui avait calmé la tempête. Leurs yeux, aveuglés par la mondanité, ne voyaient que la grandeur de leur perte. Ils ne prirent pas en considération l'avantage d'avoir parmi eux celui qui pouvait commander aux éléments mêmes; par un signe de sa main, faire sortir les démons; guérir les malades et les idiots d'un mot ou d'un faible attouchement. Ils avaient au milieu d'eux la preuve visible de la puissance de Satan. Le Prince de la lumière et le prince des ténèbres s'étaient rencontrés, et tous ceux qui étaient présents furent témoins de la suprématie du premier sur le second. Pourtant, malgré tout ce qu'ils avaient vu et entendu, ils prièrent le Fils de Dieu de se retirer de leurs quartiers. Ce souhait fut accompli, et Christ s'éloigna, car jamais il n'impose sa présence où il n'est point le bienvenu. VJC 258 1 Satan est le dieu de ce monde; il exerce son influence en pervertissant les facultés, en poussant l'esprit humain au mal, et en entraînant ses victimes à la violence et aux crimes. Il sème la discorde et obscurcit l'intelligence. L'oeuvre de Christ est de briser le pouvoir qu'il a sur les enfants des hommes. Toutefois combien de personnes, dans les différentes circonstances de la vie, dans leurs familles, dans les transactions d'affaires et dans l'Eglise, ferment la porte à Jésus, pour laisser entrer l'odieux ennemi! VJC 258 2 Il n'est pas étonnant que la violence et le crime soient répandus sur la terre, et que des ténèbres morales, semblables au voile de la mort, envahissent les cités et les habitations des hommes. Satan dirige bien des ménages, bien des sociétés, et même des églises. Il surveille diligemment notre état moral, et il introduit ses tentations spécieuses, ayant soin de pousser les hommes à des péchés de plus en plus grands, jusqu'à ce qu'ils soient entièrement dépravés. La seule sûreté contre ses desseins est de veiller et de prier; car, dans les derniers jours, il rôde autour de nous comme un lion rugissant, cherchant qui il pourra dévorer. La présence de Jésus est une sauvegarde contre ses avances. Le Soleil de Justice découvre la hideuse noirceur de l'ennemi des âmes qui fuit la présence divine. VJC 258 3 Beaucoup de soi-disant chrétiens de nos jours bannissent Jésus loin d'eux par amour de gain mondain. Ils n'emploient pas exactement les paroles des Gadaréniens, mais leurs actes indiquent clairement que dans les diverses affaires qui les occupent, ils ne désirent pas sa présence. Ils élèvent le monde au-dessus de sa miséricorde. L'amour du gain étouffe l'amour de Christ. Ils ne prennent pas garde à ses enseignements, ils méprisent ses reproches. Par leur mauvaise foi et leur avarice, ils prient virtuellement le Sauveur de s'éloigner d'eux. ------------------------Chapitre 26 -- La fille de Jaïrus VJC 259 1 Lorsque Jésus repassa le lac avec ses disciples, une grande foule l'attendait pour le recevoir, et il fut accueilli avec beaucoup de joie. La nouvelle de sa venue s'étant répandue aux alentours, le peuple se rassembla en grand nombre pour écouter ses enseignements. Il y avait des riches et des pauvres, des grands et des petits, des pharisiens et des docteurs de la loi, tous désireux d'entendre ses paroles et de voir ses miracles. Comme d'habitude, il y avait plusieurs malades et des gens affligés de plusieurs infirmités qui imploraient sa miséricorde en leur faveur. VJC 259 2 A la fin, abattu, et fatigué d'enseigner et de guérir, Jésus quitta la foule afin de prendre quelque nourriture dans la maison de Lévi. Mais le peuple assiégeait la porte, apportant les malades, les estropiés et les lunatiques, afin qu'il les guérît. Comme il était à table, un des chefs de la synagogue, nommé Jaïrus, vint; et l'ayant vu, il se jeta à ses pieds; et il le pria instamment, disant:1 "Ma petite fille est à l'extrémité: je te prie de venir lui imposer les mains, et elle sera guérie, et elle vivra." VJC 259 3 Le père était dans une grande détresse, car son enfant avait été abandonnée par les plus habiles médecins. Jésus répondit immédiatement à la prière de ce père affligé, et se rendit avec lui dans sa maison. Les disciples étaient surpris de voir la complaisance avec laquelle Jésus répondait à la requête de ce chef hautain. Quoique la distance fût très courte, ils n'avançaient que très lentement, car le peuple les pressait de tous côtés, désireux de voir ce grand prophète qui avait tellement excité l'intérêt du peuple, réclamant son attention et son aide. Le père en détresse se frayait un chemin dans la foule, craignant d'arriver trop tard. Mais Jésus, ayant pitié du peuple et déplorant leurs ténèbres spirituelles et leurs maladies physiques, s'arrêtait de temps à autre pour répondre à leurs besoins. Il était quelquefois soulevé par la masse compacte du peuple qui le pressait de tous côtés. VJC 260 1 Il y avait parmi cette foule une pauvre femme qui souffrait depuis douze longues années d'une maladie qui faisait de sa vie un fardeau. C'est en vain qu'elle avait dépensé tout son bien pour payer médecins et remèdes, en vue d'obtenir la guérison de sa douloureuse maladie; elle avait été déclarée incurable, et était abandonnée des médecins. Mais en entendant parler des cures merveilleuses que Jésus opérait, son espérance se réveilla. Elle crut que si elle pouvait s'approcher de lui, il aurait pitié d'elle et la guérirait. Souffrant de douleur et de faiblesse, elle vint au bord de la mer où il prêchait, et chercha à percer la foule qui l'entourait. Mais son chemin était continuellement obstrué par la foule. Elle commençait à désespérer de pouvoir s'approcher de lui, lorsque Jésus, frayant son chemin à travers la multitude, s'approcha de l'endroit où elle était. VJC 260 2 L'occasion favorable était venue, elle était en présence du grand Médecin! Mais au milieu de la confusion, elle ne pouvait se faire entendre de lui, ni espérer davantage que l'entrevoir un instant. Craignant de perdre la seule chance de guérison qui s'offrait ainsi, elle se précipita en avant se disant en elle-même: Si je touche seulement le bord de son vêtement, je serai guérie. Au moment où il passait, elle saisit l'occasion pour avancer sa main, et toucha simplement le bord de son vêtement. En ce moment même, elle se sentit guérie de sa maladie. Instantanément, la santé et la force remplacèrent en elle la faiblesse et la douleur. Elle avait concentré toute la foi de sa vie dans ce seul attouchement qui la guérit. VJC 260 3 Le coeur reconnaissant, elle chercha alors à se retirer discrètement de la foule; mais tout à coup Jésus s'arrêta, et tout le peuple, suivant son exemple, s'arrêta aussi. Christ se retourna, et, regardant d'un oeil pénétrant autour de lui, il demanda d'une voix que tous purent entendre distinctement: "Qui est-ce qui m'a touché?" Le peuple répondit à cette demande par un regard de profond étonnement. Poussé de tous côtés, et pressé comme il l'était, la question semblait vraiment singulière. Pierre revenant de sa surprise, et toujours prêt à parler, dit: "Maître! la foule t'environne et te presse, et tu dis: Qui est-ce qui m'a touché? Mais Jésus dit: Quelqu'un m'a touché; car j'ai senti qu'une vertu est sortie de moi."1 Le Sauveur pouvait distinguer l'attouchement de la foi d'avec le contact accidentel d'une foule insouciante. Il connaissait toutes les circonstances du cas; il ne voulait pas laisser passer une telle foi et une telle confiance sans les remarquer. Il voulait adresser à l'humble femme des paroles de consolation qui seraient pour elle une source de joie. VJC 261 1 Regardant la femme, Jésus persista à demander qui l'avait touché. Voyant qu'elle ne pouvait point cacher ce qu'elle avait fait, elle s'avança en tremblant et se jeta à ses pieds. Par devant la foule, elle raconta à Jésus le simple récit de ses longues et pénibles souffrances et la guérison subite qu'elle avait éprouvée en touchant le bord de son vêtement Ses paroles étaient interrompues par des larmes de reconnaissance, car elle éprouvait la joie d'une parfaite santé qui lui avait été étrangère pendant douze pénibles années. Au lieu d'être irrité de ce qu'elle avait fait, Jésus loue son action en disant: "Ma fille, rassure-toi, ta foi t'a guérie; va-t'en en paix." Par ces paroles, il apprit à tous ceux qui étaient présents qu'il n'y avait aucune vertu dans le simple acte de toucher son vêtement qui eût pu accomplir cette guérison, mais seulement dans la puissance de la foi faisant appel à son secours divin. VJC 261 2 La véritable foi du chrétien est représentée dans cette femme. Il n'est point nécessaire à l'exercice de la foi que les sentiments soient surexcités à un haut diapason; il n'est point nécessaire non plus, pour attirer l'attention du Seigneur, que nos prières soient faites avec bruit ou accompagnées de gestes. Il est vrai que Satan crée souvent dans le coeur du suppliant une telle lutte de doutes et de tentations que de grands cris et des larmes s'échappent involontairement; et il est aussi vrai que le sentiment du péché est quelquefois si grand, qu'une repentance proportionnée à son péché lui fait éprouver parfois de telles douleurs, que le pénitent laisse échapper des cris et des gémissements que le Sauveur compatissant écoute avec pitié. Mais Jésus ne manque point de répondre à la prière silencieuse de la foi. Celui qui prend simplement Dieu au mot et qui se met en rapport avec le Sauveur, recevra sa bénédiction en retour. VJC 262 1 La foi est simple dans son opération et puissante dans ses résultats. Il est beaucoup de chrétiens de profession ayant une connaissance de la Parole sacrée et croyant sa vérité, qui manquent de cette confiance enfantine si essentielle à la religion de Christ. Ils n'ont point l'élan et le toucher particulier qui apportent à l'âme la vertu de la guérison. Ils permettent que le doute se glisse dans leur coeur et détruise leur confiance. Celui qui attend d'avoir une connaissance parfaite avant de pouvoir exercer sa foi ne sera jamais béni de Dieu. "La foi est une vive représentation des choses qu'on espère, et une démonstration de celles qu'on ne voit point."1 VJC 262 2 Cette femme malade crut que Jésus pouvait la guérir, et plus son esprit s'attachait à cette espérance, plus elle avait la conviction qu'elle le serait, si elle pouvait seulement toucher le bord de son vêtement. En réponse à sa foi inébranlable, la vertu de la puissance divine exauça sa prière. Ceci est une leçon d'encouragement à l'âme souillée par le péché. Comme Jésus agit avec les infirmités corporelles, ainsi il agira envers l'âme repentante qui s'adresse à lui. Le toucher de la foi apportera le pardon désiré qui remplit l'âme de gratitude et de joie. VJC 262 3 Le délai de Jésus avait eu un résultat tellement intéressant que même Jaïrus avait considéré cette scène sans impatience et avec grand intérêt. Comme la femme qui avait été guérie s'en allait fortifiée et réjouie, cela l'encouragea à croire plus fermement que Jésus était capable d'exaucer sa propre prière, et de guérir sa fille. Son espérance grandissait de plus en plus dans son coeur, et il pria le Sauveur de se hâter de se rendre chez lui. Mais comme ils se remettaient en chemin, un messager traversa la foule pour s'approcher de Jaïrus, apportant la nouvelle que sa fille était morte, et qu'il était inutile de fatiguer davantage le Maître. L'oreille compatissante de Jésus saisit les paroles qui firent tressaillir le coeur du père comme un glas funèbre anéantissant son espérance. Le Sauveur fut rempli de pitié envers ce père douloureusement frappé. Il lui dit dans sa divine compassion: "Ne crains point; crois seulement, et elle sera guérie." VJC 263 1 Entendant ces paroles d'espérance, Jaïrus se rapprocha de Jésus, et ils se hâtèrent de se rendre dans la maison du gouverneur. Christ ne permit à personne d'entrer avec lui dans la chambre où l'enfant morte était couchée, sinon à quelques-uns de ses plus fidèles disciples et aux parents eux-mêmes. Les pleureuses affectaient de s'affliger amèrement; il les reprit, disant: "Ne pleurez point; elle n'est pas morte, mais elle dort." Les femmes qui, suivant la coutume du pays, étaient employées pour figurer un grand chagrin, furent indignées de cette remarque, faite par un humble étranger; elles se mirent à demander par quelle autorité cette personne leur commandait de cesser de se lamenter pour la jeune fille, et prétendait qu'elle vivait encore. Elles avaient vu l'effet de la mort changer l'enfant vivant en un corps sans vie et sans mouvement; elles se moquèrent des paroles de Jésus et quittèrent la chambre à son commandement. VJC 263 2 Accompagné du père et de la mère, de Pierre, Jacques et Jean, le Sauveur s'approcha du lit, et, prenant la main de l'enfant dans la sienne, il prononça doucement dans le langage de la famille ces paroles: "Ma fille, lève-toi." Immédiatement un frémissement parcourut tout son corps. Les pulsations de la vie commencèrent de nouveau à battre dans leurs canaux violacés; les lèvres pâlies s'ouvrirent avec un sourire; la poitrine se souleva sous le souffle de la vie; les paupières s'ouvrirent largement, comme après le sommeil, et les yeux noirs de la jeune fille se promenèrent autour d'elle avec étonnement. La jeune fille se leva affaiblie par sa longue maladie, mais complétement guérie. Elle marchait doucement à travers la chambre tandis que ses parents pleuraient de joie. Jésus leur commanda de lui donner à manger, et défendit à ceux qui étaient dans la maison de dire ce qui était arrivé. Mais malgré sa recommandation, la nouvelle se répandit de tous côtés qu'il avait ramené un mort à la vie. Un grand nombre de personnes étaient présentes lorsque l'enfant mourut, et quand elles la virent de nouveau en vie et en bonne santé, il fut impossible de les empêcher de parler de cette oeuvre merveilleuse accomplie par le grand Médecin. ------------------------Chapitre 27 -- Multiplication des pains VJC 265 1 Pour jouir lui-même d'un moment de repos ainsi que pour l'avantage de ses disciples, Jésus se proposa d'aller dans un lieu désert, afin d'y trouver un moment de tranquillité.1 Comme il y avait des lieux convenables à la retraite au delà du lac, en face de Capernaüm, ils prirent une barque pour s'y rendre. Mais quelques personnes qui cherchaient Jésus, le virent quitter la côte, et la foule se réunit pour voir partir la barque qui s'éloignait lentement. La nouvelle que Jésus traversait le lac se répandit de ville en ville, et beaucoup de gens qui désiraient le voir et l'entendre, se rendirent en hâte au lieu ou l'on pensait que Jésus débarquerait, pendant que d'autres le suivaient à travers le lac, dans des nacelles, de sorte que lorsque Jésus et ses disciples arrivèrent à bord, ils se trouvèrent enveloppés d'une multitude de gens accourant de tous côtés pour les rejoindre. VJC 265 2 Des centaines de malades et d'estropiés avaient été apportés à Jésus pour qu'il les guérît, et on les avait déposés sur le gazon afin d'attirer son attention. La foule avait attendu sa venue avec une grande anxiété, et leur nombre augmentait continuellement. Le Sauveur ne put trouver là le repos qu'il cherchait, car la multitude qui l'attendait réclamait son attention; leurs peines et leurs besoins excitaient sa sympathie et son aide immédiates. Il ne pouvait s'en aller avec ses disciples pour trouver la retraite désirée, et désappointer le peuple dans son attente. Toutes les maladies étaient représentées par les malades qui réclamaient son attention. Les uns, dévorés par la fièvre, étaient inconscients des craintes de ceux qui les soignaient; il y avait là des sourds, des aveugles, des paralytiques, des estropiés et des lunatiques. Le coeur de Christ s'émut de compassion en voyant cette foule de malheureux. VJC 266 1 Il était tellement pressé par la multitude, qu'il se retira un peu à l'écart, sur une petite éminence couverte d'herbe, d'où il pouvait être vu et entendu par tout le peuple. Il les enseigna ainsi tout le jour, et guérit tous les malades et les affligés qu'on lui amena. Ceux dont la croyance était confuse et obscure, et qui cherchaient depuis longtemps une doctrine intelligente qui les délivrât de leur incertitude, virent les ténèbres de leur esprit dissipées par les rayons de justice qui émanaient de la présence de Christ, et étaient sous le charme de la simplicité des vérités qu'il enseignait. VJC 266 2 Son discours était souvent interrompu par le délire frénétique de quelque pauvre fiévreux, ou les cris perçants des lunatiques amenés au Sauveur par des amis qui cherchaient à percer la foule. Ses paroles de sagesse étaient souvent perdues également dans les cris de triomphe poussés par les victimes de maladies incurables, recouvrant tout à coup la santé et la force. Le grand Médecin se soumettait patiemment à ces interruptions, et parlait à tous avec calme et bonté. Il était venu de l'autre côté du lac parce qu'il était fatigué, mais voici qu'il y trouve plus de cas pressants réclamant son attention que dans le lieu qu'il avait quitté secrètement. VJC 266 3 A la fin, le jour baissait, le soleil descendait du côté de l'occident, et pourtant le peuple tardait à se retirer. Beaucoup de gens avaient dû parcourir plusieurs kilomètres pour venir entendre les paroles de Jésus, et n'avaient rien mangé de tout le jour. Le Maître avait travaillé tout le temps sans nourriture ni repos, et les disciples, le voyant pâle et épuisé par la fatigue et la faim, le prièrent de se reposer de ses labeurs et de prendre quelques rafraîchissements. Leurs supplications étant sans effet, ils se consultèrent pour savoir comment ils pourraient arriver à l'éloigner de la foule qui le pressait, craignant qu'il ne mourût de fatigue. Deux disciples, saisissant par les bras leur Maître bien-aimé, cherchèrent doucement à l'éloigner de la foule. Mais il refusa de quitter la place. Son oeuvre était pressante; chacun de ceux qui recouraient à son aide pensait que son cas était le plus urgent. La foule se pressait autour du Sauveur; ils le poussaient à droite et à gauche; et, dans leurs efforts à s'approcher plus près de lui, ils se foulaient les uns les autres. VJC 267 1 Jésus, voyant tout cela, fit signe à Pierre qui était dans la barque de s'approcher, Le disciple obéit à ce signal et approcha de la côte. Jésus traversa la foule et entra dans le bateau, en priant Pierre de s'éloigner un peu du rivage. Alors, assis dans la barque d'un pêcheur, assez près de la foule pour en être vu et entendu, il acheva ce jour long et fatigant, en leur annonçant de précieuses vérités. Le Fils de Dieu, en quittant la cour royale du ciel, ne s'assied point sur le trône de David: c'est sur le siége chancelant d'un bateau de pêcheurs qu'il prononce les discours de l'éternelle sagesse, discours qui devaient être immortalisés dans l'esprit de ses disciples, et donnés au monde comme un legs du Très-Haut. VJC 267 2 Comme le soleil se couchait, Jésus vit devant lui cinq mille hommes, outre les femmes et les enfants, qui avaient été tout le jour sans nourriture. Il demanda à Philippe où l'on pourrait avoir du pain pour un si grand nombre de personnes, afin qu'ils ne s'en retournassent pas à jeûn, et ne défaillissent pas en chemin. Il dit cela pour éprouver la foi de ses disciples, car il n'était point embarrassé de leur procurer de la nourriture. Lui qui n'avait pas voulu faire un miracle pour apaiser sa faim dans le désert, ne voulut pas laisser souffrir la multitude faute de pain. Philippe regarda l'océan de têtes qui s'étendait devant lui, et pensa qu'il serait impossible de trouver assez de nourriture pour satisfaire aux besoins d'une telle multitude de gens. Il répondit que deux cents deniers ne suffiraient pas pour donner à chacun, ne serait-ce qu'un peu de pain. Jésus demanda combien de pains l'on pourrait trouver parmi eux. On lui dit qu'ils avaient découvert un garçon qui avait avec lui cinq pains d'orge et deux petits poissons. Mais ce n'était rien pour tant de gens, et ils se trouvaient dans un lieu désert où il n'était pas possible d'en obtenir davantage. VJC 268 1 Jésus commanda qu'on lui apportât cette maigre provision. La chose faite, il ordonna à ses disciples de faire asseoir le peuple sur l'herbe par troupes de cinquantaines, afin de conserver l'ordre, et de les rendre tous témoins du miracle qu'il allait accomplir. Cet arrangement de cinq mille hommes en compagnie, fut à la fin accompli d'une manière satisfaisante, et ils se trouvèrent tous assis en présence du Sauveur. Il prit alors les pains et les poissons, et ayant rendu grâce, il les distribua à ses disciples qui les passèrent à la multitude en quantité suffisante pour satisfaire leur appétit. VJC 268 2 Le peuple s'était rangé dans l'ordre exigé, s'étonnant de ce qui allait avoir lieu; mais leur surprise ne connut plus de bornes, lorsque le problème fut résolu, et qu'ils virent sortir d'un fragile panier qui eût à peine pu en contenir pour quelques personnes, une abondance de nourriture distribuée à toute cette vaste assemblée. Le pain ne diminuait pas à mesure que Jésus le passait à ses disciples qui, à leur tour, servaient le peuple. Aussi souvent qu'ils venaient auprès de lui pour renouveler leur provision, ils retournaient chargés de pain. Après que tous furent rassasiés, il commanda aux disciples de recueillir les morceaux afin que rien ne fût perdu, et les fragments recueillis remplirent douze corbeilles. VJC 268 3 Pendant ce remarquable repas, beaucoup de ceux qui étaient si miraculeusement servis réfléchissaient sérieusement. Ils avaient suivi Jésus pour écouter des paroles telles qu'il n'en était jamais venu à leurs oreilles. Ses enseignements étaient entrés dans leurs coeurs. Il avait guéri leurs malades, avait consolé les affligés, et enfin, plutôt que de les renvoyer affamés, il les avait abondamment rassasiés. Sa pure et simple doctrine s'était emparée de leurs esprits, et sa tendre bienveillance avait gagné leurs coeurs. Pendant qu'ils prenaient la nourriture qu'il leur avait fournie, ils se convainquirent que c'était bien en réalité le Messie. Aucun autre n'aurait pu faire un si puissant miracle. Aucun pouvoir humain n'eût pu créer avec cinq pains d'orge et deux petits poissons, de la nourriture suffisante pour rassasier des milliers de personnes affamées. Ses enseignements et les guérisons qu'il avait opérées les avaient déjà à peu près convaincus de sa divinité, et ce miracle avait mis le sceau à leur persuasion. VJC 269 1 Ils croient que c'est le Prince de la vie, le Libérateur promis au peuple juif. Ils remarquent qu'il ne cherche point les applaudissements du peuple. En cela il est essentiellement différent des principaux sacrificateurs et des gouverneurs qui recherchaient les titres et les honneurs humains. Ils craignent qu'il ne réclame jamais le titre de roi d'Israël, et ne prenne point sa place sur le trône de David à Jérusalem. Mais ils décident de réclamer pour lui ce qu'il ne veut pas faire. Ils n'ont pas besoin de plus grande preuve de sa puissance divine, et ils n'en veulent point attendre d'autre. Ils se consultent tranquillement entre eux, et s'arrangent à le prendre par la force, à le porter ensuite sur leurs épaules, et à le proclamer roi d'Israël. Les disciples s'unissent au peuple pour déclarer que le trône de David est le juste héritage de leur Maître, et que les prêtres arrogants et les gouverneurs doivent être humiliés et forcés de rendre honneur à celui qui vient revêtu de l'autorité de Dieu. Ils commencent à préparer les moyens d'accomplir leurs desseins; mais Jésus connaît ce plan qui, s'il est suivi, détruira l'oeuvre même qu'il est venu accomplir, et mettra fin à son instruction et à ses oeuvres de miséricorde et d'amour. VJC 269 2 Déjà les prêtres et les principaux le regardent comme celui qui a détourné d'eux le peuple pour se l'attacher. Déjà ils redoutent tellement son influence croissante au milieu d'eux, qu'ils cherchent à lui ôter la vie. Jésus sait que sa proclamation comme roi d'Israël serait suivie de trouble et de révolution. Il n'est pas venu au monde pour établir un royaume temporel; son royaume, comme il l'a déclaré, n'est pas de ce monde. Le peuple ne s'aperçoit pas des dangers qui résulteront du mouvement qu'ils ont en vue; mais l'oeil calme de la sagesse divine découvre le mal, quelque invisible qu'il soit. Jésus voit que le moment est venu de changer le cours des sentiments du peuple. Il appelle ses disciples auprès de lui, leur dit de reprendre immédiatement leur barque et de s'en retourner à Capernaüm, lui laissant le soin de congédier le peuple, leur promettant d'aller les rejoindre ce même soir, ou le matin suivant. Les disciples ne sont pas disposés à se soumettre à cet arrangement. Ils désirent que Jésus reçoive selon ses mérites réels, et qu'il soit élevé au-dessus des persécutions des prêtres et des gouverneurs. Il leur semble que le moment favorable est arrivé, où par la voix unanime du peuple, Christ doit être élevé à sa vraie dignité. VJC 270 1 Ils ne peuvent se réconcilier avec la pensée que tout cet enthousiasme n'aboutira à rien. Le peuple s'assemblait de tous côtés pour célébrer la Pâque à Jérusalem. Ils désiraient tous voir le grand prophète dont la renommée s'était répandue dans tout le pays. Ceci paraissait aux fidèles disciples de Jésus une occasion favorable pour établir leur Maître bien-aimé comme roi d'Israël. Il leur semblait bien dur, dans l'ardeur de cette nouvelle ambition, de s'en aller seuls, et de laisser leur Maître sur cette côte désolée, entourée de montagnes hautes et dénudées. VJC 270 2 Ils s'opposent à cet arrangement; mais Jésus tient ferme à sa décision, et leur commande de suivre ses directions avec une autorité qu'il n'a jamais prise avec eux jusqu'alors. Ils obéissent en silence. Jésus se tourne alors vers la multitude; il voit qu'ils sont entièrement décidés à le forcer à devenir leur roi. Leurs mouvements doivent être arrêtés immédiatement. Les disciples étaient déjà partis, et se tenant alors devant eux avec une grande dignité, il les congédie d'une manière si ferme et si décidée, qu'ils n'osent pas désobéir à ses ordres. Leurs paroles de louange et d'exaltation expirent sur leurs lèvres. Ils sont arrêtés au moment même où ils s'avancent pour le saisir; et leurs regards vifs et joyeux s'attristent. Il y avait là des hommes à l'esprit décidé, et fermes dans leurs déterminations; mais les manières royales de Jésus, et ses quelques paroles de paisible autorité apaisent le tumulte en un moment, et renversent tous leurs desseins. Semblables à des enfants doux et soumis, ils obéissent au commandement de leur Seigneur, se soumettant humblement et sans murmure à une puissance qu'ils reconnaissent au-dessus de toute autorité humaine. VJC 271 3 Jésus regardait avec une tendre compassion la foule qui se retirait. Il sentait qu'ils étaient comme des brebis sans pasteur. Les prêtres, qui auraient dû être des conducteurs en Israël, n'étaient que des automates accomplissant des cérémonies qui ne signifiaient rien, et répétant la loi qu'ils ne comprenaient et ne pratiquaient pas eux-mêmes. Le Sauveur était rempli de pitié pour ses disciples. Les enseignements et l'exemple des anciens et des gouverneurs avaient contribué à aveugler les esprits concernant le but réel de sa mission, les engageant à attendre un royaume temporel qui devait être la délivrance des Juifs. Leurs pensées étaient occupées de choses mondaines et temporelles. Jésus cherchait dans toutes ses leçons à leur faire adopter des conceptions plus larges, plus nobles et plus spirituelles concernant son oeuvre et son royaume. Il cherchait à leur démontrer le contraste existant entre ce qui est spirituel et éternel, et ce qui est terrestre et temporel. Mais avec toutes les influences opposées dont ils étaient environnés et les ténèbres qui enveloppaient encore leurs esprits, c'était une tâche difficile, même pour le Rédempteur du monde. VJC 271 1 Lorsque Jésus fut seul, il gravit la montagne, et là, pendant plusieurs heures, prosterné devant son Père, il répandit en supplications et en larmes amères l'agonie de son coeur. Ses prières ardentes étaient non pour lui-même, mais pour l'humanité dépravée et perdue sans la grâce rédemptrice. C'était pour les hommes que le Fils de Dieu luttait avec son Père. VJC 271 2 Il intercédait pour obtenir le pouvoir de révéler aux hommes le divin caractère de sa mission, afin que Satan ne pût aveugler leur influence et troubler leur jugement Il savait que sans la puissance vivifiante du Saint-Esprit pour agrandir et élever leur intelligence, ses propres disciples verraient leur foi défaillir. VJC 271 3 Jésus était douloureusement affecté de voir que leur conception de son royaume se bornait à des agrandissements mondains et à des honneurs temporels. Combien ses propres disciples eux-mêmes étaient loin de comprendre l'oeuvre de la rédemption. Jésus ne recherchait point la louange et les honneurs du monde. Il désirait qu'on le reçût comme un modèle, un Maître, un Sauveur, et non comme un roi temporel. Il aurait voulu voir le peuple lui rendre l'hommage d'une vie de justice, et reconnaître qu'il était venu avec le pouvoir de rompre les chaînes de Satan, de relever les hommes et de les ennoblir en les rattachant à Dieu. VJC 272 1 Christ savait que ses jours de travail sur la terre en faveur des hommes étaient comptés. Lui qui lisait les desseins des coeurs savait que, comparativement, très peu l'accepteraient comme leur Rédempteur, et se reconnaîtraient perdus sans son divin secours. Les Juifs rejetaient le secours même que Dieu leur avait envoyé pour les préserver d'une ruine complète. Ils rivaient les chaînes qui les liaient dans une nuit sans espoir. Ils attiraient avec certitude sur eux-mêmes la colère de Dieu par leur méchanceté aveugle et obstinée. De là le chagrin de Jésus, ses larmes et ses supplications pour son peuple plongé dans l'erreur, repoussant son amour qui voulait les protéger, et sa grâce qui voulait les sauver de la rétribution de leurs péchés. Une émotion profonde secoue tout son corps, tandis qu'il envisage avec clarté le sort du peuple qu'il est venu sauver. Dans chaque épreuve, il recourait à son Père céleste pour être secouru, et, dans ces entrevues secrètes, il recevait de nouvelles forces pour l'oeuvre qu'il avait à accomplir. VJC 272 2 Les chrétiens devraient suivre l'exemple de leur Sauveur, et rechercher par la prière la force qui doit les rendre capables de supporter les épreuves et de remplir les devoirs de la vie. La prière est l'arme du chrétien, la sauvegarde de son intégrité et de sa vertu. ------------------------Chapitre 28 -- Jésus marchant sur les eaux VJC 273 1 Pendant ce temps, les disciples étaient dans la détresse. Une tempête s'était élevée,1 et la mer était furieusement agitée. Toute la nuit ils n'avaient cessé de ramer, étant entraînés tantôt ci, tantôt là, par l'irrésistible puissance des vagues. La distance entre les deux rives n'était que de six milles, et en temps ordinaire, du lieu qu'ils avaient quitté, on pouvait atteindre le bord opposé en peu de temps; mais leur frêle embarcation, devenue le jouet de la tempête, était emportée toujours plus loin du port qu'ils cherchaient. VJC 273 2 Ils avaient quitté Jésus avec un certain mécontentement, et ils s'étaient embarqués en murmurant de ce que le voeu qu'ils avaient formé de voir leur Seigneur proclamé roi d'Israël, ne s'était pas réalisé. Ils se reprochaient de s'être laissés si facilement détourner de leur dessein en cédant si promptement aux ordres de Jésus. Ils pensaient en eux-mêmes que s'ils étaient restés et avaient persisté dans leur intention, ils auraient fini par l'emporter. VJC 273 3 Lorsque la tempête s'éleva, ils regrettèrent encore plus d'avoir quitté Jésus. Fussent-ils restés, le péril aurait été évité. C'était une grande épreuve pour leur foi. Dans les ténèbres de cette nuit orageuse, ils cherchaient à gagner le lieu où il leur avait promis de les rejoindre, mais le vent contraire les détournait de leur voie et rendait tous leurs efforts inutiles. C'étaient des hommes robustes et accoutumés à la mer; mais alors leurs coeurs étaient pleins d'effroi; ils désiraient ardemment la présence calme et imposante de leur Maître, et ils sentaient que s'il était avec eux, ils seraient en sûreté. VJC 274 1 L'incrédulité et l'amour de la gloire avaient obscurci l'intelligence des disciples. Ils savaient que les pharisiens méprisaient et haïssaient Jésus et leur ardent désir était de voir leur Maître occuper la position élevée qui lui était due. Etre associé à un Maître qui pouvait accomplir de si grands miracles, même ressusciter les morts, et pourtant le voir en butte aux moqueries et accusé d'être un séducteur, tout cela était une épreuve qu'ils avaient de la peine à endurer. Devrait-on toujours les regarder comme les disciples d'un faux prophète? Christ ne déclarerait-il donc point son autorité comme roi temporel? Pourquoi celui qui possédait une telle puissance ne pouvait-il point se révéler tel qu'il était et rendre leur vie moins pénible et moins embarrassante? C'est ainsi que les disciples déçus avaient raisonné en eux-mêmes jusqu'à être remplis de découragement. Ils étaient tombés dans les piéges de Satan, et étaient alors remplis de doutes et de perplexités concernant Jésus. Etait-ce un imposteur comme le prétendaient les pharisiens? Les disciples couraient un sérieux danger. Dans leur anxiété concernant leur propre avenir, ils avaient oublié les leçons que Jésus leur avait répétées si souvent que son royaume n'était pas de ce monde. VJC 274 2 Mais au milieu de cette nuit d'obscurité et de tempête, le lac enseigne à ces disciples effrayés quelle est leur propre impuissance, et leurs coeurs sont remplis de l'ardent désir de revoir la présence de Jésus. Dans ce moment ils peuvent plus que jamais apprécier son pouvoir et son amour, et ils soupirent après celui dont la main avait puissance sur les éléments. VJC 274 3 Le Sauveur n'avait point oublié ses disciples. De la côte éloignée, son oeil perçait les ténèbres, voyait leur danger et lisait leurs pensées. Il ne voulait pas en laisser périr aucun. Comme une tendre mère veille avec bonté sur l'enfant qu'elle a corrigé, ainsi le Maître compatissant veillait sur ses disciples, et quand leurs coeurs furent soumis, que leur ambition non sanctifiée se fut dissipée et qu'ils eurent humblement prié, il leur fut donné le secours qu'ils demandaient. Au moment même où ils se croyaient perdus, un éclair leur révéla la forme d'un homme qui s'approchait d'eux sur les eaux. Une terreur indescriptible les saisit. Les bras aux muscles de fer qui tenaient les rames tombèrent impuissants à leurs côtés. Le bateau voguait au gré des vagues, pendant que les yeux des disciples étaient fixés sur l'homme qu'ils avaient vu marchant fermement sur les vagues écumantes. VJC 275 1 Ils pensaient que c'était un esprit qui annonçait leur perte immédiate. "Et de la frayeur qu'ils eurent, ils s'écrièrent." Jésus passait avec calme, comme s'il voulait les devancer; mais ils le reconnaissent, et sentent qu'il ne veut pas les abandonner dans leur détresse. Ils poussent un cri, le suppliant de leur aider. Il se détourne. C'est leur Maître bien-aimé, dont la voix bien connue apaise leurs craintes: "Rassurez-vous; c'est moi, n'ayez point de peur." Y eut-il jamais paroles mieux accueillies, aussi rassurantes que celles-ci? Les apôtres sont muets de joie. Leurs craintes se sont dissipées. La tempête était oubliée. Ils acclament Jésus comme leur Libérateur. VJC 275 2 L'ardent Pierre est ravi de joie. Il voit son Maître fouler sans crainte les vagues écumantes pour venir sauver ses disciples, et il l'aime comme jamais auparavant. Il désire ardemment l'embrasser et l'adorer. Il brûle du désir d'aller à sa rencontre et de marcher à son côté sur les vagues impétueuses. Il s'écrie: "Seigneur! si c'est toi, ordonne que j'aille vers toi en marchant sur les eaux." Jésus accéda à sa requête; mais Pierre avait à peine fait un pas sur la surface de la mer en tourmente, qu'il jeta un regard orgueilleux sur ses compagnons derrière lui. VJC 275 3 En détournant ses yeux de Jésus, il remarqua les vagues impétueuses qui semblaient menacer de l'engloutir; leur mugissement remplit ses oreilles; la tête lui tourna, et le coeur lui manqua. VJC 275 4 Comme il s'enfonce, il recouvre juste assez de présence d'esprit pour se rappeler qu'il en était Un près de lui qui pouvait le délivrer. Il tend les bras vers lui en s'écriant: "Seigneur! sauve-moi, ou je péris!" Le Sauveur compatissant saisit les mains tremblantes qui lui sont tendues et ramène Pierre auprès de lui. Jamais ce visage aimable et ce bras puissant ne se détourne des mains suppliantes qui sont tendues vers lui pour obtenir miséricorde. Pierre se penche vers son Sauveur avec une humble confiance pendant que Jésus lui reproche doucement d'avoir manqué de foi. "Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté?" VJC 276 1 Le disciple tremblant, tient alors fermement la main du Maître, jusqu'à ce qu'ils soient tous deux assis sains et saufs dans la barque, parmi leurs compagnons remplis de joie. Mais Pierre était humilié et silencieux; il n'avait aucune raison de se glorifier et de s'élever au-dessus de ses condisciples, car il venait presque de perdre la vie par son orgueil et son incrédulité. Lorsqu'il avait détourné ses yeux de Jésus afin de voir l'admiration des autres, il avait perdu de vue son guide et le doute et la peur s'étaient saisis de lui. Il en est ainsi dans la vie chrétienne. Seul celui dont l'oeil est fixé fermement sur le Sauveur peut être capable de fouler les vagues impétueuses du monde. Immédiatement après que Jésus fut entré dans le bateau ils abordèrent à la côte. La tempête avait cessé, et à cette nuit d'horreur avait succédé la lumière de l'aube. Les disciples et d'autres qui étaient aussi dans la nacelle, se jetèrent aux pieds de Jésus le coeur plein de reconnaissance en disant: "Tu es véritablement le Fils de Dieu!" VJC 276 2 La multitude qui avait été nourrie le jour précédent avait laissé Jésus sur la rive déserte, et ils savaient qu'on n'avait laissé aucune barque avec laquelle il aurait pu partir. Ils revinrent donc le lendemain matin à l'endroit où ils l'avaient vu, la veille, contemplant leur départ d'un regard plein de compassion. La nouvelle de l'étonnant miracle de la multiplication des pains s'était répandue au loin, et de bonne heure, le peuple commença à arriver en grand nombre par eau et par terre. Mais ils cherchèrent vainement le Maître, et finalement ils retournèrent à Capernaüm, le cherchant toujours. VJC 276 3 Pendant ce temps, Christ, accompagné de ses disciples, avait trouvé la retraite qu'il cherchait le jour précédent. Il sentait qu'il était nécessaire de leur donner quelque instruction spéciale, mais il était suivi de si près par la foule, qu'il était extrêmement difficile de trouver un moment de tranquillité. Il ne pouvait obtenir de temps pour prier pendant le jour, mais il consacrait souvent la nuit entière en communion avec son Père céleste, luttant par-ses supplications en faveur des hommes égarés. Le Sauveur affligé par l'incrédulité des hommes, portant le fardeau de l'iniquité du monde, était certainement un homme de douleur et connaissant la langueur. VJC 277 1 Jésus employa les quelques heures où il était seul avec ses disciples à prier avec eux, et à leur enseigner d'une manière plus définie la nature de son royaume. Il voyait que dans leur faiblesse humaine ils étaient enclins à désirer que son royaume fût temporel. Leur ambition terrestre avait jeté de la confusion dans leurs esprits concernant la mission réelle de Christ. Il les reprend de leur fausse conception, et leur apprend qu'au lieu d'honneurs mondains c'était l'opprobre qui l'attendait, et au lieu d'un trône, la croix impitoyable. Il leur enseigna que, pour l'amour de lui, et pour obtenir le salut, ils devraient aussi être prêts à souffrir l'opprobre et l'ignominie. VJC 277 2 Le temps approchait où Jésus devait être mis à mort, et laisser ses disciples affronter seuls le monde froid et cruel. Il savait combien la haine amère et l'incrédulité les persécuteraient, et il désirait les encourager, les fortifier pour le temps d'épreuve. Il s'en alla donc seul à l'écart, et pria pour eux, intercédant auprès de son Père, afin que dans le temps de la terrible épreuve qui les attendait, leur foi demeurât ferme et que ses souffrances et sa mort ne les jetassent pas dans le désespoir. Quel tendre amour n'était-ce pas que celui du Sauveur qui, voyant sa mort approcher, ne pensait qu'à mettre ses compagnons à l'abri du danger! ------------------------Chapitre 29 -- Christ dans la synagogue VJC 278 1 Cette entrevue de Jésus avec ses disciples, dans laquelle ces derniers avaient reçu beaucoup d'instructions précieuses, fut interrompue par l'arrivée de ceux qui l'avaient cherché. Comme le peuple accourait en foule auprès de lui, apportant leurs malades et leurs affligés, il se rendit dans la synagogue. Pendant qu'il y enseignait, plusieurs de ceux qui l'avaient laissé de l'autre côté de la mer vinrent à la synagogue, et furent surpris de voir là avant eux Jésus et ses disciples, sachant qu'il n'y avait point de bateau avec lequel il pût passer de l'autre côté. Ils s'enquérirent pour savoir quand et comment il avait traversé la mer. Ils furent surpris lorsque les disciples leur racontèrent les événements de la nuit précédente. La fureur de la tempête, et les heures pendant lesquelles ils ramèrent inutilement contre la violence des vents contraires; l'apparition de Christ marchant sur les eaux; la frayeur qu'ils avaient eue; ses paroles rassurantes; l'aventure de Pierre et son résultat, ainsi que l'apaisement subit de la tempête et l'abordage de la barque, tout fut fidèlement raconté à la foule émerveillée, au milieu de fréquentes interruptions et d'exclamations de surprise. VJC 278 2 Mais leur attention allait maintenant être appelée sur les leçons de Jésus, si pleines d'intérêt solennel. Beaucoup de personnes étaient profondément émues, mais l'esprit de quelques-uns était entièrement rempli de curiosité concernant le récit merveilleux qu'ils avaient entendu. Aussitôt que le discours fut achevé, ils se pressèrent autour du Sauveur, le questionnant et espérant recevoir de ses propres lèvres un récit plus complet de son oeuvre puissante de la nuit précédente. Mais Jésus ne satisfit pas leur curiosité mal placée. Il était aussi pressé par les pharisiens de faire voir par un miracle du ciel qu'il était le Fils de Dieu. Ceux-ci demandaient une preuve de son pouvoir miraculeux, telle que celle qui avait été donnée de l'autre côté de la mer. Ils l'importunaient en lui demandant de répéter ses oeuvres merveilleuses devant eux. VJC 279 1 Jésus leur déclara qu'ils ne le cherchaient pas pour un digne motif; qu'ils ne désiraient pas apprendre comment servir Dieu dans leur vie journalière; mais ils lui demandaient de faire un miracle, tantôt dans un esprit d'incrédulité, et tantôt dans l'espérance de profiter des faveurs temporelles qu'il pourrait ainsi leur conférer. Il leur commanda de travailler, non pour la nourriture qui périt, mais pour la nourriture spirituelle, cette sagesse qui subsiste jusqu'à la vie éternelle. Le Fils de Dieu seul pouvait donner cela, car il a le sceau du Père. Avec un sérieux solennel, il chercha à leur faire comprendre que les faveurs temporelles sont de peu de conséquence, comparées à la grâce céleste offerte par le Fils de Dieu. VJC 279 2 "Ils lui dirent: Que ferons-nous pour faire les oeuvres de Dieu? Jésus leur répondit: C'est ici l'oeuvre de Dieu, que vous croyiez en celui qu'il a envoyé. Alors ils lui dirent: Quel miracle fais-tu donc, afin que nous le voyions, et que nous croyions en toi? Quelle oeuvre fais-tu? Nos pères ont mangé la manne dans le désert, selon qu'il est écrit: Il leur a donné à manger le pain du ciel."1 C'était Christ lui-même qui conduisait les Hébreux dans leur voyage à travers le désert. C'était lui qui les avait nourris chaque jour de manne céleste; pourtant ils parlent aveuglément de ce miracle fait pour leurs pères, dans un esprit d'incrédulité et de contestation. Jésus leur déclara que comme Dieu leur avait envoyé la manne pour leur conserver la vie, il leur avait fait don de son Fils, afin que par lui ils pussent manger le pain de vie et devenir immortels. VJC 279 3 "Et Jésus leur dit: En vérité, en vérité je vous le dis: Moïse ne vous a point donné le pain du ciel, mais mon Père vous donne le vrai pain du ciel; car le pain de Dieu est celui qui est descendu du ciel, et qui donne la vie au monde. Ils lui dirent: Seigneur! donne-nous toujours de ce pain-là." Jésus se sert du pain comme d'une image pour représenter la puissance vivifiante de son Esprit. L'un soutient la vie physique, tandis que l'autre satisfait le coeur et fortifie les facultés morales. "Et Jésus leur dit: Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n'aura point de faim, et celui qui croit en moi n'aura jamais soif. Mais je vous l'ai déjà dit, que vous m'avez vu, et cependant vous ne croyez point." Ceux qui ont joui de la communion de Christ n'auront jamais faim de jouissances plus grandes. Toute incertitude a disparu, l'âme fatiguée trouve des rafraîchissements continuels dans le Sauveur. La soif fiévreuse des richesses et des honneurs est passée. Christ est en eux une source qui jaillit en vie éternelle. VJC 280 1 Jésus assura aux Juifs qu'ils l'avaient vu ainsi que ses oeuvres, et que pourtant ils ne croyaient pas. Il ne faisait pas allusion au fait qu'ils le voyaient de leurs yeux, mais il entendait que leurs esprits avaient été convaincus, tandis que leurs coeurs endurcis et orgueilleux refusaient de le reconnaître comme Messie. Le Sauveur avait fait au milieu d'eux des oeuvres qu'aucun homme n'a jamais pu faire. Les preuves vivantes de sa puissance divine s'étaient présentées à eux jour après jour; cependant leurs coeurs méchants et querelleurs demandaient encore un autre signe de sa divinité avant de vouloir croire. Si cela leur eût été accordé, ils seraient demeurés aussi incrédules qu'auparavant. Si ce qu'ils avaient vu et entendu n'était pas suffisant pour les convaincre de sa messianité, il était inutile de leur faire voir des oeuvres plus merveilleuses. La dignité du saint Fils de Dieu ne devait point être compromise dans le but de satisfaire la curiosité de la foule. VJC 280 2 Jésus dit: "Car le coeur de ce peuple est appesanti; ils ont ouï dur de leurs oreilles, ils ont fermé les yeux, afin qu'ils n'aperçoivent pas de leurs yeux, et qu'ils n'entendent pas de leurs oreilles, et qu'ils ne comprennent pas du coeur, et qu'ils ne se convertissent pas, et que je ne les guérisse pas."1 L'incrédulité trouvera toujours lieu de douter, et des raisons pour repousser la preuve la plus positive. Les Juifs se tenaient constamment sur leurs gardes dans la crainte qu'ils ne fussent forcés, par des preuves écrasantes, d'abandonner leurs préjugés et leur incrédulité. Quoique leur intelligence fût convaincue, ils refusaient de soumettre leur orgueil; et leur propre justice ne voulait point admettre qu'eux, qui s'étaient vantés de leur sagesse au-dessus du reste du monde, eussent besoin qu'on les enseignât. VJC 281 1 Les Juifs s'étaient assemblés pour célébrer la Pâque. En mangeant la chair de l'agneau, ils devaient se souvenir qu'il représentait l'Agneau de Dieu, et la protection dont ils avaient joui quand les premiers-nés de leurs ennemis avaient été mis à mort en Egypte. Le sang qu'il était commandé aux Hébreux d'avoir sur les linteaux de leurs portes, et qui était un signe de leur sûreté, représentait aussi le sang de Christ qui devait être versé pour les péchés du monde. Le Sauveur a le pouvoir de ressusciter finalement des morts tous ceux qui, par la foi, mangent de sa chair et boivent de son sang. Cette nourriture spirituelle donne aux croyants une espérance bien fondée de la résurrection à une vie immortelle dans le royaume de Dieu. VJC 281 2 Jésus déclara ces vérités précieuses à la foule incrédule disant: "Tout ce que le Père me donne viendra à moi, et je ne mettrai point dehors celui qui viendra à moi; car je suis descendu du ciel pour faire, non ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé. Et c'est ici la volonté du Père qui m'a envoyé, que je ne perde aucun de ceux qu'il m'a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour." VJC 281 3 Il parla de son prochain sacrifice en ces termes: "Et le pain que je donnerai, c'est ma chair, que je donnerai pour la vie du monde." Il offrait son salut à tous ceux qui voulaient l'accepter, revêtu de notre humanité comme leur Rédempteur, et ayant accès auprès du Père qui l'avait investi de sa divine autorité. VJC 281 4 Mais les Juifs furent mécontents que Jésus prétendît être le pain de vie descendu du ciel. Et ils disaient: "N'est-ce pas là Jésus, le fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère? Comment donc dit-il: Je suis descendu du ciel?" Ils étaient tellement attachés à leur bigoterie et à leur orgueil qu'il semblait alors impossible qu'ils pussent croire à l'évidence qui était aussi claire que le soleil en plein midi. Leur jalousie était excitée de ce que cet homme d'humble origine fût capable de faire des miracles dont ils ne pouvaient nier la réalité, et enseigner des vérités qui ne pouvaient être contredites. Ainsi ils essayèrent de soulever les préjugés et l'incrédulité du peuple en rappelant d'un air moqueur la basse origine de Jésus, et sa naissance mystérieuse, insinuant qu'il était d'une parenté douteuse. Ils faisaient dédaigneusement allusion à sa vie comme ouvrier de Galilée, et à sa famille comme étant pauvre et basse. Ils déclaraient que les fières prétentions de ce charpentier sans instruction devraient être promptement repoussées. VJC 282 1 Mais Jésus entendit leurs murmures et les reprit. De nouveau il déclara en paroles encore plus convaincantes sa liaison avec le Père, et la nécessité d'avoir le coeur éclairé par l'Esprit de Dieu, avant de pouvoir sentir le besoin d'un Sauveur. "Personne ne peut venir à moi, si le Père, qui m'a envoyé, ne l'attire; et je le ressusciterai au dernier jour. Il est écrit dans les prophètes: Ils seront tous enseignés de Dieu. Quiconque donc a écouté le Père, et a été instruit par lui, vient à moi."1 Jésus rappelle ici la prophétie d'Esaïe: "Aussi tous tes enfants seront enseignés de l'Eternel, et la paix de tes fils sera abondante".2 VJC 282 2 Ce n'était pas une nouvelle doctrine que Jésus enseignait. C'était l'accomplissement de la prophétie, et, comme docteurs de la Parole, les sacrificateurs et les anciens auraient dû la comprendre parfaitement. En déclarant que personne ne venait à lui, à moins que le Père ne l'attirât, le Sauveur désirait leur faire comprendre que Dieu ne paraîtrait jamais en personne pour leur enseigner le chemin de la vie. L'humanité ne pourrait un seul instant supporter la vue de sa gloire; ce n'est que par le Fils que les hommes peuvent s'approcher de Dieu. En voyant et en entendant le Fils, ils voyaient et entendaient le Père. Il est médiateur entre Dieu et ses enfants désobéissants. Les Juifs prétendaient n'être enseignés que de Dieu, mais Jésus déclara vaines de telles prétentions; car, dit-il: "Quiconque donc a écouté le Père, et a été instruit par lui, vient à moi." VJC 283 1 Jésus ne chercha pas plus à répondre aux questions concernant sa naissance, qu'à celles qui concernaient sa dernière traversée du lac. Il ne désirait pas se glorifier lui-même, ni se prévaloir des miracles qui marquaient sa vie. Les préventions des pharisiens dépassaient ce que leurs questions indiquaient; elles avaient pris racine dans la perversité amère de leurs mauvais coeurs. Ses paroles et ses actes n'avaient pas fait naître de tels sentiments, mais les avaient fait paraître, parce que sa doctrine pure et élevée n'était point d'accord avec leurs coeurs égoïstes. Il leur dit: "En vérité, en vérité je vous le dis: Celui qui croit en moi a la vie éternelle. Je suis le pain de vie."1 Il y avait des vues contraires et beaucoup d'incertitude concernant la résurrection des morts. Outre les dissensions qui existaient entre les sadducéens et les pharisiens, les Juifs étaient dans une grande obscurité concernant la vie future et la résurrection du corps. Jésus avait pitié de leur condition d'ignorance, et il les invitait à l'accepter, lui qui était leur seule espérance, celui qui donne la vie, même le "pain de vie". VJC 283 2 Ils lui avaient rappelé la manne que leurs pères mangèrent dans le désert, comme si le don de cette nourriture était un plus grand miracle que celui que Jésus avait fait; mais il leur déclara alors que la nourriture temporelle qui leur avait été donnée du ciel, n'était qu'un faible don comparé au don de la vie éternelle qu'il leur offrait alors. Cette nourriture mangée alors soutenait les forces du corps, mais ne prévenait point l'approche de la mort, et n'assurait point la vie éternelle. Le pain que le Fils de Dieu offre aux hommes doit détruire la mort, donnant à la fin la vie éternelle au corps. Jésus dit: "Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts. C'est ici le pain qui est descendu du ciel, afin que celui qui en mange ne meure point. Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel: si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement; et le pain que je donnerai, c'est ma chair, que je donnerai pour la vie du monde." VJC 284 1 Notre Seigneur a ici en vue sa mort prochaine, la seule vraie propitiation pour les péchés de l'humanité. Les Juifs étaient sur le point de célébrer avec grande pompe la fête de Pâque. L'agneau qui devait y être mangé était un symbole du corps de Christ. Et cependant la personne même qu'il représentait se tenait au milieu d'eux, se déclarant elle-même être leur Sauveur dont le sang les préserverait de la colère d'un Dieu qui hait le péché, et ils refusaient ses offres de miséricorde. VJC 284 2 Le miracle que Jésus avait accompli en nourrissant la foule, lui fournit une image frappante par laquelle il put illustrer son oeuvre sur la terre. Il déclara que comme le pain communique la santé et la force au corps, ainsi la foi en Christ et l'obéissance à ses enseignements donnent une vigueur spirituelle à l'âme, et procurent finalement la vie éternelle. Mais les Juifs, déterminés à mal interpréter ses paroles, et à engager une contestation irritante, demandèrent: "Comment cet homme peut-il nous donner sa chair à manger?" Ils affectaient de comprendre ses paroles dans le sens littéral, de même que Nicodème quand il demanda: "Comment un homme peut-il naître quand il est vieux?" Ils comprenaient ce que Jésus voulait dire, mais ils ne désiraient pas le reconnaître. Ils pensèrent que c'était une bonne occasion de prévenir le peuple contre lui, en leur présentant les paroles de Jésus sous le jour le plus défavorable. Alors "Jésus leur dit: En vérité, en vérité je vous le dis: Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous-mêmes. Celui qui mange ma chair, et qui boit mon sang, a la vie éternelle; et je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est véritablement une nourriture, et mon sang est véritablement un breuvage. Celui qui mange ma chair, et qui boit mon sang, demeure en moi, et moi en lui. Comme le Père, qui est vivant, m'a envoyé, et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mangera vivra par moi. C'est ici le pain qui est descendu du ciel. Il n'en est pas comme de la manne que vos pères ont mangée, et ils sont morts; celui qui mangera ce pain vivra éternellement." VJC 285 1 Les Juifs parurent remplis d'horreur à ces paroles de Christ. Leur loi leur défendait strictement de goûter du sang, et ils tournèrent ses paroles en sacrilége, contestant et disputant entre eux là-dessus. Jésus donnait à ses disciples et au peuple des leçons qu'ils ne pouvaient entièrement comprendre dans ce moment-là, à cause de leurs ténèbres morales. Beaucoup de choses que ses disciples ne comprirent pas entièrement lorsqu'il les prononça, leur devinrent compréhensibles par les événements subséquents. Ses paroles furent un appui pour leurs coeurs lorsqu'il ne fut plus avec eux. VJC 285 2 Même les disciples murmurèrent en entendant ces dernières paroles. "Plusieurs de ses disciples, l'ayant ouï, dirent entre eux: Cette parole est dure; qui peut l'écouter?" Le Sauveur entendit leur plainte et leur dit: "Ceci vous scandalise-t-il? Que sera-ce donc si vous voyez le Fils de l'homme monter où il était auparavant? C'est l'esprit qui vivifie; la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous dis sont esprit et vie." Il leur apprend ainsi que ce n'est point sa chair humaine qui leur donnerait la vie éternelle, mais la foi en ses paroles et en l'efficacité du sacrifice qu'il devait faire pour le monde. Son enseignement et son exemple, sa vie et sa mort étaient le pain céleste qui devait leur communiquer la vie et la vigueur spirituelles. Il les réprouve parce qu'ils avaient murmuré lorsqu'il avait dit qu'il était venu du ciel. S'ils n'étaient pas capables de recevoir cette vérité, comment feraient-ils lorsqu'il monterait devant leurs yeux vers ce ciel d'où il était descendu? VJC 285 3 Jésus savait que beaucoup le suivaient dans l'espoir d'en retirer des avantages temporels. Ils attendaient de lui quelque miracle qui serait à leur profit; mais ils espéraient surtout qu'il les délivrerait un jour du joug des Romains. Il savait aussi qu'il y en avait un près de lui qui le trahirait. Il leur dit qu'il en était parmi eux qui ne croyaient point. "C'est à cause de cela que je vous ai dit que personne ne peut venir à moi, s'il ne lui a été donné par mon Père." VJC 286 1 Christ désirait que ses auditeurs comprissent que leurs coeurs devaient être ouverts à l'Esprit de Dieu, avant qu'ils pussent s'approcher de lui par la foi. Ils devaient accepter de voir leurs erreurs censurées, désirer éviter le mal et mener une vie sainte. L'incrédulité qui existait entre les sacrificateurs et les gouverneurs faisait que le peuple hésitait et doutait. Jésus leur avait donné suffisamment de preuves de sa divinité. Mais leurs esprits incrédules cherchaient toujours à expliquer d'une façon naturelle le caractère miraculeux de ses oeuvres merveilleuses. Ils se demandaient si ses disciples n'avaient pas été dans l'illusion, lorsqu'ils avaient vu leur Maître marcher sur les eaux. VJC 286 2 Ils ne pouvaient cependant qu'admettre qu'il avait accompli bien des guérisons miraculeuses, et qu'il avait complétement rassasié une grande multitude avec cinq pains et deux petits poissons. Mais leurs coeurs mécontents se demandaient pourquoi Jésus ne donnait pas la santé, la force et la richesse à tout son peuple; pourquoi il ne les délivrait pas de leurs oppresseurs pour leur donner la puissance et l'honneur alors qu'il pouvait faire de tels miracles. Dans ce cas, ils auraient cru en lui et auraient glorifié son nom. C'est ainsi qu'ils se laissaient lier par l'incrédulité et le mécontentement. Leurs esprits grossiers refusaient de saisir le sens de ses paroles: "Je suis le pain qui est descendu du ciel." Sa doctrine était trop pure et trop élevée pour attirer leurs coeurs charnels. VJC 286 3 Ce discours de Jésus refroidit l'enthousiasme du peuple. Si en devenant ses disciples, ils devaient vivre justement, renoncer à eux-mêmes et souffrir l'humiliation, ils n'avaient aucun désir de s'enrôler sous sa bannière. Malheureux Israël! Ils ne connurent pas le temps de leur visitation! Ils refusèrent leur Sauveur, parce qu'ils soupiraient après un conquérant qui leur donnât le pouvoir temporel. Ils désiraient la nourriture qui périt et non celle qui dure jusqu'en vie éternelle. Leur ambition s'attachait aux richesses et à la gloire terrestres, et ils n'avaient aucun goût pour les paroles de Christ qui enseignaient la pureté personnelle, et une réformation complète de la vie. VJC 286 4 Beaucoup de paroles et d'actes de Jésus paraissent mystérieux aux esprits bornés, mais son intelligence divine avait clairement conçu tous ses desseins, et son plan était en entier développé devant lui, parfait dans tous ses détails. Chacun de ses actes était calculé de manière à produire des effets individuels. L'histoire du monde, depuis sa création jusqu'à la fin du temps, était parfaitement connue à Christ. Si l'esprit de l'homme était capable de comprendre toute sa manière d'agir, tous les actes de la vie terrestre de Christ lui paraîtraient importants, complets et en harmonie avec sa divine mission. VJC 287 1 Les murmures de ses disciples attristèrent le coeur de Jésus. En réprimant ouvertement leur incrédulité devant la multitude, il avait augmenté leur dépit, et plusieurs se retirèrent et ne suivirent plus Jésus. Il les regarda avec un regard de tendre pitié. Ils étaient très mécontents, et ils désiraient offenser Jésus et satisfaire la malice des pharisiens. Ils se détournèrent de lui et le quittèrent avec dédain. En faisant cela, ils commettaient la fatale erreur de rejeter le conseil de Dieu qui leur était adressé. C'étaient ces choses qui faisaient du Sauveur un homme de douleurs, sachant ce que c'est que la langueur. Le sentiment que sa bonté, ses compassions étaient inappréciées, son amour et sa miséricorde méprisés, son salut rejeté, remplissait son âme divine d'une inexprimable douleur. Si ses disciples ingrats avaient pu discerner comment Dieu regardait leur conduite envers son cher Fils, ils se seraient difficilement éloignés avec autant de fierté et d'arrogance. Ils choisissaient les ténèbres de préférence à la lumière, parce qu'ils étaient trop justes à leurs propres yeux et trop vains pour recevoir une répréhension méritée, et trop mondains pour accepter une vie d'humilité qui devait assurer leur salut. En présence de toutes ses oeuvres miraculeuses, ils se détournaient de celui qui, par la beauté de sa doctrine, sa miséricorde et sa bienveillance, en avait appelé des milliers de son côté; de celui qui avait soulagé l'humanité souffrante, de telle sorte que des villes et des villages entiers avaient été délivrés de la maladie, au point que les soins des médecins y étaient devenus inutiles. VJC 287 2 Lorsque nous considérons la générosité de Christ envers les pauvres et les malades, sa patience envers les gens grossiers et ignorants, son renoncement, son sacrifice, nous sommes confondus d'admiration et de respect. Quel don Dieu n'a-t-il pas fait à l'homme séparé de lui par le péché et la désobéissance! Le coeur peut bien se briser et les larmes couler, en contemplant son amour inexprimable! Christ s'est abaissé au niveau de notre humanité, afin d'atteindre l'homme plongé dans les profondeurs du mal et de la dégradation, de l'élever à une vie plus noble, de lui donner la force morale pour vaincre le péché en son nom, et résister à la puissance de Satan. Triste fut la récompense qu'il reçut pour sa merveilleuse condescendance. VJC 288 1 On se moquait des paroles de Jésus, parce qu'il déclarait que faire profession de religion extérieurement et observer les formes, ne profitait de rien; que cette oeuvre devait atteindre le coeur, et porter des fruits convenables à la repentance. Les paroles qu'il adressa à ses disciples d'alors, s'adressent également à ceux d'aujourd'hui. Il est aussi nécessaire de nos jours d'avoir un coeur net et une vie pure. Mais combien de personnes rejettent les avertissements que Dieu leur fait présenter par ses serviteurs, et les vérités pratiques qui s'adressent à leurs coeurs, parce que leur vie n'est point d'accord avec la volonté de Dieu; parce qu'elles s'aperçoivent qu'une réformation complète est nécessaire, et qu'elles ne veulent pas entreprendre l'oeuvre de renoncement, et sont irritées de ce que leurs péchés ont été découverts! Elles s'en vont offensées, de même que les disciples qui quittèrent Jésus en murmurant: "Cette parole est dure, qui peut l'entendre?" VJC 288 2 Ceux qui font profession de piété, et qui pourtant ne prennent point assez garde aux avertissements du Seigneur, ni ne règlent leur vie sur sa sainte volonté se lient de plus en plus fermement dans des chaînes d'obscurité. Beaucoup de ceux qui professent aujourd'hui de croire les vérités de Christ, ne supportent pas mieux l'épreuve que ceux qui se détournèrent de lui et ne le suivirent plus. Beaucoup d'autres, tout en professant la foi, sont tellement séparés de Christ par l'incrédulité de leurs coeurs, qu'ils rejettent la parole et les oeuvres de Dieu que montrent ses serviteurs. Si la révélation divine ne s'accorde pas avec leurs vues, ils croient avoir la liberté de se détourner de ses enseignements. Si cette révélation censure leurs péchés, ils sont offensés. La louange et la flatterie plairaient à leurs oreilles, mais la vérité leur est désagréable, ils ne peuvent l'entendre. Lorsque les foules suivent, et que les multitudes sont nourries, que leurs cris de triomphe s'élèvent, leurs bouches sont pleines de louanges; mais lorsque le pénétrant Esprit de Dieu leur révèle leur péché et leur commande de le quitter, ils tournent le dos à la vérité, et "ne suivent plus Jésus". VJC 289 1 Dieu n'entend point se laisser demander compte de ses voies, ni de ses oeuvres. C'est dans l'intérêt de sa gloire qu'il cache maintenant ses desseins, mais bientôt ils seront révélés dans leur vraie importance. Il n'a point caché le grand amour qui est à la base de tous ses actes à l'égard de ses enfants. Il a manifesté cet amour par le don de son Fils et par les divers actes de sa providence, par lesquels il se révèle. Celui qui vit près de Jésus peut sonder beaucoup du mystère de piété, et comprendre l'amour qui adresse une répréhension méritée. L'humanité éloignée de Dieu ne peut être réconciliée avec lui qu'en prenant part spirituellement à la chair et au sang de son cher Fils. VJC 289 2 Le Seigneur n'essaya pas d'empêcher les disciples mécontents de le quitter; mais se tournant vers les douze qu'il avait choisis, il dit tristement: "Et vous, ne voulez-vous point aussi vous en aller?" Pierre lui répondit promptement, lui demandant en retour: "Seigneur! à qui irions-nous? tu as les paroles de la vie éternelle; et nous avons cru, et nous avons connu que tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant."1 Combien ces paroles sont pleines de sens: "A qui irions-nous?" Les docteurs d'Israël étaient esclaves d'un froid formalisme. Les pharisiens et les sadducéens étaient continuellement en dispute concernant la doctrine de la résurrection et d'autres questions dans lesquelles ils différaient. Abandonner Jésus, c'était tomber parmi les partisans des rites et des cérémonies, et entre les mains d'hommes ambitieux qui recherchaient leur propre gloire. Les disciples avaient éprouvé plus de paix et de joie depuis qu'ils avaient accepté Christ, que pendant toute leur vie passée. Ils avaient jeté un regard d'horreur sur leur conduite précédente, passée dans la négligence et l'iniquité. Comment auraient-ils pu, eux dont les yeux avaient été ouverts pour discerner la malice et la bigoterie des Juifs, retourner vers ceux qui avaient méprisé et persécuté l'Ami des pécheurs? Longtemps leur foi avait été soutenue par l'attente du Messie, et maintenant qu'il était venu, il leur était impossible de s'en éloigner pour se joindre à ceux qui cherchaient sa vie et qui les avaient persécutés parce qu'ils lui obéissaient. VJC 290 1 "A qui irions-nous?" Nous ne pouvons nous éloigner de la doctrine de Christ, de ses leçons d'amour et de charité, pour nous plonger dans les ténèbres de l'incrédulité et dans la méchanceté du monde. Tandis que beaucoup de gens qui avaient vu ses oeuvres miraculeuses, qui l'avaient vu guérir des malades et soulager ceux qui étaient dans la détresse; qui avaient été électrisés par la majesté céleste de son port, se détournaient du Sauveur, Pierre exprime la foi des disciples: "Tu es le Christ." Ils ne renieront jamais le Rédempteur du monde, le Fils de Dieu. La pensée même de perdre l'ancre de leur salut fit frémir leurs coeurs d'angoisse. Etre de nouveau destitués d'un Sauveur, assujettis à la crainte et à la superstition, seraitêtre flottants sur une mer sombre et orageuse. VJC 290 2 Quelques-uns pourront mettre en question la sagesse de Jésus d'avoir présenté un sujet qui prêtât autant à la méprise que celui qui venait de détourner de lui tant de personnes. Mais il avait un but en vue. Il savait que l'épreuve la plus brûlante attendait ses disciples, lors de sa trahison à Gethsémané, et à sa crucifixion. Il savait lesquels de ses disciples étaient incrédules, et lesquels avaient une foi faible. S'ils n'avaient pas été éprouvés, Jésus aurait eu parmi ses disciples beaucoup de gens d'un caractère faible et indécis. Lorsque vint la grande épreuve, que le Seigneur fut trahi et condamné dans la cour du prétoire; lorsqu'il fut humilié, et que la foule qui l'avait acclamé comme leur roi le railla et le couvrit d'avanies; quand la foule cruelle et gouailleuse cria: "Crucifie-le!" alors, la crainte et le désappointement auraient fait tomber honteusement ces gens au coeur timide. VJC 291 1 L'apostasie de ces soi-disant disciples de Christ, dans un tel moment, eût été plus que les douze n'eussent pu supporter, ajoutée à leur grand chagrin et à la terrible ruine de leurs plus chères espérances. L'exemple de ceux qui se détournèrent de Jésus aurait pu, à cette heure effroyable, entraîner tous les autres. Mais Jésus prévint cette crise pendant qu'il était avec eux pour rassurer et fortifier ses élus, et les préparer pour ce qui devait arriver. Quand les huées de la -populace injurièrent celui qui était cloué sur la croix, les disciples ne furent point anéantis de surprise de voir leur Maître insulté pareillement; car ils avaient vu l'inconstance de ceux qui l'avaient une fois suivi. Quand ceux qui avaient professé d'aimer leur Maître se détournèrent de lui, au jour de trouble, les disciples se rappelèrent que la chose était déjà arrivée auparavant, pour de moindres raisons. Ils avaient éprouvé la faveur inconstante du monde, et ne réglaient point leur foi sur les opinions des autres. Jésus prépara sagement les esprits de ses quelques fidèles pour la grande épreuve de sa trahison et de sa mort. VJC 291 2 Pierre avait une grande foi en Jésus. De prime-abord il avait cru que Jésus était le Messie. Il avait vu et entendu Jean, le précurseur de Christ, proclamer qu'il était l'Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde. Il avait été intimement lié à Jésus; il avait été témoin de ses miracles, il avait entendu ses enseignements, et il était convaincu qu'il était le Fils de Dieu. Plusieurs de ceux qui avaient été convaincus par la prédication de Jean, et qui avaient accepté Christ, commencèrent à douter de la mission de Jean, lorsqu'il fut jeté en prison et ensuite mis à mort. Ils se demandaient aussi si Jésus était bien le Messie qu'ils attendaient depuis si longtemps. VJC 291 3 Mais la foi de Pierre ne vacilla jamais; il suivait son Maître avec un dévouement infatigable. Lorsque ceux des disciples qui avaient ardemment attendu que Jésus déployât les effets de sa puissance et prît possession du trône de David le quittèrent, voyant que telle n'était point son intention, Pierre et ses compagnons ne chancelèrent point dans leur fidélité. La conduite vacillante de ceux qui le louaient hier et le condamnaient aujourd'hui n'affectait point la foi des vrais disciples du Sauveur. Pierre déclare: "Tu es le Fils du Dieu vivant." Il n'attendait pas que des honneurs royaux couronnassent son Seigneur, mais il le suivait dans son humiliation. Pierre, dans la confession qu'il fit de Christ, exprimait la foi des disciples. Mais malgré cela, Jésus savait que ni ses fidèles disciples, ni aucun des Juifs ne s'attendaient à voir l'humiliation, la souffrance et la mort fondre sur leur Messie. Quel Rédempteur compatissant que celui qui, connaissant parfaitement le sort qui l'attendait, aplanit tendrement le chemin à ses disciples les préparant et les fortifiant pour l'épreuve finale et décisive! ------------------------Chapitre 30 -- La cananéenne VJC 293 1 Jésus quitta alors les lieux témoins de ses premiers travaux, et se rendit sur les côtes de Tyr et de Sidon. Là, une femme cananéenne1 vint le trouver, et le pria de guérir sa fille tourmentée d'un esprit immonde. Cette femme savait bien que les Juifs n'avaient aucun rapport avec les Cananéens, et qu'ils refusaient même de leur adresser la parole; mais ayant entendu parler des miracles miséricordieux que Jésus avait accomplis, elle résolut de s'adresser à lui, pour qu'il délivrât sa fille de la terrible affliction dont elle souffrait. La pauvre femme comprenait que sa seule espérance était en Jésus, et elle avait une confiance parfaite au pouvoir qu'il avait de faire ce qu'elle demandait de lui. VJC 293 2 Mais Jésus accueillit les importunités de cette représentante d'une race méprisée, de la même manière que les Juifs l'eussent fait. Il agissait ainsi, non seulement pour éprouver la foi et la sincérité de la femme, mais aussi pour donner à ses disciples une leçon de charité, afin que dans un cas semblable, ils ne fussent pas embarrassés dans leur conduite, lorsque Jésus les aurait quittés, et qu'ils ne pourraient plus s'adresser à lui pour lui demander conseil. Jésus désirait que ses disciples fussent impressionnés par le contraste qu'il allait établir entre la manière froide et impitoyable avec laquelle les Juifs auraient traité un tel cas, comme il le montra en recevant cette femme, et la manière compatissante avec laquelle il voulait les voir accueillir de telles détresses, comme il le manifesta ensuite en exauçant la prière de la femme, par la guérison de sa fille. VJC 293 3 Quoique Jésus parût indifférent à ses cris, elle ne s'en offensa point et ne le quitta point; mais elle crut encore qu'il aurait pitié de sa détresse. Comme il passait sans paraître l'avoir entendue, elle le suivit en continuant ses supplications. Les disciples étaient ennuyés de son importunité et demandaient à Jésus de la renvoyer. Sa détresse n'avait point excité leur sympathie. Ils voyaient que leur Maître la traitait avec indifférence, et ils supposaient par là que le préjugé des Juifs envers les Cananéens lui plaisait. Mais celui à qui la femme adressait sa prière, était un Sauveur miséricordieux, et en réponse à la demande de ses disciples de la renvoyer, Jésus dit: "Je ne suis envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël." Quoique cette réponse fût d'accord avec le préjugé des Juifs, c'était une réprimande tacite adressée aux disciples, réprimande qu'ils comprirent ensuite, comme rappelant ce qu'il leur avait dit souvent, qu'il était venu dans le monde pour sauver tous ceux qui le recevraient. Tous ceux qui cherchaient le Sauveur, prêts à croire en lui lorsqu'il leur serait manifesté, étaient du nombre des brebis perdues qu'il était venu rassembler dans sa bergerie. VJC 294 1 La femme fut encouragée de ce que Jésus eût suffisamment pris garde à sa demande pour en parler, quoique ses paroles ne lui donnassent guère lieu d'espérer. A partir de ce moment, elle insista toujours davantage; elle vint, et se prosterna à ses pieds, en disant: "Seigneur! aide-moi. O Seigneur, fils de David! aie pitié de moi! ma fille est misérablement tourmentée par le démon." Jésus, paraissant encore rejeter sa demande, suivant le préjugé inhumain des Juifs, répondit: "Il n'est pas juste de prendre le pain des enfants pour le jeter aux petits chiens." C'était lui dire au fond qu'il n'était pas juste de prodiguer aux étrangers séparés d'Israël les bénédictions apportées au peuple favorisé de Dieu. Cette réponse aurait complétement découragé beaucoup d'autres personnes moins persévérantes. Beaucoup auraient renoncé à tout autre effort, après avoir été ainsi repoussées, et s'en seraient allées avec le sentiment d'avoir été humiliées et outragées; mais la femme répondit humblement: "Il est vrai, Seigneur! cependant les petits chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leur maître." VJC 295 1 De l'abondance dont jouit la famille légitime, il tombe des miettes sur le plancher, et ces miettes sont avalées par les chiens qui les guettent sous la table. La femme reconnaît qu'elle occupe une position semblable à celle de ces animaux inférieurs qui acceptent avec reconnaissance ce qui tombe de la main de leurs maîtres. Tout en favorisant le peuple de Dieu de dons riches et innombrables, Jésus ne voudrait-il pas lui accorder une de ces nombreuses bénédictions qu'il accordait si libéralement à d'autres? Tout en confessant qu'elle n'avait aucun droit à sa faveur, elle le supplie néanmoins qu'il lui accorde une miette de sa libéralité. Une telle foi, une telle persévérance étaient sans exemple. Il y avait peu de gens, parmi le peuple favorisé de Dieu qui eussent une si haute appréciation de la bonté et de la puissance du Rédempteur. VJC 295 2 Jésus venait de quitter son champ d'activité, parce que les scribes et les pharisiens cherchaient à le faire mourir. Mais ici, il rencontre une femme -- dont la nation infortunée et méprisée n'avait point été favorisée de la lumière de la Parole de Dieu, -- et qui néanmoins cède immédiatement à la divine influence de Christ, et croit fermement qu'il peut lui accorder la faveur qu'elle demande. Cette femme n'a point de préjugé national ou religieux, ni d'orgueil pour influencer sa conduite, et elle reconnaît sans réserve Jésus comme le Rédempteur, et croit qu'il est capable de faire tout ce qu'elle demande de lui. Le Seigneur est satisfait; il a éprouvé sa confiance en lui, et maintenant il lui accorde sa requête et achève la leçon qu'il donnait à ses disciples. Se tournant vers elle avec un air de pitié et d'amour, il lui dit: "O femme! ta foi est grande; qu'il te soit fait comme tu le désires." Dès cette heure-là, sa fille fut guérie, et le démon ne la tourmenta plus. La Cananéenne s'en alla reconnaissant son Sauveur, et heureuse d'avoir obtenu l'exaucement de sa prière. VJC 295 3 Ce fut le seul miracle qu'accomplit Jésus pendant son voyage. C'était pour l'accomplissement de cet acte même qu'il était allé aux quartiers de Tyr et de Sidon. Il désirait secourir cette femme affligée, et en même temps laisser dans cette oeuvre de miséricorde envers un membre d'un peuple méprisé, un exemple pour le profit des disciples, lorsqu'il ne serait plus avec eux. Il désirait les faire sortir de leur étroitesse judaïque, pour les intéresser à travailler pour d'autres peuples que le leur. Cet acte de Christ éclaira plus complétement leurs esprits, quant au travail qu'ils auraient à accomplir à l'avenir parmi les gentils. Lorsque, plusieurs années après, les Juifs se détournèrent avec plus de persistance encore des disciples, parce qu'ils déclaraient que Jésus était le Sauveur du monde, et lorsque le mur de séparation entre les Juifs et les gentils fut renversé par la mort de Christ, cette leçon et d'autres semblables qui indiquaient une oeuvre évangélique, sans distinction de coutume et de nationalité, eut une puissante influence en dirigeant les réprésentants de Christ dans leurs travaux parmi les gentils. ------------------------Chapitre 31 -- La transfiguration VJC 297 1 Comme le temps approchait où Jésus devait souffrir et mourir, il se retirait plus fréquemment à l'écart avec ses disciples. Après avoir enseigné le peuple toute la journée, il se rendait dans un lieu isolé pour prier et converser avec ses disciples. Quoique fatigué, il n'avait pas le temps de se reposer: car son oeuvre sur la terre touchait à sa fin, et il avait beaucoup à faire avant que l'heure finale arrivât. VJC 297 2 Il devait bientôt quitter ses disciples, et leur laisser affronter seuls un monde froid et cruel. Il savait combien la haine amère et l'incrédulité les persécuteraient, et il désirait les encourager et les fortifier pour l'heure de l'épreuve. Souvent il se retirait seul et intercédait ardemment son Père en leur faveur, le suppliant de fortifier leur foi dans le moment d'épreuve qui les attendait, afin que ses souffrances et sa mort ne les plongeassent point dans le désespoir. Même en présence de ses souffrances qui approchaient, l'amour du Sauveur pénétrait l'avenir pour protéger ses compagnons de tout danger. VJC 297 3 Ce fut après un de ces moments de prière secrète que Jésus, rejoignant ses disciples, leur demanda: "Qui disent les hommes que je suis, moi le Fils de l'homme? Et il lui répondirent: Les uns disent que tu es Jean-Baptiste; les autres, Elie; et les autres, Jérémie, ou l'un des prophètes." Les questionnant de plus près, il leur demanda: "Et vous, qui dites-vous que je suis?" Pierre, toujours prêt à parler, répondit pour lui et ses frères: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Et Jésus lui répondit: Tu es heureux, Simon, fils de Jona; car ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais c'est mon Père qui est dans les cieux."1 VJC 298 1 Lors même que la foi de beaucoup eût complétement fait naufrage, et que le pouvoir des sacrificateurs et des principaux du peuple s'élevât puissamment contre eux, le brave disciple déclara ainsi hardiment sa foi. Jésus vit, dans cette confession, le principe vivant qui animerait le coeur de ses croyants dans les âges futurs. C'est l'oeuvre mystérieuse de l'Esprit de Dieu sur le coeur humain, qui élève l'esprit le plus humble à une science qui dépasse toute la sagesse humaine, à savoir une connaissance des saintes vérités de Dieu. Ah! en effet, "Tu es heureux, Simon, fils de Jona; car ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela." VJC 298 2 Jésus continua: "Et moi je te dis aussi que tu es Pierre, et que sur cette pierre [ce rocher, orig.] je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle." Le mot employé par Jésus correspondant au nom de Pierre signifie pierre, caillou. Mais Christ ne veut point dire que Pierre est le rocher sur lequel il édifierait son Eglise. Cet impétueux disciple qui était plein de confiance en lui-même était comme une pierre qui roule. L'expression "ce rocher" s'appliquait à Christ lui-même, qui était le fondement de l'Eglise chrétienne. Dans Ésaïe 28:16 il y est également fait allusion: "C'est pourquoi ainsi a dit le Seigneur, l'Eternel: Voici, je mettrai pour fondement une pierre en Sion, une pierre éprouvée, une pierre angulaire et précieuse, pour être un fondement solide." C'est la même pierre dont il est parlé dans Luc 20:17, 18: "Alors il les regarda, et leur dit: Que veut donc dire ce qui est écrit: La pierre que ceux qui bâtissaient ont rejetée est devenue la principale pierre de l'angle? Quiconque tombera sur cette pierre-là sera brisé, et elle écrasera celui sur qui elle tombera." Egalement dans Marc 12:10, 11: "Et n'avez-vous point lu cette parole de l'Ecriture: La pierre que ceux qui bâtissaient ont rejetée est devenue la principale pierre de l'angle; cela a été fait par le Seigneur, et c'est une chose merveilleuse devant nos yeux?" Ces textes prouvent d'une manière conclusive que Christ est le rocher sur lequel est édifiée l'Eglise; aussi, en s'adressant à Pierre, il parle de lui-même comme du rocher qui est le fondement de l'Eglise. Il continue: VJC 299 1 "Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux; et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux." Les paroles de Christ, "je te donnerai les clefs du royaume des cieux," n'étaient pas adressées à Pierre seul, mais aux disciples, comprenant ceux qui composent l'Eglise chrétienne dans tous les âges. Il ne fut accordé à Pierre ni préférence, ni pouvoir au-dessus des autres disciples. Si Jésus avait accordé quelque autorité spéciale à l'un d'eux, nous ne les verrions pas si souvent disputant entre eux pour savoir lequel serait le plus grand. Ils auraient été soumis à la volonté de leur Maître, et auraient honoré celui qu'il eût choisi comme leur chef. VJC 299 2 Ailleurs, Jésus reconnaît que le pouvoir que l'on prétend avoir été donné à Pierre seul, sur l'autorité du texte préalablement cité, existe dans toute l'Eglise. Dans Matthieu 18, il nous parle de la manière dont les différends entre frères doivent être arrangés. Lorsque des démarches pour ramener au bien un membre délinquant sont restées infructueuses, l'affaire doit être portée devant l'Eglise; si le membre en question refuse d'écouter l'Eglise, dit Christ, "regarde-le comme un païen et un péager." Puis il ajoute: "Je vous dis en vérité, que tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel; et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel."1 La décision de l'Eglise réunie doit être ratifiée dans le ciel. VJC 299 3 Jésus continua alors d'expliquer à ses disciples qu'ils devraient souffrir pour son nom, porter la croix en le suivant, et, comme leur Maître, supporter l'humiliation, l'opprobre et les moqueries du monde, sans quoi ils ne pourraient jamais partager sa gloire. Ses souffrances devaient être suivies des leurs, et sa crucifixion leur enseignait qu'ils devaient être crucifiés au monde et renoncer à sa pompe et à ses plaisirs. Avant de leur adresser ces paroles, Jésus avait fréquemment parlé à ses disciples de son humiliation future, et il avait résolûment découragé toutes les espérances qu'ils avaient de le voir élevé en honneur; mais ils avaient été accoutumés si longtemps à attendre un Messie qui régnerait sur eux comme un puissant roi, qu'il leur avait été impossible d'abandonner entièrement ces espérances de gloire. VJC 300 1 Cependant on ne pouvait alors se méprendre sur les paroles de Jésus. Il devait vivre comme un humble pèlerin, n'ayant pas un lieu où reposer sa tête, et mourir de la mort d'un malfaiteur. La tristesse remplissait leur coeur, car ils aimaient leur Maître; mais le doute accablait aussi leur esprit; il leur semblait incompréhensible que le Fils de Dieu souffrît une si cruelle humiliation. Ils ne pouvaient comprendre comment il pouvait aller à Jérusalem pour s'exposer au traitement qu'il avait dit y devoir éprouver. VJC 300 2 Ils étaient profondément affligés qu'il se résignât à un sort aussi ignominieux, et les laissât errer dans des ténèbres plus grandes que celles dans lesquelles ils étaient avant qu'il se révélât à eux. Il leur vint à l'esprit qu'ils pourraient l'entraîner par force dans un lieu sûr, mais ils n'osèrent pas le faire, parce qu'il leur avait déclaré plusieurs fois que de tels projets étaient des suggestions de Satan. Dans ces tristes pensées, ils ne pouvaient que se consoler dans l'idée que quelque circonstance imprévue pourrait détourner le sort terrible qui attendait leur Seigneur. C'est ainsi qu'ils s'affligèrent et doutèrent, espérèrent et craignirent, pendant six longs et tristes jours. VJC 300 3 Jésus connaissait le chagrin et la perplexité de ses disciples, et il résolut de leur donner encore une autre preuve qu'il était le Messie, afin que leur foi ne défaillît point entièrement dans la grande épreuve par laquelle ils allaient bientôt passer. Comme le soleil se couchait, il appela auprès de lui ses trois disciples les plus dévoués, et les conduisit hors de la ville, à travers les champs sur le sommet d'une montagne. Jésus était fatigué de ses labeurs et de son voyage. Pendant toute la journée il avait enseigné le peuple et guéri les malades; aussi il rechercha ce lieu isolé pour être éloigné de la foule qui le cherchait continuellement, et consacrer un moment à la méditation et à la prière. Abattu avant d'avoir gravi la pente de la montagne, il parvint au sommet harassé de fatigue. VJC 300 4 Les disciples étaient aussi accablés, et quoiqu'ils fussent accoutumés comme leur Maître à se retirer dans les solitudes pour prier, ils ne pouvaient s'empêcher de s'étonner que Jésus entreprît de gravir une montagne si rapide après une journée si fatigante. Mais ils ne firent aucune question sur son projet, et l'accompagnèrent patiemment. Pendant qu'ils font l'ascension de la montagne, le soleil couchant abandonne les vallées aux ombres du soir, tandis que la lumière s'attarde sur le sommet des montagnes, et que sa gloire, près de s'évanouir, dore de ses derniers reflets le sentier escarpé qu'ils gravissent péniblement. Mais bientôt cette lumière de pourpre et d'or quitte la colline aussi bien que la vallée, le soleil disparaît derrière l'horizon occidental, et les voyageurs solitaires sont enveloppés dans les ténèbres de la nuit. La mélancolie du paysage semble se confondre avec celle de leur existence, autour de laquelle de sombres nuages s'amoncellent rapidement. VJC 301 1 Parvenu à l'endroit qu'il cherchait, Jésus se met à adresser à son Père d'ardentes prières. Les heures se passent; il est toujours là, le visage baigné de larmes, adressant ses instantes supplications vers le ciel, auquel il demande la force de supporter ses afflictions et la grâce qu'il doit communiquer à ses disciples, afin qu'ils puissent, eux aussi, supporter les épreuves terribles qui les attendent dans un prochain futur. La rosée pénètre peu à peu son corps prosterné, mais il ne semble pas s'en apercevoir; les ombres de la nuit s'épaississent autour de lui, mais il n'en voit point la sinistre noirceur. Lentement les heures s'écoulaient. D'abord, les disciples, pleins de zèle, avaient uni leurs prières aux siennes; mais à mesure que les heures s'avançaient, et malgré leurs efforts pour demeurer éveillés et pour continuer de prier avec leur Seigneur, exténués, ils cédèrent à un sommeil longtemps repoussé. Jésus leur avait parlé de ses prochaines souffrances; il les avait pris avec lui pour leur donner l'occasion de veiller et de prier avec lui, tandis qu'il plaiderait avec son Père; en ce moment même il priait que ses disciples pussent avoir la force de supporter l'épreuve prochaine de son humiliation et de sa mort. Il plaidait surtout pour qu'ils pussent être témoins d'une telle manifestation de sa divinité, que toute incrédulité, et tout doute pussent être à jamais chassés de leur esprit; manifestation dont le souvenir les soutînt à l'heure de son agonie suprême par la conviction qu'il était bien assurément le Fils de Dieu et que sa mort ignominieuse faisait partie du divin plan de la rédemption. VJC 302 1 Dieu entendit la demande de son Fils, et les anges se préparèrent à le servir. Mais Dieu choisit Moïse et Elie pour se rendre auprès de Christ et converser avec lui au sujet des souffrances qu'il devait endurer à Jérusalem. Pendant que Jésus est prosterné sur le terrain humide et pierreux, tout à coup les cieux s'ouvrent, les portes d'or de la cité de Dieu sont ouvertes toutes grandes, et un saint rayonnement descend sur la montagne, enveloppant Christ prosterné.1 Il s'élève et se montre dans sa majesté divine. L'angoisse de son âme a disparu de son visage, qui rayonne d'une clarté sereine, et les traces de la poussière du chemin ont disparu de dessus ses vêtements, qui paraissent blancs et brillants comme le soleil en plein midi. VJC 302 2 Les disciples endormis sont réveillés par le rayon de gloire qui illumine toute la montagne. Ils regardent avec crainte et étonnement les vêtements éclatants et le visage glorieux de leur Maître. D'abord leurs yeux sont aveuglés par l'éclat céleste de cette scène, mais à mesure qu'ils deviennent capables de supporter cette merveilleuse lumière, ils s'aperçoivent que Jésus n'est pas seul. Deux glorieux personnages sont en conversation avec lui. C'est Moïse, qui parla avec Dieu face à face, au milieu du tonnerre et des éclairs de Sinaï, et Elie, le prophète de Dieu qui ne connut point la mort, mais qui fut enlevé au ciel dans un chariot de feu. Ces deux hommes, que Dieu avait jugé bon de favoriser plus que tous ceux qui avaient vécu sur la terre, furent délégués par le Père pour fortifier le Fils, et le réconforter, en parlant avec lui de l'achèvement final de sa mission, et spécialement des souffrances qu'il devait endurer à Jérusalem. VJC 302 3 Le Père choisit Moïse et Elie comme messagers auprès de Christ, pour le glorifier de la lumière du ciel et conférer avec lui concernant sa prochaine agonie, parce qu'ils avaient vécu sur la terre comme des hommes; ils avaient fait l'expérience de la douleur et de la souffrance, et pouvaient sympathiser avec Jésus dans sa vie terrestre. Elie, dans sa position comme prophète d'Israël, avait représenté Christ, et son oeuvre avait été, dans un certain degré, semblable à celle du Sauveur. Moïse, comme conducteur d'Israël, avait occupé la place de Christ, s'entretenant avec lui et suivant ses directions; c'est pourquoi, d'entre tous ceux qui entouraient le trône de Dieu, ces deux hommes étaient les plus propres pour assister le Fils. VJC 303 1 Lorsque Moïse, irrité de l'incrédulité des enfants d'Israël, frappa le rocher dans sa colère, et leur fournit l'eau qu'ils demandaient, il s'en attribua la gloire. Son esprit était tellement absorbé par l'ingratitude et la perversité d'Israël, qu'il négligea d'honorer Dieu et de magnifier son nom, en accomplissant l'acte qu'il lui avait commandé. Le dessein du Tout-Puissant était d'amener fréquemment les enfants d'Israël dans des positions difficiles et de les délivrer ensuite par son pouvoir, afin qu'ils reconnussent le soin spécial qu'il avait d'eux et qu'ils glorifiassent son nom. Mais Moïse, en suivant les impulsions naturelles de son coeur, s'était approprié l'honneur qui appartenait à Dieu; il tomba sous le pouvoir de Satan, et il lui fut défendu d'entrer dans la terre promise. VJC 303 2 S'il était resté fidèle, le Seigneur l'eût amené dans le pays de la promesse et l'eût enlevé au ciel sans le faire passer par la mort. Mais à cause de son péché, Moïse dut sentir l'aiguillon du trépas. Ensuite, le Fils de Dieu descendit du ciel et le ressuscita. Quoique Satan contestât avec Michel concernant le corps de Moïse, celui-ci fut transporté au ciel avec un corps ressuscité et glorifié, et fut l'un des deux personnages auxquels échut l'honneur d'être envoyés par le Père vers le Fils, pour le fortifier en vue des souffrances qui l'attendaient. VJC 303 3 En se laissant ainsi aller au sommeil, les disciples avaient perdu la conversation qui avait eu lieu entre les messagers célestes et le Rédempteur glorifié. Mais en se réveillant soudainement, et en contemplant la sublime vision qui apparaissait devant eux, ils furent remplis de ravissement et de crainte. Comme ils regardaient la personne radieuse de leur Maître bien-aimé, ils étaient obligés de voiler leurs yeux avec leurs mains, incapables de supporter autrement la gloire incomparable qui l'enveloppait, et qui projetait des rayons de lumière semblables à ceux du soleil. Pendant un court moment, les disciples considérèrent leur Maître ainsi glorifié, exalté devant leurs yeux, et honoré par les êtres radieux qu'ils reconnurent comme ceux qui avaient été favorisés de Dieu. VJC 304 1 Ils crurent que, suivant la prophétie, Elie était alors venu et que le royaume de Christ devait être établi sur la terre. Même, dans le premier moment de surprise, Pierre fit des plans pour le bien-être de Christ et de ceux qui leur étaient apparus. Aussitôt qu'il put élever la voix, il s'adressa à Jésus et lui dit: "Maître! il est bon que nous demeurions ici; faisons-y donc trois tentes: une pour toi, une pour Moïse, et une pour Elie." Dans la joie du moment, Pierre se flattait que les deux messagers du ciel avaient été envoyés pour préserver la vie de Jésus du sort dont elle était menacée à Jérusalem. Il était rempli de joie à la pensée que ces êtres glorieux, revêtus de lumière et de puissance, devaient protéger le Fils de Dieu et établir son autorité royale sur la terre. Il oubliait pour le moment les explications fréquentes données par Jésus lui-même sur le plan du salut, qui ne pouvait être accompli que par ses propres souffrances et sa mort. VJC 304 2 Pendant que les disciples étaient remplis de ravissement et d'étonnement, une nuée resplendissante les couvrit, et une voix sortit de la nuée qui dit: "C'est ici mon Fils bien-aimé; écoutez-le." Lorsque les disciples virent l'éclatante nuée de gloire, plus brillante que celle qui allait devant les tribus d'Israël dans le désert; et lorsqu'ils entendirent la voix de Dieu retentir dans la nuée, dans des accents de majesté qui faisaient trembler la montagne, comme si elle eût été secouée dans ses fondements, ils ne purent endurer plus longtemps cette grandeur suprême, et tombèrent le visage contre terre. VJC 304 3 Ils demeurèrent dans cette attitude n'osant lever la tête, jusqu'à ce que Jésus s'approchant d'eux les releva en les rassurant de sa voix aimée et bien connue, disant: VJC 305 1 "Levez-vous, et n'ayez point de peur." Osant alors lever les yeux, ils virent que la gloire céleste s'était dissipée. Les personnes radieuses de Moïse et d'Elie avaient disparu, le Fils de Dieu n'était plus enveloppé d'une lumière divine, trop éblouissante pour leurs regards: ils étaient seuls sur la montagne avec Jésus. VJC 305 2 La nuit entière s'était passée sur la montagne, et comme le soleil se levait, chassant les ténèbres de ses bienfaisants rayons, Jésus et ses disciples descendirent. Ils seraient restés volontiers dans ce saint lieu, qui avait été effleuré et honoré de la gloire du ciel, et où le Fils de Dieu avait été transfiguré devant les yeux de ses disciples; mais il y avait une oeuvre à faire pour le peuple, qui cherchait déjà Jésus au près et au loin. VJC 305 3 Au pied de la montagne, une grande foule s'était assemblée, conduite là par des disciples qui étaient restés en arrière, et qui connaissaient les retraites favorites où Jésus se rendait pour la méditation et la prière. Comme ils approchaient du peuple, Jésus dit à ses disciples de tenir secrètes les choses qu'ils avaient vues. "Ne dites à personne ce que vous avez vu, jusqu'à ce que le Fils de l'homme soit ressuscité des morts." Christ savait que ni le peuple, ni les disciples qui les avaient conduits dans cet endroit, n'étaient préparés à apprécier ou à comprendre l'événement merveilleux de la transfiguration sur la montagne. Après sa résurrection, le témoignage de ceux qui l'avaient vu devait être donné, pour prouver le fait qu'il était vraiment le Fils de Dieu. VJC 305 4 Les trois disciples choisis avaient alors une preuve dont ils ne pouvaient douter que Jésus était le Messie promis. Une voix de la gloire magnifique avait déclaré sa divinité. Ils étaient alors fortifiés et pouvaient endurer l'humiliation et la crucifixion de leur Sauveur. Le Maître patient, celui qui était doux et humble de coeur, qui, depuis trois ans, allait çà et là, de ville en ville, un homme de douleur, n'ayant pas un lieu où reposer sa tête, a été reconnu par la voix de Dieu comme son Fils, et Moïse et Elie, environnés de gloire dans le ciel, lui ont rendu hommage. Les disciples favorisés ne peuvent douter plus longtemps. Ils ont vu de leurs yeux et entendu de leurs oreilles des choses au-dessus de la compréhension de l'homme. VJC 306 1 Jésus retourna alors à son oeuvre parmi le peuple. Lorsque la foule vit le Sauveur, tous coururent à sa rencontre et l'accueillirent avec un grand respect. Bientôt il s'aperçut qu'ils étaient dans une grande perplexité. C'était à cause d'un incident qui venait de se passer: un homme avait amené son fils aux disciples pour le délivrer d'un esprit muet qui le tourmentait extrêmement;1 mais ses disciples avaient été incapables de le guérir, de sorte que les scribes avaient saisi l'occasion de disputer avec eux quant à leur pouvoir de faire des miracles. Ils déclarèrent alors triomphalement qu'il y avait là un démon que ni les disciples, ni leur Maître ne pouvaient vaincre. VJC 306 2 Comme Jésus s'approchait, il demanda la cause de cette agitation. Le père affligé répondit: "Maître! je t'ai amené mon fils qui est possédé d'un esprit muet, qui l'agite par des convulsions partout où il le saisit: alors il écume, grince les dents, et devient tout sec; et j'ai prié tes disciples de le chasser, mais ils n'ont pu le faire." Jésus écouta attentivement ce récit, et répondit alors à l'insuccès des disciples, aux doutes du peuple et aux vanteries des scribes par ces mots: "O race incrédule! jusqu'à quand serai-je avec vous? jusqu'à quand vous supporterai-je? Amenez-le moi." VJC 306 3 Le père obéit au commandement de Jésus; mais aussitôt que son fils fut en la présence divine, l'esprit malin l'attaqua violemment, et il tomba par terre, se tordant, se roulant et écumant. Jésus permit à Satan d'exercer ainsi son pouvoir sur sa victime, afin que le peuple pût mieux comprendre la nature du miracle qu'il allait accomplir, et que tous fussent plus profondément impressionnés par l'idée de sa puissance divine. Jésus demande alors au père depuis combien de temps son fils était ainsi tourmenté par le démon. Le père répondit: VJC 306 4 "Dès son enfance; et l'esprit l'a souvent jeté dans le feu et dans l'eau, pour le faire périr; mais si tu y peux quelque chose, aide-nous, et aie compassion de nous." L'incapacité des disciples à guérir le malheureux enfant avait fort découragé le père, et les souffrances de son fils angoissaient son âme. La question lui remit en mémoire les longues années de souffrances endurées par son fils, et son coeur défaillait au dedans de lui. Il craignait que ce que les scribes prétendaient ne fût vrai, et que Jésus lui-même ne pût pas vaincre un démon si puissant. Jésus vit sa condition d'abattement, et chercha à lui inspirer la foi. Il s'adressa à lui de cette manière: "Si tu le peux croire, toutes choses sont possibles pour celui qui croit." L'espérance fut aussitôt ranimée dans le coeur du père, et il s'écria: "Je crois, Seigneur! aide-moi dans mon incrédulité." VJC 307 1 Ce père en détresse comprit qu'il avait besoin d'un secours immédiat, et que personne ne pouvait lui accorder ce secours, si ce n'était le Sauveur miséricordieux, et il se reposait sur lui seul. Sa foi ne fut point inutile; car Jésus, devant toute la multitude qui les entourait pour voir la scène, "reprit sévèrement l'esprit immonde, et lui dit: Esprit muet et sourd, je te commande, moi, sors de lui, et ne rentre plus en lui." Immédiatement le démon le quitta, et le garçon demeura comme mort. Le mauvais esprit l'avait agité si violemment que toutes ses forces l'avaient abandonné, et qu'il fut réduit à un état d'impuissance et d'inconscience. Le peuple avait considéré avec effroi le changement soudain qui avait eu lieu dans le jeune garçon, et quelques-uns disaient entre eux: "Il est mort." Mais Jésus s'arrêta, avec une tendre compassion, le "prit par la main, le fit lever; et il se leva". VJC 307 2 Grande fut la joie du père à la vue de son fils guéri, et grande fut la joie du fils d'être affranchi du cruel démon qui l'avait tourmenté depuis si longtemps. Le père et le fils louèrent et magnifièrent le nom de celui qui les avait délivrés, tandis que les spectateurs étaient plongés dans l'étonnement, et que les scribes, battus et confus, se retiraient maussades. VJC 307 3 Jésus avait donné aux disciples le pouvoir de faire des miracles de guérison; mais leur insuccès devant un si grand nombre de témoins les avait profondément humiliés. Lorsqu'ils furent seuls avec Jésus, ils lui demandèrent pourquoi ils n'avaient pas pu chasser l'esprit immonde. Jésus répondit que c'était à cause de leur incrédulité, et l'incurie avec laquelle ils avaient regardé l'oeuvre sacrée qui leur avait été confiée. Ils ne s'étaient pas préparés à cette sainte vocation par le jeûne et la prière. Il leur était impossible de vaincre Satan, sans le secours de Dieu. Ils devaient aller à lui dans l'humiliation et le renoncement à eux-mêmes, et demander la force de vaincre l'ennemi des âmes. La dépendance de Dieu pouvait seule leur assurer le succès. Jésus encourage ses disciples déçus par ces paroles: "Si vous aviez de la foi aussi gros qu'un grain de moutarde, vous diriez à cette montagne: Transporte-toi d'ici là, et elle s'y transporterait, et rien ne vous serait impossible." VJC 308 1 Dans un court espace de temps, les disciples favorisés avaient vu les extrêmes de la gloire et de l'angoisse. Jésus, descendant de la montagne où il avait été transfiguré par la gloire de Dieu, où il avait parlé avec les messagers célestes, et avait été proclamé Fils de Dieu par la voix du Père sortant de la gloire éclatante, rencontrait un spectacle révoltant, un enfant lunatique, dont le visage était contracté, grinçant des dents dans les spasmes de la douleur, et qu'aucun mortel ne pouvait soulager. Ce puissant Rédempteur, qui apparaissait quelques heures auparavant seulement, glorifié devant les disciples étonnés, se baissait pour relever cette victime de Satan qui se tordait par terre, et rendait l'enfant à son père, délivré pour toujours du pouvoir du démon. VJC 308 2 Avant sa transfiguration, Jésus avait dit à ses disciples que quelques-uns d'entre eux, alors avec lui, ne mourraient point qu'ils n'eussent vu le royaume de Dieu venir avec puissance. Dans la transfiguration sur la montagne, cette promesse fut accomplie; car ils virent là le royaume de Christ en miniature. Jésus était revêtu de la gloire du ciel, et déclaré Fils de Dieu par la voix du Père. Moïse était présent, représentant ceux qui ressusciteront des morts à la seconde venue de Christ, et Elie, qui avait été transporté au ciel sans voir la mort, préfigurait ceux qui vivront sur la terre au moment de la seconde apparition de Christ, et qui seront changés en immortalité et enlevés au ciel sans passer par la mort. ------------------------Chapitre 32 -- La fête des tabernacles VJC 309 1 Trois fois l'année il était exigé des Juifs qu'ils s'assemblassent à Jérusalem, pour y célébrer des fêtes religieuses. Jésus ne s'était pas rendu à plusieurs de ces fêtes, à cause de l'inimitié des Juifs. Lorsqu'il avait déclaré, dans la synagogue, qu'il était le pain de vie, plusieurs de ceux qui l'avaient suivi avaient apostasié, et s'étaient joints aux pharisiens pour le surveiller et espionner ses mouvements, dans l'espoir de découvrir quelque prétexte pour le condamner à mort. VJC 309 2 Les fils de Joseph, qui passaient pour les frères de Jésus, étaient très affligés de la désertion d'un si grand nombre de disciples, et, comme la fête des tabernacles approchait,1 ils le pressaient de monter à Jérusalem pour présenter ses prétentions devant les gouverneurs et faire valoir ses droits, s'il était vrai qu'il fût véritablement le Messie. VJC 309 3 Jésus leur répondit avec une dignité solennelle: "Mon temps n'est pas encore venu; mais le temps est toujours propre pour vous. Le monde ne vous peut haïr; mais il me hait, parce que je rends ce témoignage contre lui, que ses oeuvres sont mauvaises. Pour vous, montez à cette fête; pour moi, je n'y monte pas encore, parce que mon temps n'est pas encore venu." Le monde aime ceux qui lui ressemblent; or, entre Christ et le monde, le contraste était trop marqué; il ne pouvait y avoir accord. Ses enseignements et ses censures contre le péché lui attiraient la haine du monde. Notre Seigneur savait ce qui l'attendait à Jérusalem. Il savait que la malice des Juifs réussirait bientôt à le faire mourir; et ce n'était point à lui de hâter cet événement en s'exposant prématurément à leur haine sans scrupule. Il devait attendre patiemment que son temps fût venu. VJC 310 1 Dès le commencement de la fête des tabernacles, on s'entretint de l'absence de Jésus. Les pharisiens et les gouverneurs attendaient sa venue avec impatience, espérant avoir une occasion de le condamner par ses paroles ou ses actions. Ils demandaient avec inquiétude: "Où est-il?" Mais personne ne le savait. Alors une dispute s'éleva parmi le peuple concernant Jésus. Les uns le défendaient noblement, comme un envoyé de Dieu, tandis que d'autres l'accusaient amèrement d'être un séducteur du peuple. VJC 310 2 Pendant ce temps, Jésus était tranquillement arrivé à Jérusalem. Il avait choisi une route qui n'était point fréquentée, afin d'éviter ceux qui se rendaient à Jérusalem de toutes les parties du pays. Au milieu de la fête, au plus fort de la dispute qui se poursuivait sur son compte, Jésus traversa tranquillement la cour du temple, et vint se placer devant le peuple comme quelqu'un qui posséderait une autorité incontestable. L'apparition soudaine et inattendue devant les principaux sacrificateurs et les gouverneurs de celui qu'ils croyaient ne pas oser se montrer parmi eux, remplit le peuple d'un si grand étonnement, que le calme succéda tout à coup aux plus vives discussions. Ils étaient étonnés de son maintien digne et courageux, au milieu d'un si grand nombre d'hommes puissants qui recherchaient sa vie. VJC 310 3 Debout au milieu de cette foule qui faisait de lui le point de mire de tous les regards, il parla au peuple comme aucun homme ne l'avait fait jusqu'alors. Sa science était plus grande que celle des sacrificateurs et des anciens les plus savants, et il assumait une autorité qu'ils n'avaient jamais essayé de prendre. Ces hommes mêmes qui, peu auparavant étaient animés d'une si grande haine, et qui étaient prêts à se jeter sur Christ à la première occasion, écoutaient alors ses paroles comme s'ils eussent été suspendus à ses lèvres, et se sentaient impuissants à lui nuire. Il était l'attraction du moment; tout autre intérêt était oublié. A l'ouïe de ses paroles divines, tous tressaillaient d'admiration. VJC 310 4 Son discours montrait qu'il connaissait la loi dans toutes ses parties, et qu'il interprétait clairement les Ecritures. Ils se demandaient les uns aux autres: "Comment cet homme sait-il les Ecritures, ne les ayant point apprises?" Quelques-uns, connaissant moins sa jeunesse, demandaient dans quelle école il avait été instruit. Finalement, les gouverneurs recouvrèrent assez de présence d'esprit pour lui demander par quelle autorité il enseignait ainsi le peuple. Ils cherchaient à détourner de Jésus l'attention du peuple, pour l'attirer sur la question de savoir s'il avait le droit d'enseigner, et afin de rappeler leur propre importance et leur autorité. Mais la voix de Jésus répondit à leur question avec une puissance saisissante: VJC 311 1 "Ma doctrine n'est pas de moi, mais elle est de celui qui m'a envoyé. Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu, il reconnaîtra si ma doctrine est de Dieu, ou si je parle de mon chef. Celui qui parle de son chef cherche sa propre gloire; mais celui qui cherche la gloire de celui qui l'a envoyé, est digne de foi, et il n'y a point d'injustice en lui." Jésus déclare ici que son Père céleste est la source de toute force et le fondement de toute sagesse. Aucun talent naturel, aucune connaissance acquise ne peut suppléer à la connaissance de la volonté de Dieu. Le désir d'obéir aux ordres du Seigneur dispose l'esprit et le coeur à s'informer diligemment de la vérité et à la rechercher. Il déclare que, l'esprit ainsi disposé, l'homme peut discerner entre celui qui parle au nom de Dieu et celui qui parle pour sa propre gloire et dans un but égoïste. Dans cette dernière classe se trouvaient les sacrificateurs orgueilleux et les pharisiens. VJC 311 2 Jésus parla sur le sujet de la loi. Il se trouvait en présence de ces hommes mêmes qui étaient si ardents à en imposer les règles, et qui pourtant négligeaient d'en pratiquer les principes dans leur vie. Ces personnes persécutaient Jésus qui enseignait d'une manière formelle la sainteté des commandements de Dieu en les dégageant des restrictions insensées qu'on y avait attachées. Depuis que Jésus avait guéri un paralytique un jour de Sabbat, les pharisiens avaient conçu la pensée de le faire mourir, et recherchaient impatiemment une occasion d'accomplir leur dessein. Jésus, pénétrant leurs intentions, leur demanda: VJC 311 3 "Moïse ne vous a-t-il pas donné la loi? et néanmoins aucun de vous n'observe la loi. Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir?" Cette accusation directe alla droit aux consciences coupables des pharisiens et des gouverneurs; mais elle ne fit qu'augmenter leur rage. Que cet homme humble se tînt devant le peuple et exposât les péchés cachés de leur vie, cela leur paraissait une présomption si énorme qu'ils croyaient rêver. Mais les principaux, désirant cacher leurs mauvais desseins aux yeux du peuple, éludèrent les paroles de Jésus en s'écriant: "Tu es possédé du démon: qui est-ce qui cherche à te faire mourir?" Par ces paroles, ils voulaient insinuer que toutes les oeuvres merveilleuses de Jésus étaient faites à l'instigation d'un esprit malin. Ils désiraient aussi détourner l'esprit du peuple des paroles par lesquelles Jésus avait révélé leur intention de le faire mourir. VJC 312 1 Mais Jésus leur répondit: "J'ai fait une oeuvre, et vous en êtes tous étonnés. Moïse vous a ordonné la circoncision (non pas qu'elle vienne de Moïse, mais elle vient des pères), et vous circoncisez un homme au jour du Sabbat." Jésus rappelait qu'il avait guéri un homme au jour du Sabbat et montrait que cet acte était d'accord avec la loi du Sabbat. Il faisait également allusion à la coutume juive de circoncire un homme un jour de Sabbat. Si c'était une chose légale de circoncire un homme au jour du Sabbat, ce devait certainement être juste de soulager un affligé, "de guérir un homme dans tout son corps le jour du Sabbat". Il leur commanda de ne point juger selon l'apparence, mais de juger selon la justice. La hardiesse avec laquelle Jésus se défendait et interprétait l'esprit de la loi, imposa silence aux principaux, et fit dire à plusieurs de ceux qui l'entendaient: "N'est-ce pas celui qu'ils cherchent à faire mourir? et le voici qui parle librement, et ils ne lui disent rien. Les chefs auraient-ils en effet reconnu qu'il est véritablement le Christ?" Plusieurs de ceux qui vivaient à Jérusalem et qui connaissaient les desseins du Sanhédrin contre Jésus, étaient émerveillés de la pureté de la doctrine qu'il enseignait et de la dignité de son maintien, et ils étaient disposés à le recevoir comme le Fils de Dieu. VJC 312 2 Ils n'étaient point imprégnés de méchants préjugés et de haine comme les sacrificateurs et les principaux; mais Satan était prêt à leur inspirer des doutes et à leur faire mettre en question la divinité de cet homme d'humble origine. Plusieurs avaient adopté l'opinion que le Messie n'aurait aucune parenté avec l'humanité, et il ne leur était point agréable de penser que celui qu'ils avaient espéré devoir être un puissant roi d'Israël, fût un homme d'une origine pauvre et obscure. Ils disaient donc entre eux: "Mais nous savons d'où est celui-ci; au lieu que quand le Christ viendra, personne ne saura d'où il est." L'esprit de ces hommes était sourd aux prophéties qui indiquaient comment et dans quel temps le Christ devait venir. VJC 313 1 Tandis que leur esprit balançait entre le doute et la foi, Jésus, comprenant leurs pensées, leur parla ainsi: "Vous me connaissez, et vous savez d'où je suis. Je ne suis pas venu de moi-même; mais celui qui m'a envoyé est véritable, et vous ne le connaissez point. Mais moi je le connais; car je viens de sa part, et c'est lui qui m'a envoyé." Ils prétendaient connaître l'origine de Christ, tandis qu'ils en étaient parfaitement ignorants, et qu'ils étaient plongés dans un aveuglement spirituel complet. S'ils avaient vécu selon la volonté du Père, ils auraient connu son Fils lorsqu'il leur fut manifesté. VJC 313 2 Les paroles de Jésus convainquirent plusieurs de ceux qui l'écoutaient, mais la rage des gouverneurs fut augmentée par ce fait même, et ils essayèrent de se saisir de lui; mais "personne ne mit la main sur lui, parce que son heure n'était pas encore venue. Cependant plusieurs du peuple crurent en lui, et ils disaient: Quand le Christ viendra, fera-t-il plus de miracles que n'en fait celui-ci?" VJC 313 3 Jésus se tenait au milieu de ses ennemis, l'air digne et calme, déclarant sa mission dans le monde, et révélant les péchés cachés et les desseins meurtriers des pharisiens et des gouverneurs. Quoique ces gens hautains lui eussent volontiers fermé la bouche, et quoiqu'ils eussent le désir de le faire mourir au lieu même où il était, ils en étaient empêchés par une invisible influence qui mettait une limite à leur rage et leur disait: "Tu viendras jusque-là, et tu ne passeras point plus avant."1 VJC 314 1 Les paroles de Jésus trouvèrent le chemin de bien des coeurs, et, semblables à la semence jetée dans une bonne terre, elles portèrent ensuite d'abondantes moissons. Les espions, dispersés parmi la foule, rapportèrent aux principaux sacrificateurs et aux anciens que Jésus acquérait une grande influence parmi le peuple, et que plusieurs déjà déclaraient croire en lui. Les sacrificateurs donc résolurent secrètement de faire arrêter Jésus; mais ils complotèrent de se saisir de lui lorsqu'il serait seul, car ils n'osaient le faire en présence du peuple. Jésus, devinant leur intention malveillante, leur fit cette déclaration solennelle: VJC 314 2 "Je suis encore avec vous pour un peu de temps, puis je m'en vais à celui qui m'a envoyé. Vous me chercherez, et vous ne me trouverez point, et vous ne pourrez venir où je serai." Bientôt le Sauveur du monde devait trouver un refuge loin de la persécution de ses ennemis, où il serait à l'abri de leur mépris et de leur haine. Il devait remonter vers son Père, pour être de nouveau adoré par les anges, là où ses meurtriers ne pourraient jamais parvenir. VJC 314 3 La fête des tabernacles était célébrée pour rappeler le temps où les Hébreux demeurèrent sous des tentes, durant leur séjour dans le désert. Tant que durait cette grande fête, le peuple devait quitter les maisons et demeurer dans des tentes faites de branches vertes de pins et de myrtes. Ces constructions de feuillage étaient parfois élevées sur le haut des maisons et dans les rues, mais le plus souvent hors des murailles des villes, dans les vallées et sur les pentes des collines. Dispersés çà et là, dans toutes les directions, ces camps de verdure présentaient un aspect des plus pittoresques. VJC 314 4 La fête durait une semaine, et pendant tout ce temps le temple présentait une scène de fête et de réjouissance. On voyait les pompeuses cérémonies des sacrifices; on entendait le son de la musique qui, se confondant avec les hosanna, donnait à ce lieu un air de joie et de sainte grandeur. A la première aube du jour, les sacrificateurs faisaient entendre les sons perçants et prolongés de leurs trompettes d'argent. Le son d'autres trompettes ainsi que les cris joyeux du peuple au milieu des bocages, répétés par l'écho de colline en colline, et de vallée en vallée, saluaient ce jour de fête. Ensuite le sacrificateur puisait dans les eaux courantes du Cédron, une cruche d'eau et, l'élevant en l'air pendant que les trompettes sonnaient, il gravissait les grands escaliers du temple, marchant en mesure, d'un pas lent et cadencé, tout en chantant: "Nos pieds se sont arrêtés dans tes portes, ô Jérusalem!" VJC 315 1 Il portait la cruche à l'autel qui était au milieu de la cour du temple. Là se trouvaient deux bassins d'argent auprès de chacun desquels se tenait un sacrificateur. La cruche d'eau était versée dans un bassin, et une cruche de vin dans l'autre, d'où le contenu de tous deux coulait dans un tuyau qui communiquait au Cédron, et était conduit à la mer Morte. Le spectacle de l'eau consacrée représentait la source qui coulait du rocher dans le désert pour étancher la soif des Hébreux. Ensuite les chants de joie continuaient: "Car l'Eternel, l'Eternel est ma force et ma louange," "et vous puiserez des eaux avec joie des sources de cette délivrance."1 Toute la grande assemblée se joignait à ce chant de triomphe avec des instruments et des trompettes, tandis que des choristes compétents dirigeaient ce grand concert de louange. VJC 315 2 Les réjouissances se poursuivaient avec une splendeur sans exemple. Lorsque la nuit avait succédé au jour, le temple et ses cours étaient éclatants de lumière. La musique, l'agitation des branches de palmier, les joyeux hosanna, le grand concours du peuple au-dessus duquel rayonnait la lumière des lampes suspendues, les brillants costumes des sacrificateurs et la majesté des cérémonies, tout était combiné pour rendre cette scène imposante. VJC 316 3 La fête tirait à sa fin. Le matin du dernier jour trouva le peuple fatigué de ces longues journées de fête. Tout à coup Jésus éleva la voix avec un accent qui retentit au travers des cours du temple: "Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive. Qui croit en moi, des fleuves d'eau vive couleront de lui, comme l'Ecriture le dit." La condition du peuple rendait cet appel bien frappant. Ils avaient assisté à une scène ininterrompue de pompe et de fête, leurs yeux avaient été éblouis de lumière et de couleurs, leurs oreilles remplies de la plus riche musique, mais il n'y avait rien là qui répondît au besoin de leurs esprits, rien qui satisfît la soif de leurs âmes, pour ce qui ne périt pas. Jésus les invitait à venir et à boire à la fontaine de la vie qui deviendrait en eux une source d'eau vive jaillissant jusqu'à la vie éternelle. VJC 316 1 Ce matin-là, les sacrificateurs avaient accompli l'imposante cérémonie qui représentait Moïse frappant le rocher et l'apparition de l'eau qui en était sortie. Ce rocher était une image de Christ; ses paroles étaient les eaux vives. Comme Jésus parlait ainsi au peuple, les coeurs de plusieurs étaient émus de crainte et d'admiration, et beaucoup étaient prêts à s'écrier comme la Samaritaine: "Seigneur! donne-moi de cette eau, afin que je n'aie plus soif."1 VJC 316 2 Les paroles du divin Sauveur présentaient son Evangile sous une image bien impressive. Plus de 1800 ans se sont écoulés depuis que les lèvres de Jésus ont prononcé ces paroles à l'ouïe de milliers d'âmes altérées; mais elles sont aussi réconfortantes et consolantes pour nos coeurs aujourd'hui, et aussi pleines d'espérance qu'elles ne l'étaient à ceux qui les reçurent dans le temple de Jérusalem. Jésus connaissait les besoins de l'âme humaine. La vaine pompe, les richesses et les honneurs ne peuvent satisfaire le coeur. "Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi." Le riche, le pauvre, le puissant, le faible sont également bien reçus. Il promit de soulager l'esprit oppressé, de consoler les affligés et de rendre l'espérance à ceux qui sont abattus. VJC 316 3 Plusieurs de ceux qui entendirent Jésus menaient le deuil d'espérances déçues, quelques-uns nourrissaient un chagrin secret, d'autres cherchaient à satisfaire les continuels désirs de leur âme par les choses de ce monde et la louange des hommes; mais lorsque tout cela était obtenu, ils trouvaient qu'ils avaient travaillé pour obtenir une citerne crevassée, d'où ils ne pouvaient étancher leur soif fiévreuse. Au milieu de l'éclat de ces scènes de joie, ils étaient mécontents et tristes. Soudain ce cri: "Si quelqu'un a soif", les arrache à leurs tristes réflexions et, comme ils écoutent les paroles qui suivent, de nouvelles espérances illuminent leur esprit. Ils considèrent le Sauveur se tenant majestueusement devant eux; sa divinité éclatant à travers son humanité, et révélant sa puissance céleste en paroles qui font tressaillir leur coeur. VJC 317 1 L'appel de Christ à l'âme altérée se fait encore entendre. Il nous invite avec une plus grande puissance même que ceux qui l'entendirent dans le temple au dernier jour de la fête. Le breuvage rafraîchissant de la vie éternelle est offert aux esprits fatigués et épuisés. Jésus les invite à se reposer sur lui. Il se chargera de leur fardeau. Il leur donnera la paix. Des siècles avant l'avénement de Christ, le prophète Esaïe le décrit "comme un lieu où l'on se met à couvert du vent, et comme une retraite contre la tempête;" et comme "l'ombre d'un gros rocher dans un pays altéré."1 Tous ceux qui viennent à Christ reçoivent son amour dans leur coeur; cet amour est l'eau qui jaillit jusqu'en la vie éternelle. Ceux qui le reçoivent en font part aux autres à leur tour, en bonnes oeuvres, en bons exemples et en conseils chrétiens. VJC 317 2 Le jour était passé et les pharisiens et les chefs du peuple attendaient impatiemment un rapport des sergents qu'ils avaient envoyés sur les traces de Jésus, afin de l'arrêter. Mais leurs émissaires revinrent sans lui. On leur demanda aigrement: "Pourquoi ne l'avez-vous pas amené?" Les sergents répondirent d'un air solennel: "Jamais homme n'a parlé comme cet homme." L'habitude de la violence et du crime avait naturellement endurci le coeur de ces hommes; mais ils n'étaient pas aussi insensibles que les sacrificateurs et les anciens qui avaient résolûment repoussé la lumière, et s'étaient livrés à l'envie et à la méchanceté. VJC 317 3 Les sergents avaient entendu les paroles de Jésus dans le temple; ils avaient éprouvé la merveilleuse influence de sa présence, et leurs coeurs avaient été étrangement amollis et attirés vers celui qu'on leur avait donné ordre d'arrêter comme un criminel. Ils étaient incapables d'accomplir la tâche que leur avaient donnée les sacrificateurs et les chefs du peuple; ils n'avaient pas le courage de mettre la main sur cet Etre saint qui se tenait- devant eux, le visage illuminé d'une lumière divine et prêchant un salut gratuit. Comme ils s'excusaient de n'avoir pas obéi à leurs ordres, en disant: "Jamais homme n'a parlé comme cet homme", les pharisiens pleins de rage de ce que même leurs agents s'étaient laissé influencer par ce Galiléen, s'écrièrent avec colère: VJC 318 1 "Avez-vous aussi été séduits? Y a-t-il quelqu'un des chefs ou des pharisiens qui ait cru en lui? Mais cette populace qui n'entend point la loi est exécrable." Ils continuèrent alors à tenir conseil sur les moyens de condamner et de faire mourir Jésus immédiatement, craignant que si on le laissait libre plus longtemps, il ne gagnât tout le peuple. Ils reconnurent que leur seule espérance était de le réduire au silence tout de suite. Mais Nicodème, pharisien qui était venu de nuit vers Jésus, et qui avait été instruit sur la nouvelle naissance, leur dit: VJC 318 2 "Notre loi condamne-t-elle un homme sans l'avoir ouï auparavant, et sans s'être informé de ce qu'il a fait?" Pendant un moment, il se fit un grand silence dans l'assemblée. Nicodème était un homme riche et influent, instruit dans la loi, et ayant une position élevée parmi les chefs du peuple. Ce qu'il dit était vrai et frappa les pharisiens directement au coeur. Ils ne pouvaient condamner un homme sans l'avoir entendu. Mais ce n'était pas la seule raison pour laquelle les gouverneurs hautains demeuraient confondus, regardant celui qui avait parlé si hardiment au nom de là justice. Ils étaient confus et irrités de ce que l'un des leurs eût été si impressionné par la présence de Jésus, qu'il le défendît ouvertement devant le conseil. Lorsqu'ils furent revenus de leur surprise, ils lui dirent avec un sarcasme mordant: "Es-tu aussi Galiléen? Informe-toi, et tu verras qu'aucun prophète na été suscité de la Galilée." Mais ils ne purent néanmoins exécuter leur dessein et condamner Jésus sans l'avoir entendu. Pour lors ils furent déçus et "chacun s'en alla dans sa maison". ------------------------Chapitre 33 -- Va et ne pèche plus VJC 319 1 "Et à la pointe du jour Jésus retourna au temple, et tout le peuple vint à lui; et s'étant assis, il les enseignait." VJC 319 2 Pendant que Jésus était occupé à enseigner, les scribes et les pharisiens lui amenèrent une femme qu'ils accusaient du péché d'adultère, et lui dirent: Maître! "Moïse nous a ordonné dans la loi de lapider ces sortes de personnes; toi donc qu'en dis-tu? Ils disaient cela pour l'éprouver, afin de le pouvoir accuser. Mais Jésus, s'étant baissé, écrivait avec le doigt sur la terre."1 VJC 319 3 Les scribes et les pharisiens s'étaient entendus pour présenter ce cas devant Jésus, pensant que quelle que fût sa décision, ils trouveraient occasion de l'accuser et de le condamner. S'il avait acquitté la femme, ils l'auraient accusé de mépriser la loi de Moïse et l'auraient condamné à cause de cela, et s'il avait déclaré qu'elle avait mérité la mort, ils l'auraient accusé auprès des Romains comme un séditieux, assumant une autorité qui n'appartenait qu'à eux. Mais Jésus savait bien dans quel but ils étaient venus à lui. Il lisait les secrets de leurs coeurs, connaissait le caractère et l'histoire de la vie de tous ceux qui étaient en sa présence. Il paraissait indifférent à la question des pharisiens, et, pendant qu'ils parlaient et se pressaient autour de lui, il se baissa et écrivit avec son doigt sur le sable. VJC 319 4 Quoiqu'il agît ainsi sans dessein apparent, Jésus traçait sur la terre, en caractères lisibles, les péchés particuliers dont s'étaient rendus coupables ceux qui accusaient la femme, commençant depuis le plus vieux jusqu'au plus jeune. A la fin, les pharisiens s'impatientèrent de l'indifférence de Jésus, de son délai à décider la question qu'ils lui proposaient, et ils se pressèrent autour de lui pour obtenir une réponse. Mais comme leurs yeux tombaient sur les paroles écrites sur le sable, ils furent remplis de crainte et de surprise; ceux qui les regardaient, les voyant subitement changer de contenance, se rapprochèrent pour découvrir ce qu'ils contemplaient avec une telle expression d'étonnement et de honte. Beaucoup de ceux donc qui étaient assemblés autour d'eux lurent ainsi le récit des péchés cachés, inscrits contre les accusateurs de la femme. VJC 320 1 Alors, Jésus "s'étant redressé, leur dit: Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle. Et s'étant encore baissé, il écrivait sur la terre". Les accusateurs virent que non seulement Jésus connaissait les secrets de leurs péchés passés, mais qu'il connaissait le but qu'ils se proposaient en lui amenant la femme, et que, dans sa sagesse incomparable, il avait renversé le complot qu'ils avaient adroitement ourdi contre lui. Ils craignirent alors que Jésus n'exposât leur culpabilité devant tous ceux qui étaient présents; c'est pourquoi, "se sentant repris par leur conscience, ils sortirent l'un après l'autre, commençant depuis les plus vieux jusqu'aux derniers; et Jésus demeura seul avec la femme qui était là au milieu". VJC 320 2 Il n'y avait aucun des accusateurs de la femme tremblante et remplie de honte, qui ne fût plus coupable qu'elle. Après que les pharisiens se furent hâtés de sortir de la présence de Christ, consternés de voir leur culpabilité découverte, Jésus se redressa et, regardant la femme, il lui dit: "Femme, où sont ceux qui t'accusaient? Personne ne t'a-t-il condamnée? Elle dit: Personne, Seigneur! Et Jésus lui dit: Je ne te condamne point non plus; va-t'en, et ne pèche plus à l'avenir." VJC 320 3 Jésus n'a pas pallié le péché, ni amoindri l'horreur du crime; mais il n'est pas venu condamner; il est venu conduire le pécheur à la vie éternelle. Le monde regardait cette femme pécheresse comme digne d'être méprisée et repoussée; mais Jésus, pur et saint, s'arrêta pour lui adresser des paroles de consolation, l'encourageant à réformer sa vie. Au lieu de condamner les coupables, son oeuvre était d'atteindre les profondeurs de la misère et de la dépravation humaines, de relever ceux qui étaient abaissés, et de commander aux pénitents tremblants de ne plus pécher. Lorsque la femme se tenait devant Jésus, courbée sous l'accusation des pharisiens et sous le sentiment de l'énormité de son crime, elle savait que sa vie vacillait dans la balance, et qu'une parole de Jésus mettrait le feu à l'indignation de la foule, de sorte que le peuple la lapiderait immédiatement. VJC 321 1 Ses yeux s'abaissèrent devant le regard calme et scrutateur de Christ. Remplie de honte, elle n'osa regarder cet être saint. Comme elle attendait ainsi la sentence qui devait être prononcée sur elle, des paroles frappent son oreille étonnée. Non seulement elle était délivrée de ses accusateurs, mais ceux-ci étaient renvoyés, convaincus de plus grands crimes qu'elle-même. Après qu'ils furent partis, elle entend ces paroles tristement solennelles de Jésus: "Personne ne t'a-t-il condamnée?" "Va-t'en, et ne pèche plus à l'avenir." Son coeur attendri sous l'effet d'une douleur cuisante, et remplie de gratitude envers son Sauveur, elle tombe aux pieds de Jésus, exprimant par ses sanglots les émotions de son coeur, confessant ses péchés avec des larmes amères. VJC 321 2 Ce fut le commencement d'une nouvelle vie pour cette âme tentée et déchue -- une vie de pureté et de paix, consacrée au service de Dieu. En ramenant cette femme à une vie vertueuse, Jésus accomplit un acte plus grand que celui de guérir les plus graves maladies. Il guérit la maladie de l'âme qui conduit à la mort éternelle. Cette femme pénitente devint une des disciples les plus fermes de Jésus. Elle montra sa reconnaissance du pardon et de la compassion de Christ par son renoncement, son amour et son adoration. Lorsque, plus tard, elle se tint frappée de douleur au pied de la croix, et vit l'angoisse peinte sur le visage de son Seigneur mourant, entendit son cri amer, son âme fut de nouveau percée; car elle savait que son sacrifice était fait à cause du péché; et elle sentait la responsabilité qui pesait lourdement sur elle, comme une pécheresse dont la profonde culpabilité avait causé cette angoisse au Fils de Dieu. Elle sentait que ces douleurs qui agitaient le Sauveur étaient pour son salut; le sang qui coulait de ses blessures devait effacer ses péchés à elle; les soupirs qui s'échappaient de ses lèvres mourantes étaient causés par ses transgressions. Son coeur souffrait d'une douleur inexprimable, elle sentait qu'une vie d'abnégation et de sacrifice compenserait bien peu le don de la vie qui lui était procuré à un prix aussi infini! VJC 322 1 Dans l'acte de pardonner à cette femme déchue et de l'encourager à vivre d'une vie meilleure, le caractère de Jésus paraît dans la beauté d'une parfaite justice. Ne connaissant point la souillure du péché lui-même, il a pitié de la faiblesse de cette femme égarée et lui tend une main secourable. Tandis que les pharisiens hypocrites, pleins de propre justice, dénoncent; que la foule tumultueuse est prête à lapider et à tuer; et que la victime tremblante attend la mort, Jésus, l'ami du pécheur, dit à la femme: "Va-t'en, et ne pèche plus à l'avenir." VJC 322 2 Ce n'est point le vrai disciple de Christ qui se détourne de ceux qui sont égarés avec un regard froid et plein d'aversion, les laissant courir à leur perte sans retenue. La charité chrétienne est lente à censurer, prompte à reconnaître la repentance, prête à pardonner, à encourager, à conduire et à maintenir dans le chemin de la vertu celui qui s'égarait. VJC 322 3 La sagesse que montra Jésus en cette occasion, en se défendant contre les desseins de ses ennemis, la preuve qu'il leur donna de sa connaissance des secrets de leur vie, la conviction qu'il portait dans les consciences coupables des hommes mêmes qui cherchaient sa vie, étaient des preuves suffisantes de son caractère divin. Jésus enseigna aussi une importante leçon à cette occasion: c'est que ceux qui sont toujours les premiers pour accuser les autres, prompts à les trouver en faute et zélés pour les faire paraître en justice, sont souvent plus coupables dans leur conduite intime que ceux qu'ils accusent. Plusieurs de ceux qui étaient témoins de cette scène furent amenés à comparer la compassion de Jésus qui pardonnait, à l'esprit implacable des pharisiens chez lesquels la miséricorde était étrangère, et ils se tournèrent vers le Sauveur miséricordieux comme vers celui qui pouvait conduire le pécheur repentant à la paix et au salut. VJC 323 1 "Jésus parla encore au peuple, et dit: Je suis la lumière du monde: celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie."1 Jésus s'était comparé dans ses relations avec l'homme déchu, à une source d'eau vive, à laquelle tous ceux qui ont soif peuvent aller se désaltérer. En ce moment-là, les brillantes lumières du temple jetaient leurs lueurs sur Jérusalem; Jésus s'en servit pour représenter ses relations avec le monde. Il déclara en paroles claires et saisissantes: "Je suis la lumière du monde." Comme ces lampes pouvaient être aisément vues de toute la ville, de même Christ, la source de la lumière spirituelle, illuminait les ténèbres d'un monde plongé dans le péché. Sa tenue était si imposante et ses paroles avaient un tel accent de vérité, que plusieurs furent alors convaincus qu'il était vraiment le Fils de Dieu. Mais les pharisiens, toujours prêts à le contredire, l'accusèrent d'amour propre, disant: "Tu rends témoignage de toi-même; ton témoignage n'est pas véritable." Jésus répondit à leurs objections, et affirma de nouveau la divinité de son ministère. VJC 323 2 "Quoique je rende témoignage de moi-même, mon témoignage est véritable, car je sais d'où je suis venu, et où je vais; mais vous, vous ne savez d'où je viens, ni où je vais." Ils ignoraient son saint caractère et sa divine mission, parce qu'ils n'avaient pas sondé les prophéties concernant le Messie, comme c'était leur privilége et leur devoir de le faire. Ils n'avaient aucun rapport avec Dieu et le ciel, et par conséquent ils ne comprenaient pas l'oeuvre du Sauveur du monde; et quoiqu'ils eussent la preuve la plus convaincante que Jésus était le Sauveur, ils refusaient pourtant d'ouvrir leurs coeurs à l'intelligence. Dès le commencement, ils s'étaient tournés contre lui et avaient refusé de croire les plus fortes preuves de sa divinité, et, comme conséquence, leurs coeurs s'étaient endurcis, jusqu'à ce qu'ils fussent résolus à ne point croire et à ne point le recevoir. VJC 324 1 "Vous jugez selon la chair; moi je ne juge personne; et quand je jugerais, mon jugement serait digne de foi, car je ne suis pas seul; mais le Père qui m'a envoyé est avec moi." Il déclara ainsi qu'il était envoyé de Dieu pour faire son oeuvre. Il n'avait point consulté les sacrificateurs, ni les gouverneurs, quant à la conduite qu'il avait à suivre; sa mission provenait de la plus haute autorité, du Créateur même de l'univers. Jésus, dans son oeuvre sacrée, avait enseigné le peuple; soulagé ceux qui souffraient; pardonné les péchés aux pénitents; purifié le temple qui était la maison de son Père; et chassé d'entre ses murs ceux qui le déshonoraient. Il avait condamné la vie hypocrite des pharisiens, et avait censuré leurs péchés cachés; et dans tout cela, il avait agi selon les instructions de son Père céleste. C'est pour cette raison qu'ils le haïssaient et cherchaient à lui ôter la vie. Jésus leur dit: "Vous êtes d'ici-bas; et moi je suis d'en haut. Vous êtes de ce monde; et moi je ne suis pas de ce monde." VJC 324 2 "Lorsque vous aurez élevé le Fils de l'homme, alors vous connaîtrez ce que je suis, et que je ne fais rien de moi-même, mais que je dis ce que mon Père m'a enseigné. Celui qui m'a envoyé est avec moi; et le Père ne m'a point laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui est agréable." Ces paroles furent prononcées avec une puissance saisissante. Pour le moment, les pharisiens eurent la bouche fermée, et plusieurs de ceux qui écoutaient avec un esprit attentif s'unirent à Jésus et crurent qu'il était le Fils de Dieu. Jésus dit à ceux qui avaient cru en lui: "Si vous persistez dans ma doctrine, vous serez véritablement mes disciples; et vous connaîtrez la vérité; et la vérité vous affranchira." Mais il déclarait aux pharisiens qui l'avaient rejeté et qui endurcissaient leurs coeurs contre lui: "Je m'en vais, et vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché; vous ne pouvez venir où je vais." VJC 325 1 Mais les pharisiens se saisissant des paroles que Jésus adressait à ceux qui avaient cru en lui, les commentaient disant: "Nous sommes la postérité d'Abraham, et nous ne fûmes jamais esclaves de personne; comment donc dis-tu: Vous serez affranchis." Jésus regardant ces hommes -- esclaves de l'incrédulité et de la méchanceté, et dont le coeur était rempli de vengeance -- leur répondit: "En vérité, en vérité je vous dis que quiconque s'adonne au péché est esclave du péché." Ils étaient sous la pire des servitudes, gouvernés par l'esprit du mal. Jésus leur déclara que s'ils étaient les vrais enfants d'Abraham, vivant dans l'obéissance à Dieu, ils ne chercheraient pas à le faire mourir, lui qui leur disait la vérité qui lui avait été donnée de Dieu. Ce n'était point là faire les oeuvres d'Abraham qu'ils déclaraient être leur père. VJC 325 2 Jésus nia solennellement que les Juifs suivissent l'exemple d'Abraham: "Vous faites les oeuvres de votre père." Les pharisiens comprenant en partie la signification de ces paroles, dirent: "Nous ne sommes pas des enfants bâtards; nous n'avons qu'un seul Père qui est Dieu." Mais Jésus leur répondit: "Si Dieu était votre Père, vous m'aimeriez sans doute, parce que je suis issu de Dieu, et que je viens de sa part; car je ne suis pas venu de moi-même, mais c'est lui qui m'a envoyé." Les pharisiens s'étaient détournés de Dieu et avaient refusé de reconnaître son Fils. Si leurs esprits avaient été ouverts à l'amour de Dieu, ils auraient reconnu le Sauveur qui avait été envoyé au monde par lui. Jésus leur révèle hardiment leur état désespéré: VJC 325 3 "Le père dont vous êtes issus, c'est le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement, et il n'a point persisté dans la vérité, parce que la vérité n'est point en lui. Toutes les fois qu'il dit le mensonge, il parle de son propre fonds; car il est menteur et le père du mensonge. Mais parce que je dis la vérité, vous ne me croyez point." Ces paroles furent prononcées d'un accent ému, car Jésus comprenait dans quelle triste condition ces hommes étaient tombés. Mais ses ennemis l'écoutèrent avec une colère mal contenue. Cependant, son maintien majestueux et la puissance des vérités qu'il leur annonçait, les retinrent impuissants. Jésus, continuant d'établir le contraste frappant qu'il y avait entre eux et Abraham, dont ils prétendaient être les fils, leur dit: VJC 326 1 "Abraham, votre père, s'est réjoui de voir mon jour; il l'a vu, et il en a eu de la joie." Les Juifs l'écoutèrent d'un air incrédule, et lui dirent en raillant: "Tu n'as pas encore cinquante ans, et tu as vu Abraham!" Jésus, d'un ton plein de dignité qui fit tressaillir leurs âmes et les convainquit presque, leur répondit: "En vérité, en vérité je vous dis: Avant qu'Abraham fût, j'étais." Pendant un moment, ces paroles produisirent un effet si saisissant sur le peuple, que tous demeurèrent dans le silence. Mais les pharisiens, échappant bientôt à l'influence de ces paroles, et craignant l'effet qu'elles produisaient sur le peuple, commencèrent à faire du tumulte, l'accusant d'être un blasphémateur. "Alors ils prirent des pierres pour les jeter contre lui; mais Jésus se cacha, et sortit du temple, passant au milieu d'eux; et ainsi il s'en alla." ------------------------Chapitre 34 -- La résurrection de Lazare VJC 327 1 Jésus avait souvent trouvé dans la maison de Lazare, à Béthanie, le repos que réclamait sa nature humaine. La première fois qu'il s'y arrêta, lui et ses disciples se trouvaient fatigués d'un pénible voyage qu'ils faisaient à pied, de Jérico à Jérusalem. Ils entrèrent comme hôtes dans la paisible demeure de Lazare, et furent servis par ses soeurs Marthe et Marie.1 Malgré la fatigue que Jésus éprouvait, il continua l'instruction qu'il donnait à ses disciples le long du chemin, concernant les qualités nécessaires pour rendre les hommes propres pour le royaume des cieux. La paix de Christ reposait sur la demeure du frère et des soeurs. Marthe avait été très empressée à procurer tout le confort possible à ses hôtes; mais Marie, charmée par les paroles de Jésus à ses disciples, et saisissant l'occasion de mieux apprendre à connaître les doctrines de Christ, entra doucement dans la chambre où il était assis, prit place à ses pieds et recueillit avec avidité chaque parole qui sortait de sa bouche. VJC 327 2 Pendant ce temps, Marthe, avec son énergie accoutumée, faisait de grands préparatifs pour réconforter convenablement ses visiteurs; elle sentit bientôt que l'aide de sa soeur lui faisait défaut. Finalement, elle découvrit que Marie était assise aux pieds de Jésus, prêtant une attention soutenue à ce qu'il disait. Fatiguée par beaucoup de soins, Marthe fut si vexée de voir sa soeur écouter tranquillement les paroles de Christ, qu'elle oublia la courtoisie due à ses hôtes, et se plaignit tout ouvertement de l'osiveté de Marie, s'adressant à Jésus afin qu'il ne permît pas que tous les soins domestiques retombassent sur elle. VJC 328 1 Jésus répondit à ses plaintes avec douceur. "Marthe! Marthe! lui dit-il, tu te mets en peine et tu t'embarrasses de plusieurs choses; mais une seule chose est nécessaire: or, Marie a choisi la bonne part, qui ne lui sera point ôtée." Ce que Jésus indiquait comme manquant à Marthe était un esprit calme et pieux, un besoin plus profond d'apprendre davantage ce qui concerne la vie future et immortelle, et les grâces nécessaires à l'avancement spirituel. Elle devait avoir moins de soucis pour les choses terrestres qui disparaissent, et s'inquiéter davantage des choses célestes qui affectent le bonheur éternel de l'âme. Il est nécessaire d'accomplir fidèlement les devoirs de cette vie, mais Jésus voulait enseigner à ses enfants qu'ils doivent saisir toutes les occasions d'acquérir cette connaissance qui rend sage à salut. VJC 328 2 Un des dangers de notre époque, c'est de consacrer trop de temps aux affaires de cette vie et à des soucis inutiles que nous nous créons, tandis qu'on néglige le développement du caractère chrétien. De nos jours, on a besoin de Marthes soigneuses et énergiques, qui sachent joindre à ces qualités excellentes cette bonne part dont Christ parlait. Un caractère d'une telle force et d'une telle piété combinées, est une puissance invincible pour le bien. VJC 328 3 Maintenant, un noir nuage est suspendu au-dessus de cette paisible demeure où Jésus s'était reposé. Lazare a été frappé d'une maladie soudaine.1 Les soeurs affligées envoyèrent ce message à Jésus: "Seigneur! celui que tu aimes est malade." Elles ne demandèrent pas avec instance que Jésus vînt aussitôt, car elles pensaient qu'il comprendrait la chose et guérirait leur frère. Lazare croyait fermement en la divine mission de Jésus; il aimait et était aimé à son tour par son Maître bien-aimé, dont la paix avait reposé sur sa tranquille demeure. La foi que les soeurs avaient eue en Jésus, et l'amour qu'elles avaient pour lui, les encourageaient à croire qu'il prendrait garde à leur détresse. C'est pourquoi elles lui firent dire ces paroles pleines de simplicité et de foi: "Celui que tu aimes est malade." VJC 329 1 Lorsque Jésus apprit ces choses, il dit: "Cette maladie n'est point à la mort, mais elle est pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu en soit glorifié." Il demeura donc encore deux jours où il était. Après que le messager fut parti, l'état de Lazare empira rapidement, et nous pouvons bien supposer que les soeurs comptaient les jours et les heures s'écoulant entre l'envoi du messager et l'arrivée de Jésus pour leur porter secours. Comme le moment approchait où elles s'attendaient à le voir arriver, elles examinaient anxieusement tous les voyageurs qui apparaissaient au loin, espérant reconnaître le Sauveur. Tous leurs efforts pour la guérison de leur frère furent vains; elles virent qu'il mourrait à moins qu'un secours divin ne s'interposât pour le sauver. Elles s'écriaient constamment: Oh! si Jésus venait, il pourrait guérir notre cher frère! VJC 329 2 Elles virent alors revenir le messager, mais Jésus n'était point avec lui. Il apportait aux soeurs affligées les paroles du Sauveur: "Cette maladie n'est point à la mort." Mais leurs coeurs défaillent, car leur frère lutte déjà contre le terrible destructeur; et bientôt après Lazare rend l'esprit. VJC 329 3 Jésus proposa, deux jours plus tard, de retourner en Judée, mais ses disciples essayèrent de l'en empêcher. Ils lui rappelèrent la haine qu'on lui avait manifestée la dernière fois qu'il y avait été. Ils lui dirent: "Ils n'y a que peu de temps que les Juifs cherchaient à te lapider, et tu y retournes encore!" Alors Jésus leur expliqua qu'il devait aller, parce que Lazare était mort, ajoutant: "Et je me réjouis à cause de vous de ce que je n'étais pas là, afin que vous croyiez." Jésus ne renvoya point d'aller au secours de Lazare par manque d'intérêt pour la famille affligée; son but était de faire du triste événement de la mort de Lazare, l'occasion de donner une preuve indubitable de sa puissance divine, et de s'attacher ses disciples par une foi qui ne pût être ébranlée. Quelques-uns d'entre eux se demandaient déjà s'ils n'avaient point été déçus quant à sa puissance divine, et se disaient: S'il est le Christ, pourquoi n'est-il pas allé au secours de Lazare qu'il aimait? Jésus désirait faire un miracle qui couronnât son oeuvre, et qui convainquît tous ceux qui voulaient l'être, qu'il était le Sauveur du monde. VJC 330 1 Il y avait beaucoup de dangers à faire ce voyage de Judée, car les Juifs avaient résolu de faire mourir Jésus. Voyant qu'il était impossible de le dissuader d'aller, Thomas proposa aux autres disciples d'accompagner leur Maître, disant: "Allons-y aussi, afin de mourir avec lui." Tous les douze accompagnèrent donc le Sauveur. Pendant le voyage, Jésus secourut ceux qui étaient dans le besoin, soulagea ceux qui souffraient, et guérit les malades, selon sa coutume. Lorsqu'il atteignit Béthanie, il apprit par plusieurs personnes que Lazare était mort, et qu'il était dans le sépulcre depuis quatre jours. Quoiqu'il fût encore à une certaine distance de la maison, il entendit les cris des pleureuses. VJC 330 2 Lorsqu'un Hébreu mourait, la coutume exigeait que les parents quittassent tout travail pendant plusieurs jours, et vécussent de la nourriture la plus ordinaire pendant qu'ils pleuraient leur mort. On louait aussi des pleureuses de profession, et c'étaient elles que Jésus entendait gémir et crier, dans cette maison qui avait été autrefois pour lui un lieu de repos agréable et tranquille. VJC 330 3 Jésus ne désirait point rencontrer les soeurs affligées au milieu de la scène de confusion dans laquelle se trouvait leur demeure. Il s'arrêta donc dans un lieu tranquille près de la route, et leur dépêcha quelqu'un pour leur indiquer le lieu où elles pourraient aller le trouver. Marthe courut au-devant de lui et lui raconta la mort de son frère, ajoutant: "Seigneur! si tu eusses été ici, mon frère ne serait pas mort." Malgré sa déception et sa douleur, elle n'avait point perdu sa confiance en Jésus, car elle ajouta: "Mais je sais que maintenant même tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l'accordera." VJC 330 4 Jésus encouragea sa foi en lui disant: "Ton frère ressuscitera." Marthe ne comprenant pas entièrement ce que Jésus disait, répondit qu'elle savait qu'il ressusciterait au dernier jour. Mais Jésus, cherchant à donner une vraie direction à sa foi, lui dit: "Je suis la résurrection et la vie: celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort. Et quiconque vit, et croit en moi, ne mourra point pour toujours. Crois-tu cela?" Jésus voulait attirer les pensées de Marthe sur lui-même, et fortifier sa foi en son pouvoir. Ses paroles avaient une double signification; elles ne se rapportaient pas seulement à l'acte immédiat de ressusciter Lazare; mais elles se rapportaient aussi à la résurrection générale des justes, dont la résurrection de Lazare, qu'il était sur le point d'accomplir, n'était qu'une figure. Jésus se déclara lui-même l'auteur de la résurrection. Lui, qui allait bientôt mourir sur la croix, possédait déjà les clefs de la mort comme le vainqueur du sépulcre, et déclarait son droit et son pouvoir de donner la vie éternelle. VJC 331 1 Lorsque Jésus demanda à Marthe: "Crois-tu cela?" elle répondit en confessant sa foi: "Oui, Seigneur! je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, qui devait venir au monde." Ainsi Marthe déclara qu'elle croyait que Jésus était le Messie, et qu'il était capable d'accomplir tout ce qu'il lui plairait de faire. Jésus pria Marthe d'appeler sa soeur et les amis qui étaient venus les consoler. Lorsque Marie arriva, elle se jeta aux pieds de Jésus en s'écriant aussi: "Seigneur! si tu eusses été ici, mon frère ne serait pas mort." A la vue de cette douleur, Jésus "frémit en lui-même, et fut ému; et il dit: Où l'avez-vous mis? Ils lui répondirent: Seigneur! viens, et vois." Tous ensemble se rendirent au sépulcre de Lazare, qui était une grotte dont l'entrée était fermée par une pierre. VJC 331 2 C'était une bien triste scène. Lazare avait été beaucoup aimé; et ses soeurs avaient le coeur brisé de douleur. Des amis étaient venus mêler leurs pleurs à ceux des soeurs affligées. Jésus aussi avait aimé Lazare, qui avait cru en lui d'une foi ferme, constante, inébranlable. A la vue de cette épreuve et de ces amis affligés qui pouvaient pleurer sur un mort, lorsque le Sauveur du monde, dont la puissance pouvait le ressusciter, était tout proche. ... "Jésus pleura." Sa douleur ne provenait point seulement de la scène qui se passait sous ses yeux. Le poids des souffrances de tous les âges pesait sur son âme, et, considérant les années à venir, il voyait les souffrances, les peines, les pleurs et la mort qui devaient affliger les hommes. Son coeur était transpercé des douleurs de la famille humaine de tous les âges et de tous les pays. Les malheurs de notre race coupable pesaient lourdement sur son âme, et des larmes abondantes jaillirent de ses yeux, tant était vif son désir de soulager toutes ces détresses. VJC 332 1 Voyant les larmes et entendant les sanglots de Jésus, ceux qui se tenaient près de là dirent: "Voyez comme il l'aimait." Puis ils chuchotaient entre eux: "Lui qui a ouvert les yeux de l'aveugle, ne pouvait-il pas faire aussi que cet homme ne mourût pas?" Jésus gémit en lui-même de voir l'incrédulité de ceux qui avaient professé de croire en lui. Ils pensaient qu'il pleurait à cause de son amour pour Lazare, et que celui qui avait fait des oeuvres si merveilleuses avait été incapable de le sauver de la mort. Jésus, le coeur oppressé par l'incrédulité aveugle de ceux qui auraient dû avoir foi en lui, s'approcha du sépulcre et, avec un ton d'autorité, commanda qu'on ôtât la pierre. Des mains humaines durent, de leur côté, faire tout ce qu'il leur était possible d'accomplir, et alors seulement la puissance divine put achever l'oeuvre. VJC 332 2 Mais Marthe fit des objections à ce qu'on enlevât la pierre, rappelant à Jésus que le corps était enterré depuis quatre jours, et que la corruption avait déjà commencé. Jésus lui répondit: "Ne t'ai-je pas dit que si tu crois, tu verras la gloire de Dieu?" Ils ôtèrent donc la pierre et le mort parut à leur vue. Il était évident pour tous que la putréfaction avait réellement commencé. Tout ce que les hommes pouvaient faire était alors accompli. Les amis du défunt, avec une curiosité mêlée de crainte, entouraient Jésus afin de voir ce qu'il allait faire. Elevant les yeux au ciel, Jésus dit: VJC 332 3 "Mon Père! je te rends grâce de ce que tu m'as exaucé. Je savais bien que tu m'exauces toujours; mais je dis ceci à cause de ce peuple qui est autour de moi, afin qu'il croie que tu m'as envoyé." Le silence qui suivit cette prière fut rompu par Jésus qui cria à haute voix: "Lazare, sors de là." Aussitôt la vie rentra dans ce corps déjà tellement changé par la décomposition, que les amis du mort en détournaient leurs regards. Lazare, dont les mains et les pieds étaient liés de bandes, et dont le visage était entouré d'un linge, obéissant au commandement du Sauveur, essaya de se lever et de marcher, mais il fut entravé par son linceul. Jésus commanda à ses amis de le "délier et de le laisser aller." VJC 333 1 Il est demandé à des mains humaines d'accomplir l'oeuvre qu'il leur est possible de faire. On enlève les linges portant encore les marques de la corruption du mort, et Lazare se présente devant eux; non point décharné par la maladie, avec des membres faibles et tremblants; mais comme un homme à la fleur de son âge, dans toute sa virilité, les yeux brillants d'intelligence et d'amour pour son Sauveur. Une surprise muette saisit d'abord tous ceux qui étaient présents; mais aussitôt succéda une scène indescriptible de joie et d'actions de grâces. Marthe et Marie reçurent leur frère rendu à la vie, comme un don de Dieu, et, avec des larmes de joie, elles exprimèrent leur profonde reconnaissance pour leur Sauveur. Mais pendant que le frère, les soeurs et les amis se réjouissaient, Jésus se retira de cette scène émouvante, et lorsqu'on voulut le chercher, on ne put le trouver nulle part. VJC 333 2 Cette résurrection qui couronnait les miracles de Jésus, fit que beaucoup crurent en lui. Mais quelques-uns de ceux qui entouraient le sépulcre et qui avaient entendu et vu l'oeuvre merveilleuse accomplie par Jésus, ne furent point convertis, mais endurcirent leurs coeurs, fermant ainsi leurs yeux et leurs oreilles à l'évidence. Cette démonstration de la puissance de Christ fut la manifestation la plus éclatante que Dieu offrit à l'homme, comme une preuve qu'il avait envoyé son Fils dans le monde pour le salut des hommes. Si les pharisiens rejetaient cette preuve puissante et éclatante, aucune puissance au ciel ou sur la terre ne pouvait les arracher à cette incrédulité satanique. VJC 333 3 Les espions coururent rapporter aux principaux du peuple ce miracle de Jésus, disant que tout le monde le suivait. En faisant ce miracle, Jésus avait fait un pas décisif vers l'achèvement de sa mission terrestre. La plus grande preuve qu'il était le Fils de Dieu et qu'il possédait la puissance sur la mort et le sépulcre avait été donnée. Les coeurs qui avaient été depuis longtemps sous la puissance du péché, en rejetant cette preuve de la divinité de Jésus, se plongeaient dans d'impénétrables ténèbres et se plaçaient directement sous l'influence de Satan, pour être précipités par lui dans la ruine éternelle. VJC 334 1 Ce puissant miracle accompli au sépulcre de Lazare, rendit plus intense encore la haine des pharisiens contre Jésus. Cette démonstration de la puissance divine, qui présentait une preuve aussi incontestable que Jésus était le Fils de Dieu, suffisait pour convaincre tout esprit raisonnable et toute conscience éclairée. Mais les pharisiens qui avaient refusé de croire à toute évidence moins frappante, ne furent que remplis de colère à l'ouïe de ce nouveau miracle, de ressusciter un mort en plein jour et devant une foule de témoins. Tous leurs artifices ne pouvaient éluder une telle évidence. C'est pourquoi leur haine devint mortelle, et ils cherchèrent une occasion pour accomplir leurs desseins secrets, et le faire mourir. Dans leurs coeurs, ils étaient déjà des meurtriers. VJC 334 2 Les autorités juives se réunirent pour se consulter, et trouver un moyen de neutraliser l'effet que pouvait avoir ce miracle sur le peuple, -- car la nouvelle se répandait au loin que Jésus avait ressuscité Lazare d'entre les morts, et un grand nombre de témoins affirmaient cet événement. Pourtant les ennemis de Jésus cherchèrent à faire circuler des rapports mensongers, pervertissant les faits autant qu'ils le pouvaient, et cherchant à détourner le peuple de celui qui avait osé ravir un mort au sépulcre. VJC 334 3 Dans ce conseil des Juifs se trouvaient quelques hommes influents qui croyaient en Jésus; mais ils étaient impuissants contre les pharisiens pleins de haine envers Christ qui avait dévoilé leurs prétentions hypocrites, et déchiré le manteau de minuties et de rites rigoureux sous lequel ils avaient caché leurs difformités morales. La pure religion qu'enseignait Jésus et sa vie simple et pieuse condamnaient leur prétendue profession de piété. Ils avaient soif de vengeance, et ils ne devaient être satisfaits que lorsqu'ils l'auraient fait mourir. Ils avaient essayé de l'inciter à dire ou à faire quelque chose qui leur donnât occasion de le condamner; plusieurs fois ils avaient cherché à le lapider, mais il s'était retiré tranquillement et avait échappé à leur vue. VJC 335 1 Les miracles opérés par Jésus le jour du Sabbat furent tous accomplis pour le soulagement des malheureux, mais les pharisiens avaient cherché à se servir de ces actes de miséricorde pour le condamner comme violateur du Sabbat. Ils tentèrent de soulever les hérodiens contre lui; ils représentaient que Jésus cherchait à établir un royaume rival parmi eux, et consultaient ensemble comment ils le feraient mourir. Ils avaient cherché à exciter les Romains contre lui et l'avaient représenté comme voulant renverser leur autorité. Ils avaient employé tout prétexte pour ruiner son influence parmi le peuple; mais ils avaient été déjoués dans leur attente, car la multitude qui avait été témoin des oeuvres de miséricorde et de bonté accomplies par Jésus, et qui entendait ses enseignements purs et saints, savait que ce n'étaient point là les paroles et les actes d'un violateur du Sabbat ou d'un blasphémateur. Même les officiers que les pharisiens avaient envoyés pour le saisir avaient tellement ressenti l'influence de la présence divine du Sauveur, qu'ils n'avaient pu mettre les mains sur lui. Désespérés, les Juifs avaient finalement déclaré que quiconque confesserait croire en lui serait chassé de la synagogue. VJC 335 2 Ainsi, comme les sacrificateurs, les gouverneurs et les anciens étaient assemblés pour se consulter, les pharisiens étaient fermement décidés de réduire au silence cet homme qui accomplissait des oeuvres si étonnantes et que tous les hommes admiraient. Nicodème et Joseph avaient, dans de précédents conseils, empêché la condamnation de Jésus; aussi ne furent-ils pas convoqués dans cette occasion. Caïphe, qui était souverain sacrificateur cette année-là, était un homme orgueilleux et cruel, d'un caractère hautain et intolérant. Il avait étudié les prophéties, et, quoique son esprit fût rempli d'obscurité quant à leur véritable signification, il parlait avec beaucoup d'autorité et d'un air de grande connaissance. VJC 336 1 Comme donc les sacrificateurs et les pharisiens se consultaient, l'un d'entre eux dit: "Si nous le laissons faire, tout le monde croira en lui; et les Romains viendront, qui détruiront et ce lieu et notre nation."1 Alors Caïphe répondit fièrement: "Vous n'y entendez rien; et vous no considérez pas qu'il est à propos qu'un homme seul meure pour le peuple, et que toute la nation ne périsse pas." La voix du souverain sacrificateur l'emporta. Jésus devait mourir, même s'il était innocent: il causait du trouble, attirait le peuple à lui, et méprisait l'autorité des gouverneurs. Il était seul, il valait mieux qu'il mourût, même innocent, que d'amoindrir le pouvoir des gouverneurs. Caïphe, en déclarant qu'un homme devait mourir pour la nation, montrait qu'il avait quelque connaissance des prophéties, quoique cette connaissance fût très limitée; mais Jean, dans le récit de cette scène, rappelle la prophétie et l'étendue de sa signification dans ces mots: "Et non seulement pour la nation, mais aussi pour rassembler en un seul corps les enfants de Dieu qui sont dispersés." Avec quel aveuglement l'orgueilleux Caïphe ne rendit-il pas témoignage à la mission de Jésus comme Rédempteur. VJC 336 2 Presque tout le conseil reconnut avec le souverain sacrificateur que la politique la plus sage était de mettre Jésus à mort. Cette décision ayant été prise, il demeurait encore à déterminer comment on l'exécuterait. Ils craignaient de prendre des mesures trop précipitées, de crainte d'exciter le peuple et de faire retomber sur eux-mêmes le mal qu'ils méditaient contre Jésus. Le Sauveur enseignait continuellement le peuple, guérissant les malades, et tous savaient qu'il était sans péché, de sorte que son influence était très grande; c'est pourquoi les pharisiens ajournèrent l'exécution de la sentence qu'ils avaient prononcée contre lui. VJC 337 1 Christ connaissait les complots des sacrificateurs contre lui. Il savait qu'ils désiraient le retrancher du milieu d'eux, et que leurs désirs s'accompliraient bientôt; mais ce n'était point à lui de hâter ce grand événement, et il se retira avec ses disciples de l'autre côté du Jourdain. Jésus avait alors travaillé publiquement plus de trois ans. Son exemple de renoncement et de bienveillance désintéressée, sa vie de pureté, de souffrances et de dévouement était connue de tous. Et pourtant, cette courte période de trois ans et demi pendant laquelle le Rédempteur avait été sur la terre, était tout ce que le monde pouvait endurer de sa présence. VJC 337 2 Il avait passé sa vie en butte à la persécution et au mépris. Chassé de Bethléhem par un roi jaloux, rejeté par son propre peuple à Nazareth, condamné à mort sans cause à Jérusalem, Jésus, avec ses quelques disciples fidèles, trouva un asile temporaire dans une ville étrangère. Lui qui était toujours ému à la vue d'un malheureux, qui guérissait les malades, rendait la vue aux aveugles, l'ouïe aux sourds, la parole aux muets; qui nourrissait ceux qui avaient faim et consolait ceux qui étaient dans la tristesse; il se voyait éloigné du peuple qu'il cherchait à sauver. Lui, qui marchait sur les vagues agitées et qui, d'un seul mot, faisait taire la tempête; qui chassait les démons qui le reconnaissaient alors comme Fils de Dieu; qui interrompait le sommeil des morts; qui captivait l'attention de milliers de personnes par les paroles de sagesse qui découlaient de ses lèvres; lui-même était incapable de toucher le coeur de ces hommes aveuglés par les préjugés et une haine insensée, qui rejetaient opiniâtrement la lumière. VJC 337 3 Le plan de Dieu n'est point de forcer les hommes à abandonner leur incrédulité; ils ont à décider s'ils veulent choisir la lumière ou les ténèbres, la vérité ou l'erreur. L'esprit humain est doué de la faculté de discerner entre le bien et le mal. Dieu ne veut pas que les hommes choisissent la vérité par une simple impulsion, mais par le poids de l'évidence qui vient de la comparaison soigneuse des passages de l'Ecriture entre eux. Si les Juifs avaient laissé de côté leurs préjugés et s'ils avaient comparé la prophétie écrite aux faits caractérisant la vie de Jésus, ils auraient aperçu la magnifique harmonie existant entre les prophéties et leur accomplissement dans la vie et le ministère de l'humble Galiléen. VJC 338 1 La fête de Pâque approchait, et beaucoup de gens se rendaient à Jérusalem de toutes les parties du pays, pour se purifier suivant la coutume cérémonielle des Juifs. On parlait beaucoup de Jésus parmi le peuple, et on se demandait s'il ne viendrait point à la fête "Or, les principaux sacrificateurs et les pharisiens avaient donné ordre que si quelqu'un savait où il était, il le déclarât, afin de se saisir de lui." ------------------------Chapitre 35 -- Le sacrifice de Marie VJC 339 1 Six jours avant la Pâque, Jésus s'arrêta dans la maison de Lazare, à Béthanie. Il était en route pour se rendre de Jérico à Jérusalem, afin d'assister à la fête de Pâque, et il s'était retiré chez Lazare pour y manger et se reposer. Une foule de gens se rendant à la ville répandirent la nouvelle que Jésus était en chemin pour se rendre à la fête, et qu'il passerait le Sabbat à Béthanie. Cette nouvelle fut reçue avec un grand enthousiasme par le peuple, car partout s'était répandu le bruit des oeuvres miraculeuses de Jésus, dont la dernière et la plus étonnante était la résurrection de Lazare. Beaucoup de gens accouraient à Béthanie, quelques-uns par curiosité de voir un homme qui avait été ressuscité des morts, et d'autres parce qu'ils se sentaient attirés vers Jésus, et qu'il leur tardait de le voir et d'entendre ses paroles bénies. VJC 339 2 En s'en retournant, ils faisaient des rapports qui augmentaient l'excitation de la multitude. Tous désiraient ardemment voir et entendre Jésus, dont la renommée comme prophète s'était répandue dans tout le pays. On se demandait généralement qui était cet étonnant prophète, d'où il était venu; si Lazare qu'il avait ressuscité des morts l'accompagnerait à Jérusalem, et s'il était probable que le grand prophète fût couronné roi pendant la fête. L'attention du peuple fut tout entière portée sur Jésus et ses miracles. Les sacrificateurs et les gouverneurs virent qu'ils perdaient leur influence sur l'esprit du peuple, et leur rage contre Jésus en fut augmentée; ils attendaient son arrivée avec impatience afin de trouver l'occasion qu'ils cherchaient de satisfaire leur vengeance et de se défaire pour toujours de Jésus. Comme le temps passait, ils s'agitaient et s'inquiétaient, craignant qu'après tout Jésus ne vînt point à Jérusalem. Ils craignaient qu'il ne connût les desseins qu'ils avaient formés contre lui et ne demeurât par conséquent éloigné. Ils se souvinrent qu'il avait deviné maintes fois leurs pensées, dévoilé leurs intentions secrètes et déjoué leurs desseins meurtriers. Ils avaient de la peine à cacher leur anxiété et se demandaient les uns aux autres: "Que vous en semble? Ne viendra-t-il point à la fête?" VJC 340 1 On réunit à la hâte le conseil des sacrificateurs et des pharisiens pour décider ce qu'il fallait faire à l'égard de Jésus, à cause de l'excitation et de l'enthousiasme du peuple à son sujet. Ils reconnurent qu'il était dangereux de se saisir de lui ouvertement, sous n'importe quel prétexte, vu que depuis la résurrection de Lazare, les sympathies du peuple étaient acquises à Jésus. Ils résolurent ainsi de se servir de ruse et de le prendre secrètement, évitant tout bruit et tout conflit; on convoquerait aussi secrètement que possible un semblant de tribunal, puis, on espérerait trouver facilement moyen de tourner en sa faveur l'humeur inconstante de l'opinion publique, lorsqu'on saurait que Jésus est condamné à mort. VJC 340 2 Mais il se présenta une autre considération: s'ils faisaient mourir Jésus et que Lazare demeurât comme témoin de sa puissance miraculeuse à ressusciter des morts, le fait même qu'il existait un homme qui avait été quatre jours dans la tombe et dont le corps avait commencé à se décomposer, qui pourtant avait été rappelé à la vie et à la santé par une parole de Jésus, aurait amené une réaction et attiré le mal sur eux-mêmes pour avoir sacrifié la vie de celui qui pouvait accomplir un tel miracle au profit de l'humanité. Ils résolurent donc de faire aussi mourir Lazare. Ils étaient persuadés que si le peuple perdait confiance en ses gouverneurs, le pouvoir national serait détruit. VJC 340 3 C'est à de telles extrémités que l'envie et les préjugés peuvent amener leurs esclaves. En rejetant Christ, les pharisiens se plongeaient dans les ténèbres et la superstition, jusqu'à ce que, leur haine et leur incrédulité augmentant continuellement, ils fussent prêts à tremper leurs mains dans le sang pour accomplir leurs mauvais desseins, et fissent mourir celui même dont le pouvoir infini avait sauvé un homme de la tombe. Ils se placèrent dans une position où aucun pouvoir humain ni divin ne pouvait plus les sauver; ils péchèrent contre le Saint-Esprit; or Dieu n'a point pourvu au salut de ceux qui sont dans un cas pareil. Leur rébellion contre Jésus était préméditée et résolue; il était pour eux une pierre d'achoppement; ils ne voulaient point que Jésus régnât sur eux. Pendant que tout cela se complotait à Jérusalem, Jésus se reposait tranquillement de ses travaux dans la maison de Lazare. Simon de Béthanie, que Jésus avait guéri de la lèpre, désirant témoigner sa reconnaissance à son Maître et l'honorer d'une manière spéciale, fit un festin et l'invita avec ses amis.1 VJC 341 1 Le Sauveur se mit à table, ayant d'un côté Simon qu'il avait guéri d'une si affreuse maladie, et de l'autre Lazare qu'il avait ressuscité des morts. Marthe servait à table, tandis que Marie écoutait avec attention chacune des paroles qui sortaient de la bouche de Jésus. Elle remarqua qu'il était triste; elle savait qu'après avoir ressuscité son frère, il avait été obligé de se cacher, afin d'échapper à la persécution des principaux des Juifs. En regardant son frère plein de force et de santé, elle était remplie de reconnaissance pour Jésus qui l'avait ainsi sauvé de de la tombe. Jésus, dans sa miséricorde, avait pardonné les péchés de Marie qui avaient été graves et nombreux; et son coeur était rempli d'amour pour son Sauveur. Elle avait souvent entendu parler de sa mort prochaine, et était affligée qu'il dût aller au devant d'un sort si cruel. Au prix d'un sacrifice personnel, elle avait acheté un vase d'albâtre rempli d'un parfum de grand prix, afin d'en oindre le corps de Jésus lorsqu'il serait mort. Mais elle en entendit plusieurs exprimer l'opinion qu'il serait élevé à l'autorité royale lorsqu'il se rendrait à Jérusalem; elle n'était que trop disposée à croire qu'il en serait ainsi, et elle se réjouissait de ce que son Sauveur ne serait plus méprisé, rejeté, et obligé de fuir pour sauver sa vie. Dans son amour et sa gratitude, elle désirait être la première à lui faire honneur, et cherchant à échapper à l'observation, elle oignit sa tête et ses pieds de l'huile précieuse et essuya ses pieds de sa longue et flottante chevelure. VJC 342 1 Les convives n'avaient pas observé ses mouvements; mais bientôt la senteur du nard remplit toute la maison de son parfum, et tous s'aperçurent de ce qu'elle avait fait. Quelques-uns des disciples manifestèrent leur déplaisir de cet acte, et Judas exprima ouvertement sa désapprobation d'une telle prodigalité en pure perte. Simon, qui avait invité Jésus, était un pharisien; il fut influencé par les paroles de Judas, et son coeur fut rempli de doutes. Il pensa aussi que Marie ne devait avoir aucune communication avec Jésus, à cause de sa vie passée. Judas, le premier instigateur de cette mauvaise disposition parmi ceux qui étaient assis à table, était étranger au dévouement profond et à la vénération qui avaient porté Marie à cet acte d'amour et de reconnaissance. Il avait été choisi pour tenir la bourse commune des disciples, et s'était approprié avec mauvaise foi l'argent qui devait être employé au service de Dieu. VJC 342 2 Il avait laissé entrer l'esprit d'avarice dans son coeur jusqu'à ce qu'il fût complétement dominé par ce vice. Cet acte de Marie formait un contraste si frappant avec son égoïsme, qu'il eut honte de son péché et chercha d'attribuer son objection à un motif plus élevé. Se tournant vers les disciples, il demanda: "Pourquoi n'a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers d'argent, pour les donner aux pauvres?" Il cherchait ainsi à couvrir sa convoitise, par un amour apparent des pauvres, quand, en réalité, il ne se souciait point d'eux. VJC 342 3 Il eût désiré obtenir le prix de ce parfum précieux pour l'employer à ses propres desseins égoïstes. Par cette prétendue sympathie pour les pauvres, il trompa ses condisciples, et par ses insinuations perfides, il leur fit envisager l'acte de Marie avec défiance. On murmura bientôt, autour de la table, contre cette prodigalité: "A quoi sert cette perte? Car on pouvait vendre bien cher ce parfum, et en donner l'argent aux pauvres." Marie fut confuse en voyant les yeux des disciples se tourner sévèrement vers elle avec un air de reproche. Il lui semblait que son acte de dévotion devait avoir quelque chose de mauvais, et elle tremblait que Jésus ne la condamnât aussi. VJC 343 1 Mais le Sauveur avait observé tout ce qui s'était passé, et il connaissait les intentions du coeur de tous ceux qui étaient présents. Il lisait le but de Marie dans son coûteux sacrifice. Quoiqu'elle eût été une grande pécheresse, sa repentance était sincère, et Jésus, tout en réprimant sa conduite passée, avait eu pitié de sa faiblesse et lui avait pardonné. Le coeur de Marie était rempli de gratitude envers son Sauveur compatissant. Sept fois elle l'avait entendu reprendre fortement les démons qui gouvernaient alors son coeur et son esprit, et elle avait entendu les ardentes prières qu'il adressait à son Père en sa faveur. Elle savait combien toute chose souillée offensait le coeur pur de Christ; elle surmonta son péché par la puissance de son Sauveur. Elle était transformée et participait à la nature divine. VJC 343 2 Marie avait offert son don comme l'hommage reconnaissant de son coeur. Jésus expliqua son intention et justifia ce qu'elle avait fait: "Laissez-la faire;" dit-il. "Pourquoi faites-vous de la peine à cette femme? car elle a fait une bonne action à mon égard." Il justifia ce qu'elle avait fait devant tous ceux qui étaient présents comme exprimant sa reconnaissance envers lui pour l'avoir relevée à une vie de pureté, et lui avoir enseigné à croire en lui. Il dit: "Elle a embaumé par avance mon corps pour ma sépulture." L'huile odoriférante qu'elle gardait d'une manière sacrée pour oindre le corps de son Seigneur, elle l'avait répandue sur sa tête dans l'espérance qu'il allait être élevé au trône à Jérusalem. VJC 343 3 Jésus aurait pu montrer à ses disciples que Judas était la cause de ce que Marie avait été jugée si sévèrement. Il eût pu leur révéler l'hypocrisie de son caractère; il eût pu faire connaître son manque de charité pour les pauvres, et son détournement de l'argent approprié à leurs besoins. Il eût pu soulever l'indignation contre lui en dévoilant la manière dont il opprimait la veuve, l'orphelin et le mercenaire; mais il se retint de faire connaître le vrai caractère de Judas. Il ne lui fit aucun reproche, et évita ainsi de lui donner une excuse dans l'acte perfide qu'il devait bientôt commettre. Mais il réprimanda les disciples, en disant: "Vous aurez toujours des pauvres avec vous, et toutes les fois que vous voudrez, vous pourrez leur faire du bien; mais vous ne m'aurez pas toujours. Elle a fait ce qui était en son pouvoir; elle a embaumé par avance mon corps pour ma sépulture. Je vous dis en vérité que dans tous les endroits du monde où cet évangile sera prêché, ce qu'elle a fait sera aussi raconté en mémoire d'elle." Jésus, plongeant dans l'avenir, parlait avec certitude de son Evangile qui devait être prêché dans tout le monde; des royaumes s'élèveraient et disparaîtraient, les noms des monarques et des conquérants tomberaient dans l'oubli, mais le souvenir de ce que cette femme avait fait serait immortalisé dans les pages de l'histoire sacrée. VJC 344 1 Si les disciples avaient justement apprécié le caractère élevé de leur Maître, ils n'eussent considéré aucun sacrifice trop coûteux pour être offert au Fils de Dieu. Les mages d'Orient, quoique étrangers, comprirent mieux sa vraie position et l'honneur qui lui était dû, que ses propres disciples qui avaient reçu ses instructions et vu ses étonnants miracles. Ils apportèrent des dons précieux au Sauveur, se prosternèrent et l'adorèrent lorsqu'il n'était encore qu'un petit enfant couché dans une crèche. VJC 344 2 Le regard que Jésus jeta sur l'égoïste Judas convainquit ce dernier que son Maître pénétrait son hypocrisie et discernait son caractère bas et méprisable. Il fut plein de ressentiments. Son coeur brûlait de jalousie de ce que l'on fît à Jésus un sacrifice digne des monarques du monde. Après le souper, il s'en alla directement chez le souverain sacrificateur, et s'engagea à le livrer entre leurs mains. Les sacrificateurs en eurent une grande joie. "Et ils convinrent de lui donner trente pièces d'argent. Et depuis ce temps-là, il cherchait une occasion propre pour le livrer." VJC 344 3 Nous voyons dans la conduite de Judas le terrible résultat de l'avarice et d'une colère impie. Il regretta le prix du sacrifice fait à Jésus, et quoiqu'il ne fût pas personnellement réprimandé, il fut si irrité qu'il joignit la vengeance à l'avarice et vendit son Maître pour quelques pièces d'argent. Marie montra quelle estime elle avait du Sauveur, en ne tenant pas pour trop coûteux le don le plus précieux. Mais Judas évaluait Jésus au prix pour lequel il le vendit. Son âme vile plaçait sur une même balance la vie du Fils de Dieu et une misérable somme d'argent. VJC 345 1 Beaucoup de chrétiens de nos jours montrent le même esprit froid et calculateur. Leurs sacrifices à sa cause sont faits avec répugnance ou détournés sous les excuses les moins plausibles. Ils prétendent à une philanthropie qui n'est limitée ni par l'Eglise ni par la confession de foi, et ils disent, comme Judas qu'il vaut mieux donner aux pauvres. Mais le vrai chrétien montre sa foi en soutenant la cause de la vérité; il est connu par ses oeuvres, car "la foi sans les oeuvres est morte". VJC 345 2 Jésus lisait dans le coeur de Simon; il savait qu'il avait été influencé par les insinuations de Judas et qu'il raisonnait en son coeur comme suit: "Si cet homme était prophète, il saurait sans doute qui est cette femme qui le touche, et qu'elle est de mauvaise vie."1 Lorsque Judas eut quitté la maison, Jésus se tourna vers son hôte et lui dit: "Simon, j'ai quelque chose à te dire." Simon répondit: "Maître! dis-le." Puis Jésus raconta une parabole qui montrait le contraste existant entre la gratitude de son hôte qui avait été guéri de la lèpre, et celle de Marie dont les péchés avaient été pardonnés. "Un créancier avait deux débiteurs, dont l'un lui devait cinq cents deniers, et l'autre cinquante; et comme ils n'avaient pas de quoi payer, il leur quitta à tous deux leurs dettes. Dis-moi donc lequel des deux l'aimera le plus." VJC 345 3 Simon ne discerna point l'application que Jésus en voulait faire, mais il lui répondit: "J'estime que c'est celui à qui il a le plus quitté. Jésus lui dit: Tu as fort bien jugé." Cette réponse condamnait Simon. Il avait été un grand pécheur et un lépreux repoussant que chacun évitait. Il était venu à Jésus en implorant son secours, et celui qui ne détourne jamais son oreille de l'homme qui crie à lui, l'avait nettoyé de son péché et de la terrible maladie qui l'affligeait. Simon fut humilié; mais il avait été un orgueilleux pharisien, et il ne se regardait pas comme aussi grand pécheur qu'il l'était réellement; il était maintenant devenu juste à ses propres yeux. Il s'était cru de beaucoup supérieur à la pauvre femme qui avait oint les pieds de Jésus. En invitant Jésus chez lui, il pensait lui témoigner beaucoup de respect; mais le Sauveur avait baissé dans son estime, en permettant à Marie, qui avait été une si grande pécheresse, de lui donner des preuves de son humilité et de sa pieuse gratitude. Il oubliait le miracle que Jésus avait accompli en lui, en le sauvant d'une mort vivante, et il se demandait froidement en son coeur si Jésus pouvait bien être le Messie et recevoir l'hommage de cette femme. Il pensait que s'il était le Christ, il aurait connu celle qui s'était approchée de lui, et l'aurait repoussée. Il ne comprenait pas qu'il avait été lui-même un plus grand pécheur qu'elle, et que Christ lui avait pardonné aussi bien qu'à Marie. Il était prêt à douter de la divinité de son Maître, parce qu'il s'imaginait découvrir en lui un manque de discernement. VJC 346 1 Quant à Marie, elle était complétement pénitente et humiliée à cause de ses péchés. Dans sa reconnaissance pour le miséricordieux pardon qu'il lui avait accordé, elle était prête à tout sacrifier pour Jésus, et aucun doute quant à sa puissance divine ne venait un seul instant troubler son esprit. Ce n'étaient point les degrés respectifs d'obligation que ces deux personnes auraient dû éprouver que Jésus voulait montrer par cette parabole; car toutes deux étaient incapables de payer leur dette de reconnaissance; mais il prit Simon sur son propre terrain, comme se croyant plus juste que la femme, et lui montra que, quoique les péchés qui lui avaient été pardonnés fussent grands, il n'avait pas rendu à son bienfaiteur ce respect et cet amour qui dissipent toute incrédulité. Il avait un sentiment bien faible de l'obligation qu'il devait à son Sauveur, tandis que Marie, appréciant le don de la miséricorde qui lui avait été fait, était remplie de gratitude et d'amour. VJC 347 1 Jésus montra le contraste frappant qui existait entre eux en disant: "Vois-tu cette femme? Je suis entré dans ta maison, et tu ne m'as point donné d'eau pour me laver les pieds; mais elle a arrosé mes pieds de larmes, et les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m'as point donné de baiser; mais elle, depuis que je suis entré, n'a cessé de me baiser les pieds. Tu n'as point oint ma tête d'huile; mais elle a oint mes pieds d'une huile odoriférante." L'orgueilleux pharisien considérait qu'il honorait assez Jésus en l'invitant dans sa maison, et, dans sa suffisance, il avait négligé de lui témoigner les égards dus à un hôte aussi grand, et qui avait accompli en lui un tel miracle de miséricorde. Jésus encourageait les actes de vraie courtoisie, et la femme, dont l'amour et la reconnaissance étaient exprimés dans le sacrifice qu'elle avait fait, fut hautement louée par le Seigneur. "C'est pourquoi je te dis que ses péchés, qui sont en grand nombre, lui sont pardonnés; et c'est à cause de cela qu'elle a beaucoup aimé; mais celui à qui on pardonne moins, aime moins." VJC 347 2 Les yeux de Simon furent ouverts, et il comprit sa négligence et son incrédulité. Il fut touché de la bonté de Jésus qui ne l'avait point repris ouvertement par devant tous les convives. Il vit que le Sauveur ne voulait point dévoiler sa faute et son ingratitude par devant les autres, mais désirait le convaincre par une vraie exposition des choses, et subjuguer son coeur par sa bonté compatissante. Un reproche sévère aurait fermé le coeur de Simon à la repentance, mais un avertissement charitable le convainquit de son erreur et le gagna. Il vit la grandeur de la dette qu'il devait à son Seigneur, et devint un homme humble et charitable. VJC 347 3 Quand nous comprendrons quelle dette de gratitude nous devons à notre Sauveur, nous serons unis à lui par des liens étroits, et notre amour s'exprimera dans tous nos actes. Jésus se souviendra de toute bonne oeuvre accomplie par ses enfants. Ceux qui se sacrifient et qui sont bienfaisants, vivront dans sa mémoire et seront récompensés. Aucun acte de dévouement à sa cause ne sera oublié par lui. Nous ne pouvons offrir, sur l'autel de notre foi, de sacrifice trop précieux. ------------------------Chapitre 36 -- Entrée de Jésus a Jérusalem VJC 349 1 Au premier jour de la semaine, Jésus se remit en route du côté de Jérusalem, afin d'y célébrer la fête de Pâque.1 Beaucoup de gens qui s'étaient rendus à Béthanie pour le voir, désireux d'être témoins de son entrée à Jérusalem, l'accompagnaient. Toute la nature semblait être en fête; les arbres étaient revêtus de verdure et de fleurs qui répandaient leur doux parfum dans les airs. Une multitude de gens étaient en route pour la ville, où ils désiraient fêter la Pâque, et ils grossissaient continuellement la foule qui accompagnait Jésus. Christ envoya deux de ses disciples pour lui amener un "âne, le poulain d'une ânesse", afin qu'il entrât à Jérusalem sur cette monture. Il n'y avait qu'une petite distance, et comme il avait toujours préféré faire ce chemin à pied, les disciples étaient étonnés qu'il voulût s'y rendre de cette manière. Mais l'espérance remplit leurs coeurs de la pensée joyeuse que Jésus allait entrer dans la capitale pour se faire proclamer roi des Juifs et déclarer son pouvoir royal. Pendant qu'ils étaient en route, les disciples communiquèrent leurs espérances ardentes aux amis de Jésus, et l'excitation se répandit au près et au loin, de telle sorte que le peuple s'attendait aux plus grandes choses. VJC 349 2 Jésus choisit un ânon sur lequel personne n'était encore monté. Les disciples, dans un joyeux enthousiasme, étendirent leurs vêtements sur l'ânon et firent monter leur Maître. A peine y fut-il assis, qu'un grand cri de triomphe remplit les airs et que la multitude le saluait comme le Messie, leur Roi. Jésus accepta alors un hommage dont il n'avait jamais voulu auparavant; ses disciples y virent une preuve que leurs espérances joyeuses allaient se réaliser, et qu'ils allaient voir leur Maître proclamé roi d'Israël dans Jérusalem. Tous étaient heureux et émus, et ils lui rendaient hommage à l'envi les uns des autres. Ils ne pouvaient faire un grand déploiement de pompe et de splendeur, mais ils lui rendaient l'adoration des coeurs heureux. Ils ne pouvaient lui offrir des dons précieux, mais ils étendaient leurs vêtements de dessus comme un tapis sur son passage, et ils répandaient des branches et des feuilles d'olivier et de palmier sur son chemin. Ils ne pouvaient conduire la procession triomphale avec des étendards royaux, mais ils coupaient des branches de palmier, emblêmes de la victoire, et les agitaient au-dessus d'eux en poussant des acclamations et des hosanna qui remplissaient les airs. VJC 350 1 A mesure qu'ils avançaient, la multitude de ceux qui avaient entendu parler de l'arrivée de Jésus, se hâtaient de rejoindre la procession qui s'accroissait continuellement. Les spectateurs qui se mêlaient constamment à la foule demandaient: Qui est celui-ci? Que signifie tout ce mouvement? Tous avaient entendu parler de Jésus, et s'attendaient à le voir à Jérusalem; mais ils savaient que jusque-là il avait toujours refusé de recevoir les honneurs royaux, et ils étaient fort étonnés d'apprendre que c'était lui. Ils se demandaient ce qui avait pu opérer ce changement en Jésus, qui avait déclaré que son royaume n'était point de ce monde. VJC 350 2 Pendant que, surpris, ils s'informent autour d'eux, la foule empressée couvre leurs voix de longs cris de triomphe que répercutent et réitèrent les échos des collines et des vallées d'alentour. Puis la procession est rejointe par une foule de gens qui, ayant entendu parler de cette démonstration, sortent de Jérusalem à la rencontre du Sauveur pour l'emmener dans la ville. Parmi la grande assemblée d'Hébreux venus pour célébrer la Pâque, des milliers viennent accueillir Jésus dans leur ville. Ils le saluent en agitant des branches de palmier, et en faisant éclater des chants sacrés. Les sacrificateurs dans le temple sonnent la trompette pour le service du soir; mais il en est peu qui répondent à leur avertissement, et les principaux alarmés se disent les uns aux autres: "Tout le monde va après lui."1 VJC 351 1 Jusqu'à ce moment-là de sa vie terrestre, le Sauveur avait refusé de recevoir tout honneur royal et avait résolûment découragé toute tentative de l'élever au trône. Mais c'est avec intention que Jésus voulut alors attirer l'attention publique sur le Rédempteur du monde. Il approchait du moment où sa vie devait être offerte en rançon pour l'homme coupable. Quoiqu'il dût bientôt être trahi et suspendu à la croix comme un malfaiteur, il voulait pourtant entrer à Jérusalem, le lieu de son prochain sacrifice, accompagné des démonstrations de joie et d'honneur appartenant à la royauté, afin de préfigurer faiblement la gloire de sa venue du ciel comme roi de Sion. VJC 351 2 Le but de Jésus était d'attirer l'attention sur le sacrifice qui devait couronner sa mission dans un monde déchu. Ils étaient assemblés à Jérusalem pour célébrer la Pâque, tandis que lui, l'Agneau antitype, par un acte volontaire, se mettrait lui-même à part comme une oblation. Jésus comprenait qu'il était nécessaire que l'Eglise, dans les âges futurs, fît de sa mort pour les péchés du monde, le sujet sérieux de ses pensées et de son étude. Chaque fait s'y rapportant devait être parfaitement vérifié et ne laisser aucun doute. Il était donc nécessaire que les yeux du peuple fussent dirigés sur lui; il fallait que les démonstrations qui précéderaient son grand sacrifice fussent telles qu'elles appelassent sur lui l'attention de chacun. Après une démonstration telle que celle dont on fut témoin à son entrée à Jérusalem, tous les yeux devaient suivre son rapide progrès jusqu'à son sacrifice final. VJC 351 3 Les événements frappants qui se rattachent à cette entrée triomphale devaient courir de bouche en bouche et rappeler Jésus à tous les esprits. Après sa crucifixion, ces événements seraient rattachés à ses souffrances et à sa mort; on étudierait les prophéties, qui révéleraient le fait qu'il était certainement le Messie; et les convertis à la foi de Jésus seraient multipliés dans tous les pays. Dans cette scène triomphante de sa vie terrestre, le Sauveur aurait pu apparaître escorté par les anges du ciel et annoncé par les trompettes de Dieu; mais il demeura fidèle à la vie d'humiliation qu'il avait acceptée, portant le fardeau de l'humanité jusqu'à ce qu'il eût donné sa vie pour la vie du monde. VJC 352 1 Ce jour, qui paraissait aux disciples le plus beau de leur vie, eût été obscurci par de sombres nuages, s'ils avaient su que cette scène d'allégresse n'était que le prélude des souffrances et de la mort de leur Maître. Quoiqu'il leur eût parlé à fois réitérées de son sacrifice certain, ils oubliaient, dans le joyeux triomphe du présent, ces tristes paroles et ne considéraient plus que son règne glorieux sur le trône de David. Comme la foule qui entourait le Sauveur s'augmentait continuellement, et que, sauf peu d'exceptions, tous ceux qui s'y joignaient s'inspiraient de la joie générale et unissaient leurs hosanna à ceux qui retentissaient déjà, leurs cris joyeux éclataient, répétés par l'écho de colline en colline et de vallée en vallée. On entendait partout: "Hosanna au Fils de David! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! Hosanna dans les lieux très hauts!" C'était comme si toute cette multitude de gens se répondaient les uns aux autres, se rappelant à l'envi un passé prophétique. VJC 352 2 Beaucoup de pharisiens furent témoins de cette scène et, brûlant d'envie et de malice, ils cherchèrent à détourner le courant populaire. Ils employèrent toute leur autorité pour réprimer l'enthousiasme du peuple; mais toutes leurs exhortations et leurs menaces furent vaines. Craignant que cette multitude, dans la force du nombre, n'élevât Jésus au titre de roi, et à bout de ressources, ils percèrent la foule et accostèrent Jésus avec des paroles de reproche et de menace: "Maître! reprends tes disciples." Ils lui déclarèrent qu'une démonstration si bruyante et si excitante était illégale, et qu'elle serait condamnée par les autorités. Mais les paroles de Jésus réduisirent au silence leurs ordres hautains: "Je vous dis que si ceux-ci se taisent, les pierres mêmes crieront." VJC 352 3 Dieu lui-même, dans sa providence, avait arrangé l'ordre des événements qui se passaient alors; et si les hommes n'avaient pas accompli son divin plan, il aurait prêté la voix aux pierres inanimées et elles auraient accueilli son Fils avec des acclamations de joie. Cette scène avait été révélée en vision prophétique aux saints prophètes des anciens jours, et l'homme était impuissant à détourner les desseins de Jéhovah. Comme les pharisiens se retiraient, les paroles de Zacharie furent répétées par des centaines de voix: "Réjouis-toi extrêmement, fille de Sion! jette des cris de réjouissance, fille de Jérusalem! voici, ton Roi viendra à toi, juste, et sauveur, humble, et monté sur un âne, et sur le poulain d'une ânesse."1 VJC 353 1 Les pharisiens se virent obligés de renoncer à leurs efforts pour calmer l'enthousiasme du peuple. Toutes leurs remontrances ne servirent qu'à augmenter l'ardeur de la foule. Jamais le monde n'avait été témoin d'une procession aussi triomphante. Elle n'était point semblable à celles des fameux conquérants de ce monde. Aucune suite de captifs gémissants, trophées de la valeur des rois, ne faisait partie de cet imposant cortége. Mais autour du Sauveur se trouvaient les glorieux trophées de ses travaux et de son amour pour l'homme pécheur. Il y avait là, louant Dieu de leur délivrance, des captifs qu'il avait délivrés de la puissance cruelle de Satan. L'aveugle auquel il avait rendu la vue courait en avant pour préparer la voie. Les muets auxquels il avait délié la langue faisaient éclater les hosanna les plus retentissants. Les impotents auxquels il avait rendu l'usage des membres, étaient les plus actifs à rompre les branches de palmier et à les répandre sur le chemin, devant le Sauveur. Des veuves et des orphelins étaient parmi la foule, exaltant le nom de Jésus pour ses oeuvres de miséricorde en leur faveur. Les lépreux qui avaient été nettoyés par une de ses paroles, et arrachés à une mort vivante, étendaient sur son chemin leurs vêtements purifiés de toute infection, et saluaient en lui le Roi de gloire. Ceux qu'il avait réveillés du sommeil de la mort par sa voix puissante étaient aussi parmi la foule. Lazare, dont le corps avait déjà senti la corruption dans la tombe, et alors en pleine possession de sa force virile, guidait l'humble animal sur lequel était monté son Libérateur. VJC 354 1 Comme la procession arrivait au sommet de la colline et allait descendre dans la ville, Jésus s'arrêta et toute la multitude avec lui. Jérusalem, dans toute sa gloire, s'étendait devant eux, inondée de la lumière du soleil couchant. Le temple attirait tous les regards. Sa grandeur imposante, l'élevant au-dessus de tous les autres édifices, semblait montrer le ciel et vouloir dire au peuple de n'adorer que le Dieu vivant et vrai. Ce temple, dans sa splendide majesté, avait été longtemps l'orgueil et la gloire de la nation juive. Les Romains s'en glorifiaient aussi comme d'un monument d'une magnificence sans pareille. Leur roi s'était joint aux Juifs pour l'embellir; ils n'avaient épargné ni peines ni dépenses pour l'orner des décorations les plus coûteuses et les plus belles, tant au dehors qu'au dedans. VJC 354 2 Une partie des murailles de la construction avait résisté au siége des armées, et apparaissait, dans sa parfaite structure, comme une pierre solide, arrachée toute entière de la carrière. Le soleil, en se couchant à l'ouest, donnait au ciel des teintes dorées qui se reflétaient sur le marbre blanc du temple et étincelaient sur ses piliers dorés. Du haut de la colline où se tenait Jésus et ses disciples, le temple avait l'apparence d'un vaste palais de neige, garni de joyaux étincelants. A l'entrée du temple se trouvait un cep de vigne, fait d'or et d'argent, ayant des feuilles vertes et de massives grappes de raisins, le tout exécuté à grands frais par les artistes les plus habiles. Cela devait représenter Israël sous l'emblème d'une vigne prospère. L'or, l'argent et la verdure étaient combinés avec un goût si rare, ils étaient d'un travail si parfait, entourant gracieusement les piliers blancs et scintillants, et s'attachant à leurs ornements d'or par leurs vrilles brillantes, qu'ils formaient un ensemble d'une beauté merveilleuse, reflétant les splendeurs du soleil couchant avec un éclat tel, que sa gloire paraissait être empruntée du ciel. VJC 354 3 Jésus avait arrêté les yeux sur la scène enchanteresse qui se déroulait devant lui, et la grande foule se tut sous le charme de cette vue soudaine. Tous les yeux se tournèrent instinctivement vers Jésus, s'attendant à voir dans son maintien l'admiration qu'ils éprouvaient eux-mêmes. Mais au lieu de cela, ils remarquèrent un nuage de tristesse répandu sur son visage. Ils furent surpris et déçus de voir les yeux du Sauveur remplis de larmes et son corps trembler et chanceler comme un arbre devant la tempête, tandis qu'un gémissement s'échappait de ses lèvres tremblantes comme des profondeurs d'un coeur brisé. Quel spectacle n'était-ce point pour les anges! Leur Chef aimé répandant des larmes amères! Quelle vue n'était-ce point pour cette foule joyeuse qui l'avait accompagné avec des cris de triomphe et en agitant des branches de palmier, jusqu'à cette hauteur d'où l'on apercevait la cité glorieuse où ils espéraient fermement qu'il régnerait! Leurs acclamations cessèrent alors, tandis que beaucoup versaient des larmes de sympathie, à la vue de ce chagrin qu'ils ne pouvaient comprendre. VJC 355 1 Jésus avait pleuré au tombeau de Lazare; et son chagrin répondait à l'occasion. Mais cette douleur soudaine était comme une note gémissante au milieu d'un choeur de triomphe. Au milieu d'une scène de réjouissance, où tous lui rendaient hommage, le Roi d'Israël répandait des larmes; non point de silencieuses larmes de joie, mais des pleurs et des gémissements d'une angoisse qu'il ne pouvait contenir. La foule était frappée d'une tristesse subite à la vue de ce chagrin qui était incompréhensible à tous. Les pleurs de Jésus n'étaient pas versés par anticipation aux souffrances physiques de sa crucifixion, quoique le jardin de Gethsémané, où il savait que l'horreur de grandes ténèbres se répandrait bientôt sur lui, fût justement devant ses yeux. On voyait aussi la porte des brebis, à travers laquelle avaient passé depuis des siècles les bêtes que l'on conduisait au sacrifice. Cette porte devait bientôt s'ouvrir pour lui, le grand Antitype dont le sacrifice pour les péchés du monde avait été indiqué et préfiguré par tous ces sacrifices. Près de là était le Calvaire qui devait être sous peu témoin de son agonie. VJC 355 2 Ce n'était pourtant point la pensée de sa mort cruelle qui faisait pleurer et gémir le Rédempteur, dans l'angoisse de son coeur. Son chagrin n'était pas égoïste. La pensée des souffrances physiques n'intimidait point son âme noble et dévouée. C'est la vue de Jérusalem qui transperçait d'angoisse le coeur de Jésus -- de Jérusalem qui avait rejeté le Fils de Dieu et méprisé son amour, qui ne s'était point laissé convaincre par ses puissants miracles, et qui allait lui ravir la vie. Il voyait ce qu'elle était dans sa coupable conduite, ce qu'elle aurait pu être si elle l'avait accepté, lui qui seul pouvait guérir ses blessures. Il était venu la sauver, comment aurait-il pu abandonner l'enfant de ses soins! VJC 356 1 Il éleva la main, cette main qui avait si souvent béni les malades et les affligés, et, l'agitant du côté de la ville coupable, il s'écria d'une voix brisée de douleur: "Oh! si tu avais reconnu, au moins en ce jour qui t'est donné, les choses qui regardent ta paix!..." Le Sauveur s'arrêta à ces paroles, et ne dit point quel aurait été l'état de Jérusalem si elle avait accepté le seul secours que Dieu pût lui donner, le don de son Fils bien-aimé. Si Jérusalem avait su ce qui était son privilége de savoir, et avait agi selon la lumière que Dieu lui avait accordée, elle aurait pu briller dans la splendeur de la prospérité comme la reine des royaumes, libre dans la force et la puissance que Dieu lui aurait données. Il n'y aurait point eu alors de soldats armés veillant à ses portes, ni de bannières romaines flottant sur ses murailles. Jésus se représentait la glorieuse destinée dont Jérusalem aurait pu jouir si elle avait reçu son Rédempteur. Il voyait que par lui elle aurait pu être guérie de sa funeste maladie, libérée du joug de la servitude, et devenir la puissante métropole du monde. De ses murailles, la colombe de la paix, se serait envolée vers toutes les nations. Elle aurait été le diadème et la gloire du monde. VJC 356 2 Mais l'éclatant tableau de ce qu'aurait pu être Jérusalem, si elle avait accueilli le Fils de Dieu, pâlit devant le Sauveur à la pensée de ce qu'elle était, opprimée sous le joug des Romains, encourant le déplaisir de Dieu, et condamnée par sa justice rétributive. Il reprit la suite de ses lamentations interrompues: "Mais maintenant elles sont cachées à tes yeux. Car les jours viendront sur toi que tes ennemis t'environneront de tranchées, t'enfermeront, et te serreront de toutes parts; et ils te détruiront entièrement, toi et tes enfants qui sont au milieu de toi, et ils ne te laisseront pierre sur pierre, parce que tu n'as point connu le temps auquel tu as été visitée." VJC 357 1 Christ était venu pour sauver Jérusalem et ses enfants des conséquences de leurs péchés précédents; mais les espérances impies des pharisiens ne furent point satisfaites par la manière dont il apparut. L'orgueil, l'hypocrisie, la jalousie et la malice des pharisiens l'empêchèrent d'accomplir ses desseins. Jésus connaissait la terrible rétribution qui frapperait la ville coupable. Il voyait Jérusalem entourée d'armées, ses habitants assiégés jusqu'à être réduits à la faim et à la mort, les mères se nourrissant du corps de leurs enfants morts, les parents et les enfants s'arrachant leur dernier morceau de nourriture, l'affection naturelle étant détruite par les poignantes souffrances de la faim. Il voyait que l'opiniâtreté des Juifs, comme elle se manifesta dans la rejection de son salut, les porterait aussi à repousser leur seul moyen d'existence: la soumission aux armées envahissantes. Il voyait les malheureux habitants souffrir les tourments de la torture et de la crucifixion, les magnifiques palais détruits. Il voyait le temple, où Dieu avait révélé sa gloire, en ruines, et de toutes ces murailles, si pures et si belles, décorées de légers piliers et de dessins d'or, ne demeurer pierre sur pierre, tandis que la ville devait être labourée comme un champ. Le Sauveur pouvait bien pleurer d'angoisse, à la pensée d'un tel spectacle. VJC 357 2 Jérusalem avait été l'enfant de ses soins, et comme un père pleure son fils égaré, ainsi pleura Jésus sur Jérusalem. Comment puis-je t'abandonner! Comment puis-je te voir vouée à la destruction et à la désolation! Dois-je te laisser aller remplir la coupe de tes iniquités! Une âme est d'une si grande valeur, qu'en comparaison les mondes perdent toute importance; mais là, il y avait toute une nation qui se perdait. Lorsque le soleil couchant disparaîtrait à l'ouest, les jours de grâce auraient expiré pour Jérusalem. Tandis que la procession était arrêtée sur la colline des Oliviers, il n'était pas encore trop tard pour la ville de se repentir et d'être sauvée. L'ange de miséricorde était prêt à déployer ses ailes et à descendre du trône d'or pour faire place à la Justice et au Jugement qui avançaient rapidement. Mais le coeur de Christ, rempli d'amour, plaide encore pour Jérusalem qui avait méprisé toutes ses grâces, qui s'était moquée de ses avertissements, et qui allait achever son oeuvre d'iniquité en trempant ses mains dans son sang. Si Jérusalem avait voulu se repentir encore, ce n'aurait point été trop tard. Tandis que les derniers rayons du soleil couchant caressent le temple, la tour et les brillantes coupoles, quelque ange de bonté ne viendra-t-il point l'amener à l'amour de son Sauveur et détourner le terrible sort qui l'attend! Belle et coupable ville, qui as tué les prophètes, repoussé le Fils de Dieu, qui t'enserres toi-même par ton impénitence dans les fers de l'esclavage, -- ton jour de grâce est presque passé! VJC 358 1 C'est là qu'avait vécu un peuple favori; Dieu faisait de leur temple sa demeure; magnifique par sa situation, il était la joie de toute la terre. On y trouvait le récit du soin avec lequel Christ l'avait gardé pendant plus de mille ans. Dans ce temple, les prophètes avaient fait entendre leurs avertissements solennels. C'est là qu'on avait agité les encensoirs, tandis que l'encens, mélangé aux prières des fidèles, montait à Dieu. C'est là que le sang des bêtes, type du sang de Christ, avait coulé. C'est là que Dieu avait manifesté sa gloire, au-dessus du propitiatoire. C'est là que les sacrificateurs, dans leurs robes flottantes et leur pectoral rempli de pierres précieuses, avaient, depuis des âges, célébré la pompe de leurs cérémonies et de leurs symboles. Mais tout cela doit avoir une fin, car Jérusalem a scellé son propre sort, et sa destruction approche. VJC 358 2 En songeant au sort de la ville qu'il avait aimée, le coeur de Jésus était navré, à cause de l'enfant de ses soins. Un amour infini et méconnu de l'homme brisait le coeur du Fils de Dieu. La multitude connaissait bien peu le chagrin qui pesait sur l'esprit de celui qu'elle adorait. Elle voyait ses larmes et entendait ses gémissements, et pendant un court laps de temps, une crainte mystérieuse interrompit ses joyeuses démonstrations; mais elle ne pouvait comprendre ce que signifiaient ces lamentations sur Jérusalem. VJC 359 1 Pendant ce temps, on avait annoncé aux gouverneurs que Jésus approchait de la ville accompagné d'un grand concours de peuple. Remplis d'effroi, ils allèrent au-devant de lui, espérant pouvoir disperser la foule par leur autorité. Comme la procession allait descendre la montagne des Oliviers, elle est arrêtée par les gouverneurs. Ils demandent quelle est la cause de cette réjouissance tumultueuse. Comme ils répétaient leur question avec beaucoup d'autorité: Qui est celui-ci? les disciples, remplis d'un esprit d'inspiration et dominant le bruit de la foule, répètent dans des élans d'éloquence les prophéties qui répondent à cette question. Adam vous le dira: C'est la semence de la femme qui brisera la tête du serpent. Demandez à Abraham; il vous dira: C'est Melchisédec, roi de Salem, roi de paix. Jacob vous le dira: C'est le Scilo de la tribu de Juda. Esaïe vous le dira: C'est Emmanuel, l'Admirable, le Conseiller, le Dieu fort, le Puissant, le Père d'éternité, le Prince de la paix. Jérémie vous le dira: C'est la racine de David, l'Eternel notre justice. Daniel vous le dira: C'est le Messie. Osée vous le dira: C'est l'Eternel des armées, son nom est l'Eternel. Jean-Baptiste vous le dira: C'est l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde. Le grand Jéhovah a proclamé du haut de son trône: Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Nous, ses disciples, nous déclarons que celui-ci est Jésus, le Prince de la vie, le Rédempteur du monde. Le prince même des puissances des ténèbres l'a reconnu en disant: "Je sais qui tu es: tu es le Saint de Dieu." ------------------------Chapitre 37 -- Jésus Pleurant sur Jérusalem VJC 360 1 L'entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, immédiatement avant sa crucifixion, fut une faible représentation de sa venue dans les nuées du ciel, avec puissance et grande gloire, au milieu du triomphe des anges et de l'allégresse des saints. Alors s'accompliront les paroles de Christ: "Car je vous dis que désormais vous ne me verrez plus, jusqu'à ce que vous disiez: Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur!"1 Zacharie, dans une vision prophétique, vit le jour du triomphe final, lorsque Christ viendra dans sa gloire, ainsi que la condition des Juifs qui le rejetèrent à son premier avénement. "Et ils regarderont vers moi, qu'ils auront percé; et ils en feront le deuil comme quand on fait le deuil d'un fils unique, et ils en seront en amertume comme quand on est en amertume pour la mort d'un premier-né".2 VJC 360 2 Les larmes que Christ versait, lorsqu'il pleurait sur Jérusalem, il les versait à cause des péchés des hommes de tous les temps. La nation juive était un symbole des hommes de tous les âges qui méprisèrent les offres de la miséricorde divine. Ceux qui professent d'être les représentants de Christ sur la terre et qui vivent pourtant d'une manière qui le renie, peuvent lire leur propre condamnation dans les paroles par lesquelles Christ accuse les Juifs remplis de propre justice. Le Sauveur vint sur la terre apporter la lumière de la vérité, mais son conseil a toujours été rejeté et sa miséricorde méprisée par ceux qui ont laissé leur coeur ouvert à l'égoïsme, à l'amour de l'argent et à la gloire du monde. VJC 361 1 Le péché de Jérusalem fut d'avoir rejeté les grâces et les avertissements qui lui étaient offerts par Christ. De même qu'un tendre père a pitié d'un fils aimé, mais égaré et rebelle, ainsi Jésus avait compassion de Jérusalem. Il lui avait envoyé des prophètes et des voyants, porteurs de conseils, d'avertissements, et, s'ils refusaient de délaisser leurs péchés, de menaces de jugement. Le sang des sacrifices avait coulé continuellement pendant des siècles, symbolisant le grand sacrifice expiatoire du Fils de Dieu qui devait être offert pour le salut de l'homme. Mais quoique le sacrifice des bêtes eût été abondant, il ne pouvait remplacer ni la vraie affliction produite par le sentiment du péché, ni l'obéissance à Dieu. Un coeur brisé et un esprit contrit auraient eu une bien plus grande valeur aux yeux de Dieu que la multitude des sacrifices sans la vraie repentance. VJC 361 2 Jérusalem n'avait pas mis à profit les faveurs qui lui avaient été accordées; elle avait rejeté les avertissements des prophètes et tué ceux que Dieu lui avait envoyés. Mais la génération que Jésus accusait n'était responsable des péchés de ses pères qu'en tant qu'elle suivait leur mauvais train, se rendant ainsi solidaire de la conduite pleine de haine et de vengeance qu'ils avaient montrée, en persécutant les anciens messagers de Dieu. C'étaient les grâces et les avertissements présents que cette génération rejetait, qui la couvrait d'une culpabilité que le sang des boeufs et des boucs ne pouvait enlever. Orgueilleux, plein d'un esprit de propre justice et d'indépendance, les Juifs s'étaient de plus en plus éloignés de Dieu, jusqu'à devenir de dociles sujets de Satan. La nation juive avait, pendant des siècles, forgé les fers dans lesquels cette génération s'enchaînait irrévocablement. VJC 361 3 Les larmes de Christ expriment l'angoisse qu'il éprouvait de voir son peuple courir à une perte certaine. Il eût bien voulu briser le joug étranger sous lequel ils gémissaient; mais les pharisiens, tout en se plaignant amèrement d'être humiliés et opprimés par une nation païenne, refusaient le seul secours qui pût les délivrer de la captivité et faire d'eux un peuple libre et heureux. La voix du Sauveur se faisait entendre depuis trois ans, invitant ceux qui étaient travaillés et chargés à aller à lui pour obtenir le repos. Il avait répandu ses bénédictions partout où il avait porté ses pas. Mais au lieu de répondre à son amour par leur reconnaissance, ils avaient repoussé Christ et étaient sur le point de sceller leur propre condamnation en le mettant à mort. VJC 362 1 La Jérusalem terrestre représente une grande majorité des soi-disant chrétiens de nos jours. Le Sauveur nous a acquis ses bénédictions par le sacrifice infini de sa propre vie. Le présent est notre jour de grâces et de faveurs. Dans chaque âge du monde il a été donné aux hommes des jours de lumière et de faveurs, un temps d'épreuve pendant lequel ils ont pu se réconcilier avec Dieu; mais il y a une limite à sa grâce. La miséricorde peut être offerte pendant des années et être rejetée et méprisée; mais il vient un temps où elle a fait son dernier appel. Cette douce voix qui gagne le coeur n'invite plus le pécheur, et les répréhensions et les avertissements cessent. VJC 362 2 Ce jour était alors venu pour Jérusalem. Jésus, du sommet de la montagne des Oliviers, d'une voix brisée par les sanglots et les larmes, prononça son dernier appel à la nation qu'il avait élue. "Oh! si tu avais reconnu, au moins en ce jour qui t'est donné, les choses qui regardent ta paix!"1 Il demeure encore un reste du jour pendant lequel Jérusalem peut reconnaître son erreur, s'en repentir et retourner à Christ. Tandis que le soleil baissait graduellement à l'horizon, elle pouvait encore être sauvée. L'ange de miséricorde avait longtemps intercédé pour la ville impénitente; mais alors il allait descendre du trône de Dieu, tandis que les paroles de l'irrévocable justice étaient prononcées: "Mais maintenant elles sont cachées à tes yeux." VJC 362 3 Les paroles de Christ, prononcées sur le mont des Oliviers, s'étendent jusqu'à notre époque. C'est à cause de notre impénitence que le Sauveur répandit des larmes. Il nous a fait connaître sa Parole, comme il le fit pour les Juifs. Il nous a fait reprendre, censurer, avertir, et nous avons connu l'amour compatissant de Jésus. De même qu'aux jours de Christ les cours du temple étaient déshonorées par un trafic impie, de même le temple des coeurs où Christ devrait régner est souillé par l'égoïsme, l'amour du monde, la malice, l'envie et les passions charnelles. Le Sauveur envoie des messagers pour avertir le pécheur du danger, et pour l'exhorter à la repentance; mais ses avertissements sont trop souvent reçus comme de vaines fables. Beaucoup de gens qui professent être pieux, sont comme les pharisiens du temps de Jésus, dont le coeur n'était point sanctifié par l'Esprit de Dieu. Des milliers de gens rejettent la vérité, parce qu'elle les charge d'une croix qui ne s'accorde point avec leurs habitudes et les inclinations naturelles de leur coeur. VJC 363 1 Les prophètes de Dieu n'obtinrent point la faveur de l'apostat Israël, parce qu'ils découvraient ses péchés cachés. Achab regardait Elie comme son ennemi, parce que le prophète révélait fidèlement les péchés secrets du monarque. De même aujourd'hui, les serviteurs de Christ qui réprouvent le péché, rencontrent la haine et la moquerie. La Bible, la religion de Christ, s'oppose à ce grand courant d'impuretés morales, dont la société actuelle est affectée. VJC 363 2 Maintenant, les préjugés sont encore plus enracinés dans les coeurs qu'à l'époque de Christ. Les hommes, poussés par Satan, élèvent des doutes quant à la vérité de la Parole de Dieu, et se fient à leur propre jugement. Ils préfèrent, au péril de leurs âmes, les ténèbres à la lumière; ear Dieu ne veut point repousser toutes les objections que l'esprit charnel veut bien soulever contre sa vérité. Les mystères de la Parole de Dieu demeurent à toujours tels pour ceux qui refusent d'accepter les précieux rayons de lumière qui illumineraient leur obscurité. L'Amour divin répand des larmes de douleur sur les hommes créés à l'image de Dieu qui ne veulent point accepter son amour, ni recevoir l'empreinte de sa divine image. VJC 364 1 Christ, du haut de la montagne des Oliviers, contemple le monde de tous les âges; et ses paroles concernent toute personne qui néglige les appels de sa miséricorde divine. Vous, qui méprisez son amour, c'est à vous qu'il s'adresse aujourd'hui. C'est en ce jour "au moins" que vous devriez connaître les choses qui regardent votre paix. La rétribution du pécheur sera proportionnée à la connaissance qui lui aura été donnée. VJC 364 2 La période de temps dont les Juifs auront le plus à répondre est celle où Jésus vécut parmi eux. Pourtant, les disciples eux-mêmes n'apprécièrent convenablement la présence du Fils de Dieu que lorsqu'il fut enlevé de leur milieu, et qu'il fut monté au ciel. Le Rédempteur ne voulait point rompre ses rapports avec la nation juive. Il avait supporté son impénitence et son endurcissement pendant des années, et cependant il regardait les Juifs avec le même dévouement plein de désintéressement avec lequel une mère regarde l'enfant de ses soins. Pendant des siècles, il avait empêché que les coups de la colère de Dieu ne tombassent sur Jérusalem; mais alors elle avait rempli la coupe de ses iniquités en persécutant le Fils de Dieu, et la vengeance divine allait tomber sur elle. Jésus regardait avec une angoisse inexprimable la ville et le temple qu'il avait aimés. "Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes, et qui lapides ceux qui te sont envoyés! combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l'avez pas voulu!"1 VJC 364 3 Si le peuple juif avait abandonné sa bigoterie et son aveugle incrédulité suffisamment pour considérer les profondeurs du coeur de Christ, ce coeur si plein d'amour et de compassion, jamais il n'aurait pu crucifier le Seigneur de gloire. Mais ils étaient impies et remplis de propre justice, et lorsque les sacrificateurs et les principaux du peuple, en réponse à leur question: "Qui est celui-ci?" entendirent l'ancienne parole prophétique prononcée par la multitude comme avec un son de trompette, ils ne l'acceptèrent point comme la voix de l'inspiration. La longue liste des prophéties dépeignant Jésus comme le Messie, et qui était citée par les disciples, ne convainquit point leurs coeurs. Mais ils étaient trop surpris et trop irrités pour exprimer leur indignation par des paroles. Au moment même où ils délibéraient secrètement et lâchement sur les mesures à prendre pour mettre à mort Jésus, voici que l'humble Galiléen est tout à coup couvert d'honneurs qu'il n'avait jamais réclamés auparavant, et qu'il reçoit des hommages que, jusque-là, il avait toujours repoussés. VJC 365 1 Les principaux sacrificateurs sont muets d'étonnement. Où est maintenant la puissance dont se vantaient les sacrificateurs et les principaux du peuple? Les autorités ecclésiastiques avaient annoncé que quiconque reconnaîtrait Jésus pour être le Christ, serait chassé de la synagogue et privé de ses droits religieux. Et voici que la multitude enthousiasmée faisait retentir le cri de hosanna au Fils de David! et répétait les titres que lui avaient donnés les prophètes. Le souverain sacrificateur et les principaux du peuple auraient tout aussi facilement privé la terre de la lumière du soleil qu'ils n'auraient pu repousser les rayons de gloire du Soleil de Justice. Malgré toutes les oppositions, le royaume de Christ fut proclamé par le peuple. VJC 365 2 Lorsque les sacrificateurs furent remis de leur surprise, ils murmurèrent entre eux disant: "Vous voyez que vous ne gagnez rien; voici que tout le monde va après lui."1 Mais bientôt ils cherchèrent à paralyser l'effet de la scène étrange dont ils avaient été témoins, et essayèrent d'intimider la foule en les accusant auprès des autorités civiles, comme soulevant une insurrection. Quelques-uns des pharisiens accomplirent leurs menaces et dénoncèrent Jésus aux officiers romains présents, comme étant l'instigateur de cette rébellion. D'autres se joignirent à eux, accusant le Sauveur de se donner comme roi, en dépit de l'autorité romaine. Anne, le souverain sacrificateur, dit qu'il allait prendre possession du temple, et régner comme roi à Jérusalem. VJC 366 1 Mais la voix calme de Jésus fit taire pour un moment les clameurs du peuple, lorsqu'il proclama que son royaume n'était point de ce monde, qu'il n'était point venu établir un gouvernement temporel, qu'il remonterait bientôt vers son Père, et que ses accusateurs ne le verraient plus jusqu'à ce qu'il revînt dans sa gloire, et qu'alors, trop tard pour se sauver, ils le reconnaîtraient disant: "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur!" VJC 366 2 Jésus dit ces paroles d'un ton pénétré de tristesse et avec une puissance extraordinaire. Les officiers romains furent réduits au silence et comme subjugués par les paroles de Christ. Leurs coeurs, quoique étrangers à l'influence divine, furent émus comme ils ne l'avaient jamais été, et la foule demeura dans un silence profond et respectueux. Lui, qui pouvait commander aux éléments, dont la voix avait calmé les vagues furieuses de la mer, pouvait aussi tranquilliser les coeurs d'hommes païens qui n'avaient point rejeté sa vérité, ni endurci leurs coeurs contre lui par les préjugés. Les officiers romains pouvaient lire la charité, la bienveillance et une paisible majesté sur le visage calme et solennel de Jésus. Ils éprouvaient pour lui une sympathie qu'ils ne pouvaient comprendre. Devant eux était un homme humble, mais dont le maintien rappelait un Dieu. Ils étaient plus disposés à lui rendre hommage, qu'à l'arrêter pour cause d'insurrection. VJC 366 3 Ils voyaient que les sacrificateurs et les gouverneurs étaient les seuls qui fussent irrités et causassent du trouble. Ils se tournèrent par conséquent contre eux et les accusèrent de tout ce bruit. Les sacrificateurs et les pharisiens, chagrins et confus, rejetèrent la faute sur le peuple, et se mirent à disputer entre eux avec une grande animation. Il y avait divergence d'opinions entre les sacrificateurs concernant Jésus. Anne l'accusait avec véhémence d'être un imposteur; Caïphe l'avait reconnu publiquement comme un prophète, mais il considérait que sa mort était nécessaire à l'accomplissement de la prophétie. Les opinions se partageaient entre ces deux chefs. La majorité du peuple était pour Jésus, et déclarait qu'aucun homme ne pouvait faire les choses qu'il avait faites. VJC 367 1 Pendant que ces contestations continuaient, Jésus, l'objet de toutes ces disputes, passa inaperçu dans le temple, et se mit à le contempler d'un oeil triste. Tout y était tranquille, car la scène qui s'était passée sur le mont des Oliviers avait attiré la foule loin du temple. Après l'avoir regardé d'un air solennel, Jésus en ressortit avec ses disciples, et s'en alla à Béthanie, de sorte qu'au moment où le peuple eût voulu le placer sur le trône d'Israël, on ne put le trouver nulle part. VJC 367 2 Jésus demeura toute la nuit en prière, et le matin, comme il revenait de Béthanie, il passa près d'un lieu planté de figuiers. Ayant faim, "et voyant de loin un figuier qui avait des feuilles, il y alla pour voir s'il y trouverait quelque chose; et s'en étant approché, il n'y trouva que des feuilles, car ce n'était pas la saison des figues. Alors Jésus, prenant la parole, dit au figuier: Que jamais personne ne mange de ton fruit. Et ses disciples l'entendirent."1 VJC 367 3 Ce n'était pas la saison où les figues étaient mûres, sauf en certains endroits, et sur les hauteurs du mont des Oliviers; on pouvait donc dire en vérité: "Car ce n'était point la saison des figues". Suivant la nature du figuier, on voit les fruits se former avant le développement des feuilles, de sorte qu'on peut bien, à plus forte raison, espérer cueillir des fruits mûrs sur un arbre couvert de feuilles. Le figuier que voyait Jésus était magnifique à voir, mais en cherchant sur ses branches, il vit qu'il n'avait qu'une apparence trompeuse, car il ne portait que des feuilles. Afin de donner une leçon salutaire à ses disciples, il se servit du figuier comme d'un symbole, en lui prêtant des qualités morales pour en tirer une vérité divine. VJC 368 1 Les Juifs se distinguaient de toutes les autres nations du monde par leur prétention à une fidélité parfaite au Dieu du ciel. Ils avaient été particulièrement favorisés, et ils prétendaient être le plus pieux de tous les peuples, tandis qu'ils étaient réellement impies et corrompus par l'amour du monde et la passion du gain. Se vantant de leur piété et de leur connaissance, quoique pleins d'hypocrisie et de cruauté, et ignorant ce que Dieu demandait d'eux, -- ils ressemblaient au figuier stérile qui étalait ses branches prétentieuses, luxuriantes, fécondes en apparence et belles à voir, mais sur lesquelles Jésus "ne trouva que des feuilles". La religion juive avec son magnifique temple, ses autels sacrés, la pompe de ses sacrifices, ses sacrificateurs splendidement vêtus et ses cérémonies pompeuses, n'était qu'un vernis superficiel sous lequel régnaient l'orgueil, l'oppression et le péché. Les feuilles étaient abondantes et belles, mais l'arbre ne portait aucun fruit de piété. VJC 368 2 Le matin suivant, comme ils passaient près du même verger, les disciples virent que le figuier que Jésus avait maudit était flétri et séché jusqu'aux racines. Jésus montra à ses disciples, dans l'image frappante du figuier, la vraie condition des Juifs; de même que le figuier avait séché sous la malédiction qui l'avait frappé, et qu'il était là, consumé et séché jusqu'aux racines, ainsi seraient abattus tous les vains et présomptueux hypocrites. VJC 368 3 Les autres figuiers du verger n'avaient également point de fruits; mais leurs branches n'avaient pas de feuilles, de sorte qu'elles ne trompaient ni ne leurraient personne. Les arbres sans feuilles représentaient les gentils qui ne se vantaient point d'une piété supérieure. C'est en eux que ces paroles de l'Ecriture trouvent leur application: "Car ce n'était pas la saison des figues." Mais tandis que les Juifs, dans leur orgueilleuse confiance en eux-mêmes, se croyaient supérieurs à tous les autres peuples, les gentils sentaient en quelque mesure leur pauvreté et leur faiblesse, et attendaient impatiemment de meilleurs jours, une lumière plus sûre et plus claire pour diriger leurs pas errants. VJC 369 1 La nation juive était religieuse extérieurement; elle se glorifiait de son saint temple, de la pompe de ses sacrificateurs et des cérémonies imposantes du matin et du soir, de ses splendides synagogues et de ses sacrifices. Il y avait une profusion de feuilles brillantes et riches pour couvrir la basse hypocrisie, la méchanceté et l'esprit d'oppression qui se trouvaient au fond de toute cette vaine pompe. Les Juifs eurent l'avantage de posséder au milieu d'eux Christ, manifesté en chair. Cette inestimable grâce que Dieu leur fit, aurait dû provoquer en eux une pieuse reconnaissance. Mais par une aveugle prévention, ils refusèrent les bénédictions que Jésus leur offrait. Ce fut en vain que son amour se répandit sur eux; ils ne prirent point garde à ses oeuvres miraculeuses. A son approche, toute douleur disparaissait; toute infirmité et toute difformité était guérie; l'injustice et l'oppression reculaient couvertes de honte devant ses réprimandes; tandis que la mort et la tombe s'éloignaient à son approche, et obéissaient à ses ordres. Pourtant, le peuple qu'il avait élu le rejeta et méprisa ses miracles. La Majesté du ciel est venue chez les siens, "et les siens ne l'ont pas reçue". VJC 369 2 Le jugement prononcé sur le figuier stérile ne symbolise pas seulement la sentence prononcée sur les Juifs; mais est aussi applicable aux soi-disant chrétiens de nos jours qui sont devenus formalistes, égoïstes, vaniteux et hypocrites. Beaucoup de gens qui se disent pieux sont dans le monde comme le figuier stérile, étalant des branches couvertes de feuilles prétentieuses, mais entièrement dépourvues de fruits. Ils pratiquent les formes du culte, et délaissent la repentance et la foi. Dans la condamnation du figuier, Christ démontra combien l'hypocrisie et les vaines prétentions lui sont odieuses. Toujours pitoyable au vrai pénitent, toujours prêt à le recevoir et à le secourir, il montre ainsi que celui-ci est dans une condition plus favorable devant Dieu que le chrétien qui ne porte aucun fruit à sa gloire. VJC 370 1 D'importants événements se groupent autour de la fin du ministère de Christ. Son entrée triomphale à Jérusalem, la purification du temple et la malédiction du figuier stérile, prédisent chacune le sort de Jérusalem. Les larmes de Jésus sur le mont des Oliviers, lorsqu'il contemplait la ville qu'il avait tant aimée, landis qu'il était au milieu des cris de joie et des hosanna de milliers de personnes, furent les derniers appels d'une miséricorde et d'un amour méconnus et rejetés ------------------------Chapitre 38 -- Deuxième Purification du temple VJC 371 1 Comme Jésus entrait dans le parvis extérieur du temple, il fut frappé du spectacle qui s'offrit à lui; le parvis ressemblait à un marché de bétail. Aux beuglements des boeufs, aux bêlements des brebis, et aux roucoulements des pigeons se mêlaient le son de l'argent et les cris de disputes des trafiquants, dont quelques-uns étaient sacrificateurs et faisaient le service des choses saintes. Les saints abords du temple présentaient un spectacle pénible à ces Juifs consciencieux qui, tout en déplorant la profanation du saint lieu, étaient incapables de l'empêcher; car les dignitaires du temple s'adonnaient eux-mêmes au commerce qui se faisait dans le parvis, et à l'échange des monnaies. Ils étaient artificieux et avares; l'amour du gain faisait taire en eux tout scrupule religieux, et ils poussaient leur trafic à une telle extrémité qu'aux yeux de Dieu ils ne valaient pas mieux que des larrons. VJC 371 2 Trois ans auparavant, au commencement de son ministère, Jésus avait chassé du temple ceux qui le souillaient par leur honteux trafic; et son air austère, sa divine majesté avaient frappé de crainte ces vils marchands. Vers la fin de sa mission terrestre, il entra de nouveau dans le temple de Dieu et le trouva souillé par les mêmes pratiques abominables et les mêmes profanateurs. Les sacrificateurs et les gouverneurs comprenaient peu l'oeuvre sacrée que leur office leur imposait. A chaque fête de Pâque et des tabernacles, des milliers de têtes de bétail étaient abattues, et les sacrificateurs répandaient leur sang sur l'autel. Les Juifs s'étaient habitués à voir répandre le sang -- purification du péché -- surl'autel; ils avaient presque perdu de vue le fait que c'était le péché qui rendait nécessaire toute cette aspersion du sang des bêtes, et qu'il préfigurait le sang du Fils de Dieu qui devait être répandu pour la vie du monde, comme aussi que les sacrifices et les offrandes, devaient rappeler aux hommes qu'il fallait un sacrifice expiatoire. VJC 372 1 Jésus jeta un regard sur les innocentes victimes du sacrifice qui le symbolisaient lui-même, et vit comment les Juifs avaient fait de ces grandes convocations des scènes de carnage et de cruauté, enlevant ainsi en grande mesure la solennité de l'institution des sacrifices. L'assemblage d'un si grand nombre de pièces de gros et de menu bétail, faisait du parvis un bruyant marché, et donnait le champ libre à cet esprit d'avarice et d'avidité commerciale qui caractérisait les chefs du peuple, soucieux d'accaparer toutes les affaires. Ces hommes réalisaient d'énormes profits par leurs prix exorbitants et leurs'ruses. Cela excita l'indignation de Jésus; il savait que son sang, qui allait être versé pour les péchés du monde, serait aussi peu apprécié des sacrificateurs et des anciens que le sang des bêtes qu'ils faisaient incessamment couler. VJC 372 2 Au lieu de s'humilier et de se repentir de ses péchés, on multipliait le sacrifice des bêtes, comme si l'on pouvait se réconcilier avec Dieu par un service d'où le coeur est absent. Samuel dit: "l'Eternel prend-il plaisir aux holocaustes et aux sacrifices, comme à ce qu'on obéisse à sa voix? Voici, obéir vaut mieux que sacrifice."1 Et Esaïe, voyant dans une vision prophétique l'apostasie des Juifs, s'adressa à eux comme à des conducteurs de Sodome et de Gomorrhe. "Ecoutez la parole de l'Eternel, conducteurs de Sodome! prêtez l'oreille à la loi de notre Dieu, peuple de Gomorrhe! Qu'ai-je affaire, dit l'Eternel, de la multitude de vos sacrifices? Je suis rassasié d'holocaustes de moutons et de graisse de bêtes grasses; je ne prends point de plaisir au sang des taureaux, ni des agneaux, ni des boucs. Lorsque vous entrez pour vous présenter devant ma face, qui a requis cela de vous, que vous fouliez de vos pieds mes parvis?" "Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de devant mes yeux la malice de vos actions; cessez de mal faire, apprenez à bien faire; recherchez la droiture, protégez celui qui est opprimé, faites droit à l'orphelin, défendez la cause de la veuve."1 VJC 373 1 Le Sauveur fut témoin de l'accomplissement de cette prophétie. Trois ans auparavant, il avait purifié le temple, mais tout ce qui en souillait alors les parvis existait maintenant à un plus haut degré même. Accomplissant une ancienne prophétie, le peuple avait proclamé Jésus roi d'Israël; Christ avait accepté leur hommage et l'office de roi et sacrificateur. Il savait que ses efforts pour réformer une sacrificature avilie seraient vains; mais son oeuvre devait néanmoins être faite, la preuve de sa mission divine devait être donnée à un peuple incrédule. VJC 373 2 Comme le regard scrutateur de Jésus embrassait le parvis du temple profané, tous les yeux se tournèrent instinctivement vers lui. Les voix du peuple et le bruit des bestiaux ne se firent plus entendre; sacrificateurs et gouverneurs, pharisiens et gentils, tous regardaient, avec un muet étonnement et une crainte indéfinissable, le Fils de Dieu qui se tenait devant eux dans sa majesté de Roi des cieux, sa divinité resplendissant à travers son humanité, et le revêtant d'une dignité et d'une gloire qu'il n'avait jamais déployées auparavant. Une crainte singulière s'empara du peuple. Ceux qui étaient le plus rapprochés de Jésus reculèrent autant que la foule le leur permit. A l'exception de quelques disciples, le Sauveur se trouva bientôt comme isolé de la foule. Tout bruit cessa; le profond silence qui régnait semblait insupportable, et lorsque la voix de Christ, retentissant comme le son de la trompette, mit fin à ce silence, un soupir involontaire de soulagement sortit de la poitrine de tous ceux qui étaient présents. VJC 373 3 Il parlait en accents clairs et distincts, avec une puissance qui faisait fuir le peuple comme s'il eût été emporté par une violente tempête: "Il est écrit: Ma maison est une maison de prière; mais vous en avez fait une caverne de voleurs."1 Il descendit les degrés, et, avec une plus grande autorité que celle qu'il avait manifestée trois ans auparavant, avec une indignation qui arrêtait toute opposition, d'un accent qui résonnait comme une trompette à travers tout le temple, il commanda: "Otez tout cela d'ici." Le déplaisir de sa physionomie ressemblait à un feu consumant; on ne mit pas en question son autorité; tous fuirent de sa présence dans la plus grande hâte, chassant, poussant devant eux les bestiaux, et emportant les marchandises qui avaient profané le temple du Très Haut. Christ montre ici au monde qu'avec tout son amour et sa miséricorde infinis, il peut exercer une justice rigoureuse. VJC 374 1 Trois ans auparavant, les dignitaires du temple avaient eu honte de leur fuite précipitée au commandement de Jésus, un jeune homme encore, et s'étaient étonnés de leurs propres craintes et de leur obéissance passive à un homme seul et humble. Ils pensaient qu'il leur serait impossible de se soumettre ainsi une seconde fois. Pourtant, ils furent plus effrayés que jamais, et ils obéirent à son commandement avec encore plus de précipitation. Après que les acheteurs et les vendeurs eurent été chassés, Jésus jeta sur la foule qui fuyait un regard de la plus profonde pitié. Un certain nombre restaient, espérant ardemment que cet homme, qui assumait une telle puissance et une telle autorité, était le Messie attendu. VJC 374 2 Une foule de gens, se précipitant hors des parvis du temple, poussant leur bétail devant eux, rencontrèrent une autre foule qui entrait, apportant des malades et des mourants, cherchant le grand Médecin. Ceux qui fuyaient faisaient les rapports les plus exagérés sur la manière dont Jésus avait purifié le temple. Entendant ces choses, quelques-uns de ceux qui avaient hâte de trouver Jésus, s'en retournèrent, craignant la rencontre d'un Etre si puissant, dont le seul regard avait fait fuir de sa présence les sacrificateurs et les gouverneurs. Mais un grand nombre se frayèrent un passage à travers la foule de fuyards, pressés d'arriver auprès de celui qui était leur seule espérance, ayant le sentiment que s'il ne les délivrait de leurs peines et de leurs maladies, il valait tout autant qu'ils mourussent tout de suite, sa puissance dépassant celle de tous les autres médecins. VJC 375 1 Un spectacle étonnant se présente alors aux yeux des disciples; le parvis du temple, débarrassé de ceux qui le profanaient, se remplit de malades et de souffrants, dont quelques-uns sont apportés mourants devant Jésus. Ces affligés sentaient leur pressante détresse; ils sentaient qu'ils devaient mourir si le grand Médecin n'avait pas pitié d'eux. Ils fixèrent leurs yeux suppliants sur Jésus, s'attendant à voir sur son visage cette sévérité dont leur avaient parlé ceux qui s'étaient enfuis du temple; mais ils ne lurent sur cette aimable figure que la charité et une douce pitié. VJC 375 2 Jésus accueillit les malades avec bonté, et à l'attouchement de sa main, la maladie, la mort qui s'approchait, s'enfuirent. Il rendit l'espérance aux coeurs affligés et abattus, et délivra de leurs fardeaux ceux qui venaient implorer son aide. Les muets, les aveugles et les paralytiques s'éloignaient de sa présence, jouissant d'une parfaite santé. Il prenait les enfants entre ses bras aussi tendrement que l'eût fait une mère aimante, calmait leurs cris d'effroi, chassait la fièvre et la douleur de leurs petits membres, et les rendait, souriants et sains, à leurs parents reconnaissants. VJC 375 3 Le matin, ce parvis avait été un lieu de marché et de trafic, où l'on entendait les cris des animaux et les bruyantes clameurs des hommes; alors, tout était calme dans cette enceinte sacrée; et la foule avide y écoutait les paroles de la vie éternelle, tombant des lèvres du Sauveur. Rien n'interrompait son discours, sauf les guérisons nouvelles, et les exclamations de bonheur à l'adresse du Médecin qui délivrait les malades de leurs souffrances. VJC 375 4 Les sacrificateurs et les gouverneurs furent involontairement ramenés au temple. Après que la première panique fut un peu passée, ils eurent le désir de savoir ce que Jésus ferait ensuite. Ils s'attendaient à le voir s'emparer du trône de David. Retournant lentement au temple, ils entendirent les voix d'hommes, de femmes et d'enfants louant Dieu. En entrant dans le parvis, ils s'arrêtèrent, muets de surprise, à la vue de la scène étrange qui s'offrait à leur vue. Ils voyaient les malades guéris, la vue rendue aux aveugles, l'ouïe aux sourds, et les boiteux sauter de joie. Les enfants dépassaient tous les autres dans l'expression de leur joie. Ils répétaient les hosanna que l'on avait entendus le jour précédent, et agitaient en triomphe des branches de palmier devant le Sauveur. Le temple retentissait d'exclamations que l'écho répétait à travers les parvis: "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur!" "Voici ton Roi viendra à toí, juste et sauveur." "Hosanna au Fils de David!" VJC 376 1 En entendant ces exclamations et les voix heureuses et libres des enfants, les dignitaires du temple retombèrent dans leur ancienne intolérance, et ils se mirent à arrêter ces démonstrations. Ils représentèrent au peuple que le saint temple était souillé par les pieds et les bruyantes et joyeuses exclamations des enfants. Ces mêmes hommes qui avaient permis et fait entendre eux-mêmes des altercations irritées, qui avaient acheté et vendù dans ces enceintes sacrées, qui avaient entendu avec indifférence le bruit insupportable des animaux divers qu'on amenait dans les parvis, avaient l'air remplis d'indignation de voir qu'on tolérât dans la cour du temple les exclamations joyeuses d'heureux enfants. VJC 376 2 Les sacrificateurs et les gouverneurs, voyant que le peuple qui avait senti et vu la puissance du divin Maître ne leur accordait aucune attention, essayèrent de s'adresser à Jésus lui-même: "Entends-tu ce que ces enfants disent? Et Jésus leur dit: Oui. N'avez-vous jamais lu ces paroles: Tu as tiré une parfaite louange de la bouche des enfants et de ceux qui tettent?" Si les voix de ces heureux enfants avaient été réduites au silence, les piliers mêmes du temple auraient entonné les louanges du Sauveur. Jésus fut toujours l'ami des enfants; il acceptait leur sympathie enfantine et leur amour franc et sans affectation. La louange reconnaissante sortant de leurs bouches innocentes était une musique pour ses oreilles, et un rafraîchissement pour son coeur brisé par l'hypocrisie des Juifs. Dans cette occasion, il avait guéri les maladies des enfants, les avait serrés dans ses bras, avait reçu leurs caresses et leur affectueuse gratitude, et ceux-ci s'étaient endormis entre ses bras pendant qu'il enseignait le peuple. Partout où le Sauveur portait ses pas, la bonté empreinte sur son visage, et ses manières douces et aimables gagnaient l'affection et la confiance des enfants. VJC 377 1 Les pharisiens étaient tout déconcertés et embarrassés de la tournure que les choses avaient prise, et ils étaient dépités d'avoir vu échouer leur effort pour arrêter l'enthousiasme du peuple. Ils avaient devant eux un homme qu'ils ne pouvaient intimider par leur prétention à l'autorité. Jésus s'était montré le gardien du temple. Jamais auparavant, il n'avait assumé une telle autorité royale; jamais ses paroles et ses actes n'avaient eu une si grande puissance. Il avait accompli de grands miracles à Jérusalem, mais jamais d'une manière aussi solennelle et impressive. VJC 377 2 Jésus, en prenant soin du parvis du temple, avait accompli un merveilleux changement. Il en avait banni les acheteurs et les vendeurs, les changeurs et les bestiaux; "et il ne permettait pas que personne portât aucun vaisseau par le temple". C'est à ce point que le Rédempteur du monde envisageait la sainteté de l'édifice dédié au culte de Dieu. Les sacrificateurs et les gouverneurs n'osèrent pas montrer une hostilité ouverte contre Jésus, en présence du peuple qui avait été témoin de ses miracles. Quoique irrités et confondus par sa réponse, ils étaient incapables de rien faire de plus ce jour-là. VJC 377 3 Le matin suivant, le Sanhédrin était assemblé dans le but de décider ce qu'il y avait à faire à l'égard de Jésus. Sa singulière invasion du temple était à leurs yeux si présomptueuse et si étrange, qu'ils délibérèrent sur la convenance qu'il y aurait de le faire paraître pour rendre compte de la hardiesse de sa conduite en s'opposant à ceux qui avaient la charge du temple. Trois ans auparavant, ils l'avaient invité à leur donner un signe qu'il était le Messie. Depuis ce temps, il avait accompli des miracles au milieu d'eux; il avait guéri les malades, miraculeusement nourri des milliers de personnes, marché sur les vagues en furie, et calmé la mer agitée. Il avait à réitérées fois lu les desseins de leurs coeurs comme dans un livre ouvert; il avait chassé les démons, et ressuscité des morts; pourtant ils refusaient encore de voir et de reconnaître les preuves de sa messianité. VJC 378 1 Alors ils décidèrent de ne point lui demander par quelle autorité il avait fait une action aussi hardie concernant le temple, mais de l'embarrasser de questions et d'accusations calculées, de manière à obtenir de lui quelques aveux ou déclarations par lesquelles ils pussent le condamner. Après avoir soigneusement tiré leur plan, ils se rendirent au temple, où Jésus prêchait l'Evangile au peuple, et ils commencèrent à le questionner quant à l'autorité par laquelle il avait agi dans le temple. Ils s'attendaient à ce que Jésus leur répondît que Dieu l'avait revêtu de l'autorité qu'il avait manifestée, et ils étaient prêts à contredire cette assertion. Mais au lieu de cela, Jésus leur posa une question qui semblait toucher à un autre sujet: "Le baptême de Jean venait-il du ciel, ou des hommes?"1 Ceux qui l'interrogeaient ne surent que répondre. S'ils avaient nié la mission de Jean et son baptême de repentance, ils auraient perdu leur influence sur le peuple -- car ils croyaient tous que Jean était un prophète de Dieu. Mais s'ils avaient reconnu que la mission de Jean était divine, ils auraient été obligés de reconnaître Jésus comme Messie; car Jean l'avait plusieurs fois désigné au peuple comme le Christ, disant: "Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde." Jean avait parlé de Jésus en disant qu'il n'était pas digne de lui délier la courroie -de ses souliers. VJC 378 2 Jésus leur laissa le soin de décider quel avait été le vrai caractère de la mission de Jean. "Or, ils raisonnaient entre eux, disant: Si nous disons: Du ciel, il dira: Pourquoi donc n'y avez-vous pas cru? Et si nous disons: Des hommes, nous craignons le peuple; car tous croyaient que Jean avait été un vrai prophète." Au fond du coeur, ils n'avaient pas accepté les enseignements de Jean. S'ils l'avaient fait, ils n'auraient pu rejeter Jésus, dont Jean avait prophétisé. Mais ils avaient trompé le peuple en prétendant croire au ministère de Jean; et dans ce moment ils n'osèrent pas, répondant à la question du Sauveur, déclarer que la mission de Jean était divine, de crainte que Jésus ne leur demandât pour quelle raison ils ne croyaient pas au témoignage du prophète qui le concernait. Il aurait pu dire: si Jean était du ciel, je le suis aussi; mon ministère et mon oeuvre sont si intimement unis aux siens qu'on ne peut les séparer. VJC 379 1 Le peuple respirait à peine, de crainte de ne pas entendre la réponse que feraient les sacrificateurs et les gouverneurs à la question directe de Jésus, à savoir si le baptême de Jean était du ciel ou des hommes. Il s'attendait à les voir reconnaître que Jean était envoyé de Dieu; mais après s'être consultés secrètement, les sacrificateurs décidèrent de répondre aussi vaguement que possible: "Ils répondirent à Jésus: Nous n'en savons rien. Et Jésus leur répondit: Et moi je ne vous dirai pas non plus par quelle autorité je fais ces choses." Scribes, sacrificateurs et gouverneurs se tenaient confus et désappointés devant le peuple, dont ils avaient grandement perdu le respect par leur lâcheté et leur indécision. VJC 379 2 Toutes ces paroles, tous ces actes de Christ avaient de l'importance, et leur influence devait se faire sentir toujours plus après la crucifixion, la résurrection et l'ascension. Bien des personnes qui avaient impatiemment attendu le résultat de la question de Jésus, devaient finalement devenir ses disciples, attirées à lui pour la première fois par ses paroles en ce jour mémorable. La scène du parvis ne devait jamais s'effacer de leur mémoire. Il y avait un contraste bien marqué entre l'air de Jésus et celui du souverain sacrificateur pendant qu'ils parlaient ensemble. Le puissant dignitaire du temple était paré de vêtements riches et somptueux, et portait une tiare resplendissante sur sa tête. Sa tenue majestueuse, sa longue barbe et ses cheveux flottants, argentés par l'âge, lui donnaient un air vénérable qui frappait de prime abord, et bien calculé pour inspirer au peuple un profond respect. VJC 380 1 La Majesté du ciel se tenait devant ce personnage auguste, sans ornement ni parure. Ses vêtements étaient couverts de la poussière du voyage; son visage pâle exprimait une tristesse touchante; pourtant, ses traits portaient une empreinte de dignité et de bienveillance qui contrastait étrangement avec l'air orgueilleux, plein de suffisance et irrité du souverain sacrificateur. Maintes personnes, qui avaient été témoins des paroles et des actes merveilleux de Jésus dans le temple, le regardèrent dès lors comme le prophète de Dieu. Mais la haine des sacrificateurs contre Jésus augmentait à mesure que le peuple s'attachait davantage à lui. La sagesse avec laquelle il échappa au filet qu'ils lui avaient tendu, raviva leur haine, car c'était une nouvelle preuve de sa divinité. VJC 380 2 Comme ils se tenaient mortifiés et silencieux devant le Sauveur, humiliés devant la grande multitude, Jésus profita de l'occasion pour leur montrer leur vrai caractère, et la sûre rétribution que devaient attirer leurs méchantes actions. Il présenta la leçon de manière à ce que les sacrificateurs et les anciens dussent prononcer leur propre condamnation: "Mais que vous semble-t-il de ceci? Un homme avait deux fils, et s'adressant au premier, il lui dit: Mon fils, va, et travaille aujourd'hui dans ma vigne. Mais il répondit: Je n'y veux point aller; cependant, s'étant repenti ensuite, il y alla. Puis il vint à l'autre, et lui dit la même chose. Celui-ci répondit: J'y vais, Seigneur; mais il n'y alla pas. Lequel des deux fit la volonté de son père?"1 VJC 380 3 Cette abrupte question les mit sur leurs gardes; ils avaient écouté attentivement la parabole et répondirent immédiatement: "C'est le premier". Jésus arrêtant sur eux ses regards perçants, dit d'un accent sévère et solennel: "Je vous dis en vérité que les péagers et les femmes de mauvaise vie vous devancent au royaume de Dieu. Car Jean est venu à vous dans la voie de la justice, et vous ne l'avez point cru; mais les péagers et les femmes de mauvaise vie l'ont cru; et vous, ayant vu cela, vous ne vous êtes point repentis ensuite pour le croire." VJC 381 1 Ces terribles vérités allèrent au coeur des sacrificateurs et des gouverneurs hypocrites. Dans la parabole, le premier fils représente les péagers et les gens de mauvaise vie, qui refusèrent d'abord d'obéir aux enseignements de Jean, mais qui se repentirent ensuite et se convertirent. Le second fils représente les Juifs qui professaient l'obéissance et des vertus supérieures, mais insultaient Dieu par le rejet de son Fils. Par leurs mauvaises actions, ils perdaient leurs droits à la faveur divine. Ils méprisaient les grâces de Dieu. Jésus leur montra que les gens sans considération et les délaissés sont mieux vus aux yeux de Dieu que les sacrificateurs et les gouverneurs hautains et remplis de propre justice. VJC 381 2 Ils ne voulurent point reconnaître ces vérités accusatrices, mais demeurèrent silencieux, espérant que Jésus dirait quelque chose qu'ils pussent tourner contre lui; mais ils devaient entendre des vérités encore plus dures à leurs oreilles. Jésus, considérant le passé, lorsque ses ministres, les prophètes de Dieu, furent rejetés, et que leurs messages furent foulés aux pieds par les ancêtres de ces mêmes hommes qui étaient devant lui, vit que les fils marchaient sur les traces de leurs pères, et rempliraient la coupe de leurs iniquités en mettant à mort le Seigneur de vie. Il tira du passé, du présent et de l'avenir une nouvelle parabole: "Ecoutez une autre similitude: Il y avait un père de famille qui planta une vigne: il l'environna d'une haie, il y creusa un pressoir, et il y bâtit une tour; puis il la loua à des vignerons, et s'en alla faire un voyage. La saison des fruits étant proche, il envoya ses serviteurs vers les vignerons pour recevoir les fruits de sa vigne. Mais les vignerons, s'étant saisis des serviteurs, battirent l'un, tuèrent l'autre, et en lapidèrent un autre. Il envoya encore d'autres serviteurs, en plus grand nombre que les premiers, et ils les traitèrent de même. Enfin, il envoya vers eux son propre fils, disant: Ils auront du respect pour mon fils. Mais quand les vignerons virent le fils, ils dirent entre eux: C'est ici l'héritier; venez, tuons-le, et nous saisissons de son héritage. Et l'ayant pris, ils le jetèrent hors de la vigne, et le tuèrent. Quand donc le maître de la vigne sera venu, que fera-t-il à ces vignerons?" VJC 382 1 Jésus s'adressait à toutes les personnes présentes; mais les sacrificateurs et les gouverneurs, ne pensant pas que la parabole s'appliquât à eux, répondirent aussitôt: "Il fera périr misérablement ces méchants, et il louera sa vigne à d'autres vignerons, qui lui en rendront les fruits en leur saison." Alors, ils virent qu'ils avaient prononcé leur propre condamnation en présence du peuple, qui écoutait Jésus avec un très vif intérêt. Christ rappelait ainsi qu'en vain messager après messager avait été envoyé à Israël avec des réprimandes, des avertissements et des menaces. Ces fidèles messagers de vérité furent mis à mort par ceux auxquels ils avaient été envoyés, comme les fidèles serviteurs furent tués par les méchants vignerons. Dans le fils bien-aimé que le seigneur de la vigne envoya finalement vers ses serviteurs désobéissants, et que ces derniers saisirent et tuèrent, les sacrificateurs et les gouverneurs reconnurent soudain une image frappante et distincte de Jésus et du sort qui le menaçait. Ils formaient déjà le dessein de mettre à mort celui que le Père leur avait envoyé comme seul et dernier appel. Dans la rétribution qui frappa les ingrats vignerons, se trouvait dépeint le sort de ceux qui mettraient Christ à mort. VJC 382 2 Dans la parabole de la vigne, Jésus représenta aux Juifs quelle était leur réelle condition. Le maître de la vigne représentait Dieu; la vigne symbolisait la nation juive entourée de la loi de Dieu, si propre à la maintenir séparée et distincte de toutes les autres nations de la terre. La tour construite dans la vigne, représentait leur temple. Le maître de la vigne avait fait tout ce qui était nécessaire pour sa prospérité. De même, Dieu avait eu soin d'Israël, tellement qu'il pouvait atteindre au plus haut degré de la prospérité. Le maître de la vigne demandait de ses vignerons une juste part des fruits; de même Dieu requérait des Juifs une vie correspondant aux saints priviléges qu'il leur avait accordés. Mais comme les serviteurs qui demandèrent du fruit au nom de leur maître furent tués par les vignerons infidèles, ainsi les Juifs tuèrent les prophètes qui leur apportaient les messages divins. Ils ne rejetèrent pas seulement les prophètes de Dieu, mais lorsqu'il envoya son Fils unique, l'Héritier prédestiné de la vigne, pensant garder la vigne pour eux, et s'emparer des avantages qu'elle procurait, les Juifs hautains, serviteurs infidèles, raisonnèrent ainsi en eux-mêmes: "C'est ici l'héritier; venez, tuons-le." Jésus révélait ainsi dans cette parabole les noirs desseins des Juifs contre lui. VJC 383 1 Après que Jésus les eut entendus prononcer leur propre condamnation, dans leur jugement des indignes vignerons, il les regarda avec pitié, et continua de leur parler: "N'avez-vous jamais lu dans les Ecritures ces paroles: La pierre que ceux qui bâtissaient ont rejetée est devenue la principale pierre de l'angle; ceci a été fait par le Seigneur, et c'est une chose merveilleuse devant nos yeux? C'est pourquoi je vous dis que le royaume de Dieu vous sera ôté, et qu'il sera donné à une nation qui en rendra les fruits. Celui qui tombera sur cette pierre sera brisé; et celui sur qui elle tombera en sera écrasé." VJC 383 2 Les Juifs avaient souvent répété les paroles de cette prophétie, pendant qu'ils enseignaient le peuple dans la synagogue, l'appliquant à la venue du Messie. Mais Jésus joint l'héritier si cruellement mis à mort à la pierre que ceux qui bâtissaient rejetèrent, mais qui devint finalement la principale pierre de l'angle, supportant tout l'édifice. Christ lui-même était l'auteur de tout le système judaïque, le vrai fondement du temple splendide de Jérusalem, l'antitype auquel se rapportaient tous les services des sacrifices. Les Juifs avaient attendu la venue de Christ avec une anxiété apparente. Les scribes, qui étaient instruits dans la loi et connaissaient les déclarations des prophètes concernant sa venue, savaient par l'histoire prophétique que le temps où l'on devait attendre son avénement dans le monde était passé. Par les paraboles que Jésus fit aux Juifs, il attira leur attention sur les prophéties qui prédisaient les choses mêmes qui s'accomplissaient en ce moment. Il chercha, par tous les moyens en son pouvoir, à réveiller leurs consciences, et à éclairer leur entendement, afin qu'ils pussent bien considérer ce qu'ils méditaient de faire. VJC 384 1 Dans ces paraboles, il dévoila aux pharisiens quels étaient leurs desseins, et les terribles conséquences qui en résulteraient. Il leur fut ainsi donné un solennel avertissement. Et pour ne laisser à la chose aucune ombre de doute, Jésus abandonna toute image, et leur dit clairement que le royaume de Dieu leur serait ôté, et donné à une nation qui en porterait les fruits. A l'ouïe de ces paroles, les sacrificateurs et les gouverneurs furent remplis d'une telle rage qu'ils purent à peine se retenir d'user de violence contre lui; mais voyant avec quel amour et avec quel respect le peuple le regardait, ils n'osèrent agir selon la malice de leurs coeurs. ------------------------Chapitre 39 -- Jésus et les pharisiens VJC 385 1 Lorsqu'on construisit le temple de Salomon, les pierres avaient été entièrement préparées à la carrière, de sorte que, lorsqu'elles furent amenées sur l'emplacement du temple, les ouvriers n'eurent plus qu'à les mettre en place; toutes avaient été taillées et polies. "Et on amena par le commandement du roi de grandes pierres, et des pierres de prix, pour faire le fondement du temple: elles étaient toutes taillées; et les maçons de Salomon, et les maçons d'Hiram, et les tailleurs de pierres, taillèrent et préparèrent le bois et les pierres pour bâtir le temple." "Or, en bâtissant la maison, on la bâtit de pierres qu'on avait amenées toutes telles qu'elles devaient être; de sorte qu'en bâtissant la maison on n'entendit ni marteau, ni hache, ni aucun outil de fer."1 VJC 385 2 On amena un jour de la carrière une pierre d'une forme irrégulière pour être employée à la fondation du temple. Mais les ouvriers ne purent y trouver une place et ne voulurent point l'accepter. Elle était là sans utilité, et embarrassait dans leurs mouvements les constructeurs du temple, qui étaient fort ennuyés de sa présence. Longtemps, elle resta là comme une pierre rejetée. Mais lorsque les constructeurs arrivèrent à la pose de la pierre de l'angle, ils cherchèrent en vain pendant longtemps, une pierre d'une dimension et d'une force suffisantes, ayant la forme convenable, pour prendre cette place particulière et supporter le grand poids qui devait reposer sur elle. S'ils avaient imprudemment choisi une pierre qui ne convînt pas pour cette place importante, ils auraient compromis la sûreté de tout l'édifice. Ils devaient trouver une pierre capable de résister à l'influence du soleil, de la gelée et de la tempête. On avait, à différentes époques, choisi diverses pierres; mais lorsqu'on les avait soumises à la pression de poids immenses, elles étaient tombées en pièces. D'autres pierres ne pouvaient supporter l'épreuve de brusques changements atmosphériques, et les ouvriers les déclarèrent impropres à remplir cette place. VJC 386 1 Cependant, là était encore la pierre qui avait été rejetée par ceux qui bâtissaient; elle avait supporté d'être exposée à l'air et aux rayons brûlants du soleil sans révéler une veine ou la plus légère crevasse. L'orage avait fondu sur elle, et pourtant elle était restée la même. Enfin, l'attention de ceux qui bâtissaient fut attirée sur cette grosse pierre et ils l'examinèrent soigneusement. Elle avait enduré toutes les épreuves, sauf une. Si elle pouvait supporter l'essai d'une grande pression, ils se décideraient à la prendre comme pierre de l'angle. L'épreuve fut faite à la satisfaction de tous. La pierre fut acceptée, placée dans la position qui lui était assignée, et on trouva qu'elle y était parfaitement appropriée. VJC 386 2 Esaïe vit dans ses visions prophétiques que cette pierre était un symbole du Sauveur du monde. Il dit: "Sanctifiez l'Eternel des armées, et que lui seul soit votre crainte et votre frayeur; et il sera votre sanctuaire; mais il sera une pierre d'achoppement et un rocher de trébuchement aux deux maisons d'Israël; un piége et un filet aux habitants de Jérusalem. Et plusieurs d'entre eux trébucheront, et tomberont, et seront froissés, et seront enlacés, et seront pris." Transporté dans sa vision prophétique au premier avénement, le prophète voit que Christ doit supporter des afflictions et des épreuves symbolisées par le traitement que ceux qui bâtissaient le temple de Salomon font subir à la pierre de l'angle. "C'est pourquoi ainsi a dit le Seigneur, l'Eternel: Voici, je mettrai pour fondement une pierre en Sion, une pierre éprouvée, une pierre angulaire et précieuse, pour être un fondement solide; celui qui croira ne se hâtera point."1 VJC 387 1 Dans sa sagesse infinie, Dieu choisit la pierre angulaire et la posa lui-même. Il l'appelle une pierre éprouvée; le monde entier peut déposer sur elle ses fardeaux et ses peines: elle peut les supporter tous. On peut construire avec une pleine assurance sur cette pierre. Christ est une "pierre éprouvée", et jamais il ne confondra ceux qui se confient en lui. Il a supporté toutes les épreuves qui lui ont été imposées. Il n'a point failli dans le désert de la tentation, lorsqu'il était chargé de tout le poids de la culpabilité d'Adam et de ses descendants. Il sortit plus que vainqueur de la lutte avec les puissances du mal. Il a supporté les fardeaux qui ont été jetés sur lui par ceux qui, étant tombés sur ce rocher, ont été brisés. En Christ, leurs coeurs coupables ont trouvé du soulagement. Ceux qui ont fait de lui leur fondement sont en parfaite sécurité. VJC 387 2 Christ est représenté par la principale pierre de l'angle. Juifs et gentils doivent construire sur ce fondement, et leur communion avec Christ, cette "précieuse pierre" en fait des pierres vivantes. L'apôtre Pierre montre clairement dans l'image suivante, pour qui Christ est une pierre angulaire, et pour qui il est une pierre d'achoppement: VJC 387 3 "Puisque vous avez déjà goûté combien le Seigneur est doux, en vous approchant de lui, comme de la pierre vive qui a été rejetée par les hommes, mais que Dieu a choisie, et qui lui est précieuse; vous aussi, comme des pierres vives, vous entrez dans la structure de l'édifice pour être une maison spirituelle, et de saints sacrificateurs, pour offrir des sacrifices spirituels et agréables à Dieu par Jésus-Christ. C'est pourquoi il est dit dans l'Ecriture: Voici, je mets en Sion la principale pierre de l'angle, choisie et précieuse; et qui croira en elle ne sera point confus. Vous en recevrez donc de l'honneur, vous qui croyez; mais pour les incrédules, la pierre que ceux qui bâtissaient ont rejetée, est devenue la principale pierre de l'angle, et une pierre d'achoppement, et une pierre de chute; lesquels heurtent contre la parole, et sont rebelles; à quoi aussi ils ont été destinés."1 VJC 388 1 En révélant aux Juifs le sort qui les attendait pour avoir rejeté le Fils de Dieu et en avoir fait une pierre d'achoppement, Jésus s'adresse aussi à tous ceux qui sont impénitents, et qui ne l'acceptent point comme leur Rédempteur. Ils subiront le même sort que les Juifs incrédules. L'unique sûreté est de construire sur le vrai fondement. Des millions de gens fondent aujourd'hui leurs espérances et leur attente sur des fondements qui n'ont point été essayés et éprouvés, qui ne tarderont pas à chanceler et à tomber, entraînant avec eux les structures sans consistance que l'on avait bâties sur eux. VJC 388 2 Jésus avait supporté passivement le mépris des pécheurs, tout comme la pierre rejetée avait supporté le mépris de ceux qui bâtissaient, et qui trébuchaient contre elle. Mais le temps devait venir où ils le verraient exalté de la même manière que la pierre méprisée et rejetée qui était devenue la principale pierre de l'angle. Alors ceux qui avaient rejeté Christ devaient être punis de leur iniquité. La ville et le temple des Juifs devaient être détruits. La pierre devait tomber sur eux, et leur gloire devait être brisée et dissipée, comme la poussière est emportée par un vent violent. VJC 388 3 Jésus nous a montré le seul vrai fondement sur lequel nous pouvons construire avec sûreté. Il est assez grand pour tous et assez fort pour soutenir le poids et le fardeau du monde entier. Tomber sur cette pierre pour s'y briser, c'est renoncer à notre propre justice, et aller à Christ avec l'humilité d'un enfant, nous repentant de nos transgressions, et croyant en son amour miséricordieux. Tous ceux qui construisent sur ce fondement, qui est Christ, deviennent des pierres vivantes par leurs rapports avec lui qui est la principale pierre de l'angle. Bien des personnes sont taillées, polies, et ont un extérieur et des manières agréables; mais elles ne deviendront jamais des pierres vivantes, parce qu'elles ne sont point en rapport avec Christ. Lorsque la pluie tombera, que la tempête exercera ses ravages, et que les eaux déborderont contre elles, elles tomberont parce qu'elles ne sont point fondées sur le Rocher des siècles, la principale pierre de l'angle, Jésus-Christ. VJC 388 4 Les pierres n'étaient point préparées pour leurs places respectives juste au moment de les employer à la construction des murailles du temple; elles avaient été mesurées, finies et travaillées avant d'être amenées sur le lieu de construction. De même aussi, chacun des caractères doit être taillé, préparé et poli durant le temps de la période de grâce accordée à l'homme. Lorsque Christ reviendra sur la terre, ce ne sera point pour purifier, ennoblir les caractères des hommes et les rendre propres pour le ciel. Son oeuvre ne consistera qu'à transformer leurs corps corruptibles et à les rendre semblables au corps glorieux de Christ. En ce jour, un caractère symétrique et parfait sera seul un titre à cette retouche finale d'immortalité. VJC 389 1 Cette terre est le chantier où les hommes doivent être préparés et polis pour les cours célestes. De même que les pierres qui composaient le temple de Salomon pouvaient se placer dans la muraille dans un ordre parfait, sans qu'elles eussent besoin de l'attouchement de la hache ou du marteau ou de quelque autre instrument, ainsi les saints ressuscités et ceux qui seront en vie au temps de sa venue, seront enlevés tous ensemble pour aller à la rencontre de leur Seigneur, en l'air, chacun ayant été convenablement préparé pour ce grand changement, et ayant été rendu apte à remplir sa place dans le temple du Dieu d'amour. VJC 389 2 Mais lorsque Christ visitera les méchants, ses jugements tomberont, non seulement sur les Juifs, mais sur tous ceux qui ont refusé les célestes bienfaits de la grâce de Dieu. La pierre qui était demeurée passive, supportant humblement toutes les injures qu'on avait amassées contre elle, s'élèvera alors en vie et en puissance au-dessus de tous ceux qui l'auront méprisée et rejetée. Ils reconnaîtront en elle la pierre d'achoppement qui sera pour eux une montagne vengeresse qui tombera sur eux et les écrasera. VJC 389 3 Espérant le prendre dans un piége par ses paroles, le souverain sacrificateur et les gouverneurs envoyèrent à Jésus ses plus malicieux ennemis, qui prétendirent s'intéresser à ses enseignements, et désirer profiter de sa sagesse divine. Ils s'attendaient à ce que Jésus serait trompé par leurs prétentions à la piété, qu'il oublierait d'être sur ses gardes, et parlerait de manière à ce qu'ils pussent en tirer avantage pour le condamner. Ils étaient mortifiés d'avoir été obligés d'écouter sans être capables d'en réfuter aucune, les paroles pénétrantes de Jésus, paroles qui découvraient leur condition réelle et condamnaient leur méchanceté. VJC 390 1 Ils s'entendirent avec les hérodiens, qui devaient les accompagner pour entendre les paroles de Jésus, afin de pouvoir témoigner contre lui lorsqu'ils le feraient arrêter pour le condamner à mort. Les pharisiens avaient toujours gémi d'être sous le joug des Romains, et ne payaient leurs taxes ou tributs qu'avec une grande répugnance. Ils prétendaient et déclaraient que c'était contraire à la loi de Dieu. Ils dressèrent alors un piége dans lequel ils pensaient que Jésus s'embarrasserait sûrement et offenserait ainsi, soit les lois des Juifs, soit l'autorité romaine. Les espions vinrent à lui, l'abordant avec beaucoup de politesse, exprimant la grande confiance qu'ils avaient dans ses enseignements. Après l'avoir comblé de flatteries, quant à la droiture de sa conduite, lui qui ne faisait acception ni des faveurs, ni des mépris des hommes, ils lui dirent avec un semblant de loyauté et comme pour lui demander une information: "Est-il permis de payer le tribut à César, ou non?"1 VJC 390 2 Mais Jésus comprenait parfaitement leur méchant dessein; il leur dit: "Hypocrites! pourquoi me tentez-vous? Montrezmòi la monnaie dont on paye le tribut." Aussitôt mis en garde par la manière inattendue dont Jésus avait répondu à leurs avances, et qui montrait clairement qu'il n'avait pas été trompé un seul instant par leurs hypocrites flatteries, ils lui apportèrent immédiatement une pièce d'argent qui portait l'image et l'inscription du gouverneur romain. "Et il leur dit: De qui est cette image et cette inscription? Ils lui dirent: De César. Alors il leur dit: Rendez donc à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu." VJC 390 3 Ces astucieux espions se virent ainsi confondus et défaits. La manière sommaire dont Jésus avait répondu à leur question, les mettait dans l'incapacité de dire quoi que ce fût. Tous leurs plans étaient renversés. Ils s'étaient attendus à ce qu'il répondît directement à leur question, d'une manière ou d'une autre. S'il avait dit qu'il n'était point permis de payer le tribut à César, ses ennemis auraient immédiatement chargé des hommes de faire rapport aux autorités romaines, afin de faire aussitôt arrêter Jésus comme excitant la rébellion parmi les Juifs. Ils espéraient que cela suffirait à le faire condamner. Et dans le cas où il aurait dit qu'il était convenable de payer le tribut à César, leur dessein était de faire connaître sa décision au peuple juif, et de l'accuser de s'opposer aux lois divines. VJC 391 1 Jésus connaissait leurs motifs; et, tenant dans sa main la monnaie romaine sur laquelle étaient frappés le nom et l'image de César, il déclara que puisqu'ils vivaient sous la protection du gouvernement romain, ils devaient rendre à cette puissance l'impôt qu'elle réclamait pour autant qu'il n'était point en désaccord avec leurs devoirs envers Dieu; qu'ils pouvaient en tout temps rendre obéissance à Dieu et répondre à ce qu'il exigeait d'eux, tout en se soumettant paisiblement aux lois du pays. Ceux qui l'interrogeaient ne s'attendant point à une telle réponse de Jésus, "ils l'admirèrent; et le laissant, ils s'en allèrent". Quoique la rage des sacrificateurs et des gouverneurs ne connût point de bornes et qu'ils désirassent ardemment se saisir de Jésus de leurs propres mains, et se venger de la mortification qu'il leur avait causée, ils n'osèrent pourtant point l'attaquer en présence de la foule. Faisant un grand effort, ils conservèrent un maintien digne, tout en se retirant et en devisant des moyens à employer pour le faire mourir. VJC 391 2 Christ savait bien quelle réponse devait satisfaire aux exigences du cas. Il ne favorisa ni le pouvoir romain, ni celui des Juifs. Sa réponse aux Juifs intrigants: "Rendez à Dieu ce qui appartient à Dieu", était un reproche sévère. S'ils avaient répondu à ce que Dieu demandait d'eux, et s'ils avaient fidèlement rempli leurs obligations à son égard, jamais ils n'auraient été opprimés et soumis à une puissance étrangère. Jamais un étendard romain n'aurait flotté sur les murailles de Jérusalem, jamais une sentinelle romaine n'aurait veillé à ses portes, et jamais gouverneur romain n'aurait gouverné dans ses murs. La nation juive payait alors la peine de la faute qu'elle avait commise en s'éloignant de Dieu. VJC 392 1 Mais à peine les pharisiens avaient-ils été réduits au silence, que les sadducéens arrivèrent avec leurs questions artificieuses, cherchant à tendre un piége à Jésus. Les sadducéens étaient une secte juive dont la foi différait matériellement de celle des pharisiens. Le seul trait qui les unissait semblait être leur opposition mutuelle au Sauveur et à ses enseignements, et leur désir de le mettre à mort. Les pharisiens mettaient leurs traditions au même niveau que la loi de Dieu. Ils les mettaient même à la place de la loi. Jésus avait déclaré qu'ils annulaient la loi de Dieu par leurs traditions, leurs cérémonies extérieures, leurs diverses ablutions, leurs jeûnes, leurs longues prières, leurs aumônes pleines d'ostentation, leur rigoureux éloignement des gentils. C'était là ce qui constituait les principaux traits de leur religion. Ils ressemblaient assez par leurs formalités et leurs superstitions, aux chrétiens formalistes de nos jours. Mais il y avait parmi eux des hommes d'une piété sincère, qui reçurent les enseignements de Christ. VJC 392 2 Les sadducéens n'avaient aucun respect pour les traditions des pharisiens. Ils professaient de croire la plus grande partie des Ecritures, et les regardaient comme règle de conduite; pourtant, ils niaient l'existence des anges et la résurrection des corps, ce que les pharisiens croyaient fermement. Les sadducéens rejetaient la doctrine d'une vie future avec ses récompenses et ses punitions. VJC 392 3 Ils croyaient en Dieu comme étant simplement un être supérieur à l'homme; mais ils prétendaient qu'après avoir créé l'homme, Dieu le laisse poursuivre son propre chemin. Ils disaient qu'une providence dirigeait et soutenait l'ensemble de l'univers, et qu'une prescience des événements aurait privé l'homme d'une libre action morale et l'aurait abaissé à l'état d'esclave. Ils séparaient donc le Créateur de la créature, prétendant que l'homme était indépendant de toute influence plus haute, et que sa destinée était entre ses propres mains. Niant comme ils le faisaient que l'Esprit de Dieu agît par les efforts humains ou par des moyens naturels, ils prétendaient que l'homme pouvait en employant ses propres forces naturelles s'éduquer et s'éclairer, et qu'il pouvait arriver à un certain degré de sainteté par la puissance de ses efforts et une austérité rigoureuse. VJC 393 1 Il y avait chez eux très peu d'union; des gens qui refusaient de reconnaître l'influence de l'Esprit de Dieu sur les actions des hommes, ne pouvaient avoir que peu de respect pour les opinions et les sentiments des autres. Ils vivaient pour eux-mêmes, leur sympathie naturelle se mouvait dans un cercle bien restreint; leurs coeurs n'étaient point touchés des peines et des besoins d'autrui; car selon leur manière de voir, tous pouvaient se procurer l'aisance et le bien être. VJC 393 2 Comme les autres Juifs, les sadducéens se vantaient beaucoup de leur origine comme enfants d'Abraham selon la chair, et de l'exactitude avec laquelle ils observaient extérieurement la loi; mais leurs croyances étaient inconséquentes. Ils rejetaient entièrement la doctrine de la résurrection des morts et disaient que si les mêmes parcelles de matière qui constituaient le corps mortel devaient également composer le futur être immortel, alors le corps devait avoir chair et sang, et reprendre dans le monde éternel la vie charnelle interrompue sur la terre, toutes les faiblesses et les passions de cette vie étant perpétuées dans l'autre vie. VJC 393 3 Au temps de Christ les sadducéens aimaient la controverse, et ils présentaient avec véhémence leurs objections concernant la résurrection des morts. Dans leurs discussions avec les pharisiens, ils mettaient ces derniers dans l'embarras, quant à leur foi à l'état futur des morts. La mort devint pour les pharisiens un sombre et inexplicable mystère. Ils apprirent à la regarder comme la plus terrible calamité qui pût frapper un homme. VJC 393 4 La vie et l'immortalité furent mises en évidence par Jésus-Christ. Ceux qui l'acceptèrent comme le Rédempteur du monde comprirent plus clairement qu'auparavant la vie future des morts ressuscités. Christ passant par la mort, sortant du tombeau et apparaissant de nouveau à l'homme dans sa propre personne, montant ainsi au Père, fixa pour toujours les faits sacrés de la résurrection, de la vie future et immortelle des justes dans l'esprit de tous ceux qui croient en Christ. VJC 394 1 Les pharisiens avaient une grande aversion contre les sadducéens parce qu'ils ne pouvaient point l'emporter sur eux en raisonnements. Les discussions qui s'élevaient entre les deux partis dégénéraient toujours en violentes disputes, et ne faisaient qu'augmenter leur mésintelligence. Or beaucoup de sadducéens qui ne vivaient que pour cette vie, étaient riches et très influents. Ils étaient par conséquent éligibles à l'office de souverain sacrificateur, sous la condition expresse de ne point mettre en avant leurs croyances incrédules. Et comme les pharisiens étaient beaucoup plus nombreux, les sadducéens devaient, extérieurement du moins, admettre leur doctrine lorsqu'ils revêtaient l'office de sacrificateur. Mais le fait même qu'ils étaient éligibles à un tel office donnait une influence à leur croyance erronée. Si les pharisiens avaient eu une conduite droite, ils auraient pu avoir une bonne influence sur les sadducéens. VJC 394 2 Les sadducéens refusaient totalement les enseignements de Jésus; car il était animé d'un esprit qu'ils refusaient de reconnaître. Ils croyaient que Dieu était un esprit supérieur, au-dessus de l'homme, et inaccessible pour lui. Ayant créé l'homme, il le laissa libre de vivre suivant ses désirs et de disposer des événements. La doctrine de Christ était directement opposée à l'enseignement des sadducéens. La parole et les oeuvres de Christ rendaient témoignage à une puissance divine qui accomplit des miracles, à une vie future et éternelle élevée au-dessus de cette courte vie, à Dieu comme Père des enfants des hommes, veillant à leur vrai intérêt et les protégeant. Il enseignait que Dieu récompensait les justes et punissait les méchants; qu'il n'était point un esprit intangible, mais le vivant Gouverneur de l'univers; que ce Père miséricordieux travaillait constamment au bien de l'homme, et s'inquiétait de tout ce qui le concernait; que les cheveux de sa tête étaient comptés. Christ déclarait même qu'il ne tombait pas un seul passereau à terre sans la volonté du Père céleste, et que l'homme vaut plus que beaucoup de passereaux. Jésus montrait l'ignorance dans laquelle ils étaient concernant les Ecritures en attribuant à la puissance humaine ce que l'Esprit de Dieu seul pouvait accomplir. Il leur déclarait que la confusion qui régnait dans leur foi et l'obscurité de leurs esprits, provenaient principalement de cela, et que les choses spirituelles se discernaient spirituellement. VJC 395 1 Tout ce qui embellit la vie de l'homme lui a été donné par son Père céleste. Il a donné le brillant soleil pour réchauffer la terre; il a donné la pluie qui fait croître et fleurir les plantes. Les anges de Dieu prennent constamment soin des enfants des hommes, entretenant continuellement en rapport le ciel et la terre, unissant l'homme mortel au Dieu infini. Pourtant, quoique Dieu prenne garde aux intérêts temporels de l'homme, Jésus enseignait expressément qu'il avait encore un plus grand soin de ses intérêts éternels. VJC 395 2 Les sadducéens avaient disposé leurs questions de telle manière qu'ils croyaient être sûrs de faire déconsidérer Jésus au moyen de la réponse qu'il leur ferait, si non de le faire condamner. S'il les avait approuvés quant à la résurrection des morts, il eût été entièrement exclu de toute communication avec les pharisiens. S'il différait d'eux, ils représenteraient sa croyance au peuple sous un jour ridicule, et tourneraient leur influence contre lui en montrant l'absurdité apparente de la doctrine de la résurrection des corps. Ils étaient accoutumés à disputer sur ce point particulier, et leurs arguments faisaient la terreur de ceux qui croyaient à la résurrection littérale du corps qui avait été décomposé dans la tombe. VJC 395 3 Les sadducéens prétendaient que si les morts devaient ressusciter avec des corps formés des mêmes particules de matière dont ils avaient été composés auparavant, et devaient être mus par les mêmes tendances naturelles, qu'alors les relations de la vie devaient être rétablies, que les maris et les femmes devaient de nouveau être unis, que le mariage aurait de nouveau lieu, et que les affaires de la vie reprendraient leur cours comme avant la mort. C'est pourquoi ils écartaient l'idée de la résurrection avec répugnance, et leurs efforts pour arriver à un idéal plus élevé ne faisaient que les plonger dans des ténèbres plus épaisses. VJC 396 1 Mais en réponse à leurs questions à cet égard, Jésus soulève le voile de la vie future et leur dit: "Après la résurrection, les hommes ne prendront point de femmes, ni les femmes de maris; mais ils seront comme les anges de Dieu qui sont dans le ciel."1 Il montra aussitôt que les sadducéens avaient des croyances erronées. Il prouva que leurs raisonnements étaient faux, et que leurs croyances étaient sans fondement. "Vous êtes dans l'erreur, dit-il, parce que vous n'entendez pas les Ecritures, ni quelle est la puissance de Dieu." Il ne les accuse point d'hypocrisie comme il avait accusé les pharisiens, mais de croyances erronées. VJC 396 2 Les sadducéens s'étaient vantés d'être de tous les hommes ceux qui étaient le plus strictement attachés aux Ecritures; mais Jésus déclara qu'ils n'en connaissaient pas la vraie interprétation, que la connaissance des Ecritures devait pénétrer dans le coeur par la puissance de l'Esprit de Dieu, qui éclaire tout ce qu'il pénètre. Les sadducéens, au lieu d'ouvrir leur intelligence à ces vérités sacrées par lesquelles leur entendement eût pu grandir et se développer, cherchaient à juger des mystères de Dieu par leur raison bornée. Des milliers de gens deviennent incrédules parce que leur esprit borné ne peut saisir les mystères divins que Dieu n'a pas destinés à être révélés. Ils ne peuvent expliquer les faits merveilleux de la puissance divine comme ils se manifestent dans la Providence de Dieu; c'est pourquoi ils rejettent les preuves d'une telle puissance, et attribuent toutes choses à un être naturel qu'ils comprennent encore moins. L'homme doit accepter Dieu comme le Créateur de l'univers, comme celui qui commande à toutes les créatures, et qui exécute tout ce qu'il lui plaît. Il devrait avoir des vues larges concernant le caractère de Dieu et les agents mystérieux qu'il emploie. VJC 397 1 Jésus voulait apprendre à ceux qui le questionnaient que s'il n'y a pas de résurrection des morts, l'Ecriture en laquelle ils professaient de croire, n'aurait aucune valeur. Il leur dit: "Et quant à la résurrection des morts, n'avez-vous point lu ce que Dieu vous a dit: Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, et le Dieu de Jacob? Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais il est le Dieu des vivants." Ceux qui sont morts dans la foi, depuis Abel jusqu'au dernier des saints, entendront la voix de Dieu et sortiront de leurs sépulcres et vivront. Dieu sera leur Dieu, et ils seront son peuple. Il s'établira d'étroites et tendres relations entre Dieu et les saints ressuscités. Ceci s'accorde avec le plan de la sagesse divine. VJC 397 2 La dignité et la force avec lesquelles Jésus exposa aux esprits obscurcis de ses auditeurs les vérités des Ecritures concernant la résurrection des morts et la puissance divine qu'il exerçait dans les affaires temporelles de la vie, remplit d'étonnement son auditoire, et réduisit au silence les sadducéens. Ils ne purent lui répondre une seule parole. "Les pharisiens, ayant appris qu'il avait fermé la bouche aux sadducéens, s'assemblèrent." Ils pensèrent qu'il n'était pas bon que Jésus s'emparât du terrain contesté d'une manière aussi victorieuse. Dans la dispute que Jésus avait eue avec les sadducéens, ces derniers ne l'avaient emporté en quoi que ce fût contre lui, mais ils avaient été confus; car Jésus avait mis à découvert leur ignorance par la sagesse de ses réponses. Jésus n'avait dit aucune parole dont ils pussent se servir avec le moindre avantage pour le condamner. Ses adversaires n'avaient obtenu que le mépris du peuple. VJC 397 3 Mais les pharisiens ne désespéraient pas encore de l'amener à parler de choses dont ils pourraient user contre lui. Ils engagèrent un certain scribe savant à questionner Jésus pour savoir lequel des dix préceptes de la loi était de la plus grande importance. VJC 397 4 Les pharisiens avaient exalté les quatre premiers commandements, qui indiquent les devoirs de l'homme envers son Créateur, comme étant d'une importance beaucoup plus grande que les six autres qui indiquent le devoir de l'homme envers ses semblables. En conséquence de cette croyance, ils négligeaient la piété pratique dans les relations et les devoirs de la vie. Jésus avait été accusé d'élever les six derniers commandements au-dessus des quatre premiers, parce qu'il montrait au peuple leurs manquements, et enseignait la nécessité de faire de bonnes oeuvres, des actes de miséricorde et de bienveillance, disant qu'un arbre se connaît par ses fruits. VJC 398 1 Le savant scribe s'approcha de Jésus en lui posant cette question directe: "Maître! quel est le plus grand commandement de la loi?"1 La réponse de Jésus est aussi directe que puissante: "Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta pensée. C'est le premier et le grand commandement. Et voici le second qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Toute la loi et les prophètes se rapportent à ces deux commandements." VJC 398 2 Il montre par là, à celui qui l'interroge, les deux grands principes de la loi: l'amour de Dieu et l'amour de l'homme. C'est de ces deux principes du gouvernement moral de la loi de Dieu que dépendent la loi et les prophètes. Les quatre premiers commandements indiquent les devoirs de l'homme envers son Créateur, et le premier et grand commandement est: "Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur." Cet amour n'est pas une passion ni une croyance stérile en l'existence et au pouvoir de Dieu, une froide reconnaissance de son amour infini; mais c'est un principe vivant, actif, qui se manifeste dans une obéissance volontaire à tout ce qu'il demande. Jésus enseigne à ses auditeurs qu'aucun des préceptes de Jéhovah ne peut être transgressé sans violer l'un ou l'autre de ces deux grands principes sur lesquels reposent toute la loi et les prophètes: l'amour de Dieu et l'amour du prochain. Chaque précepte est si intimement uni aux autres dans sa portée et ses obligations, qu'en transgressant l'un, le tout est transgressé; car tous s'unissent en un corps symétrique. Il est impossible à l'homme d'aimer Dieu de tout son coeur, tout en ayant des idoles devant l'Eternel. Cet amour suprême de Dieu ne consiste pas dans une simple reconnaissance de sa puissance universelle et dans l'offrande d'une forme de culte prescrite, tandis que le coeur prendrait son plaisir à servir des idoles. L'amour propre, l'amour du monde ou toute affection exagérée pour quelque créature est une idolâtrie devant Dieu, et éloigne de lui le coeur. Dieu réclame les meilleures et les plus saintes affections de nos coeurs. Il n'acceptera rien de moins. Il doit régner suprêmement dans l'esprit et dans le coeur. VJC 399 1 Si les premiers commandements sont loyalement observés, les six autres qui définissent les devoirs de l'homme envers le prochain seront aussi fidèlement observés. Lorsque Dieu a dans le coeur la place qui lui convient, les devoirs qu'imposent les six derniers commandements seront également accomplis. L'amour de Dieu comprend aussi l'amour pour ceux qui sont formés à son image. "Si quelqu'un dit: J'aime Dieu, et qu'il haïsse son frère, il est menteur; car celui qui n'aime point son frère qu'il voit, comment peut-il aimer Dieu qu'il ne voit pas?"1 Ainsi Christ enseigne que les six derniers commandements sont semblables aux quatre premiers. Les deux commandements qu'il indique sont deux grands principes qui ont une source unique. Le premier ne peut être observé et le second transgressé, ni le second observé tandis que le premier est transgressé. VJC 399 2 Le scribe connaissait parfaitement la loi, et il fut étonné à l'ouïe de la réponse de Jésus; car il ne s'attendait point à découvrir en lui une connaissance si profonde et si parfaite des Ecritures que l'indiquait sa réponse. Le savant scribe fut grandement impressionné par la sagesse du jeune Galiléen; et il confessa honnêtement, devant les sacrificateurs et les gouverneurs, que Jésus lui avait donné une juste interprétation de la loi. Jamais auparavant ce scribe n'avait eu une conception aussi profonde et aussi large des principes qui sont à la base des préceptes sacrés, que celle qu'il venait d'entendre développer. Aussi répondit-il aux paroles de Jésus avec une entière sincérité: VJC 400 1 "Maître! tu as bien dit, et selon la vérité, qu'il n'y a qu'un seul Dieu, et qu'il n'y en a point d'autre que lui; et que l'aimer de tout son coeur, de toute son intelligence, de toute son âme et de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, c'est plus que tous les holocaustes et que tous les sacrifices."1 Voilà un pharisien qui avait quelque idée de ce qui constitue la vraie religion, à savoir qu'elle ne consiste pas en cérémonies extérieures et dans une vaine pompe; mais dans une humble obéissance et l'amour de Dieu, et à avoir égard au bien du prochain. La promptitude avec laquelle le scribe reconnut que Jésus avait bien dit, la réponse immédiate et décidée qu'il fit à ses paroles par devant le peuple, témoigne d'un esprit tout différent de celui qu'avaient montré les sacrificateurs et les gouverneurs du peuple, lorsqu'ils avaient questionné Jésus. VJC 400 2 La sagesse des paroles de Jésus avait convaincu le scribe. Il savait que la religion juive consistait bien plus en actes extérieurs qu'en piété du coeur. Il avait quelque idée de l'inutilité de ce qui n'était que simple sacrifice cérémoniel, et de ce sang qui était continuellement répandu en expiation du péché, tandis que l'objet du sacrifice était absent de l'intelligence. Les principes d'amour et d'une vraie bonté qui procédaient du coeur lui semblaient avoir plus de valeur aux yeux de Dieu que tous ces rites. Le coeur de Jésus était rempli de pitié pour l'honnête scribe qui osait affronter la colère des sacrificateurs et les menaces des gouverneurs, et déclarer franchement quelles étaient ses convictions. "Jésus, voyant qu'il avait répondu en homme intelligent, lui dit: Tu n'es pas éloigné du royaume de Dieu. Et personne n'osait plus l'interroger." VJC 401 1 Ce dont le scribe avait besoin, c'était d'être éclairé de la lumière divine, au point d'éprouver le besoin qu'il avait de se repentir de ses péchés et de croire au Sauveur; de comprendre qu'aucun homme ne peut être sauvé par la loi, mais par la repentance et la foi en Christ, avocat du pécheur auprès du Père. Le scribe était près du royaume de Dieu en ce qu'il reconnaissait que les oeuvres de justice étaient plus acceptables devant Dieu que les holocaustes et les sacrifices. Pourtant il avait encore besoin de reconnaître Jésus comme Fils de Dieu. Tous les services religieux des Juifs n'étaient d'aucune valeur à moins d'être accompagnés d'une foi vivante en Jésus-Christ, qui était le corps dont ces services n'étaient que l'ombre. Christ avait montré à réitérées fois que la loi de son Père contenait quelque chose de plus profond que de simples commandements autoritaires. La loi morale contient les principes de ce qu'exige l'Evangile. VJC 401 2 Les pharisiens s'étaient toujours plus rapprochés de Jésus, tandis qu'il répondait aux questions du scribe. Il se tourna alors vers eux, et leur fit cette question: "Que vous semblet-il du Christ? De qui doit-il être fils?" Jésus voulait évidemment éprouver la foi des pharisiens concernant sa divinité, et savoir s'ils le regardaient simplement comme un homme ou comme le divin Fils de Dieu. Un choeur de voix répondit simultanément: "De David." C'était le titre que la prophétie avait donné au Messie. Lorsque Jésus avait révélé sa divinité par ses puissants miracles, lorsqu'il avait guéri les malades et rendu les morts à la vie, le peuple émerveillé s'était demandé: "Cet homme ne serait-il point le Fils de David?" La femme syrophénicienne, l'aveugle Bartimée et beaucoup d'autres avaient crié tout haut, en lui demandant son aide: "Fils de David! aie pitié de nous." Quelques heures seulement auparavant, avant qu'il entrât à Jérusalem, il avait été accuelli avec ces cris joyeux: "Hosanna au Fils de David! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur!" et les petits enfants qui étaient dans le temple avaient répété les mêmes acclamations joyeuses. VJC 401 3 A l'ouïe de la réponse du peuple, que Christ était le Fils de David, Jésus leur dit: "Comment donc David l'appellet-il par l'Esprit [par l'Esprit de l'inspiration que Dieu lui avait donné] son Seigneur, en disant: Le Seigneur a dit à mon Seigneur: Assieds-toi à ma droite, jusqu'à ce que j'aie mis tes ennemis pour te servir de marchepied? Si donc David l'appelle son Seigneur, comment est-il son fils? Et personne ne put lui répondre un seul mot; et depuis ce jour-là, personne n'osa plus l'interroger". ------------------------Chapitre 40 -- Les pharisiens accuses par Jésus VJC 403 1 Le commun peuple écoutait Jésus avec joie, et accourait autour de lui dans le temple pour entendre ses enseignements. Jamais auparavant on n'avait vu une telle scène. Le jeune Galiléen qui se tenait au milieu d'eux, ne portait ni honneur terrestre, ni insigne royal. Ses vêtements étaient grossiers et souillés de la poussière du voyage. Autour de lui, on voyait les sacrificateurs dans leurs habits pompeux; les principaux dont les robes et les insignes indiquaient leur haute position, et les scribes tenant entre leurs mains des rouleaux de parchemin qu'on les voyait souvent consulter. Pourtant Jésus était là, une dignité calme et royale empreinte sur ses traits, revêtu d'une autorité céleste, et regardant sans soureiller des adversaires qui avaient méprisé et rejeté ses avertissements, et qui cherchaient depuis longtemps un prétexte pour le faire mourir. Ils étaient maintenant venus en grand nombre, avec la résolution de le pousser à dire des paroles par lesquelles ils pussent le prendre au piége et le condamner. Mais leurs questions n'avaient d'autre effet que de donner à Jésus l'occasion de leur exposer leur condition réelle et la terrible rétribution qui les attendait, s'ils continuaient à provoquer Dieu par leurs graves et nombreux péchés. VJC 403 2 L'intérêt du peuple allait croissant, à mesure que Jésus répondait hardiment aux attaques des pharisiens, et présentait la vérité pure et claire en contraste avec les ténèbres et les erreurs de ses adversaires. Il était charmé de la doctrine qu'il enseignait; mais il se trouvait dans une triste perplexité. Il avait jusque-là respecté ceux qui étaient reconnus comme docteurs en Israël, à cause de leur intelligence et de leur apparente piété. Il s'était toujours soumis implicitement à leur autorité dans toutes les affaires religieuses. Et maintenant, il voyait ces mêmes hommes s'efforcer de discréditer Jésus, un docteur dont la vertu et la sagesse brillaient d'un plus vif éclat, à chaque assaut de ses adversaires. Sur les visages assombris des sacrificateurs et des anciens, le peuple voyait la déconfiture et la confusion. Il s'étonnait de ce que les principaux ne voulussent point croire en Jésus, lorsque ses enseignements étaient si clairs et si simples. Aussi le peuple ne savait-il que faire, et surveillait-il avec une vive inquiétude la conduite de ceux dont il avait toujours suivi les conseils. VJC 404 1 Les paraboles que Jésus prononçait avaient pour but d'avertir et de condamner les principaux, comme aussi d'instruire ceux qui désiraient réellement connaître la vérité. Mais afin de briser les chaînes qui liaient les hommes du peuple aux coutumes et aux traditions, et d'ébranler leur foi aveugle en une sacrificature dégradée, il dévoilait plus entièrement qu'il ne l'avait jamais fait auparavant, le caractère des principaux et des anciens. C'était le dernier jour où il dût enseigner dans le temple, et ses paroles ne s'adressaient point seulement aux auditeurs qui étaient devant lui, mais elles devaient se faire entendre d'âge en âge, jusqu'à la fin des temps, dans toutes langues, et à tous les peuples. VJC 404 2 Les semences de vérité qui tombaient de ses lèvres, dans ce jour mémorable, s'implantaient dans le coeur de beaucoup de ceux qui étaient présents. Une nouvelle histoire commençait pour eux; de nouvelles pensées naissaient dans leur coeur, et de nouvelles aspirations se réveillaient en eux. Après la crucifixion et la résurrection de Christ, ces personnes devaient proclamer hardiment leur foi, et remplir leur mission avec une sagesse et un zèle correspondant à la grandeur de l'oeuvre. Leur parole devait pénétrer le coeur et l'esprit des hommes, et affaiblir les anciennes superstitions qui, depuis si longtemps, avaient ravalé des milliers d'existences. En face de leur témoignage, les théories, les philosophies et les raisonnements humains ne paraîtraient plus que de vaines fables. Ils devaient être puissants les résultats qui suivraient les paroles que l'humble Galiléen adressait, dans le grand temple de Jérusalem, à la foule étonnée et saisie de crainte. VJC 405 1 Remarquant les sentiments contraires qui agitaient le peuple, et l'anxiété avec laquelle il observait ses conducteurs et ses docteurs, Jésus continua de l'éclairer, disant: "Les scribes et les pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse. Observez donc et faites tout ce qu'ils vous diront d'observer; mais ne faites pas comme ils font, parce qu'ils disent et ne font pas."1 Les scribes et les pharisiens prétendaient être revêtus d'une autorité divine, semblable à celle de Moïse. Ils prétendaient prendre sa place comme interprètes de la loi et juges du peuple. Comme tels, ils réclamaient du peuple respect et obéissance. Mais Jésus exhorte ses auditeurs à faire ce que les sacrificateurs leur enseignaient suivant la loi; mais de ne point suivre leur exemple, car ils négligeaient les devoirs qu'ils enseignaient aux autres. VJC 405 2 Il leur dit encore: "Ils lient des fardeaux pesants et insupportables, et les mettent sur les épaules des hommes; mais ils ne voudraient pas les remuer du doigt." Les pharisiens imposaient au peuple une foule de règles minutieuses, n'ayant pour fondement que la tradition, et entravant sans raison l'action et la liberté personnelles. Ils interprétaient strictement certaines portions de la loi, exigeant du peuple des observances et des cérémonies rigoureuses qu'ils négligeaient eux-mêmes secrètement; et lorsqu'on découvrait leurs inconséquences, ils prétendaient ne pas être sous l'obligation de les observer comme le reste du peuple. VJC 405 3 Les dénonciations les plus sévères qui tombèrent jamais de la bouche du Sauveur, furent dirigées contre ceux qui, tout en faisant une grande profession de piété, vivaient secrètement dans le péché. La religion des sacrificateurs, des scribes et des gouverneurs consistait principalement en cérémonies extérieures, et était dépourvue de piété pratique. Dieu avait dit à Moïse de lier les commandements de l'Eternel comme un signe sur ses mains et comme des fronteaux entre ses yeux. Les Juifs faisaient de ces paroles un ordre de porter les préceptes de l'Ecriture sur leurs personnes. En conséquence, ils brodaient sur des bandes d'étoffe, et d'une manière apparente, des passages bibliques qu'ils s'attachaient autour de la tête et des poignets. Mais ces préceptes, ainsi portés, ne répondaient pas au but pour lequel Dieu les avaient donnés: de graver sa loi plus profondément dans leur esprit, et d'y soumettre leur coeur. Ces préceptes, qui étaient destinés à sanctifier leur vie et à les porter à la droiture et à des actes de bonté et de miséricorde, étaient portés comme des insignes pour attirer les regards. Cela donnait à ceux qui les portaient un air de piété et de dévotion qui leur valait le respect de ceux qui les voyaient. Jésus porta par ces paroles, à toute cette vaine démonstration de religion, un coup fatal: VJC 406 1 "Et ils font toutes leurs actions afin que les hommes les voient; car ils portent de larges phylactères, et ils ont de plus longues franges à leurs habits. Ils aiment à avoir les premières places dans les festins, et les premiers siéges dans les synagogues, et à être salués dans les places publiques, et à être appelés par les hommes: Maître! maître! Mais vous, ne vous faites point appeler: Maître; car vous n'avez qu'un Maître, qui est le Christ; et pour vous, vous êtes tous frères. Et n'appelez personne sur la terre votre père; car vous n'avez qu'un seul Père, savoir, celui qui est dans les cieux. Et ne vous faites point appeler docteurs; car vous n'avez qu'un seul Docteur, qui est le Christ." Voilà en quelles paroles incisives le Sauveur démasquait l'ambition égoïste des pharisiens, toujours à la recherche de puissance et d'honneur, faisant parade d'une fausse humilité, tandis que leur coeur était rempli d'envie et d'avarice. Lorsque des personnes étaient invitées à un festin, les convives étaient assis suivant leur rang et leur position; ceux auxquels on donnait les places les plus honorables obtenaient les premiers l'attention, et devenaient les objets des faveurs les plus spéciales. Les pharisiens recherchaient toujours avec avidité ces honneurs. VJC 406 2 Jésus dévoila aussi leur sotte vanité d'aimer à se faire appeler des hommes: Rabbi, c'est-à-dire, maître. Il déclara qu'un tel titre n'appartient point aux hommes, mais à Christ seulement. Les sacrificateurs, les scribes et les gouverneurs, interprètes de la loi et ses administrateurs, étaient tous frères, enfants du même Dieu. Jésus voulait faire comprendre au peuple qu'ils ne devaient donner à aucun homme un titre honorifique indiquant qu'il avait le droit de commander à leur conscience ou à leur foi. VJC 407 1 Si aujourd'hui Christ était sur la terre, entouré des conducteurs spirituels qui portent actuellement, dans l'Eglise catholique, les titres de Monseigneur et d'Excellence, ne répéterait-il point ce qu'il a dit aux pharisiens: "Ne vous faites point appeler: Maître; car vous n'avez qu'un Maître, qui est le Christ"? Il en est beaucoup parmi ceux qui s'arrogent ces titres honorifiques, qui sont entièrement dépourvus de la sagesse et de la justice qu'ils indiquent. Bien trop cachent leur ambition mondaine, leur despotisme et les péchés les plus vils sous les vêtements brodés d'un office élevé et sacré. Le Sauveur continua: VJC 407 2 "Mais que le plus grand d'entre vous soit votre serviteur Car quiconque s'élèvera sera abaissé, et quiconque s'abaissera sera élevé." La vraie grandeur se mesure par la valeur morale. La grandeur du caractère, suivant l'estimation du ciel, consiste à vivre pour le bien de nos semblables, accomplissant des oeuvres de charité et de bienfaisance. Christ était le serviteur de l'homme déchu; et pourtant, il était le Roi de Gloire. Les paroles que Jésus dirigeait contre les hommes riches et puissants qui étaient devant lui, devinrent plus sévères: "Mais malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites! parce que vous fermez aux hommes le royaume des cieux; vous n'y entrez point, et vous n'y laissez point entrer ceux qui voudraient y entrer." En pervertissant le sens des Ecritures, les sacrificateurs aveuglaient l'intelligence de ceux qui, sans eux, auraient compris la nature du royaume de Christ, et de la vie intérieure et divine, essentielle à la vraie piété. Par la succession continuelle de leurs cérémonies, ils attachaient l'esprit du peuple aux services extérieurs, et le portaient à négliger la vraie religion. VJC 408 1 Ils ne se bornaient point à rejeter Christ eux-mêmes, mais ils se servaient des moyens les plus déloyaux pour prévenir le peuple contre lui, les trompant par de faux rapports, et dénaturant grossièrement les faits. Dans tous les âges du monde, la vérité a été impopulaire; ses doctrines ne conviennent point à l'esprit naturel, car la vérité sonde les coeurs et découvre les péchés cachés. Ceux qui persécutent les défenseurs de la vérité divine ont toujours, comme les pharisiens, dénaturé les paroles et les motifs des disciples de Christ. Jésus poursuivit: VJC 408 2 "Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites! car vous dévorez les maisons des veuves, en affectant de faire de longues prières; à cause de cela vous serez punis d'autant plus sévèrement." Les pharisiens avaient tellement d'empire sur un grand nombre de veuves consciencieuses, qu'ils leur faisaient considérer comme leur devoir de consacrer tous leurs biens à des entreprises pieuses. Ces veuves, ainsi trompées, confiaient leur argent aux scribes et aux sacrificateurs, en qui elles mettaient la confiance la plus implicite, et ces astucieux conseillers s'en servaient à leur profit. Pour voiler leur mauvaise foi, ils faisaient de longues prières en public, et affectaient une grande démonstration de piété. Jésus leur déclare que cette hypocrisie attirera sur eux la plus grande condamnation. Bien des gens qui, de nos jours, professent une grande piété, tombent sous la même condamnation. L'égoïsme et l'avarice sont les mobiles de leur conduite; ils jettent sur tout cela le manteau d'une apparente piété, et trompent les âmes honnêtes; mais ils ne peuvent tromper Dieu, qui lit tous les desseins des coeurs, et rendra à chacun selon ses oeuvres. VJC 408 3 "Malheur à vous," continua le Sauveur, "malheur à vous, conducteurs aveugles! qui dites: Si quelqu'un jure par le temple, cela n'est rien; mais celui qui aura juré par l'or du temple, est obligé de tenir son serment. Insensés et aveugles! car lequel est le plus considérable, ou l'or, ou le temple qui rend cet or sacré? Et si quelqu'un, dites-vous, jure par l'autel, cela n'est rien; mais celui qui aura juré par le don qui est sur l'autel, est obligé de tenir son serment. Insensés et aveugles! car lequel est le plus grand, le don, ou l'autel qui rend ce don sacré?" Les sacrificateurs interprétaient les ordres de Dieu de manière à les mettre en accord avec leurs vues étroites. Ils prétendaient établir de fines distinctions entre la culpabilité relative de certains péchés, et, passant légèrement sur quelques-uns, ils en traitaient d'autres, de moindre conséquence peut-être, comme impardonnables. Ils acceptaient de l'argent pour libérer certaines personnes de leurs voeux; dans certains cas même, moyennant de grandes sommes d'argent, les autorités passaient sur des crimes très graves. Mais ces mêmes sacrificateurs et ces gouverneurs jugeaient sévèrement d'autres personnes pour des fautes insignifiantes. VJC 409 1 "Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites! car vous payez la dîme de la menthe, de l'anet et du cumin, et vous négligez les choses les plus importantes de la loi: la justice, la miséricorde et la fidélité. Ce sont là les choses qu'il fallait faire, sans néanmoins omettre les autres." Le système des dîmes a été institué de Dieu. Abraham, le père des croyants, payait la dîme de tout ce qu'il possédait; et la même obligation repose sur les serviteurs de Dieu de tous les âges. Mais les sacrificateurs juifs avaient poussé aux extrêmes les exigences du système des dîmes, le rendant si compliqué qu'il était impossible de savoir comment satisfaire à ses exigences. Au lieu de laisser les Juifs fidèles accomplir leurs devoirs selon leurs convictions, ils avaient fait des règles arbitraires devant s'adapter à chaque cas, et ainsi ils avaient fait du juste et raisonnable commandement de Dieu, une exaction vexatoire. VJC 409 2 Les principaux des Juifs étaient très exacts dans les choses de peu d'importance, telles que le paiement de la dîme sur la menthe, l'anis et le cumin, petites choses qui leur coûtaient peu, mais qui satisfaisaient leur propre justice, et leur valaient une réputation de grande sainteté. Le pharisien, faisant parade de sa propre justice, disait: "Je donne la dîme de tout ce que je possède."1 VJC 410 1 Christ reconnaît le paiement des dîmes comme un devoir qu'ils ne devaient pas négliger; mais il les reprend parce que, tout en étant si minutieux dans les petites choses, ils négligeaient des devoirs d'une importance beaucoup plus grande, les choses plus essentielles de la loi: la justice, la miséricorde et la foi. Or, par l'exactitude qu'ils mettaient à payer les diìmes de quelques herbes de minime valeur, ils voulaient cacher ou excuser leur négligence de ces choses plus importantes. Tout ce que Dieu demande est important; mais les choses qui ont la plus grande importance, sont la pureté de coeur et la fidélité qui se montrent dans un jugement impartial, une tendre compassion envers les hommes et la foi en Dieu. VJC 410 2 Les Juifs lisaient dans les préceptes que Dieu avait donnés à Moïse, qu'ils ne devaient rien manger de souillé. Dieu avait indiqué les animaux qui n'étaient point propres à servir de nourriture: il avait défendu l'usage de la viande de porc, ainsi que celle de certains autres animaux, qui n'était propre qu'à corrompre le sang et à abréger la vie. Mais les pharisiens ne s'en tenaient point là. Ils portaient ces défenses à des extrêmes injustifiables; entre autres choses, ils exigeaient du peuple de filtrer toute l'eau qu'ils buvaient, de crainte qu'elle ne contînt quelques petits insectes invisibles à l'oeil, qui pouvaient être classés parmi les animaux impurs. Jésus, en comparant à la grandeur de leurs péchés ces exactions triviales relatives à la pureté extérieure, dit aux pharisiens: "Conducteurs aveugles! qui coulez un moucheron, et qui avalez un chameau". VJC 410 3 "Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites! car vous ressemblez à des sépulcres blanchis, qui paraissent beaux par dehors, mais qui au dedans sont pleins d'ossements de morts et de toute sorte de pourriture." Toute la pompe et les cérémonies des sacrificateurs et des gouverneurs n'étaient qu'un masque qui couvrait leur méchanceté, comme les tombes blanches et bien décorées qui recouvrent les restes en putréfaction qu'elles renferment. Jésus compara aussi les pharisiens à des sépulcres cachés qui, sous un extérieur agréable, couvrent la corruption et la mort. "De même aussi au dehors vous paraissez justes aux hommes, mais au dedans vous êtes remplis d'hypocrisie et d'injustice." Toutes les hautes prétentions de ceux qui professaient avoir la loi de Dieu écrite dans leur coeur aussi bien que sur leur personne, furent ainsi démontrées n'être que de vaines formules. Jésus continua: VJC 411 1 "Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites! car vous bâtissez les tombeaux des prophètes, et vous ornez les sépulcres des justes, et vous dites: Si nous eussions été du temps de nos pères, nous ne nous serions pas joints à eux pour répandre le sang des prophètes. Ainsi vous êtes témoins contre vous-mêmes que vous êtes les enfants de ceux qui ont tué les prophètes." Les Juifs avaient grand soin d'embellir les tombeaux des prophètes pour montrer l'estime qu'ils leur portaient; pourtant, ils ne profitaient point de leurs enseignements ni ne prenaient garde à leurs menaces et à leurs avertissements. VJC 411 2 Aux jours de Christ, on avait pour les sépulcres un respect superstitieux. On poussait même la chose jusqu'à l'idolâtrie, et on prodiguait de grandes sommes d'argent pour les décorer. Une semblable idolâtrie est poussée très loin de nos jours, même chez ceux qui se disent imitateurs de Christ. Le monde chrétien en général se rend coupable envers les veuves et les orphelins, les pauvres et les affligés: on les néglige pour ériger de dispendieux monuments en l'honneur des morts. On n'épargne dans ce but ni argent, ni temps, ni travail, tandis qu'on néglige ses devoirs envers les vivants. Les pharisiens bâtissaient les tombeaux des prophètes, et ornaient leurs sépulcres; ils se disaient les uns aux autres que si ces serviteurs de Dieu avaient vécu de leur temps, ils n'auraient point versé leur sang. Et cependant, dans ce moment même, ils formaient des plans pour faire mourir Jésus, et n'auraient point hésité à tremper leurs mains dans son sang s'ils n'avaient craint le peuple. VJC 411 3 Cet exemple des pharisiens devrait être une leçon pour les chrétiens de nos jours; il devrait ouvrir les yeux de tous sur la puissance de Satan à tromper les esprits lorsqu'une fois ils se sont détournés de la précieuse lumière de la vérité, et se laissent diriger par l'ennemi. Il est beaucoup de gens qui marchent sur les traces des pharisiens. Ils révèrent les martyrs qui moururent pour leur foi, et déclarent que s'ils avaient vécu au temps où Christ était sur la terre, ils auraient joyeusement reçu ses enseignements, et y auraient obéi; qu'ils ne se seraient jamais rendus coupables du crime de rejeter le Sauveur; mais ces mêmes personnes étouffent les appels de leur conscience plutôt que d'obéir à Dieu, lorsqu'il s'agit de se soumettre à quelque renoncement ou à quelque humiliation. De nos jours, on a plus de lumières que du temps des pharisiens. Alors on devait accepter Christ tel qu'il était révélé dans la prophétie, et croire en lui d'après les signes qui accompagnaient sa mission. Les Juifs virent en Jésus un jeune Galiléen sans honneurs terrestres, et, quoiqu'il vînt comme la prophétie l'avait prédit, ils refusèrent d'accepter leur Messie pauvre et humble, et ils le crucifièrent ainsi que la prophétie l'avait prédit. VJC 412 1 Le monde chrétien a maintenant un Sauveur qui répond à tous les signes que la prophétie a donnés concernant sa vie et sa mort; pourtant, la plupart rejettent ses enseignements, ne suivent point ses préceptes, et le crucifient chaque jour. S'ils avaient à supporter l'épreuve que les Juifs durent subir au premier avénement de Christ, ils ne l'accepteraient point dans son humiliation et sa pauvreté. VJC 412 2 Depuis le temps où fut versé le premier sang innocent, alors que le juste Abel tomba frappé par la main de son frère, l'iniquité n'avait cessé d'augmenter sur la terre. De génération en génération, les sacrificateurs et les gouverneurs avaient méprisé les avertissements des prophètes que Dieu avait envoyés et instruits pour censurer les péchés du peuple. Ces hommes qui, dans chaque époque, avaient élevé la voix contre les péchés des rois, des gouverneurs et des sujets, annonçant les choses que Dieu les avait envoyés déclarer, et obéissant à la volonté divine au péril de leur vie, ces hommes-là avaient toujours répondu à un besoin réel, profond. Il s'était ainsi accumulé de génération en génération une terrible punition, que les ennemis de Christ attiraient alors sur leur propre tête, en méprisant et en rejetant le Fils de Dieu, dont la voix s'était élevée pour condamner le péché qui existait parmi les sacrificateurs et les principaux, à un plus haut degré qu'à toute autre époque. Ils achevaient de remplir la coupe de leur iniquité, qui allait être versée sur leur tête par la justice divine, qui rendait leur génération responsable du sang de tous les hommes justes qui avaient été mis à mort depuis Abel jusqu'à Christ. Jésus les en avertit par ces mots: VJC 413 1 "Afin que tout le sang innocent qui a été répandu sur la terre retombe sur vous, depuis le sang d'Abel le juste jusqu'au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez tué entre le temple et l'autel. Je vous dis en vérité que toutes ces choses viendront sur cette génération." C'est comme juge que le Sauveur, enveloppé d'une lumière divine, la main levée vers le ciel, adressa ces paroles à ceux qui l'écoutaient. La foule attentive frémit à l'ouïe de cette terrible sentence. L'impression produite sur les auditeurs, par ses paroles et son regard, ne devait jamais s'effacer de leur esprit. VJC 413 2 Israël n'avait point pris garde aux commandements de Dieu. Pendant que les paroles d'avertissement que Dieu avait données à déclarer à Zacharie étaient encore sur les lèvres du prophète, une fureur satanique s'était emparée d'un roi apostat, qui avait donné l'ordre de tuer le prophète de Dieu. Les scribes et les pharisiens qui entendaient les paroles de Jésus savaient qu'elles étaient vraies, et que le sang du prophète qui avait été tué, ne pouvait être effacé des pierres de la cour du temple qu'il avait tachées, mais qu'il criait constamment vers Dieu pour témoigner contre l'apostasie d'Israël. Les taches de ce sang innocent subsisteraient aussi longtemps que le temple. Lorsque Jésus fit allusion à ce terrible crime, un frisson d'horreur saisit la multitude. VJC 413 3 Sa voix était ordinairement douce, persuasive, affectueuse; mais alors, ainsi que le réclamait la circonstance, il parla comme juge, et condamna les Juifs coupables. Le Sauveur, considérant l'avenir, prédit que leur impénitence future et leur intolérance à l'égard des serviteurs de Dieu seraient ce qu'elles avaient été autrefois: VJC 414 1 "C'est pourquoi, voici, je vous envoie des prophètes, des sages et des scribes: vous ferez mourir et vous crucifierez les uns; vous ferez fouetter les autres dans vos synagogues, et vous les persécuterez de ville en ville." VJC 414 2 Des prophètes et des sages, pleins de foi et du Saint-Esprit, tels qu'Etienne, Jacques, Paul et bien d'autres, des scribes, hommes de science comprenant les Ecritures et pouvant les expliquer dans toute leur étendue, comme Dieu les avait révélées, devaient être en butte aux moqueries, à la persécution, puis condamnés et mis à mort. VJC 414 3 Le Sauveur n'usait pas de représailles pour les mauvais traitements qu'il avait reçus de ses ennemis. Aucun mouvement de colère injuste n'animait son âme divine; mais il était rempli d'indignation contre les hypocrites dont les grossiers péchés étaient une abomination devant Dieu. La conduite de Christ en cette occasion nous montre qu'un chrétien peut être en parfait accord avec Dieu, posséder tous les aimables attributs de l'amour et de la miséricorde, et éprouver pourtant une juste indignation contre le péché qui va grandissant. VJC 414 4 Le visage pâle et contristé du Fils de Dieu portait l'empreinte d'une compassion divine; il jeta un long regard sur le temple et sur ses auditeurs, et, d'une voix que faisait trembler l'angoisse profonde de son coeur, il s'écria: "Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes, et qui lapides ceux qui te sont envoyés! combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l'avez pas voulu!" VJC 414 5 Pharisiens et sadducéens gardèrent le silence. Jésus appela ses disciples, et se prépara à quitter le temple, non point comme s'il eût été battu et forcé de s'éloigner de la présence de ses adversaires; mais comme quelqu'un dont l'oeuvre est accomplie. Il se retira victorieux de la lutte qu'il avait soutenue contre ses adversaires bigots et hypocrites. Jetant pour la dernière fois un regard dans l'intérieur du temple, il s'écria avec une expression de tristesse: "Voici, votre demeure va devenir déserte. Car je vous dis que désormais vous ne me verrez plus, jusqu'à ce que vous disiez: Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur!" Jusqu'alors il l'avait appelée la maison de son Père; mais maintenant que le Fils de Dieu était sorti de ses murs, la présence du Père s'était éloignée pour toujours du temple construit pour sa gloire. Dès lors, ses services ne devaient plus être qu'une moquerie, et ses cérémonies n'avaient plus de signification, car le jour d'épreuve de Jérusalem était fini. VJC 415 1 Jésus avait, ce jour-là, parlé clairement, et ses paroles avaient pénétré au coeur de ses auditeurs. L'effet peut n'en pas avoir été visible aussitôt; mais la semence de la vérité jetée dans les esprits, devait croître, porter du fruit à la gloire de Dieu, et être le moyen de sauver bien des âmes. Après la crucifixion et la résurrection du Sauveur, les paroles qu'il avait prononcées en ce jour devaient revenir à la mémoire de bien des auditeurs attentifs, qui, à leur tour, devaient les répéter et en faire profiter toutes les générations à venir, jusqu'à la fin des temps. Les disciples étaient étonnés de la manière hardie et pleine d'autorité avec laquelle leur Maître avait dénoncé l'hypocrisie des pharisiens. Et les sacrificateurs, les scribes et les pharisiens hypocrites ne devaient jamais oublier les dernières paroles que Jésus leur avait adressées dans le temple: "Voici, votre demeure va devenir déserte." Ces paroles résonnaient solennellement à leurs oreilles, et répandaient une terreur indicible dans leur coeur. Ils affectaient une grande indifférence; mais ils se demandaient quelle pouvait bien être la portée de ces paroles. Un danger invisible semblait les menacer. Etait-il possible que ce temple magnifique, qui était la gloire de leur nation, dût bientôt ne plus être qu'un monceau de ruines? VJC 415 2 Les disciples, qui avaient pris garde à cette prédiction menaçante, désiraient que Jésus s'expliquât d'une manière plus précise à cet égard. Comme ils sortaient du temple avec leur Maître, ils attirèrent son attention sur la force, la beauté et la solidité des matériaux dont il était construit, disant: "Maître! regarde quelles pierres et quel bâtiment!"1 Jésus, pour rendre ses paroles aussi impressives que possible, attira leur attention sur cette superbe construction, et leur dit: "Ne voyez-vous pas tout cela? Je vous dis en vérité qu'il ne restera ici pierre sur pierre qui ne soit renversée."1 VJC 416 1 C'était là une parole saisissante pour ses disciples. La chose était maintenant bien claire: ce glorieux édifice, construit à d'immenses frais, qui avait été l'orgueil de la nation juive, devait être détruit jusque dans ses fondements. Aucune de ces immenses pierres -- dont quelques-unes avaient résisté à la dévastation de l'armée de Nébucadnetzar, de même qu'aux orages et aux tempêtes des siècles -- ne devait demeurer debout. Ils ne comprirent pas clairement la cause de toute cette ruine. Ils ne discernaient pas que, dans quelques jours, leur Sauveur devait être sacrifié comme victime pour les péchés du monde. Le temple et ses services ne devaient plus être alors d'aucune utilité. Le sang des bêtes n'aurait aucune vertu pour expier le péché; car le type devait rencontrer l'antitype dans l'Agneau de Dieu, qui offrirait volontairement sa vie pour ôter les péchés du monde. Plus tard, quand tout fut accompli, les disciples comprirent parfaitement les paroles de Jésus et la cause de la calamité qu'il avait prédite. VJC 416 2 Jésus s'attarda près de la cour où les femmes déposaient leurs offrandes dans le trésor. Il observa les grands dons de beaucoup de riches, mais ne fit aucune allusion à leurs généreuses offrandes. Il regardait tristement les allants et les venants, dont quelques-uns offraient avec ostentation et un air de propre satisfaction, des sommes considérables. Soudain, son visage s'éclaircit en voyant une pauvre veuve qui approchait avec hésitation, comme si elle craignait d'être observée. Comme les riches et les grands passaient auprès d'elle pour déposer leurs offrandes, elle recula comme si elle craignait de s'aventurer plus loin; et pourtant, elle désirait ardemment faire quelque chose, tant peu que ce fût, pour une cause qu'elle aimait. Elle jeta un coup d'oeil sur l'obole qu'elle tenait à la main; c'était bien peu en comparaison des dons que présentaient ceux qui étaient autour d'elle; pourtant, c'était tout ce qu'elle possédait. Profitant d'un moment, elle se glissa furtivement auprès du tronc, y jeta ses deux pites, puis se retira à la hâte. Mais en se détournant, elle aperçut Jésus qui la regardait fixement. VJC 417 1 Le Sauveur appela ses disciples, et leur fit remarquer la pauvreté de cette veuve; et comme tous la regardaient, des paroles d'approbation, sorties de la bouche du Maître, frappèrent soudain ses oreilles. "Je vous dis en vérité que cette pauvre veuve a plus mis au tronc que tous ceux qui y ont mis."1 Des larmes de joie remplirent les yeux de la pauvre femme, lorsqu'elle vit que ce qu'elle avait fait était compris et apprécié de Jésus. Bien des gens lui eussent conseillé d'employer son peu d'argent pour pourvoir à ses propres besoins, plutôt que de remettre à des sacrificateurs enrichis ce don qui se perdait parmi tant de riches présents que l'on faisait au temple; mais Jésus comprenait les motifs de son coeur. Elle croyait au service du temple comme ayant été institué de Dieu, et elle désirait faire son possible pour le soutenir. Elle fit ce qu'elle put; son action était destinée à devenir un monument en mémoire d'elle à travers tous les temps, et sa joie dans l'éternité. Elle avait mis tout son coeur dans ce don, et il ne fut point estimé d'après sa valeur intrinsèque, mais d'après l'amour pour Dieu et l'intérêt pour son oeuvre qui avaient été les mobiles de son action. VJC 417 2 Ce sont nos motifs qui donnent à nos actes leur véritable valeur, et leur cachet d'élévation morale ou d'abjection. Ce ne sont point les grandes choses que tout oeil peut voir et que toute langue loue, qui sont mises à notre crédit dans les livres de Dieu; mais bien les petits devoirs que l'on fait de bon coeur, les petits dons que l'on fait sans ostentation, et que les hommes regardent comme insignifiants. Un coeur rempli d'amour et de vraie foi, qui se donne dans un but honorable, est plus agréable à Dieu que le don le plus précieux. La pauvre veuve, dans le peu qu'elle avait donné, avait sacrifié tout ce qu'elle avait pour vivre. Elle s'était privée de nourriture pour donner ses deux pites à la cause qu'elle aimait; et elle l'avait fait avec foi, croyant que son Père céleste ne l'oublierait pas dans son dénûment. C'est cet esprit de sacrifice et cette foi inébranlable qui gagnèrent l'approbation du Sauveur. VJC 418 1 Il est bien des âmes humbles qui se sentent si profondément redevables, pour avoir reçu la vérité, et qui désirent si ardemment participer aux charges du service de Dieu avec leurs frères plus aisés, qu'elles apportent leurs pites à la banque du ciel. On ne doit pas rejeter les faibles offrandes du pauvre; car si elles sont faites avec un coeur débordant d'amour pour Dieu, ces dons insignifiants sont des offrandes consacrées, qui sont d'un prix immense aux yeux de Dieu, et que le Seigneur apprécie et bénit. VJC 418 2 Jésus dit de la pauvre veuve: "Elle a plus mis que tous les autres." Les riches avaient donné de leur abondance; plusieurs même l'avaient fait pour être vus des autres, et pour être honorés en vue de la grandeur de leurs dons. Ces dons n'étaient pas le fruit de renoncements aux aises et au luxe de la vie. Ce n'étaient par conséquent pas des sacrifices, et leur valeur réelle ne pouvait être comparée à celle de la pite de la veuve. ------------------------Chapitre 41 -- Dans le parvis extérieur VJC 419 1 "Or, quelques Grecs de ceux qui étaient montés pour adorer pendant la fête, vinrent vers Philippe, qui était de Bethsaïda en Galilée, et ils lui dirent, en le priant: Seigneur, nous voudrions bien voir Jésus. Philippe vint, et le dit à André, et André et Philippe le dirent à Jésus."1 VJC 419 2 Les gentils étaient exclus du parvis où Jésus était assis en face du tronc. Ils avaient beaucoup entendu parler pour et contre Jésus, et souhaitaient de le voir et de l'entendre eux-mêmes. Ils ne pouvaient approcher de lui, mais devaient l'attendre dans la cour des gentils. Les disciples lui firent part du désir des Grecs, et attendirent sa réponse; Jésus parut réfléchir profondément, puis il répondit: "L'heure est venue que le Fils de l'homme doit être glorifié. En vérité, en vérité je vous le dis: Si le grain de froment ne meurt après qu'on l'a jeté dans la terre, il demeure seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruits." Le désir que les Grecs manifestaient de voir Jésus, lui fit penser à l'avenir. Les Juifs avaient rejeté celui qui seul pouvait les sauver; ils allaient bientôt tremper leurs mains dans son sang, et le mettre au rang des malfaiteurs. Le Sauveur, rejeté par la maison d'Israël, devait être reçu par les gentils. Il considérait avec joie le moment où la muraille de séparation entre Juifs et gentils serait renversée, et où le champ de la moisson allait être le monde. VJC 419 3 Jésus regardait ces Grecs comme les représentants des gentils en général. Il voyait en eux les prémices de cette abondante moisson, qui aurait lieu lorsque tous les peuples, nations et langues, qui sont sur la face de la terre, entendraient la bonne nouvelle du salut par Christ. Il voyait que la vocation des gentils suivrait sa mort prochaine. Il représenta donc l'image du blé à ses disciples et à la foule qui l'écoutait, pour leur montrer la grande moisson que sa mort devait produire. S'il reculait devant le sacrifice de sa vie, il "demeurerait seul", comme le grain de froment qui ne meurt pas; mais s'il donnait sa vie, de même que le grain qui tombe en terre, il ressusciterait comme prémice de la grande moisson; et lui, qui seul donne la vie, appellerait ceux qui lui auraient été unis par la foi hors de leurs tombeaux, et il y aurait une glorieuse moisson pour les greniers célestes. Dans l'Evangile, où il nous est parlé de la mort et de la résurrection de Christ, de la résurrection des morts, la vie et l'immortalité sont mises en évidence, et la royaume des cieux est ouvert à tout croyant. VJC 420 1 Après avoir parlé de ses propres souffrances et de sa mort, Jésus dit: "Celui qui aime sa vie, la perdra; et celui qui hait sa vie en ce monde, la conservera pour la vie éternelle. Si quelqu'un me sert, qu'il me suive; et où je serai, celui qui me sert y sera aussi; et si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera." Le Sauveur ne requiert pas de ses disciples de marcher dans un sentier qu'il n'a pas foulé lui-même. De la crèche au Calvaire, Jésus endura l'opprobre, l'insulte et les privations. Pourtant, au delà de son agonie, dans le jardin, au delà de sa trahison et des coups de fouet, de la honte d'être mis au rang des malfaiteurs et de mourir des souffrances de la croix, il voyait le but glorieux de sa mission, et l'honneur qu'il en recevrait à la droite de son Père où ses vrais disciples seraient finalement élevés avec lui. Tous ceux qui auraient aimé la croix de Christ et auraient partagé ses souffrances, renonçant à eux-mêmes et obéissant à Dieu, devaient participer à sa gloire. Ceux qui, pour l'amour de Christ, auraient perdu leur vie en ce monde, la sauveraient pour la vie éternelle. Dans son humiliation et ses souffrances, c'était une joie pour Christ de penser que tous ses vrais disciples seraient glorifiés avec lui dans le ciel. VJC 421 1 Plusieurs d'entre les principaux du peuple étaient convaincus que Jésus était le Messie; mais en face des sacrificateurs et des pharisiens irrités, ils n'osaient confesser leur foi, de peur d'être chassés de la synagogue. Ils préféraient la louange des hommes à l'approbation de Dieu; et pour échapper à l'opprobre et à l'ignominie, ils reniaient Christ, et perdaient ainsi leur seul espoir de la vie éternelle. C'est à eux que s'appliquaient spécialement ces paroles de Christ: "Celui qui aime sa vie, la perdra." VJC 421 2 La requête des Grecs, qui indiquait la rupture du mur de séparation entre Juifs et gentils, rappela à Jésus sa mission tout entière, depuis le temps où il fut d'abord décidé dans le ciel qu'il viendrait sur la terre comme Rédempteur de l'homme, jusqu'à sa mort, qu'il savait l'attendre dans un avenir immédiat. Un nuage mystérieux semblait envelopper le Fils de Dieu. C'était une tristesse que ressentaient tous ceux qui entraient en contact avec lui. Il était absorbé dans ses pensées. Il rompit enfin le silence en disant d'une voix triste: "Maintenant mon âme est troublée; et que dirai-je? Mon Père! délivre-moi de cette heure; mais c'est pour cela que je suis venu à cette heure." Un avant-goût de sa lutte prochaine avec les puissances des ténèbres, en raison de la situation dans laquelle il s'était volontairement placé en consentant à porter la culpabilité de l'homme déchu, et à prendre sur lui-même la colère de son Père à cause du péché, faisait défaillir l'esprit de Jésus; et la pâleur de la mort se répandait sur son visage. VJC 421 3 Il se souvenait de l'opiniâtreté et de la malice de Satan, qui avait hardiment disputé avec les anges du ciel, soutenant que sa sentence était injuste; que Dieu n'avait jamais fait preuve de renoncement, et que lui, Satan, en s'efforçant d'exécuter ses desseins et de suivre ses propres inclinations, n'avait fait qu'imiter l'exemple de Dieu. Si Dieu suivait parfaitement et continuellement sa volonté, pourquoi les premiers fils créés à son image ne le feraient-ils pas? Par ce raisonnement, Satan avait séduit un grand nombre de saints anges. Il se plaignait continuellement de la sévérité de Dieu, précisément comme des enfants se plaignent parfois de la sévérité de leurs parents, qui les empêchent de mettre à exécution des projets qui auraient pour tendance de compromettre l'ordre dans la direction de la famille. Plutôt que de se soumettre à la volonté de Dieu, il se détournait des lumières de la raison, et s'opposait aux plans divins. VJC 422 1 Dans la lutte qui avait suivi, Satan avait semblé avoir l'avantage. Il pouvait mentir, mais Dieu ne le pouvait. Il pouvait se mouvoir en mille voies tortueuses et trompeuses pour arriver à son but; Dieu devait suivre le chemin direct de la vérité et de la droiture. Pendant quelque temps, Satan avait remporté une victoire apparente. Mais Dieu allait démasquer l'ennemi, et le montrer sous son vrai caractère. Christ, en prenant la nature de l'homme, était la divinité revêtue de notre humanité. Il vint pour être la lumière du monde, pour dissiper les ténèbres épaisses des séductions de Satan, et révéler ses oeuvres aux enfants des hommes. Christ montra le renoncement le plus austère en résistant aux tentations multiples de l'adversaire. Il vainquit Satan dans son long jeûne au désert, et lorsqu'il vint à lui comme un ange de lumière, lui offrant le royaume de ce monde en échange de son culte, il fit des sacrifices que jamais homme ne sera appelé à faire; car jamais l'homme n'atteindra à la hauteur de son auguste caractère. Toute sa vie terrestre fut une démonstration de parfaite obéissance à la volonté de son Père. La conduite de Christ et celle de Satan présentent un parfait contraste de la vie d'un fils obéissant avec celle d'un fils déloyal. VJC 422 2 Le triomphe final de Christ sur Satan ne pouvait être complet que par la mort du premier. Il ouvrit ainsi à l'homme une porte de salut, prenant sur lui le stigmate de la malédiction; en donnant sa propre vie, il arracha des mains de Satan la dernière arme par laquelle il pût gagner les royaumes de ce monde. L'homme peut donc être délivré de la puissance du monde par son Sauveur Jésus-Christ. VJC 423 1 Comme le Fils de Dieu méditait sur ces choses, et que tout le poids de sa mission se dévoilait devant ses yeux, il leva la tête et dit: "Mon Père! glorifie ton nom." Il ne pensait point que ce fût une usurpation d'être égal à Dieu, et il lui demandait de se glorifier en son Fils. Une réponse sortit de la nuée qui s'était amoncelée au-dessus de la tête de Jésus: "Et je l'ai glorifié, et je le glorifierai encore." VJC 423 2 Comme on entendait la voix, une lumière jaillit de la nuée, et enveloppa Christ, comme si les bras de la Puissance Infinie, semblables à une muraille de feu, l'eussent entouré. Le peuple considérait cette scène avec épouvante. Personne n'osait ouvrir la bouche. Tous fixaient les yeux sur Jésus sans prononcer une parole, et osant à peine respirer. Le témoignage du Dieu tout-puissant une fois donné, la nuée s'éleva et se dissipa dans l'étendue. La manifestation de la communion visible qui existait entre le Père et le Fils était achevée pour cette fois. VJC 423 3 Alors les spectateurs de cette scène commencèrent à respirer plus librement, et se mirent à commenter sur ce qu'ils venaient de voir et d'entendre. Quelques-uns déclarèrent solennellement leur foi au Fils de Dieu, tandis que d'autres s'efforçaient d'expliquer la scène remarquable dont ils venaient d'être témoins: "Et la troupe qui était là, et qui avait entendu cette voix, disait qu'il s'était fait un tonnerre; d'autres disaient: Un ange lui a parlé." Mais les Grecs, à la recherche de la vérité, virent la nuée, entendirent la voix, en comprirent les paroles, et reconnurent Christ qui leur était révélé comme le Messie. VJC 423 4 La voix de Dieu avait été entendue au baptême de Jésus, au commencement de son ministère; elle l'avait également été à la transfiguration, sur la montagne; et maintenant, à la fin de son ministère, elle se fait entendre pour la troisième fois, et cela par un plus grand nombre de personnes et dans des circonstances bien particulières. Jésus venait de prononcer des vérités solennelles concernant la condition des Juifs. Il leur avait adressé son dernier appel, et avait déclaré le sort qui les attendait La muraille de séparation entre les Juifs et les gentils chancelait, et allait tomber à la mort de Christ. VJC 424 1 Les pensées du Sauveur se détournèrent alors de la contemplation du passé et de l'avenir. Pendant que le peuple essayait d'expliquer ce qu'ils avaient vu et entendu suivant les impressions faites sur les divers esprits, et suivant la connaissance qu'ils avaient, "Jésus prit la parole, et dit: Cette voix n'est pas pour moi, mais elle est pour vous." Ce signe du Père achevait la preuve de son caractère messianique; il annonçait que Jésus avait dit la vérité, et qu'il était le Fils de Dieu. Les Juifs se détourneraient-ils de ce témoignage descendu du ciel? Durant tout le ministère de Christ, d'innombrables signes avaient été donnés; néanmoins, ils avaient fermé leurs yeux, et avaient endurci leur coeur de crainte d'être convaincus. Le miracle si grand de la résurrection de Lazare n'avait point dissipé leur incrédulité, mais n'avait fait qu'augmenter leur méchanceté. Et maintenant que le Père avait parlé, et qu'ils ne pouvaient plus demander d'autre signe, leurs coeurs n'étaient point touchés, et ils refusaient encore de croire. VJC 424 2 Jésus continua: "C'est maintenant que se fait le jugement de ce monde; c'est maintenant que le prince de ce monde va être chassé. Et moi, quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi. Or, il disait cela pour marquer de quelle mort il devait mourir." En étant élevé sur une croix pour y mourir, Christ ouvrit le chemin de la vie à tous peuples, nations et langues. Mais le plan de la rédemption a un but plus vaste encore que d'arracher la race humaine à la puissance de Satan. Non seulement la mort de Christ pour le salut des pécheurs rendit-elle le ciel accessible aux hommes, mais les voies de Dieu à l'égard de la rébellion de Satan furent justifiées devant l'univers. Ce ne sont point seulement ceux qui sont lavés par le sang de Christ, ce sont aussi les saints anges qui sont attirés au Sauveur par la mort qui couronna sa vie d'abnégation, et qui fit l'expiation des péchés du monde. Cette mort revendiqua pleinement la justice et la miséricorde de Dieu, de telle sorte que de toute éternité la rébellion ne pourra plus jamais se produire. VJC 425 1 Le peuple qui l'écoutait ne comprit pas un mot des paroles du Sauveur. "Nous avons appris par la loi," lui dirent les Juifs, "que le Christ demeure éternellement; comment donc dis-tu qu'il faut que le Fils de l'homme soit élevé? Qui est ce Fils de l'homme?"1 VJC 425 2 Jésus leur répondit: "La lumière est encore avec vous pour un peu de temps; marchez pendant que vous avez la lumière, de peur que les ténèbres ne vous surprennent; car celui qui marche dans les ténèbres, ne sait où il va. Pendant que vous avez la lumière, croyez en la lumière, afin que vous soyez enfants de lumière..... Et quoiqu'il eût fait tant de miracles devant eux, ils ne crurent point en lui."1 VJC 425 3 Hélas! les Juifs orgueilleux ne connurent point le temps de leur visitation! Lentement, le coeur plein de regrets, Jésus, accompagné de ses disciples, quitta les parvis du temple. ------------------------Chapitre 42 -- La Pâque VJC 426 1 Les scribes et les sacrificateurs délibérèrent alors ensemble pour savoir comment ils pourraient se saisir de Jésus sans soulever un tumulte parmi le peuple; car plusieurs de ceux qui avaient vu ses puissants miracles croyaient qu'il était le prophète du Très-Haut, et ils auraient été très irrités si l'on eût attenté à sa liberté. C'est pourquoi les principaux des Juifs décidèrent d'user de trahison, jugeant que toute violence ouverte ne serait point de bonne politique. VJC 426 2 Judas, l'un des douze, leur proposa secrètement de leur livrer Jésus en les conduisant dans un lieu où le Seigneur avait l'habitude de se retirer pour prier. Ils pourraient, dans ce lieu paisible, s'assurer facilement de leur victime, car il n'y aurait point là de multitude pour s'opposer à eux. Judas, toujours avide de gain, fit un contract avec les sacrificateurs et les gouverneurs, s'engageant à livrer son Maître pour trente pièces d'argent. Le Seigneur de gloire fut ainsi livré à l'ignominie et à la mort par un de ses disciples, pour une misérable somme d'argent. VJC 426 3 Ce n'est point soudainement que le coeur de Judas était devenu si vil et si corrompu. Son amour des richesses, comme tout vice que l'on ne repousse pas, avait crû de jour en jour, jusqu'à ce qu'il dominât son amour pour le Sauveur, et qu'il fût devenu une idolâtrie. L'envie et l'avarice avaient avili son esprit; et un homme qui est l'esclave de l'avarice est en danger de se laisser entraîner à commettre n'importe quel crime. VJC 426 4 Judas, comme les autres apôtres, avait eu le privilége d'entendre les enseignements de Jésus, et avait été témoin de ses oeuvres miséricordieuses. Il avait remarqué son esprit de support et de patience. Il avait vu comment, étant accablé par la fatigue, la faim, et pressé par la multitude des pauvres et des malades, il avait eu pitié de leurs cris et n'en avait renvoyé aucun sans le délivrer. Judas l'avait vu accomplir des miracles en rendant la santé à ceux qui s'en allaient mourir, et la joie aux désespérés. Lui-même, il avait senti dans sa personne les preuves de sa puissance divine. Mais lorsque les hommes rejettent la lumière et suivent aveuglément leurs inclinations naturelles, ils se plongent dans les ténèbres et ne tiennent aucun compte des faits les plus frappants. Judas était avare de nature, et il avait nourri ce mauvais penchant jusqu'à ce qu'il fût devenu le mobile de sa vie. VJC 427 1 Nous considérons avec horreur la trahison de Judas; mais il représente une nombreuse classe de personnes qui, quoique marchant sous la bannière de Christ, sont en réalité ses plus grands ennemis. Elles n'adorent qu'elles-mêmes et l'argent, et se servent du nom de chrétien comme d'un manteau pour cacher leurs mauvaises actions. Elles vendent leur droiture pour de l'argent, et leur Sauveur pour un léger profit mondain. VJC 427 2 Après que Judas eut terminé le contrat par lequel il s'engageait à trahir son Maître et à le livrer à ceux qui recherchaient sa vie, il se mêla aux autres disciples, comme s'il eût été innocent, et qu'il se fût fort intéressé à la préparation de la Pâque. Le traître pensait que ses vils desseins étaient cachés à son Maître, quoique chaque jour lui eût fourni une nouvelle preuve que les pensées et les intentions de tous les coeurs lui étaient connues. VJC 427 3 Jésus rejoignit ses disciples dans la chambre haute, et bientôt ceux-ci s'aperçurent que quelque chose oppressait lourdement son esprit. Enfin, d'une voix pleine d'une tristesse émouvante, il leur parla en ces termes: "J'ai fort désiré de manger cette Pâque avec vous avant que je souffre."1 Il prévoyait clairement les choses qui allaient arriver prochainement; son coeur était étreint de douleur en considérant l'ingratitude et la cruauté de ceux qu'il était venu sauver, et il voyait dans l'avenir le sort terrible qui les attendait. VJC 428 1 Les entrevues que Jésus avait avec ses disciples étaient habituellement des moments de joie calme, que tous appréciaient grandement. Les soupers de Pâque avaient été des scènes spécialement intéressantes; mais cette fois, Jésus était troublé en son esprit, et ses disciples sympathisaient avec son chagrin, quoiqu'ils n'en connussent point la cause. C'était là réellement la dernière Pâque qui dût jamais être célébrée; car le type allait rencontrer son anti-type dans la mort du Fils de Dieu pour les péchés du monde. Christ allait bientôt recevoir son baptême de souffrance; mais les quelques heures de répit qui restaient encore jusqu'à Gethsémané, devaient être employées au profit de ses disciples. VJC 428 2 "Et il leur dit: J'ai fort désiré de manger cette Pâque avec vous avant que je souffre; car je vous dis que je n'en mangerai plus jusqu'à ce qu'elle soit accomplie dans le royaume de Dieu. Et ayant pris la coupe et rendu grâces, il dit: Prenez-la, et la distribuez entre vous; car je vous dis que je ne boirai plus du fruit de la vigne jusqu'à ce que le règne de Dieu soit venu." VJC 428 3 Jésus donna alors par son exemple une leçon d'humilité à ses disciples.1 S'étant ceint d'un linge, comme un serviteur, il lava les pieds de ses disciples, tout en conversant avec eux avec une tendresse solennelle. Lui, le Fils de Dieu, sans tache, s'abaissa jusqu'à laver les pieds de ses disciples, comme l'un des derniers gages de son amour pour eux. VJC 428 4 Lorsqu'il eut fini de leur laver les pieds, il leur dit: "Savez-vous ce que je vous ai fait? Vous m'appelez Maître et Seigneur, et vous dites vrai; car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi qui suis le Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres; car je vous ai donné un exemple, afin que vous fassiez comme je vous ai fait." VJC 428 5 Une dispute s'était élevée parmi les disciples de Jésus pour savoir lequel d'entre eux serait le plus honoré dans son royaume; car nonobstant les instructions expresses qu'ils avaient si souvent reçues, ils étaient enclins à croire que Jésus établirait un royaume temporel à Jérusalem. Son entrée triomphale dans cette cité, ainsi que la manière dont on l'avait reçu, ravivaient cette pensée dans leur esprit. Jésus avait réprimé leurs aspirations aux honneurs, et il venait de corroborer son enseignement par un acte d'humilité et d'amour bien propre à leur faire comprendre leurs obligations les uns envers les autres; aussi, au lieu de se quereller pour avoir la meilleure place, chacun d'eux aurait dû considérer les autres comme meilleurs que lui-même. VJC 429 1 Comme les disciples s'asseyaient à table pour prendre la Pâque avec leur Maître bien-aimé, ils observèrent qu'il paraissait encore fort troublé et abattu. Tous furent remplis de tristesse, à ce présage de quelque terrible calamité dont ils ne comprenaient pas la nature. Comme ils mangeaient en silence, Jésus dit: "Je vous dis en vérité que l'un de vous me trahira."1 A ces paroles, tous furent saisis d'étonnement et de consternation. Ils ne pouvaient concevoir que l'un d'entre eux pût agir traîtreusement envers leur divin Maître. Pour quelles causes auraient-ils pu le trahir, et auprès de qui? Dans quel coeur pourrait-il naître un tel dessein! Sûrement pas dans le coeur de l'un des douze, qui avaient eu le privilége si grand d'entendre ses enseignements, qui avaient goûté son merveilleux amour, et qu'il avait si hautement honorés en se les associant si intimement! VJC 429 2 A mesure qu'ils comprenaient toute la portée de ses paroles, et qu'ils se rappelaient combien était vrai tout ce qu'il disait, la crainte et la défiance d'eux-mêmes les saisirent vivement. Ils se mirent à examiner leur propre coeur pour reconnaître s'ils avaient en eux une seule pensée contre leur Maître. Remplis des sentiments les plus douloureux, ils demandèrent l'un après l'autre: "Seigneur! est-ce moi?" Mais Judas restait silencieux. A la fin, Jean, d'une voix qui trahissait une profonde détresse, demanda à Jésus: Qui est-ce? Et Jésus répondit: "Celui qui met la main dans le plat avec moi, c'est celui qui me trahira. Pour ce qui est du Fils de l'homme, il s'en va, selon ce qui a été écrit de lui; mais malheur à cet homme par qui le Fils de l'homme est trahi! il eût mieux valu pour cet homme-là de n'être jamais né." Les disciples s'étaient lançé des regards scrutateurs, en demandant: "Seigneur! est-ce moi?" Alors, le silence de Judas attira tous les yeux sur lui. Au milieu de la confusion des questions et des manifestations d'étonnement, Judas n'avait pas entendu les paroles de Jésus, répondant à la question de Jean. Mais alors, pour échapper à l'examen rigoureux des disciples, il demanda comme ces derniers l'avaient fait: "Maître! est-ce moi?" Jésus répondit solennellement: "Tu l'as dit." Confus et surpris par la découverte inattendue de son crime, Judas se leva à la hâte pour quitter la chambre; mais comme il sortait, Jésus lui dit: "Fais au plus tôt ce que tu as à faire." VJC 430 1 Il est touchant de voir avec quelle indulgence Jésus traite Judas. Cela montre l'infinie miséricorde du Sauveur, qui donne au coupable l'occasion de se repentir en lui montrant que tous ses desseins et ses pensées étaient parfaitement connus au Fils de Dieu. Il daigna donner à Judas, avant qu'il eût consommé cette trahison une preuve finale et convaincante de sa divinité, afin qu'il pût se détourner de son dessein avant que la repentance fût impossible. Mais Judas, quoique surpris et effrayé, ne fut point ému à repentance. Le fait que sa culpabilité était découverte et dévoilée ne fit qu'affermir sa détermination de mettre son plan à exécution. Il s'en alla, et se prépara à l'exécution de ce qu'il avait résolu de faire. VJC 430 2 Le Seigneur avait un double but en prononçant une malédiction sur Judas: premièrement, il voulait donner au faux disciple une dernière occasion d'échapper au sort terrible qui attendrait le traître; et secondement, il voulait donner aux disciples une preuve capitale de son caractère messianique, en révélant le secret dessein de Judas. Jésus dit: "Je ne parle point de vous tous, je sais qui sont ceux que j'ai choisis; mais il faut que cette parole de l'Ecriture soit accomplie: Celui qui mange du pain avec moi a levé le pied contre moi. Je vous le dis dès à présent, avant que la chose arrive; afin que quand elle sera arrivée, vous me reconnaissiez pour ce que je suis." VJC 431 1 Si Jésus fût demeuré dans le silence, ignorant apparemment ce qui devait lui arriver, les disciples auraient pu garder l'impression que leur Maître n'avait aucune prescience divine, et avait été surpris, trahi et remis entre les mains d'une populace meurtrière. Une année auparavant, Jésus avait dit à ses disciples qu'il en avait choisi douze, mais que l'un d'eux était un démon; et les paroles qu'il adressa à Judas à l'occasion de la Pâque, montrant que sa trahison était parfaitement connue de son Maître, devaient servir à fortifier la foi de ses vrais disciples durant son humiliation. Et lorsque la fin tragique de Judas aurait lieu, ils se rappelleraient la malédiction que Jésus avait prononcée sur le traître. VJC 431 2 Le départ de Judas fut un soulagement pour tous ceux qui étaient présents. Le front du Sauveur s'illumina immédiatement, et le nuage de tristesse disparut du visage des disciples, lorsqu'ils virent la paix du ciel revenir sur les traits pâles et fatigués de leur Seigneur. VJC 431 3 C'est à cette dernière Pâque que la sainte cène fut instituée. "Puis il prit du pain, et ayant rendu grâces, il le rompit, et le leur donna, en disant: Ceci est mon corps, qui est donné pour vous; faites ceci en mémoire de moi. De même, il leur donna la coupe après souper, en disant: Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang qui est répandu pour vous." Jésus désirait dire à ses chers disciples beaucoup de choses qu'il ne pouvait leur dire en présence de la multitude, qui était incapable de comprendre les vérités sacrées qu'il allait dévoiler. Les disciples eux-mêmes ne purent les comprendre parfaitement qu'à la résurrection. VJC 431 4 Jetant un regard sur ses fidèles disciples, Jésus dit: "Maintenant le Fils de l'homme est glorifié, et Dieu est glorifié par lui. Et si Dieu est glorifié par lui, Dieu lui-même aussi le glorifiera; et il le glorifiera bientôt." Puis il leur dit qu'il allait être bientôt séparé d'eux."1 L'ardent Pierre ne pouvait rester tranquille tant que la chose demeurait incertaine. Il demanda: "Seigneur! où vas-tu? Jésus lui répondit: Tu ne saurais maintenant me suivre où je vais; mais tu me suivras ci-après." Pierre, vivement intéressé, pria Jésus d'expliquer complétement ses paroles: "Seigneur! pourquoi ne puis-je pas te suivre maintenant? Je mettrai ma vie pour toi." Jésus répondit avec tristesse: "Tu mettras ta vie pour moi! En vérité, en vérité je te dis qu'avant que le coq ait chanté, tu me renieras trois fois." Puis, jetant un regard de pitié sur son petit troupeau, qu'il devait laisser bientôt sans berger, il chercha à le tirer de la perplexité dans laquelle ses paroles l'avaient plongé, en disant avec tendresse: "Que votre coeur ne se trouble point; vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père; si cela n'était pas, je vous l'aurais dit. Je m'en vais vous préparer le lieu; et quand je m'en serai allé, et que je vous aurai préparé le lieu, je reviendrai, et vous prendrai avec moi, afin qu'où je serai, vous y soyez aussi. Et vous savez où je vais, et vous en savez le chemin".2 VJC 432 1 Avec le plus profond intérêt, Jésus épanchait le poids qui oppressait son âme en paroles de consolation, de conseil, et en prières qui devaient se graver pour toujours dans le coeur des disciples. Ces paroles qui découlèrent des lèvres du Sauveur et que Jean, l'apôtre inspiré, a tracées dans les chapitres quinze, seize et dix-sept de son livre, furent répétées maintes et maintes fois par les disciples pour soutenir leurs coeurs défaillants à l'heure des grandes épreuves. Mais ce ne fut pourtant qu'après la résurrection qu'ils comprirent et apprécièrent pleinement les paroles que Jésus prononça en cette occasion mémorable. Depuis, ces vérités énoncées par le Rédempteur dans cette chambre haute, se sont répandues par le témoignage des disciples dans tous les pays, et elles subsisteront à travers tous les âges, pour consoler les coeurs abattus, et rendre la paix et l'espérance à des milliers de croyants. VJC 433 1 Jésus, suivi de ses disciples, sortit alors de la chambre haute, et se rendit au delà du Cédron. Son coeur fut de nouveau oppressé d'affliction et d'angoisse. Il s'adressa à ses compagnons avec une tristesse touchante, en disant: "Je vous serai cette nuit à tous une occasion de chute; car il est écrit: Je frapperai le berger, et les brebis seront dispersées. Mais après que je serai ressuscité, j'irai devant vous en Galilée." Pierre s'empressa de réitérer à son Maître l'assurance de sa fidélité en disant: "Quand tous les autres seraient scandalisés, je ne le serai pourtant pas." Jésus, réprimant sa présomption comme auparavant, lui dit: "Je te dis en vérité qu'aujourd'hui, cette même nuit, avant que le coq ait chanté deux fois, tu me renieras trois fois. Mais Pierre disait encore plus fortement: Quand même il me faudrait mourir avec toi, je ne te renierai point. Et tous les autres disaient la même chose."1 VJC 433 2 Alors Jésus se rendit avec ses disciples au jardin de Gethsémané, au pied du mont des Oliviers, lieu retiré où il s'était rendu souvent pour être en communion avec son Père. VJC 433 3 Il était nuit; mais la lune, éclairant dans son plein, lui permit de voir un magnifique cep de vigne. Attirant là-dessus l'attention de ses disciples, il leur dit: "Je suis le vrai cep, et mon Père est le vigneron. Il retranche tout sarment qui ne porte point de fruit en moi, et il émonde tout celui qui porte du fruit, afin qu'il porte encore plus de fruit."2 VJC 433 4 La nation juive était un sarment stérile, et devait par conséquent être séparée du cep vivant qui était Jésus-Christ. Les gentils devaient être entés sur le tronc, afin de devenir une branche vivante, ayant part à la vie qui nourrit le vrai sarment. Cette branche devait être émondée, afin qu'elle pût porter du fruit. Dans la pensée de sa séparation d'avec ses disciples, Jésus les exhorte alors à s'attacher fermement à lui par la foi, afin de faire partie du vrai cep, et de porter une riche moisson de fruits. "Demeurez en moi, et moi je demeurerai en vous. Comme le sarment ne saurait de lui-même porter du fruit, s'il ne demeure attaché au cep, vous n'en pouvez porter aussi, si vous ne demeurez en moi. Je suis le vrai cep, et vous en êtes les sarments. Celui qui demeure en moi, et en qui je demeure, porte beaucoup de fruit; car hors de moi vous ne pouvez rien faire." VJC 434 1 Lorsque le pécheur s'est repenti de ses péchés, et s'est uni à Christ comme la branche est attachée au cep, la nature de l'homme est changée, et il est rendu participant de la nature divine. Il aime les choses que Christ aime, et hait les choses qu'il hait. Ses désirs sont d'accord avec la volonté de Dieu. Il recueille les paroles de Christ, et il demeure en lui: les principes vivifiants du Sauveur sont communiqués au chrétien. Il en est de même de la petite branche sans feuilles et morte en apparence, qui, greffée sur un cep vigoureux, auquel elle s'attache fibre après fibre, veine après veine, en tire la vie et la force, jusqu'à en devenir une branche florissante. VJC 434 2 Il continue de leur faire comprendre l'importance qu'il y a pour eux de poursuivre l'oeuvre qu'il a commencée, et de porter des fruits à la gloire de Dieu: "Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis, et qui vous ai établis, afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit, et que votre fruit soit permanent; afin aussi que tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous le donne." Les disciples avaient été choisis pour être dépositaires de la vérité divine. Ils devaient témoigner que le Père avait reconnu Jésus comme le Fils de Dieu. Ils avaient vu ses miracles, entendu ses enseignements; et leur devoir était de porter au monde le message de salut, afin que, par leur message, les hommes s'attachassent à Christ avec une foi vivante. C'est ainsi que les disciples devaient porter des fruits à la gloire de Dieu. VJC 434 3 Jésus assura à ses disciples qu'il ne les abandonnerait point, mais qu'il serait revêtu de puissance, et deviendrait leur avocat à la droite du Père, afin de lui présenter les prières qu'ils adresseraient au nom de son Fils. Les disciples ne comprirent pas alors complétement les paroles de leur Maître; mais l'expérience leur apprit plus tard à apprécier cette grande promesse, et à présenter leurs prières au Père, au nom de Jésus. VJC 435 1 Puis Jésus les avertit de ne point s'attendre aux éloges du monde: "Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui serait à lui; mais parce que vous n'êtes pas du monde, mais que je vous ai choisis dans le monde, c'est pour cela que le monde vous hait." Ceux qui ont les mêmes inclinations que le monde reçoivent ses sourires et son approbation; mais les humbles disciples de Christ devront souffrir la moquerie et la persécution. Jésus déclara qu'ils seraient traînés devant les rois et les gouverneurs à cause de lui, et que ceux qui les traiteraient ainsi, seraient séduits par Satan au point de croire qu'ils faisaient l'oeuvre de Dieu. Les disciples de Christ auraient à souffrir tous les opprobres et toutes les cruautés que pourrait inventer la malice humaine. Mais dans toutes leurs épreuves, ils devaient se rappeler que leur Maître avait souffert les mêmes opprobres et les mêmes souffrances. Ils devaient se rappeler ces paroles: "Le serviteur n'est pas plus grand que son maître. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi; s'ils ont observé ma parole, ils observeront aussi la vôtre. Mais ils vous feront tout cela à cause de mon nom, parce qu'ils ne connaissent point celui qui m'a envoyé." VJC 435 2 Les disciples devaient marcher courageusement sur les pas du Sauveur, pensant constamment au prix qui leur était réservé, la vie éternelle, et amenant des âmes à Christ. L'opposition même qu'ils auraient à rencontrer devait développer en eux de nobles caractères et d'éclatantes vertus. La foi, la patience, la confiance en Dieu, sont des fruits divins, qui fleurissent et mûrissent le mieux à l'ombre de l'adversité. VJC 435 3 Jésus prédit soigneusement à ses disciples les événements qui suivraient sa mort, afin que lorsque la persécution fondrait sur eux, ils fussent préparés à la supporter sans avoir la tentation de renoncer à leur foi pour éviter la souffrance et le déshonneur. Il leur fait comprendre avec amour les grands sujets qu'ils devaient déclarer au monde. Il leur fait comprendre l'importance de leur position comme témoins des merveilleuses manifestations de Dieu envers son Fils, des miracles de Christ et de ses paroles de sagesse. Il leur dit: "Et vous aussi vous en rendrez témoignage, parce que vous êtes dès le commencement avec moi." L'histoire de ces disciples, et les choses qu'ils devaient écrire devaient constituer le sujet de l'étude des esprits réfléchis de tous les âges. VJC 436 1 Jésus déclara clairement à ses disciples qu'il avait quitté la présence de son Père pour venir en ce monde, et qu'il était sur le point de quitter ce monde pour retourner auprès de son Père; mais il évita d'embarrasser leurs esprits et de mettre la confusion dans leur entendement. Il leur dit: "J'aurais encore plusieurs choses à vous dire; mais elles sont encore au-dessus de votre portée."1 Jésus savait qu'ils n'étaient pas assez forts pour ouïr toutes les vérités étonnantes qui concernaient son humiliation et sa mort. Après sa résurrection, ils seraient plus aptes à les comprendre et à les apprécier. VJC 436 2 Jésus n'avait alors que bien peu de temps pour fortifier et instruire le petit groupe de ses disciples. Ses conseils d'adieux étaient riches de sympathie et de vérité. Ces derniers moments que les disciples passèrent avec leur bien-aimé Maître, furent extrêmement précieux pour eux. Comme un Souverain sacrificateur consacré, il épancha en ce moment son âme devant son Père dans une prière pour son Eglise, prière telle que les anges n'en avaient jamais entendue de semblable jusqu'alors. Cette prière était profonde et complète; elle embrassait la terre, et atteignait aux cieux. De son bras humain, il entoure les enfants d'Adam d'une puissante étreinte; et du puissant bras de sa divinité, il saisit le trône du Dieu infini, unissant ainsi la terre au ciel, et l'homme borné au Dieu infini. ------------------------Chapitre 43 -- Au jardin des oliviers VJC 437 1 Le Rédempteur, en compagnie de ses disciples, se rendit lentement au jardin de Gethsémané.1 La lune, en son plein, brillait dans un ciel sans nuages. Dans la ville, comme sur les collines environnantes, où les pèlerins accourus à la fête avaient dressé d'innombrables tentes, tout était rentré dans le silence. VJC 437 2 Jésus s'était entretenu sérieusement avec ses disciples en les instruisant; mais en approchant de Gethsémané, il devint singulièrement silencieux. Ses disciples, très perplexes, regardaient son visage avec inquiétude, espérant y lire une explication du changement qui était survenu chez leur Maître. Ils l'avaient fréquemment vu abattu, mais ils ne l'avaient jamais vu si triste et si silencieux. A mesure qu'il avançait, cette étrange tristesse augmentait; et pourtant, ils n'osaient lui en demander la cause. Il chancelait comme s'il était sur le point de tomber. Ses disciples étaient impatients d'atteindre le lieu où leur Maître avait l'habitude de se retirer, afin qu'il pût se reposer. VJC 437 3 En entrant dans le jardin, il dit à ses compagnons: "Asseyez-vous ici pendant que je m'en irai là pour prier." Choisissant Pierre, Jacques et Jean pour l'accompagner, il alla plus loin, dans une retraite du jardin. Il avait eu la coutume de fortifier son esprit pour l'heure de l'épreuve et du devoir par des prières ferventes, et avait fréquemment passé toute la nuit dans cette retraite pour vaquer à cet exercice. Dans ces occasions, ses disciples, après avoir veillé et prie pendant un moment, s'endormaient tranquillement à une petite distance de leur Maître, jusqu'à ce qu'il les réveillât au matin pour reprendre leurs travaux. Aussi les disciples ne firent-ils aucune remarque sur ce que Jésus faisait. VJC 438 1 Chaque pas que le Sauveur faisait alors, lui coûtait un effort pénible. Il gémissait à haute voix, comme souffrant sous le poids d'un terrible fardeau; pourtant, il ne voulut point effrayer les trois disciples qu'il avait choisis, en leur faisant comprendre l'agonie par laquelle il devait passer. Par deux fois, ses compagnons l'empêchèrent de tomber sur le sol. Jésus sentait qu'il devait être encore plus seul, et il dit à ses disciples: "Mon âme est saisie de tristesse jusqu'à la mort; demeurez ici, et veillez avec moi." Jamais ses disciples ne l'avaient entendu parler d'un ton aussi brisé. L'angoisse agitait tout son être, et son pâle visage exprimait une indescriptible douleur. VJC 438 2 Il s'éloigna à une courte distance des disciples, pas assez loin pour qu'ils ne pussent le voir et l'entendre, et tomba le visage contre la terre humide. Il était surmonté par une terrible crainte que Dieu eût retiré sa présence de lui. Il se sentait séparé de son Père par un abîme de péché si large, si sombre et si profond, que son esprit frémissait à ce spectacle. Il embrassait convulsivement le sol froid et insensible, comme pour ne pas se laisser entraîner encore plus loin de Dieu. La fraîche rosée de la nuit tombait sur le Rédempteur prosterné sans qu'il y prit garde. De ses lèvres pâles et contractées s'échappait ce cri amer: "Mon Père! que cette coupe passe loin de moi, s'il est possible! Toutefois, qu'il en soit non comme je le voudrais, mais comme tu le veux." Ce n'était point la crainte des souffrances physiques qu'il devait bientôt endurer, qui mettait à l'agonie le Fils de Dieu. Il endurait la peine de la transgression de l'homme, et frémissait à la pensée de la colère de Dieu. Il ne devait point faire usage de sa puissance divine pour échapper à cette agonie; mais, comme homme, il devait supporter les conséquences du péché de l'homme et le déplaisir du Créateur envers ses sujets désobéissants. Comme il sentait son union avec le Père se rompre, il craignait que, dans son humaine nature, il ne fût incapable d'endurer le conflit qu'il allait avoir à livrer contre le prince de la puissance des ténèbres; et dans ce cas, la race humaine serait irrévocablement perdue, Satan serait victorieux, et la terre deviendrait son royaume. Les péchés du monde pesaient lourdement sur le Sauveur, et l'inclinaient vers la terre; la colère du Père en conséquence de ces péchés, semblait lui arracher la vie. VJC 439 1 C'est la destinée de la race humaine qui avait été en jeu dans la lutte qui eut lieu entre Christ et Satan dans le désert de la tentation. Mais Christ fut vainqueur, et le tentateur le quitta pour un temps. Il était alors revenu pour une lutte dernière et terrible. Satan s'était préparé à cette attaque finale durant les trois ans du ministère de Christ. Pour lui, tout était en jeu. S'il échouait ici, ses espérances de domination étaient ruinées; les royaumes du monde seraient finalement à Christ qui "lierait l'homme fort", Satan, et le jetterait dehors. VJC 439 2 Durant cette scène de l'angoisse du Sauveur, les disciples furent d'abord troublés de voir leur Maître, habituellement si calme et si digne, lutter avec une détresse qui dépassait toute expression; mais étant fatigués, ils cédèrent enfin au sommeil, abandonnant Jésus dans son angoisse. Une heure après, Jésus éprouvant un besoin de sympathie humaine, se leva péniblement, et se rendit en chancelant au lieu où il avait laissé ses compagnons. Mais aucun visage sympathique ne l'accueillit après cette longue lutte; les disciples étaient profondément endormis. Ah! s'ils avaient compris que c'était la dernière nuit qu'ils passaient avec leur Maître bien-aimé, pendant qu'il vivait comme homme sur la terre, s'ils avaient su ce qu'amènerait le lendemain, ils ne se seraient certainement pas laissés aller au sommeil. VJC 439 3 La voix de Jésus les réveilla en partie. Ils le discernèrent se penchant sur eux, son expression et son attitude exprimant une extrême fatigue. Ils reconnurent à peine le visage ordinairement si serein de leur Maître. S'adressant à Simon-Pierre, il lui dit: "Simon, tu dors? N'as-tu pu veiller une heure?"1 Oh! Simon, où est maintenant le dévouement dont tu te vantais? Toi qui déclarais il y a peu de temps pouvoir aller avec ton Seigneur en prison ou à la mort, tu l'as abandonné à l'heure de l'angoisse et de la tentation, pour chercher le repos! VJC 440 1 Jean, le disciple aimé qui s'était penché sur le sein de Jésus, était aussi endormi. L'amour de Jean pour son Maître aurait certainement dû le tenir éveillé. Ses ardentes prières auraient dû se mêler à celles de son Maître bien-aimé, au moment de sa suprême angoisse. Le Rédempteur, se sacrifiant toujours lui-même, avait passé des nuits entières dans les froides montagnes ou dans les taillis, priant pour ses disciples, afin que leur foi ne défaillît point à l'heure de la tentation. Si Jésus avait alors adressé à Jacques et à Jean la question qu'il leur avait une fois adressée: "Pouvez-vous boire la coupe que je dois boire, et être baptisés du baptême dont je dois être baptisé?" ils ne se seraient certes point aventurés à répondre: "Nous le pouvons."2 VJC 440 2 Le Fils de Dieu était ému de compassion et de pitié à la vue de la faiblesse de ses disciples. Il se demandait si leur force ne faudrait point lorsqu'ils seraient témoins de sa trahison et de sa mort. Il ne leur fit point de reproche d'être si faibles; mais, en considération de l'épreuve qui approchait, il les exhorta en leur disant: "Veillez et priez, de peur que vous ne tombiez dans la tentation." Puis, étant ému de pitié en présence de leur faiblesse, il les excusa d'avoir manqué à leur devoir envers lui, disant: "Car l'esprit est prompt, mais la chair est faible." VJC 440 3 Le Fils de Dieu fut de nouveau saisi d'une angoisse surhumaine; défaillant et abattu, il retourna en chancelant au lieu qu'il avait quitté, et se prosterna de nouveau sur la terre. Sa souffrance était plus grande même qu'auparavant. Les cyprès et les palmiers furent les témoins silencieux de son angoisse. De leurs branches feuillues tombaient sur lui de grosses gouttes de rosée, comme si la nature versait des larmes sur son Auteur, qui luttait seul contre les puissances des ténèbres. VJC 441 1 Peu de temps auparavant, Jésus, comme un cèdre altier, bravait la tempête de l'opposition qui déchaînait sur lui sa fureur. D'opiniâtres volontés et des coeurs remplis de malice et d'artifice faisaient de vains efforts pour le confondre et l'emporter sur lui. La lutte ne fit que mettre en relief sa majesté divine et sa qualité de Fils de Dieu. Mais alors il était semblable au roseau brisé, battu et courbé par l'orage en furie. Peu d'heures auparavant, il avait épanché son âme devant ses disciples en de nobles accents, déclarant qu'il était un avec le Père, et remettant entre ses bras son Eglise élue, dans des paroles qui révélaient sa divine autorité. Maintenant, sa voix n'articule plus que de douloureux sanglots, et il se cramponne à la terre froide comme pour en être soulagé. VJC 441 2 Ces paroles du Sauveur: "Mon Père! s'il n'est pas possible que cette coupe passe loin de moi sans que je la boive, que ta volonté soit faite!" parvinrent aux oreilles de ses disciples assoupis. L'angoisse du Fils bien-aimé de Dieu était si grande que des gouttes de sang sortaient de ses pores. De nouveau, il se leva, son coeur humain soupirant après la sympathie de ses compagnons, et il revint au lieu où ses disciples dormaient. Sa présence les fit lever; ils virent tout effrayés son visage taché de sang, et exprimant une angoisse d'esprit pour eux inexplicable. VJC 441 3 Il ne leur parla point cette fois; mais, se détournant, il regagna sa retraite et tomba prosterné, accablé par d'horribles ténèbres. L'humanité du Fils de Dieu tremblait en cette heure d'épreuve. Le terrible moment qui devait décider du sort du monde était arrivé. Les armées célestes attendaient la fin de cette lutte avec un intense intérêt. Le Fils de l'homme eût pu, même alors, refuser de boire la coupe qui était la portion des hommes coupables. Il aurait pu essuyer la sueur sanglante de son front et laisser périr les hommes dans leur iniquité. Le Fils du Dieu infini boira-t-il la coupe amère de l'humiliation et de l'angoisse? L'innocent souffrira-t-il les conséquences de la colère de Dieu pour sauver les coupables? Ces paroles tombent des lèvres pâles et tremblantes de Jésus: "Mon Père! s'il n'est pas possible que cette coupe passe loin de moi sans que je la boive, que ta volonté soit faite!" VJC 442 1 Par trois fois il avait fait cette prière. Par trois fois son humanité avait frissonné devant ce dernier sacrifice; mais en ce moment l'histoire de la race humaine se présente à l'esprit du Rédempteur du monde. Il voit que les transgresseurs de la loi, abandonnés à eux-mêmes, doivent périr sous le déplaisir du Père. Il voit la puissance du péché, et l'impuissance de l'homme à se sauver. Les malheurs et les lamentations d'un monde perdu s'élèvent devant lui; il considère le sort qui menace la race humaine, et sa décision est prise. Il veut sauver les hommes à tout prix. Il accepte son baptême de sang, afin que les millions qui périssent puissent obtenir la vie éternelle par son moyen. Il a quitté la cour céleste où tout était pureté, bonheur et gloire, pour sauver sa brebis perdue, le seul monde qui fût tombé par la transgression; il ne se détournera point de la mission qu'il a choisie. Il veut descendre aux profondeurs mêmes de la misère pour sauver une race perdue et ruinée. VJC 442 2 Sa décision prise, et étant arrivé à la crise finale, Jésus tomba anéanti sur le sol d'où il s'était un peu relevé. Où sont maintenant ses disciples pour soutenir tendrement de leurs mains la tête du Maître défaillant, et pour rafraîchir ce front plus dévasté que ne l'a jamais été celui d'aucun fils des hommes? Le Sauveur était "tout seul à fouler le pressoir"; de tout son peuple, pas une âme n'était avec lui. Et pourtant, il n'était point seul. Il avait dit: "Moi et mon Père nous ne sommes qu'un."1 Dieu souffrait avec son Fils. L'homme ne peut comprendre le sacrifice que fit le Dieu infini en abandonnant son Fils à l'opprobre, à l'angoisse et à la mort. C'est une preuve de l'amour illimité de Dieu pour les hommes. VJC 442 3 Les anges, qui accomplissaient la volonté de Christ dans les cieux, désiraient ardemment lui porter secours; mais il n'était pas en leur pouvoir d'alléger son angoisse. Ils n'avaient jamais senti le poids des péchés d'un monde perdu, et considéraient avec étonnement l'objet de leur adoration ployant sous une douleur au-dessus de toute expression. Quoique les disciples eussent négligé de témoigner leur sympathie à leur Seigneur dans ce rude conflit, tout le ciel en attendait le résultat avec un intérêt sympathique et douloureux. Lorsqu'il fut terminé, un ange fut envoyé du trône de Dieu pour servir le Rédempteur épuisé par la lutte. VJC 443 1 Tout à coup, les disciples furent réveillés de leur sommeil par une éclatante lumière qui resplendit autour du Fils de Dieu. Ils se levèrent tout étonnés, et virent un être céleste en vêtements lumineux se pencher sur leur Maître abattu. De la main droite, il soulevait la tête du divin patient et l'appuyait sur son sein, et de la gauche il lui montrait le ciel. Sa voix était semblable à la plus douce musique, tandis qu'il prononçait de tendres paroles, rappelant à Christ la victoire qu'il avait remportée sur l'ennemi puissant et astucieux. Christ avait vaincu Satan, et, comme résultat de son triomphe, des millions d'hommes devaient être également vainqueurs dans son royaume glorifié. VJC 443 2 La glorieuse vision de l'ange éblouit les yeux des disciples. Ils se souvinrent de la montagne de la transfiguration, de la gloire qui enveloppa Christ dans le temple, et de la voix de Dieu qui s'était fait entendre dans la nuée. La même gloire leur était révélée, et ils n'avaient plus aucune crainte pour leur Maître, puisque Dieu prenait soin de lui, et qu'il avait envoyé un ange pour le protéger de ses ennemis. Accablés par la fatigue, ils retombèrent dans leur sommeil, inconscients de ce qui se passait autour d'eux. VJC 443 3 Le Sauveur du monde se leva, chercha ses disciples, et, pour la troisième fois, les trouva endormis. Il les regarda tristement. Pourtant, ses paroles les réveillèrent: "Vous dormez encore, et vous vous reposez? Voici, l'heure est venue, et le Fils de l'homme va être livré entre les mains des méchants." VJC 443 4 Ces paroles étaient encore sur ses lèvres, lorsqu'on enten-Christ ne pensait point à lui-même, mais aux disciples qu'il aimait. Il désirait leur épargner toute autre épreuve. VJC 445 1 Judas, le traître, n'oublia point son rôle; s'approchant de Jésus, il lui prit familièrement la main, comme à un ami, et lui donna le baiser de la trahison. "Jésus lui dit: Mon ami, pour quel sujet es-tu ici?" Puis, la voix tremblante de douleur, il adressa à Judas ces paroles: "Trahis-tu ainsi le Fils de l'homme par un baiser?" Cet appel si touchant aurait dû réveiller la conscience de Judas, et toucher son coeur endurci; mais il n'y avait plus en lui aucun sentiment d'honneur, de fidélité ou de tendresse humaine. Il était là, devant son Maître, plein d'arrogance et de défiance, et nullement disposé à reculer. Il s'était livré à l'influence de Satan, et il n'avait plus le pouvoir d'y résister. Jésus ne repoussa point le baiser de celui qui le trahissait. En ceci il nous donne un exemple sans parallèle de support, d'amour et de pitié. VJC 445 2 La troupe meurtrière surprise et effrayée de ce qu'elle avait vu et éprouvé, retrouva son assurance et sa hardiesse lorsqu'elle vit l'effronterie avec laquelle Judas osa toucher la personne de celui que tous venaient de voir glorifié. Aussi ces hommes violents posent-ils les mains sur Jésus, et se disposent-ils à lier celui qui n'a jamais fait que du bien. VJC 445 3 Lorsque les disciples avaient vu cette troupe d'hommes forts jetée sans force sur le sol, ils avaient pensé que leur Maître ne permettrait point qu'on mît la main sur lui; car la même puissance qui avait renversé cette troupe de mercenaires pouvait la maintenir dans un état d'impuissance jusqu'à ce que Jésus et ses compagnons se fussent mis sains et saufs hors de leur portée. Aussi furent-ils déçus et indignés lorsqu'ils virent apporter des cordes pour lier les mains de celui qu'ils aimaient. Pierre, dans une véhémente irritation, tira l'épée, et coupa l'oreille d'un serviteur du souverain sacrificateur. VJC 445 4 Lorsque Jésus vit ce que Pierre avait fait, il dégagea ses mains de l'étreinte des soldats romains, et dit: "Arrête-toi"; puis, touchant l'oreille blessée, il la guérit instantanément. Alors il dit à Pierre: "Remets ton épée dans le fourreau; car tous ceux qui prendront l'épée périront par l'épée. Penses-tu que je ne puisse pas maintenant prier mon Père, qui me donnerait aussitôt plus de douze légions d'anges? Comment donc s'accompliraient les Ecritures qui disent qu'il faut que cela arrive ainsi?" "Ne boirai-je pas la coupe que le Père m'a donnée à boire?" Jésus, se tournant alors du côté des sacrificateurs et des capitaines du temple qui faisaient partie de cette horde meurtrière, leur dit: "Vous êtes sortis comme après un brigand, avec des épées et des bâtons, pour me prendre. J'étais tous les jours au milieu de vous, enseignant dans le temple, et vous ne m'avez point saisi; mais tout ceci est arrivé, afin que les Ecritures fussent accomplies." VJC 446 1 Lorsque les disciples virent que Jésus ne se délivrait pas lui-même des mains de ses ennemis, mais qu'il se laissait lier, ils furent fâchés pour lui et pour eux-mêmes qu'il souffrît cette humiliation. Ils venaient d'être témoins d'un exemple de sa puissance; il avait renversé ceux qui étaient venus pour le prendre; il avait guéri le serviteur auquel Pierre avait coupé l'oreille, et ils savaient que s'il le voulait, il pouvait échapper à cette troupe inhumaine. Ils le blâmèrent d'agir ainsi; puis, mortifiés et frappés de terreur à la vue de cette conduite incompréhensible de leur Maître, ils l'abandonnèrent et s'enfuirent. Jésus avait prévu cette désertion, et dans la chambre haute, il avait averti ses disciples, leur prédisant en ces mots la manière dont ils se conduiraient en ce moment-là: "Voici, l'heure vient, et elle est déjà venue, que vous serez dispersés chacun de son côté, et que vous me laisserez seul; mais je ne suis pas seul, parce que mon Père est avec moi."1 VJC 446 2 Judas lui-même était surpris que Jésus se livrât à ceux qui cherchaient à le faire mourir. Il savait que les ennemis du Sauveur avaient bien des fois formé des plans pour se saisir de lui; mais Jésus s'était retiré tranquillement, et avait chaque fois réduit à néant leurs desseins meurtriers. Maintenant, le traître voyait avec étonnement que son Maître se laissait lier et emmener. Pourtant, le faux disciple se flattait de l'espoir que Jésus ne s'était laissé saisir que pour mieux manifester sa puissance, en échappant à ses ennemis d'une manière miraculeuse. Car il savait qu'autrement il ne pourrait échapper à cette bande armée. Depuis trois ans, les Juifs avaient résolu secrètement de se saisir de lui, et maintenant qu'ils avaient réussi, ils ne le laisseraient point échapper à la mort si cela était en leur pouvoir. VJC 447 1 Jésus était pressé par la troupe insultante. Il n'avançait qu'avec peine, car ses mains étaient fortement liées, et il était serré de très près. Il fut d'abord conduit chez le beau-père du souverain sacrificateur, nommé Anne, homme dont les conseils étaient recherchés et suivis par les Juifs, comme si sa voix eût été la voix de Dieu. Anne désirait ardemment avoir la terrible satisfaction de voir le premier Jésus de Nazareth, lié comme un prisonnier. Après que le Sauveur eut comparu devant Anne, il fut rapidement emmené, car les sacrificateurs et les principaux avaient décidé qu'aussitôt qu'ils seraient maîtres de sa personne, ils le feraient juger et condamner sans délai. Ils craignaient en effet que le peuple, se rappelant ses actes de charité et de miséricorde, ne l'arrachât de leurs mains. ------------------------Chapitre 44 -- Jésus devant le Sanhédrin VJC 448 1 La bande armée parcourut avec son prisonnier les rues sombres et étroites de Jérusalem, éclairée par des torches et des lanternes, car il était encore de grand matin, et il faisait très sombre. Au milieu des insultes et des moqueries, le Sauveur fut conduit jusqu'au palais de Caïphe, le souverain sacrificateur. Là il fut grossièrement accusé par ses persécuteurs, interrogé sur un ton narquois par le sacrificateur, puis outragé par toute l'assemblée; mais pendant que Jésus subissait cet examen moqueur, son âme fut transpercée par une douleur plus cuisante que celles que ses ennemis pouvaient lui causer. Ce fut lorsqu'il entendit son disciple aimé le renier avec imprécations.1 VJC 448 2 Après avoir déserté leur Maître dans le jardin, deux des disciples avaient repris leur présence d'esprit, et essayé de suivre à distance la troupe qui s'était emparée de Jésus. Ces disciples étaient Pierre et Jean. Le sacrificateur reconnut Jean, qui était connu comme disciple de Jésus, et l'admit dans la cour où le Sauveur devait subir son interrogatoire, parce qu'il espérait que Jean, étant témoin de l'humiliation de son chef, serait affecté des mêmes sentiments que ses ennemis, et repousserait l'idée qu'un homme qui se soumettait à un tel opprobre fût le Fils de Dieu. Jean ayant obtenu l'autorisation d'entrer, parla en faveur de Pierre, son compagnon, et obtint le même privilége pour lui. VJC 448 3 C'était à l'heure la plus froide de la nuit, celle qui précède le lever du jour, et on avait fait du feu dans la cour. Une troupe de gens se groupèrent autour du feu, et Pierre y prit aussi place, pour se chauffer. Il désirait ne pas être reconnu comme l'un des disciples de Jésus, et il pensait, en se mêlant indifféremment avec la troupe, être pris pour un de ceux qui avaient amené Jésus. VJC 449 1 Mais la lumière du feu ayant éclairé le visage de Pierre, la portière lui jeta un regard interrogateur; elle avait remarqué qu'il était entré avec Jean, et en conclut qu'il devait être un des disciples de Christ. Elle l'interrogea d'un ton railleur: "N'estu pas aussi des disciples de cet homme?" Pierre fut surpris et confus, car tous les yeux s'étaient arrêtés sur lui. Il prétendit ne pas la comprendre; mais elle persista à dire à ceux qui étaient présents que cet homme était avec Jésus. Pierre, obligé de répondre, dit avec irritation: "Femme, je ne le connais point." C'était le premier reniement et immédiatement le coq chanta. O Pierre! as-tu si tôt honte de ton Maître! si tôt renié lâchement ton Seigneur! Dans son humiliation, le Sauveur est déshonoré et abandonné par le plus zélé de ses disciples. VJC 449 2 D'abord, Pierre avait désiré ne point être reconnu; et, prenant un air d'indifférence, il s'était placé sur le terrain de l'ennemi, et avait bientôt succombé à la tentation de Satan. Il avait l'air de ne point se soucier du jugement de son Maître, tandis qu'en réalité son coeur était brisé de douleur à l'ouïe des moqueries et des insultes cruelles, et à la vue des mauvais traitements que son Maître souffrait. En outre, il était surpris et irrité de ce que Jésus humiliât ses disciples et lui-même, au point de subir passivement de tels traitements. Toutes ces émotions l'agitant, il lui fut difficile de conserver son air d'indifférence. Il y avait en lui quelque chose de contraint, de gêné, lorsqu'il essaya, pour cacher ses vrais sentiments, de se joindre aux persécuteurs de Jésus dans leurs plaisanteries malséantes. VJC 449 3 Il commettait un acte mensonger; et tout en essayant de parler d'une manière indifférente, il ne pouvait retenir ses expressions d'indignation à la vue des mauvais traitements dont on abreuvait son Maître. C'est pourquoi l'attention se porta sur lui, et il fut de nouveau accusé d'être un disciple de Jésus. Il s'écria alors avec serment: "Je ne connais pas cet homme." VJC 449 4 Un des serviteurs du souverain sacrificateur, qui était parent de l'homme auquel Pierre avait coupé l'oreille, lui demanda: "Ne t'ai-je pas vu dans le jardin avec lui?" "Tu es assurément de ces gens-là, car tu es Galiléen, et ton langage est semblable au leur." "Alors il commença à faire des imprécations et à jurer, disant: Je ne connais point cet homme, dont tu parles. Et le coq chanta pour la seconde fois; et Pierre se ressouvint de la parole que Jésus lui avait dite: Avant que le coq ait chanté deux fois, tu me renieras trois fois. Et étant sorti promptement, il pleura."1 Pendant que les honteux serments étaient encore sur les lèvres du disciple, que la voix du coq résonnait encore à ses oreilles, le Sauveur se détourna de ses juges menaçants pour jeter un regard sur son pauvre disciple. En ce même moment, les yeux de Pierre se fixaient involontairement sur son Maître. Il lut sur son aimable visage une pitié et un chagrin profonds; mais aucune trace de colère. VJC 450 1 Pierre fut repris dans sa conscience; la mémoire lui revint, et il se rappela la promesse qu'il avait faite quelques heures auparavant, qu'il suivrait son Maître en prison et même à la mort. Il se souvint de l'impression douloureuse que lui avait fait éprouver, dans la chambre haute, la déclaration du Sauveur qu'en cette même nuit il renierait trois fois son Maître. Pierre venait de déclarer qu'il ne connaissait pas Jésus, mais il comprenait maintenant plein d'un amer chagrin combien son Seigneur le connaissait, et avec quelle sagacité il avait lu son coeur, dont il ne connaissait pas lui-même la fausseté. Il gémit dans son esprit lorsqu'il comprit que non seulement son Maître endurait l'amertume de l'humiliation dont ses ennemis l'abreuvaient; mais qu'il souffrait encore d'être déshonoré par un de ses disciples qui l'avait abandonné et renié à l'heure de l'épreuve. VJC 450 2 Le regard de Christ renfermait des volumes pour son disciple repentant. Celui-ci y lisait le chagrin, l'amour et le pardon. Un flot de choses lui revenaient en mémoire. Il se rappela la tendre miséricorde du Sauveur; sa bonté et son support; la patience avec laquelle il avait traité ses disciples. Il se souvint de l'avertissement que Jésus lui avait donné: "Simon! Simon! voici, Satan a demandé à vous cribler comme on crible le blé; mais j'ai prié pour toi que ta foi ne défaille point."1 Il réfléchit avec horreur à sa basse ingratitude, à son manque de droiture et à son parjure. Il regarda de nouveau son Maître, et vit une main sacrilége levée pour le frapper au visage. Incapable de supporter plus longtemps cette vue, il s'élança hors de la cour le coeur brisé. VJC 451 1 Il s'enfuit dans la solitude et les ténèbres sans s'inquiéter où il allait. A la fin, il se trouva dans le jardin de Gethsémané, où, peu d'instants auparavant, il avait dormi, tandis que le Sauveur luttait contre les puissances des ténèbres. Le visage de son Seigneur souffrant, taché de sueur de sang, comprimé par la douleur, se présenta à lui. Il se souvint avec de cuisants remords que Jésus avait pleuré et avait prié seul dans l'angoisse pendant que ceux qui auraient dû le soutenir pendant cette heure d'épreuve, dormaient. Il se rappela cette recommandation solennelle: "Veillez et priez, de peur que vous ne tombiez dans la tentation." La scène qui s'était passée quelques heures auparavant se présenta vivement à son esprit. Il était de nouveau témoin des pleurs et des gémissements de Jésus. Son coeur saignait, et était torturé à la pensée d'avoir ajouté le plus lourd fardeau à l'humiliation et aux souffrances du Sauveur. Il tomba prosterné à la place même où son Seigneur avait fléchi sous le poids inexprimable de la malédiction. VJC 451 2 La première faute de Pierre avait été de dormir lorsque Christ lui avait commandé de veiller et de prier. Au moment le plus critique, lorsque le Fils de Dieu avait eu besoin de sa sympathie et de ses prières ardentes, il avait été incapable de les lui accorder. Ce fut une grande perte pour les disciples d'avoir dormi; car Jésus désirait les fortifier pour le moment où leur foi serait soumise à une si rude épreuve. S'ils avaient passé ce triste moment dans le jardin à veiller avec leur cher Sauveur, et à prier Dieu, Pierre n'aurait point été abandonné à ses propres forces, et n'aurait point renié son Seigneur. VJC 451 3 Cette veille importante aurait dû être employée par les disciples à lutter noblement, et à prier; ce qui leur eût donné la force d'être témoins de la terrible agonie du Fils de Dieu. Comme ils devaient voir ses souffrances sur la croix, cela les eût préparés à comprendre en quelque sorte la nature de l'angoisse excessive qu'il endurait. Ils auraient pu mieux se rappeler les paroles qu'il leur avait dites concernant ses souffrances, sa mort et sa résurrection; et au milieu de la tristesse de cette heure d'épreuve, quelques rayons de lumière eussent éclairé les ténèbres et soutenu leur foi. Christ leur avait dit ces choses avant qu'elles arrivassent. Il savait quelle puissance le prince des ténèbres mettrait en jeu pour paralyser les sens de ses disciples au moment où ils devraient veiller et prier. VJC 452 1 Lorsque Jean entra dans le palais de Caïphe, il n'essaya point de cacher qu'il était un des disciples de Jésus. Il ne se mêla point aux hommes grossiers qui abreuvaient son Maître d'insultes et de moqueries. On ne lui adressa point de questions, car il n'essaya pas de se faire passer pour ce qu'il n'était pas, s'exposant à être soupçonné. Il s'efforça de se retirer dans un lieu où la foule ne l'observerait point, mais tout en étant aussi près de Jésus qu'il lui fût possible de l'être. De ce lieu, il pouvait entendre et voir tout ce qui se passait concernant le jugement de son Seigneur. VJC 452 2 Si Pierre avait eu à combattre pour son Maître, il se serait montré un hardi et courageux soldat; mais il perdit tout courage lorsqu'un regard moqueur se tourna vers lui. Il est bien des gens qui n'hésiteraient point à s'engager dans une lutte active pour leur Seigneur, et qui renieront leur foi s'ils sont exposés au ridicule de leurs ennemis. Ils se placent sur le chemin de la tentation lorsqu'ils se joignent à ceux qu'ils devraient éviter. Ils invitent ainsi l'ennemi à les tenter, et sont poussés à faire et à dire ce dont ils ne se seraient jamais rendus coupables dans d'autres circonstances. Le disciple de Christ qui, de nos jours, cache sa foi par crainte des souffrances et des moqueries, renie tout autant son Maître que le fit Pierre dans la maison de Caïphe. Il y a toujours des gens qui se vantent de leur liberté de pensées et d'actions, et qui rient des scrupules de conscience de celui qui craint de mal agir. Pourtant, si ces personnes justes renoncent à leur foi, elles sont méprisées par ceux-là même qui ont été les agents de Satan pour les tenter et les perdre. VJC 453 1 Pierre, aussi bien que Jean, vit une grande partie du faux semblant de jugement que l'on faisait subir à Jésus. Il était nécessaire de donner un air de légalité à ce jugement; mais on l'entourait d'un grand secret, de crainte que le peuple ne fût informé de ce qui se passait, et ne vînt défendre Jésus, en rendant témoignage aux miracles qu'il avait faits. Cela eût attiré l'indignation du peuple sur le Sanhédrin; leurs actes eussent été condamnés et annulés; et Jésus eût été libéré pour recevoir de nouveau les hommages du peuple. VJC 453 2 Pendant qu'on réunissait les membres du Sanhédrin, Anne, et Caïphe, le souverain sacrificateur, questionnaient Jésus dans le but d'obtenir de lui quelque parole dont ils pussent se servir contre lui. Ils présentèrent deux accusations par lesquelles ils espéraient le condamner. La première accusation était qu'il troublait la paix, et était à la tête d'une rébellion. Si cette accusation pouvait être reconnue vraie, il serait condamné par les autorités romaines. L'autre accusation portait que Jésus était un blasphémateur. Si cette dernière était prouvée, cela assurerait sa condamnation par les Juifs. VJC 453 3 Le souverain sacrificateur questionna Jésus concernant sa doctrine, et les disciples qui croyaient en lui. Jésus répondit brièvement: "J'ai parlé ouvertement à tout le monde; j'ai toujours enseigné dans la synagogue et dans le temple, où les Juifs s'assemblent de toutes parts, et je n'ai rien dit en cachette. Pourquoi m'interroges-tu? Interroge ceux qui ont entendu ce que je leur ai dit; ces gens-là savent ce que j'ai dit."1 VJC 453 4 Jésus savait très bien que celui qui le questionnait désirait obtenir de lui quelques paroles qui éveillassent les craintes des autorités romaines, en leur faisant croire que Jésus cherchait à former une société secrète dans le but d'établir finalement un nouveau royaume. C'est pourquoi Jésus lui déclare positivement qu'il n'avait jamais eu de secret concernant son but ou ses doctrines. Se tournant vers celui qui l'interrogeait, il lui dit d'un ton et d'une manière qui le surprirent: "Pourquoi m'interroges-tu?" Les sacrificateurs et les gouverneurs n'avaient-ils pas envoyé des espions pour surveiller tous ses mouvements, et rapporter chacune de ses paroles? N'avaientils pas été présents à chaque rassemblement du peuple, et n'avaient-ils pas informé les sacrificateurs de tout ce qu'il avait dit et de tout ce qu'il avait fait? "Interroge ceux qui ont entendu ce que je leur ai dit"; ces paroles étaient un reproche pour Anne, qui l'avait poursuivi pendant des mois, cherchant à le faire tomber dans un piége, et à l'amener devant un tribunal secret où le peuple n'aurait aucun accès, afin d'obtenir par le parjure ce qu'il lui était impossible de gagner par adresse. VJC 454 1 Les paroles de Jésus étaient si pénétrantes que le souvevain sacrificateur comprit que son prisonnier lisait jusqu'au fond de son âme. Quoique Anne fût rempli de haine en entendant les paroles de Jésus, il déguisa sa pensée jusqu'à ce qu'il eût une meilleure occasion de donner lieu à sa méchanceté et à sa jalousie. Mais un des serviteurs du souverain sacrificateur, prétendant que son maître n'était point traité avec le respect qui lui était dû, frappa Jésus au visage en lui disant: "Est-ce ainsi que tu réponds au souverain sacrificateur?" A cette insultante question et à ce soufflet, Jésus répondit doucement: "Si j'ai mal parlé, fais voir ce que j'ai dit de mal; et si j'ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu?" VJC 454 2 La Majesté du ciel aurait pu appeler à son aide des légions d'anges pour la protéger contre la malignité de ses ennemis; mais c'était sa mission, comme substitut de l'homme, de supporter avec douceur les coups et les fouets, laissant aux enfants des hommes un exemple de support et de patience. Ceux en la puissance desquels Jésus était tombé, n'avaient aucun respect de sa sublime patience. Le voyant ainsi supporter passivement leurs outrages, ils l'abreuvèrent des insultes les plus viles que leurs coeurs corrompus pussent inventer. VJC 454 3 Lorsque tout le conseil fut assemblé dans la cour du jugement, Caïphe prit sa place comme président de l'assemblée. Cet homme avait toujours regardé Jésus comme son rival. La simplicité du Sauveur, unie à son éloquence, avaient attiré de grandes foules, qui avaient écouté ses enseignements empreints d'une sagesse qu'on n'avait jamais entendu sortir des lèvres des souverains sacrificateurs ou des scribes. L'ardent désir du peuple d'entendre Jésus, et sa disposition à accepter ses doctrines, avaient provoqué l'amère jalousie du souverain sacrificateur. VJC 455 1 Jésus était debout, calme et tranquille, devant le souverain sacrificateur, pendant que les yeux de la foule étaient arrêtés sur lui, et que la plus grande excitation régnait autour de lui. Pendant un moment, Caïphe regarda son captif, frappé d'une admiration soudaine à la vue de la dignité de sa contenance. Il se sentit convaincu que cet homme était en rapport avec Dieu; mais aussitôt il bannit cette pensée en se moquant des suggestions de son esprit. Immédiatement, sa voix s'éleva, et s'adressant à Jésus d'un ton moqueur et hautain, il lui demanda d'accomplir devant lui un de ces puissants miracles qui lui avaient donné une telle réputation parmi le peuple; mais ces paroles ne firent pas plus d'effet sur le Sauveur que s'il ne les avait pas entendues. VJC 455 2 Le peuple comparait involontairement l'excitation et la malice que manifestaient Anne et Caïphe, avec le port calme et majestueux de Jésus. Une sainte influence semblait émaner du Sauveur, et pénétrer l'atmosphère qui l'entourait. La question s'éleva même dans les esprits de la multitude endurcie qui était présente, si cet homme, qui était semblable à un Dieu, devait être jugé comme un criminel ordinaire. Caïphe, s'apercevant de l'influence qu'exerçait Jésus, précipita le jugement. Il était assis sur sa chaise judiciaire pendant que Jésus se tenait à ses pieds. De chaque côté, se tenaient les juges et ceux qui étaient spécialement intéressés au jugement. Les soldats romains étaient rangés sur la plate-forme, en dessous de la chaise judiciaire. VJC 455 3 Le souverain sacrificateur dans ses pompeux vêtements, avec sa tiare étincelante et son précieux pectoral, sur lequel la lumière de la gloire de Dieu avait autrefois souvent réfléchi se leva. Les vêtements grossiers de Jésus contrastaient étrangement avec cette pompe. Et pourtant, celui qui était ainsi pauvrement vêtu, avait régné à la cour du ciel, couronné et revêtu de magnificence, au milieu des saints anges. Dans ce moment, il était au pied d'un trône, siége judiciaire terrestre, pour y être jugé. VJC 456 1 Les sacrificateurs et les gouverneurs réunis en conseil avaient décidé de condamner Jésus, qu'ils pussent fournir ou non des preuves de culpabilité. Il était nécessaire de présenter contre lui des accusations qui le fissent regarder comme criminel par le pouvoir romain, faute de quoi il leur était impossible d'agir légalement contre lui. Ses accusateurs pouvaient trouver assez de gens qui témoigneraient qu'il avait censuré les sacrificateurs et les scribes, qu'il les avait appelés hypocrites et meurtriers; mais cela n'aurait eu aucun poids auprès des Romains, qui dédaignaient eux-mêmes les prétentions des pharisiens. Une telle accusation n'aurait également eu aucun poids auprès des sadducéens; car dans leurs vives disputes avec les pharisiens, ils s'étaient eux-mêmes servis de paroles tout aussi fortes. Ses accusateurs eurent soin de ne pas soulever l'opposition des pharisiens contre les sadducéens; car si les deux partis étaient entrés en contestation l'un avec l'autre, Jésus eût sans doute échappé de leurs mains. VJC 456 2 Ils pouvaient produire d'abondantes preuves que Jésus avait méprisé leurs traditions et avait parlé sans respect de maintes ordonnances qu'ils observaient; mais une telle accusation aurait été sans valeur et sans poids auprès des Romains et des sadducéens. Ils n'osèrent l'accuser d'avoir violé le Sabbat, de crainte qu'un examen ne révélât quelle sorte d'oeuvres il avait faites en ce jour. Dans ce cas, les miracles qu'il avait accomplis pour guérir les malades, eussent été mis en lumière, et leur dessein eût été renversé. VJC 456 3 Christ avait dit, concernant le temple de son corps, qu'il pouvait le détruire et le relever de nouveau en trois jours. Ses auditeurs avaient compris que ses paroles se rapportaient au temple de Jérusalem. Et sauf ces paroles, les sacrificateurs ne pouvaient rien trouver, dans tout ce que Jésus avait dit, de quoi l'accuser. Les Romains s'étaient occupés de rebâtir, d'embellir le temple. Ils le regardaient avec orgueil, comme un monument de la science et des arts; et les sacrificateurs comptaient sur leur indignation, lorsqu'il serait prouvé que Jésus, qui n'était qu'un simple homme, avait déclaré pouvoir le reconstruire en t ois jours, si jamais il était détruit. Sur ce terrain, Juifs et Romains, pharisiens et sadducéens, pouvaient se rencontrer; car tous avaient une grande vénération pour le temple. VJC 457 1 Ils avaient en outre de faux témoins pour témoigner que Jésus était coupable d'incitation à la révolte, et cherchait à établir un gouvernement séparé. Ils espéraient que ceci exciterait assez les appréhensions des Romains pour arriver au but désiré. Mais lorsque ces témoins furent appelés, leur témoignage était si vague et si contradictoire qu'on n'en put rien faire. Lorsqu'on les confronta, ils furent entraînés à fausser leurs propres dépositions. Il était de plus en plus clair pour le peuple qu'on ne pouvait soutenir les accusations portées contre Jésus. La vie du Sauveur avait été tellement exempte de fautes, sa doctrine si pure, que l'envie et la méchanceté avaient peine à trouver quoi que ce fût qui pût être dénaturé. VJC 457 2 A la fin, on trouva deux témoins dont les dépositions n'étaient point aussi contradictoires que l'avaient été celles des autres. L'un deux, homme corrompu, qui avait vendu son honneur pour une somme d'argent, parla de Christ comme s'il eût été semblable à lui: "Cet homme a dit: Je puis détruire le temple de Dieu, et le rebâtir dans trois jours."1 Dans le langage figuré de la prophétie, Jésus avait ainsi prédit sa propre mort et sa résurrection, sa lutte et sa victoire; mais ses ennemis, pour arriver à leur fin, avaient fait une fausse interprétation de ses paroles. Les paroles de Jésus étaient esprit et vérité; l'accusation était fausse et malicieuse. Si les paroles de Jésus avaient été rapportées exactement comme il les avait prononcées, elles n'auraient rien eu d'offensant. S'il eût été un simple homme, comme ils le prétendaient, sa déclaration n'aurait fait qu'indiquer un esprit orgueilleux et déraisonnable; mais on n'aurait pu en faire un blasphème. VJC 458 1 Caïphe somma Jésus de répondre à l'accusation qui était faite contre lui; mais le Sauveur, sachant que sa condamnation était déjà résolue, ne lui répondit rien. L'accusation faite par les deux derniers témoins ne prouvait rien contre lui qui fût digne de mort; et Jésus lui-même demeura calme et silencieux. Les sacrificateurs et les gouverneurs commencèrent à craindre de ne pouvoir, en fin de compte, atteindre leur but. Ils étaient déçus et embarrassés de voir qu'ils avaient échoué à faire condamner le prisonnier par le moyen des faux témoins. Leur seule espérance était de faire parler Jésus, et de lui faire dire quelque chose qui le condamnerait devant le peuple. VJC 458 2 Le silence que Jésus garda dans cette occasion, avait déjà été décrit par le prophète Esaïe dans une vision prophétique: "On le presse et on l'accable, et il n'a point ouvert sa bouche; il a été mené à la tuerie comme un agneau, et comme une brebis muette devant celui qui la tond; et il n'a point ouvert sa bouche."1 VJC 458 3 Alors, le souverain sacrificateur levant la main droite vers le ciel de la manière la plus imposante, et s'adressant à Jésus d'un ton solennel, lui dit: "Je t'adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu."2 A cet appel fait par la plus haute autorité reconnue dans la nation, et au nom du Très-Haut, Jésus, pour montrer lé respect qu'il avait de la loi, répondit: "Tu l'as dit." Toutes les oreilles étaient tendues pour l'écouter, et tous les yeux étaient fixés sur lui, lorsque, d'une voix calme et digne, il fit cette réponse. La lumière céleste sembla illuminer son pâle visage, lorsqu'il ajouta: "Et même je vous dis que vous verrez ci-après le Fils de l'homme assis à la droite de la puissance de Dieu, et venant sur les nuées du ciel." VJC 458 4 Pendant un instant, la divinité de Christ perça à travers son humanité; et le souverain sacrificateur faiblit sous le regard pénétrant du Sauveur. Ce regard semblait lire ses pensées les plus secrètes, et brûler au fond de son coeur; jamais il ne put oublier ce coup d'oeil pénétrant du Fils de Dieu persécuté. Jésus avait fait cette confession volontaire, se réclamant du titre de Fils de Dieu, publiquement, et sous le serment le plus solennel. Il présenta aux esprits de ceux qui étaient présents le revers de la scène qui se passait devant eux, lorsque, Seigneur de la vie et de la gloire, il serait assis à la droite de Dieu, le juge suprême des cieux et de la terre, et dont les jugements sont sans appel. Il leur représenta ce jour où, au lieu d'être entouré d'une populace tumultueuse qui l'outrageait, à la tête de laquelle se trouvaient les sacrificateurs et les juges du pays, il viendrait sur les nuées du ciel avec puissance et grande gloire, escorté de ses légions d'anges, pour prononcer le jugement de ses ennemis. VJC 459 1 Jésus savait quel serait le résultat de ses paroles; il savait qu'elles entraîneraient sa condamnation. Les sacrificateurs avaient maintenant atteint leur but, Jésus avait lui-même déclaré être le Christ. Le souverain sacrificateur, pour faire supposer à ceux qui étaient présents qu'il était jaloux pour la Majesté divine insultée, déchira ses vêtements; et, levant ses mains vers le ciel comme plein d'une sainte indignation, il dit d'une voix propre à exciter le peuple à la violence: "Il a blasphémé; qu'avons-nous plus besoin de témoins? Vous venez d'entendre son blasphème. Que vous en semble?" La réponse des juges fut: "Il a mérité la mort." VJC 459 2 Les sacrificateurs et les juges, remplis de joie de l'avantage qu'ils pouvaient tirer des paroles de Jésus, mais cachant soigneusement leur satisfaction malicieuse, se pressèrent alors autour de lui; et comme s'ils ne pouvaient croire qu'ils avaient bien entendu, ils lui demandèrent tous ensemble: "Si tu es le Christ, dis-le nous."1 Jésus regardant avec calme ceux qui le questionnaient si hypocritement, répondit: "Si je vous le dis, vous ne le croirez point; et si je vous interroge aussi, vous ne me répondrez point, ni ne me laisserez point aller." Jésus aurait pu repasser les prophéties, et donner à ses accusateurs des preuves que les choses mêmes qui se passaient alors avaient été prédites du Messie. Il aurait ainsi pu les réduire au silence; mais ils n'auraient point cru quand même. Il aurait pu leur rappeler ses puissants miracles; mais ils avaient fermé leurs coeurs à la lumière céleste, et aucune puissance ne pouvait les changer. VJC 460 1 Il y eut dans cette assemblée quelques hommes qui prirent garde aux paroles de Jésus, et qui remarquèrent son attitude divine, ses traits exempts de crainte, devant ses juges irrités. En ce jour-là, la semence de l'Evangile pénétra dans des coeurs où elle devait croître et rapporter une abondante moisson. Le respect et la crainte que ces paroles inspirèrent dans les coeurs de beaucoup de ceux qui les entendirent, devaient augmenter et développer une foi parfaite en Jésus, comme Rédempteur du monde. Quelques-uns des témoins de cette scène se trouvèrent plus tard dans la même position que Jésus en présence du Sanhédrin, et virent leurs vies exposées à la mort, parce qu'ils étaient les disciples de Jésus. VJC 460 2 Lorsque la condamnation de Jésus eut été prononcée par les juges, une fureur satanique s'empara de la populace. Le bruit des voix était semblable aux cris de bêtes sauvages. Ils se précipitèrent vers Jésus, criant qu'il était coupable, qu'on devait le mettre à mort; et sans les soldats romains, Jésus n'aurait pas vécu jusqu'au moment où il fut cloué à la croix du Calvaire. Il aurait été mis en pièces devant ses juges, si l'autorité romaine ne s'était point interposée pour arrêter par la force des armes les violences de la populace. VJC 460 3 Quoique Jésus fût lié, il fut pourtant gardé et tenu par deux hommes, de crainte qu'il n'échappât des mains de ses persécuteurs. Alors les juges et les gouverneurs oublièrent entièrement la dignité de leur office, et accablèrent le Fils de Dieu d'épithètes grossières, le raillant de sa parenté, et déclarant que sa prétention au titre de Messie, malgré sa basse extraction, lui méritait la mort la plus ignominieuse. Les hommes les plus dégradés prirent part aux traitements infâmes que subissait le Sauveur. On lui jeta sur la tête un vieux vêtement, et ses persécuteurs le frappaient à la face, en se moquant et en criant: "Christ! devine qui est celui qui t'a frappé."1 Lorsqu'on lui enleva le vêtement de dessus sa tête, un pauvre misérable lui cracha au visage; mais le Sauveur n'adressa ni parole ni regard de représailles aux âmes corrompues qui l'environnaient, et qui avaient mis de côté toute retenue, ayant vu que les sacrificateurs et les gouverneurs encourageaient leurs actes. VJC 461 1 Jésus sentait que les armées du ciel étaient témoins de son humiliation, et que s'il eût invité le dernier des anges à venir à son aide, ce dernier eût instantanément dispersé cette populace outrageante et l'eût délivré de leur pouvoir. Par un regard ou une parole de sa divinité, Jésus lui-même eût pu renverser à terre cette multitude irritée, ou la chasser de sa présence comme il avait chassé ceux qui profanaient le temple. Mais il rentrait dans le plan de la rédemption qu'il souffrît les moqueries et les mauvais traitements des méchants; et il consentit à tout cela, lorsqu'il devint le Rédempteur de l'homme. Les anges de Dieu notaient fidèlement tout regard, toute parole et tout acte insultant dirigés contre leur bien-aimé Chef; et les hommes vils qui se moquèrent de lui et crachèrent sur le visage calme et pâle de Christ, devront un jour le regarder dans sa gloire plus éclatante que le soleil. Dans ce terrible moment, ils adresseront leur prière aux rochers des montagnes: "Tombez sur nous, et cachez-nous de devant la face de celui qui est assis sur le trône, et de devant la colère de l'Agneau."2 VJC 461 2 Jésus était poussé çà et là, et tellement insulté et maltraité, qu'à la fin les officiers romains furent honteux et irrités de ce qu'un homme contre lequel rien n'avait encore été prouvé jusque-là, fût soumis aux traitements brutaux des hommes les plus vils. Par conséquent, ils accusèrent les autorités juives de s'arroger l'exercice d'un pouvoir qui ne leur appartenait pas, en jugeant un homme et en le condamnant à mort. Ils déclarèrent qu'en faisant cela, ils empiétaient sur le pouvoir romain, et que c'était même contre la loi juive de condamner un homme à mort sans l'avoir entendu. Cette intervention de l'autorité romaine, calma un peu cette violente excitation. VJC 462 1 Dans ce moment même, une voix rauque se fit entendre dans la cour, voix qui fit passer un frisson de terreur dans les coeurs de tous ceux qui étaient présents: Il est innocent! Epargne-le, Caïphe! il n'a rien fait qui soit digne de mort. On aperçut la haute taille de Judas, qui se frayait un chemin à travers la foule effrayée. Son visage était pâle et ses yeux hagards, son front était baigné de grosses gouttes de sueur. Il s'approcha de la chaise judiciaire, et jeta devant le souverain sacrificateur les pièces d'argent qu'il avait reçues comme prix de la trahison de son Seigneur. Saisissant avec énergie la robe de Caïphe, il le supplie de relâcher Jésus, déclarant qu'il était innocent de tout crime. Caïphe le repoussa avec colère, mais il était confus, et ne savait que dire. La perfidie des sacrificateurs était ainsi révélée devant le peuple. Tous voyaient évidemment que Judas avait été débauché pour livrer Jésus entre les mains de ceux qui cherchaient sa vie. VJC 462 2 Judas continuait de supplier Caïphe de ne rien faire contre Jésus, déclarant qu'il était certainement le Fils de Dieu, et se maudissant d'avoir trahi le sang innocent. Mais le souverain sacrificateur, reprenant possession de lui-même, répondit d'un ton hautain et méprisant: "Que nous importe? tu y pourvoiras."1 Puis il représenta au peuple que Judas était un pauvre maniaque, un des disciples insensés de Jésus, recommandant de ne se laisser influencer par rien à relâcher le prisonnier, qui était un vil imposteur. VJC 462 3 Voyant que ses prières étaient vaines, Judas tomba aux pieds de Jésus, le reconnaissant comme Fils de Dieu, implorant le pardon de son péché, et le priant d'exercer sa puissance divine pour se délivrer de ses ennemis. Le Sauveur n'adressa pas un regard, pas une parole de reproche à celui qui l'avait trahi. Il savait qu'il souffrait le remords le plus amer à la pensée de son crime. Il le regarda avec compassion, et déclara que c'était pour cette heure qu'il était venu dans le monde. VJC 463 1 Un murmure de surprise parcourut l'assemblée à la vue de la patience divine que Jésus manifestait. La pensée que cet homme était plus qu'un mortel s'empara de nouveau de leur esprit. Mais ils se posèrent cette question: Pourquoi, s'il est véritablement le Fils de Dieu, ne rompt-il point ses liens, et n'échappe-t-il point triomphant à ses accusateurs? VJC 463 2 L'amour de l'argent avait perverti ce qu'il y avait de plus noble en Judas, faisant de lui un agent que Satan pût convenablement employer dans la trahison de Christ. Lorsque Judas avait été mécontent de la réprimande indirecte que Jésus avait adressée à son esprit d'avarice, quand Marie oignit le Seigneur d'un parfum de grand prix, il avait cédé au tentateur, et Satan avait eu un libre accès dans son esprit. Mais lorsqu'il s'était décidé à vendre son Maître aux sacrificateurs et aux gouverneurs meurtriers, il n'avait pas la moindre idée que son Maître se laisserait prendre. Il pensait que les sacrificateurs qui avaient voulu le suborner perdraient leur argent, que lui, le traître l'employerait selon son désir; et que ce ne serait qu'une nouvelle occasion pour Jésus de déployer sa puissance divine en échappant aux artifices de ses ennemis. VJC 463 3 Depuis le moment de sa trahison dans le jardin, Judas n'avait pas perdu de vue le Sauveur. Il s'était impatiemment attendu à le voir surprendre ses ennemis en paraissant devant eux comme Fils de Dieu, et en réduisant à néant leurs complots et leur puissance. Mais lorsqu'il le vit se soumettre avec douceur à leurs mauvais traitements, se laissant juger et condamner à mort, son coeur fut rempli de remords, et il comprit toute l'étendue de son crime: il avait vendu son Maître à l'ignominie et à la mort. Il se souvint combien Jésus avait été bon envers lui, et combien il lui avait témoigné d'égards; et les remords de sa conscience le remplirent d'angoisse. Il méprisa alors l'avarice que Jésus avait réprouvée en lui, et qui l'avait poussé à vendre le Sauveur pour quelques pièces d'argent. VJC 464 1 Voyant que ses supplications auprès du souverain sacrificateur ne pouvaient point sauver la vie de Jésus, il sortit de la cour plein de désespoir, en s'écriant: Il est trop tard! il est trop tard! Il se sentait incapable de vivre pour voir la crucifixion de son Maître; et, plein d'angoisse et de remords, il sortit et alla se pendre. VJC 464 2 L'argent que Judas avait jeté aux pieds du souverain sacrificateur fut ensuite employé pour l'achat d'un champ qui servit à la sépulture des étrangers. "Et les principaux sacrificateurs, ayant pris les pièces d'argent, dirent: Il n'est pas permis de les mettre dans le trésor sacré; car c'est le prix du sang. Et ayant délibéré, ils en achetèrent le champ d'un potier, pour la sépulture des étrangers. C'est pourquoi ce champ-là a été appelé, jusqu'à aujourd'hui, le champ du sang." VJC 464 3 Si l'on avait eu besoin d'un témoignage pour prouver l'innocence de Jésus, il se serait trouvé dans la confession de Judas. C'était non seulement une preuve de l'innocence du Sauveur, mais cet événement était un accomplissement direct de la prophétie. Le prophète Zacharie, dans une vision prophétique, avait contemplé et vu à travers les âges le jugement du Fils de Dieu. Voici de quelle manière l'acte de Judas est décrit: "Et je leur dis: S'il vous semble bon, donnez-moi mon salaire; sinon, ne me le donnez pas. Alors ils pesèrent mon salaire, trente pièces d'argent. Et l'Eternel me dit: Jette-les pour un potier, c'est le prix honorable auquel je suis taxé par eux. Alors je pris les trente pièces d'argent, et je les jetai dans la maison de l'Eternel pour un potier."1 ------------------------Chapitre 45 -- Condamnation de Jésus VJC 465 1 Lorsqu'on fit à Jésus la question: Es-tu le Fils de Dieu? il savait qu'une réponse affirmative rendrait sa mort certaine; un démenti eût laissé une tache sur son humanité. Il y avait un temps de se taire et un temps de parler. Il ne dit rien jusqu'à ce qu'on l'interrogeât positivement. Dans ses leçons à ses disciples, il avait déclaré: "Quiconque donc me confessera devant les bommes, je le confesserai aussi devant mon Père qui est aux cieux."1 Quand on le somma de dire qui il était, Jésus ne nia point sa parenté avec Dieu. Dans ce moment solennel, il s'agissait de son caractère, et il devait être défendu. Il laissa en cette occasion un exemple que l'homme doit suivre dans de semblables circonstances. Il lui enseigne de ne point renier sa foi pour échapper aux souffrances et même à la mort. VJC 465 2 Si les Juifs en avaient eu l'autorité, ils eussent exécuté Jésus aussitôt après la condamnation précipitée de leurs juges; mais ce pouvoir avait passé entre les mains des Romains, et il était nécessaire que le cas fût renvoyé aux autorités légitimes de ce gouvernement pour obtenir une décision finale. Les Juifs désiraient hâter le jugement et l'exécution de Jésus; car si la chose n'était point faite immédiatement, il y aurait un délai d'une semaine à cause de la célébration immédiate de la Pâque. Dans ce cas, le Sauveur eût été gardé dans les liens, l'excitation de la populace qui demandait sa mort à grands cris eût été apaisée, et une réaction se serait naturellement produite. La meilleure partie du peuple se fût soulevée en sa faveur, et selon toute probabilité Jésus eût été relâché. Les sacrificateurs et les principaux sentaient qu'il n'y avait pas un moment à perdre. VJC 466 1 Tout le Sanhédrin, suivi de la populace, escorta Jésus jusqu'à la cour de Pilate, gouverneur romain, pour obtenir une confirmation du jugement qu'ils venaient de prononcer. Les sacrificateurs et les principaux juifs ne pouvaient entrer eux-mêmes dans la cour de Pilate, de crainte de se souiller, ce qui, suivant la loi cérémonielle, les eût rendus incapables de célébrer la fête de Pâque. Afin de condamner le Fils de Dieu, ils étaient forcés d'en appeler au jugement d'un homme dont ils n'auraient pas voulu franchir le seuil de la porte, de crainte de se souiller. Aveuglés par leurs préjugés et leur cruauté, ils ne pouvaient point comprendre que leur fête de Pâque n'avait aucune valeur puisqu'ils avaient souillé leur âme en rejetant Christ. La délivrance des enfants d'Israël, événement qu'ils commémoraient pendant la fête de Pâque, était un type du grand salut apporté par Jésus-Christ. L'innocent agneau tué en Egypte, dont le sang était aspergé sur les linteaux des portes afin que l'ange destructeur n'entrât point dans les maisons d'Israël, préfigurait l'Agneau de Dieu sans péché, par les mérites duquel l'homme déchu peut échapper au jugement et à la condamnation. Le Sauveur avait obéi à la loi juive, et il avait observé toutes ses ordonnances divinement établies. Il venait de s'identifier lui-même avec l'agneau pascal, comme son grand antitype, en rattachant la sainte cène à la Pâque. Aussi, quelle amère moquerie que la cérémonie qu'allaient observer les sacrificateurs, persécuteurs de Jésus! VJC 466 2 Pilate vit dans l'accusé un homme portant des marques de violence, mais au visage tranquille et noble, au maintien digne. Le gouverneur romain avait jugé bien des cas, mais jamais auparavant il n'avait vu pareil homme se présenter devant lui. Il ne découvrait aucune trace de crime sur son visage, et il y avait dans l'apparence du prisonnier quelque chose qui excitait sa sympathie et son respect. Il se tourna du côté des sacrificateurs qui se tenaient hors de la porte, et leur demanda: "Quelle accusation portez-vous contre cet homme?"1 VJC 467 1 Ils n'étaient point prêts à répondre à cette question. Leur intention n'était point d'entrer dans les détails du crime dont ils accusaient Jésus. Ils s'étaient attendus à ce que Pilate confirmât sans délai leur jugement contre le Sauveur. Ils répondirent néanmoins qu'ils avaient jugé le prisonnier suivant leur loi, et l'avaient trouvé digne de mort. Ils ajoutèrent: "Si cet homme n'était pas un malfaiteur, nous ne te l'aurions pas livré." Mais Pilate ne fut point satisfait de l'explication des Juifs; il leur rappela qu'ils n'avaient pas le droit de faire exécuter la loi. Il leur fit comprendre que si leur jugement seul était nécessaire pour le faire condamner, il était inutile de lui amener le prisonnier. "Prenez-le vousmêmes, leur dit-il, et le jugez selon votre loi." VJC 467 2 Les perfides sacrificateurs sentirent que leur ruse était déjouée; ils virent qu'il ne suffirait point de spécifier les raisons pour lesquelles ils avaient condamné Jésus. L'accusation de blasphème serait regardée par Pilate comme un témoignage de bigoterie religieuse et de jalousie sacerdotale; et il les eût aussitôt renvoyés. Mais s'ils pouvaient exciter les craintes du gouverneur romain en disant que Jésus était un fauteur de séditions, leur but serait atteint. Il éclatait constamment, parmi les Juifs, des troubles et des insurrections contre le gouvernement romain; car un grand nombre affirmaient que c'était contraire à la loi juive de payer un tribut à une puissance étrangère. Les autorités avaient jugé nécessaire d'agir très rigoureusement contre ces révoltes du peuple, et surveillaient avec soin les commencements d'émeutes, afin de les réprimer immédiatement. Mais Jésus avait toujours obéi au pouvoir régnant. Lorsque les rusés sacrificateurs avaient cherché à le surprendre, en lui envoyant des espions pour lui poser cette question: "Est-il permis de payer le tribut à César, ou non?" il avait attiré leur attention sur l'image et l'inscription de la monnaie tributaire, et avait répondu: "Rendez donc à César ce qui appartient à César." Jésus lui-même avait payé le tribut, et avait appris à ses disciples à agir ainsi. VJC 468 1 Dans leur embarras, les sacrificateurs appelèrent les faux témoins à leur aide. "Ils commencèrent à l'accuser en disant: Nous avons trouvé cet homme séduisant la nation, et défendant de donner le tribut à César et se disant le Christ, le Roi."1 VJC 468 2 Pilate ne fut point dupe de ce témoignage. Il eut alors la conviction qu'un noir complot avait été ourdi contre un homme innocent, qui se trouvait être au chemin des dignitaires juifs. Il se tourna du côté du prisonnier, l'interrogea et lui dit: "Es-tu le roi des Juifs? Jésus lui répondit: Tu le dis." Jésus était devant Pilate, pâle, brisé et défaillant, par le manque de sommeil et de nourriture. Il avait été conduit de lieu en lieu, exposé aux insultes et aux violences; pourtant, son port était noble, et son visage était comme éclairé d'un rayon de soleil. VJC 468 3 Lorsque Caïphe, qui se tenait sur le seuil de la porte du prétoire, eut entendu cette réponse, il se joignit à d'autres pour en appeler au témoignage de Pilate, disant que Jésus avait admis son crime par sa réponse, qui était un aveu virtuel qu'il avait cherché à établir son règne en Judée en opposition au pouvoir de César. Sacrificateurs, scribes et principaux, accusaient bruyamment Jésus, et demandaient importunément à Pilate de le condamner à mort. Le tumulte désordonné des sacrificateurs et des dignitaires du temple troubla le gouverneur romain. Finalement, lorsque la tranquillité se fut un peu rétablie, il s'adressa de nouveau à Jésus, en disant: "Ne réponds-tu rien? Vois combien de choses ils avancent contre toi. Mais Jésus ne répondit plus rien; de sorte que Pilate en était tout surpris."2 Le silence du Sauveur l'intriguait. Il ne voyait rien dans le prisonnier qui pût le faire prendre pour un séditieux, et il n'avait aucune confiance dans les accusations des sacrificateurs. Espérant obtenir de lui la vérité, et échapper aux clameurs de la populace excitée, il demanda à Jésus d'entrer avec lui dans sa maison. Lorsqu'ils se trouvèrent tous deux seuls, Pilate se tourna vers Jésus, et lui dit respectueusement: "Es-tu le roi des Juifs?"1 VJC 469 1 Jésus ne répondit pas directement à cette question. Il savait que le coeur de Pilate commençait à être convaincu, et il désirait lui donner l'occasion de reconnaître combien son esprit avait été influencé dans une mauvaise direction. C'est pourquoi il lui demanda: "Dis-tu ceci de ton propre mouvement, ou si d'autres te l'ont dit de moi?" Le Sauveur désirait que Pilate lui avouât si cette question lui était suggérée par les accusations que venaient de faire les Juifs, ou par le désir d'être éclairé par Christ. Pilate désirait ardemment avoir une foi plus éclairée. La dignité de Jésus, son calme, son sang-froid dans une position propre à faire naître un esprit de haine et de vengeance, étonnaient Pilate, et le remplissaient d'un profond respect. Il comprit immédiatement la question directe que lui faisait Jésus, ce qui prouve que son âme commençait à se laisser convaincre. Mais l'orgueil s'éleva dans le coeur du juge romain, et il repoussa les appels de l'Esprit de Dieu. Pilate répondit: "Suis-je Juif? Ta nation et les principaux sacrificateurs t'ont livré à moi: Qu'as-tu fait?" VJC 469 2 Le moment opportun avait passé pour Pilate. Pourtant, Jésus ne le quitta point sans l'éclairer encore. A son désir, Dieu envoya un ange à la femme de Pilate, et, dans un songe, il lui fut montré la vie pure et le saint caractère de l'homme qui allait être condamné à une mort cruelle. Jésus ne répondit pas directement à la question de Pilate quant à ce qu'il avait fait; mais il lui annonça clairement quelle était sa mission: VJC 469 3 "Mon règne n'est pas de ce monde. Si mon règne était de ce monde, mes gens combattraient, afin que je ne fusse pas livré aux Juifs; mais maintenant mon règne n'est point d'ici-bas. Alors Pilate lui dit: Tu es donc roi? Jésus répondit: Tu le dis: je suis roi; je suis né pour cela, et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est pour la vérité écoute ma voix." VJC 470 1 Jésus cherchait à convaincre Pilate qu'il n'aspirait point sur cette terre à des honneurs princiers. Pilate avait été embarrassé par les éléments confus et divisés du monde religieux, et son esprit saisissait avec avidité les paroles de Jésus qui déclarait être venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Pilate avait entendu crier maintes fois: Voici la vérité! Nous avons la vérité! Mais cet homme, traité comme un criminel, faisait naître dans son coeur un ardent désir de connaître ce qu'elle était, et comment on pouvait l'obtenir. Il demanda à Jésus: "Qu'est-ce que la vérité?" Mais il n'attendit pas la réponse; le tumulte de de la foule excitée augmentait continuellement; leurs cris impatients frappèrent ses oreilles et lui rappelèrent sa qualité de juge. Il sortit auprès des Juifs qui se tenaient hors de la porte du prétoire, et leur déclara d'une voix sonore: "Je ne trouve aucun crime en lui." VJC 470 2 Ces paroles, tracées par la plume de l'inspiration, seront pour le monde une preuve éternelle de la basse perfidie et de la déloyauté des Juifs dans leurs accusations contre le Sauveur. Le magistrat païen lui-même le déclarait innocent. Comme Pilate prononçait ces mots, la rage des sacrificateurs et des anciens ne connut plus de bornes. Ils s'étaient efforcés d'obtenir la mort de Jésus; et lorsqu'ils virent qu'il y avait quelque apparence qu'il fût relâché, ils parurent prêts à le mettre en pièces. Ils perdirent toute raison et tout empire d'eux-mêmes, et se mirent à prononcer des blasphèmes et des malédictions contre lui, agissant comme des démons plutôt que comme des hommes. Ils censurèrent hautement Pilate, et le menacèrent de la vengeance de la loi romaine s'il refusait de condamner un homme qui, affirmaient-ils, s'était élevé contre César. VJC 470 3 Pendant tout ce tumulte, Jésus se tenait tranquille, ne répondant pas une parole aux insultes et aux accusations dont on l'accablait. Il avait parlé librement à Pilate, lorsqu'il était seul avec lui, afin que la lumière de sa vérité illuminât l'intelligence obscurcie du gouverneur romain; mais alors il ne pouvait plus rien dire qui l'empêchât de commettre l'acte épouvantable de condamner à mort le Fils de Dieu. Pilate s'adressa de nouveau à Jésus et lui dit: "N'entends-tu pas combien de choses ils déposent contre toi? Mais il ne lui répondit quoi que ce soit; de sorte que le gouverneur en était fort surpris."1 VJC 471 1 On entendit alors des voix irritées déclarant que Jésus avait une influence séditieuse bien connue dans toute la contrée; elles disaient: "Il soulève le peuple, enseignant par toute la Judée, ayant commencé depuis la Galilée jusqu'ici."2 En ce moment, Pilate n'avait point la pensée de condamner Jésus, parce qu'il était convaincu qu'il était victime de l'envie et de l'artifice des sacrificateurs. Comme il le dit ensuite à Jésus, il avait le pouvoir de le condamner ou de le relâcher; mais il craignait de mécontenter le peuple; de sorte que quand il entendit que Jésus était de la Galilée, de la juridiction d'Hérode, il saisit l'occasion de se tirer d'embarras, et refusa de prendre une décision, en envoyant Jésus à Hérode qui était alors à Jérusalem. VJC 471 2 Jésus était affaibli et fatigué par le manque de sommeil et de nourriture, et par suite des mauvais traitements qu'il avait reçus; pourtant, son état de souffrances n'éveilla aucune pitié dans le coeur de ses persécuteurs. Il fut conduit au palais d'Hérode, au milieu des cris et des insultes d'une populace impitoyable. Non seulement Pilate cherchait à éviter la responsabilité de juger Jésus, mais il pensait encore que ce serait une bonne occasion de mettre fin à une ancienne querelle entre lui et Herode. Il espérait qu'Hérode envisagerait cet acte comme une reconnaissance de son autorité supérieure, et qu'une réconciliation s'ensuivrait. En ceci, il ne se trompait point; car les deux magistrats devinrent amis, d'ennemis qu'ils étaient auparavant. VJC 472 1 La première fois qu'Hérode avait entendu parler de Jésus et des grands miracles qu'il accomplissait, il avait été frappé de terreur, et avait dit: "C'est ce Jean que j'ai fait décapiter; il est ressuscité d'entre les morts." "C'est pour cela que les puissances du ciel agissent en lui."1 Jamais auparavant Hérode n'avait rencontré Jésus, mais depuis longtemps il avait désiré le voir pour être témoin de sa puissance merveilleuse. Il prit grand plaisir à voir qu'on le lui amenait comme prisonnier; car il n'avait aucun doute qu'il ne pût le forcer de faire un miracle, à condition qu'il eût la vie sauve. La conscience d'Hérode était beaucoup moins délicate qu'au jour où il avait tressailli d'horreur à l'ouïe de la demande d'Hérodias concernant la tête de Jean-Baptiste. Pendant un certain temps, il avait éprouvé les cuisants reproches de sa conscience pour l'acte terrible qu'il avait commis en satisfaisant la vengeance d'une femme cruelle; mais sa vie licencieuse avait émoussé de plus en plus son sens moral, au point que ses péchés ne lui paraissaient plus que comme des vétilles. Les hommes qui sont capables des plus grands crimes, sont ceux qui ont été une fois convaincus par l'Esprit de la vérité, et qui se sont détournés de la lumière pour se plonger dans les ténèbres du péché. Hérode était presque devenu disciple de Jean; mais au point même de prendre une décision, il était tombé dans les piéges de Satan, et avait mis à mort l'homme qu'il savait être un vrai prophète. VJC 472 2 Comme le Sauveur était amené devant Hérode, la foule tumultueuse se pressait autour de lui pour crier contre le prisonnier, les uns l'accusant d'une façon, les autres d'une autre. Hérode, ayant commandé le silence, ordonna qu'on déliât Jésus, car il désirait l'interroger. Il vit, avec une curiosité mêlée d'un sentiment de pitié le visage pâle et triste du Sauveur, qui portait les marques d'une profonde sagesse et d'une grande pureté, mais témoignait d'une faiblesse et d'une souffrance extrêmes. Hérode, aussi bien que Pilate, qui connaissait le caractère des Juifs, savait que c'étaient la malice et l'envie qui les avaient poussés à condamner cet homme innocent. VJC 473 1 Hérode pressa Jésus de sauver sa vie en accomplissant un miracle qui prouverait sa puissance divine. Mais le Sauveur n'avait aucune oeuvre pareille à faire. Il s'était revêtu de la nature humaine, et n'avait point à accomplir des miracles pour satisfaire la curiosité d'hommes méchants, ou pour s'épargner, en quoi que ce fût, la souffrance et l'humiliation qu'un simple homme eût souffertes dans de pareilles circonstances. Hérode l'engageait vivement à prouver qu'il n'était point un imposteur, en faisant démonstration de sa puissance devant la foule. Il avait fait amener dans ce but des personnes estropiées, des impotents et des gens défigurés, et, d'une manière autoritaire, il commanda à Jésus de les guérir en sa présence, disant avec insistance que s'il avait réellement accompli des cures aussi remarquables qu'on le lui avait rapporté, il avait encore la puissance de faire de tels miracles, et qu'il pouvait alors faire tourner la chose à son profit, puisqu'elle devait lui procurer son élargissement. VJC 473 2 Mais Jésus demeura devant le gouverneur hautain, aussi calme que s'il n'avait rien vu ni entendu. Hérode répéta d'une manière pressante sa proposition, et rappela plusieurs fois à Jésus qu'il avait le pouvoir de le relâcher ou de le condamner. Il osa même se vanter de la peine qu'il avait infligée au prophète Jean pour avoir eu la présomption de le réprimander. A tout cela, Jésus ne répondit rien. Hérode fut irrité du profond silence du prisonnier, silence qui indiquait une complète indifférence envers le personnage royal devant lequel il avait été amené. Une accusation ouverte eût été plus supportable au gouverneur vain et présomptueux, que d'être silencieusement ignoré de la sorte. VJC 473 3 Si Jésus avait désiré le faire, il eût pu prononcer des paroles qui eussent percé les oreilles du roi endurci. Il eût pu le frapper de crainte et de tremblement en lui exposant toute l'iniquité de sa conduite, et l'horreur du sort qui l'attendait. Mais Jésus n'avait aucune lumière à donner à un homme qui avait agi en contradiction directe avec la connaissance qu'il avait reçue du plus grand des prophètes. Les oreilles de Christ avaient toujours été ouvertes à la prière sincère des plus grands pécheurs eux-mêmes; mais il n'avait point d'oreilles pour les ordres d'Hérode. Ses yeux, qui s'étaient toujours arrêtés avec pitié et pardon sur le pécheur pénitent, quelque bas et souillé qu'il fût, n'avaient aucun regard à accorder à Hérode. Ce coeur, toujours touché en présence des malheurs de l'homme, était fermé au roi hautain qui n'éprouvait aucun besoin d'un Sauveur. VJC 474 1 Hérode ne put supporter plus longtemps le silence de Jésus; son visage devint blême de colère, et il se mit à menacer durement Jésus; mais le captif demeura impassible. Alors Hérode se tourna vers la multitude, et déclara que c'était un imposteur. Ses accusateurs savaient bien qu'il n'était point un imposteur. Ils avaient vu un trop grand nombre de preuves de sa puissance pour être trompés. Ils savaient que le sépulcre même s'était ouvert à son commandement; que le mort en était sorti, marchant plein de force et de vie. Ils avaient été fort effrayés lorsqu'Hérode lui avait commandé d'accomplir un miracle; car la chose qu'ils craignaient avant tout, était qu'il manifestât sa puissance divine, ce qui eût donné le coup de mort à leurs plans, et leur eût peut-être coûté la vie. C'est pourquoi les sacrificateurs et les gouverneurs commencèrent à crier contre lui avec véhémence, l'accusant d'accomplir des miracles par le pouvoir qui lui était donné de Béelzébul, le prince des démons. VJC 474 2 Hérode, se tournant vers Jésus, lui déclara avec colère que s'il refusait de parler, il le livrerait aux soldats qui auraient peu de respect pour ses prétentions ou sa personne; que s'il était un imposteur ce ne serait que ce qu'il méritait; mais que s'il était le Fils de Dieu, il pouvait se sauver en accomplissant un miracle. A peine ces paroles étaient-elles prononcées, que la populace, à l'instigation du sacrificateur, se précipita vers Jésus. Si les soldats romains n'avaient repoussé les assaillants, le Sauveur eût été mis en pièces. VJC 474 3 "Mais Hérode, avec les gens de sa garde, le traita avec mépris, et pour se moquer de lui, il le fit revêtir d'un habit éclatant." Mais comme Jésus se soumettait passivement à toutes les indignités dont on l'accablait, conservant un calme sans exemple, le roi fut rempli d'une soudaine crainte qu'après tout ce pouvait bien n'être pas un homme ordinaire qui était devant lui. Il était dans une grande perplexité lorsqu'il considérait le visage serein et pâle du prisonnier, et il se demanda si ce n'était point un Dieu descendu sur la terre. Le silence même de Jésus convainquait plus le coeur du roi qu'aucune parole n'eût pu le faire. Hérode remarqua que tandis que quelques-uns s'inclinaient devant Jésus par moquerie, d'autres, qui s'avançaient dans le même but, regardaient le visage du prisonnier, et y voyaient une expression si semblable à celle d'un roi, qu'ils s'en retournaient honteux de leur audace. Hérode était mal à l'aise, et quelque endurci qu'il fût, il n'osa ratifier la condamnation de Jésus; il renvoya par conséquent Jésus à Pilate. VJC 475 1 Le Sauveur des hommes, prêt à tomber de faiblesse, fut donc reconduit sans miséricorde dans la cour du gouverneur romain. Pilate en fut très irrité; car, lorsqu'il avait renvoyé les accusateurs de Jésus à Hérode, il s'était flatté d'être débarrassé d'une terrible responsabilité. Il demanda impatiemment aux Juifs ce qu'ils voulaient de lui. Il leur rappela qu'il avait déjà examiné le prisonnier, et n'avait trouvé aucune faute en lui; que ses accusateurs n'avaient pu soutenir une seule accusation contre lui; qu'il avait envoyé Jésus à Hérode, tétrarque de la Galilée, qui était de leur propre nation, et que ce dernier n'avait rien trouvé contre le prisonnier qui fût digne de mort. Pilate ajouta: "Ainsi, après l'avoir fait châtier, je le relâcherai."1 Pilate montre ici sa faiblesse. Il avait déclaré que Jésus était innocent des crimes dont on l'accusait, et pourtant il consentait à sacrifier partiellement la justice et les principes d'équité, faisant ainsi une espèce d'accommodement avec cette populace insensible. Il permettrait qu'un homme innocent fût fouetté, afin d'apaiser leur colère inhumaine. Mais en voulant ainsi entrer comme en marché avec eux, Pilate se trouva dans une situation critique en face de la foule intraitable, qui, profitant de son indécision, demanda avec de plus grandes clameurs encore la mort du prisonnier. Pilate se tournant vers le peuple, leur représenta que les sacrificateurs et les gouverneurs n'avaient pu prouver aucune des accusations qu'ils avaient faites contre Jésus. Il espérait par ce moyen gagner leur sympathie en faveur du prisonnier, tellement qu'ils désireraient le voir relâché. Pendant ce temps, Jésus était tombé de fatigue sur les pavés de marbre. En ce moment même, un messager traversa la foule, et remit à Pilate une lettre de sa femme ainsi conçue: VJC 476 1 "N'aie rien à faire avec cet homme de bien; car j'ai beaucoup souffert aujourd'hui en songe à son sujet."1 La femme de Pilate n'était point juive; mais l'ange de Dieu lui avait envoyé cet avertissement, afin que Pilate, prévenu par elle, ne commît point le terrible crime de livrer à mort le Fils de Dieu. VJC 476 2 A la lecture de ces lignes, Pilate pâlit; mais les sacrificateurs et les gouverneurs avaient profité de cet intervalle pour exciter l'esprit des Juifs, au point qu'ils étaient dans un état de fureur insensée. Le gouverneur était forcé d'agir; se tournant vers la foule, il dit gravement: "Lequel voulez-vous que je vous relâche, Barabbas, ou Jésus qu'on appelle Christ?" C'était la coutume, à la fête de Pâque, que le gouverneur relâchât le prisonnier, quel qu'il fût, que le peuple désirait mettre en liberté. Pilate saisit alors cette occasion de sauver Jésus; en leur donnant le choix entre le Sauveur innocent et Barabbas, qui était un célèbre brigand et meurtrier, il espérait réveiller en eux un sentiment de justice. Mais grande fut sa confusion, lorsqu'il les entendit crier: "Fais mourir celui-ci, et nous relâche Barabbas." Ce cri, poussé par les sacrificateurs et répété par la populace, résonna à travers la cour comme le cri de démons furieux. VJC 476 3 Pilate était muet de stupéfaction et de désappointement; mais en en appelant au peuple, et en abandonnant son propre jugement, il avait compromis sa dignité, et perdu tout empire sur la foule. Les sacrificateurs virent que quoiqu'il fût convaincu de l'innocence de Jésus, il pouvait être intimidé par eux, et ils résolurent d'en profiter. Aussi, lorsque Pilate demanda: "Que ferai-je donc de Jésus qu'on appelle Christ?" Ils crièrent tous d'un commun accord: "Qu'il soit crucifié!" VJC 477 1 Le gouverneur romain leur demanda: "Mais quel mal a-t-il fait? Alors ils crièrent encore plus fort: Qu'il soit crucifié!" Ici encore, Pilate révèle sa faiblesse en soumettant le jugement de Jésus à une foule déréglée et furieuse. Combien ces paroles du prophète ne sont-elles par vraies: "Le jugement s'est éloigné, et la justice s'est tenue loin; car la vérité est tombée dans les rues, et la droiture n'y a pu entrer."1 Le visage du gouverneur devint pâle à l'ouïe du cri terrible: "Crucifie-le!" Il n'avait point pensé que les choses en arriveraient là; qu'un homme qu'à plusieurs reprises il avait déclaré innocent, serait condamné à la mort la plus affreuse. Il vit alors quelle terrible chose il avait faite en plaçant la vie d'un homme juste dans la balance de ceux qui, par envie et malice, le lui avaient livré pour être jugé. Pilate avait peu à peu, par sa conduite, violenté sa conscience, et s'était insensiblement soustrait, par des excuses, au devoir de juger avec équité et droiture, selon que sa position le requerrait. Il agit ainsi jusqu'à ce qu'il se trouva complétement à la merci des Juifs. VJC 477 2 Il leur demanda encore: "Mais quel mal a-t-il fait?" et de nouveau ils crièrent: "Crucifie-le!" Une fois de plus, Pilate leur montre le mal qu'il y avait à mettre à mort un homme contre lequel on ne pouvait rien prouver. Et de nouveau, pour se les concilier, il leur propose de châtier Jésus et de le laisser aller. Ce n'était point assez que le Sauveur du monde, couvert de blessures et défaillant, fût soumis à la honteuse humiliation d'un tel supplice; mais sa personne sacrée devait être frappée et déchirée pour satisfaire la fureur satanique des sacrificateurs et des principaux. Satan et son armée infernale s'étaient emparés d'eux. VJC 477 3 Pilate, espérant en vain d'exciter leur pitié, et pour les décider à reconnaître que cette punition suffisait, fit alors battre Jésus de verges en présence de la foule. Pâle, portant sur sa tête la couronne d'épines, les épaules nues jusqu'à la ceinture, mettant à découvert de profondes et cruelles blessures desquelles le sang coulait sans cesse, Jésus fut alors placé à côté de Barabbas. Quoique le visage de Jésus fût taché de sang, et portât les marques de l'épuisement et de la souffrance, son noble caractère ne pouvait pourtant être caché, et contrastait d'une manière frappante avec celui du chef de brigands dont tous les traits révélaient en lui le criminel dégradé et endurci. VJC 478 1 Pilate était rempli de sympathie et d'admiration en voyant l'inaltérable patience de Jésus. Chacun de ses traits exprimait la bonté et la résignation. Il n'y avait point de lâche faiblesse dans ses manières, mais bien la puissance et la dignité de la patience. Pilate ne doutait point que la vue de cet homme, qui avait supporté l'insulte et les mauvais traitements d'une telle manière, mis en contraste avec le criminel repoussant amené à ses côtés, n'inspirât de la sympathie au peuple, qui déclarerait alors que Jésus avait assez souffert. Mais il ne comprenait point la haine qu'avaient les sacrificateurs contre Christ, qui, étant la Lumière du monde, avait fait ressortir leurs ténèbres spirituelles et leurs erreurs. VJC 478 2 Pilate alors, montrant le Sauveur, dit aux sacrificateurs, aux principaux et au peuple, d'une voix pleine de solennelle supplication: "Voici l'homme!" "Je vous l'amène dehors, afin que vous sachiez que je ne trouve aucun crime en lui."1 Mais les sacrificateurs avaient excité la populace à une fureur sans bornes, et au lieu d'avoir pitié de Jésus à la vue de ses souffrances et de sa patience, ils s'écrièrent: "Crucifie-le! crucifie-le!" Et leurs voix rauques ressemblaient aux rugissements de bêtes féroces. Pilate, perdant toute patience à la vue de leur cruauté, s'écria désespéré: "Prenez-le vous-mêmes, et le crucifiez; car je ne trouve aucun crime en lui." VJC 478 3 Le gouverneur romain, familiarisé avec les scènes les plus cruelles, élevé au milieu du bruit des batailles, était ému de sympathie pour le prisonnier souffrant qui, méprisé et fouetté, le front sanglant et le dos lacéré, avait pourtant bien plus le maintien d'un roi sur son trône que celui d'un criminel condamné à mort. Mais le coeur des hommes de sa propre nation était endurci contre lui. Les sacrificateurs lui dirent hautement: "Nous avons une loi, et selon notre loi il doit mourir, parce qu'il s'est fait Fils de Dieu." VJC 479 1 A ces paroles, Pilate tressaillit; quoique n'ayant pas une idée juste de Christ et de sa mission, il avait pourtant une foi vague en Dieu, et en des êtres supérieurs à l'humanité. La pensée qu'il avait eue auparavant s'empara de nouveau de son esprit, et prit une forme plus précise, de sorte qu'il se demanda si ce n'était point un être divin qui était là devant lui. Quoique revêtu, par moquerie, d'une robe de pourpre, et couronné d'épines, l'attitude du Sauveur était si noble, que l'intrépide romain, rempli d'appréhensions, tremblait lorsque son regard s'arrêtait sur lui. VJC 479 2 "Quand Pilate eut entendu ces paroles, il eut encore plus de crainte. Il rentra donc dans le prétoire, et il dit à Jésus: D'où es-tu? Et Jésus ne lui fit aucune réponse." Jésus avait déjà dit à Pilate qu'il était le Messie, que son royaume n'était pas de ce monde; et il n'avait rien de plus à dire à un homme qui abusait de son office de juge au point de sacrifier ses principes et son autorité aux instincts d'une populace sanguinaire. Pilate fut vexé du silence de Jésus, et s'adressant orgueilleusement à lui il s'écria: VJC 479 3 "Tu ne me dis rien? Ne sais-tu pas que j'ai le pouvoir de te faire crucifier, et le pouvoir de te délivrer? Jésus lui répondit: Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi, s'il ne t'avait été donné d'en haut; c'est pourquoi celui qui m'a livré à toi est coupable d'un plus grand péché." Jésus rejette ici le plus grand fardeau de culpabilité sur les juges juifs, qui avaient eu des preuves irrécusables de la divinité de celui qu'ils avaient condamné à mort, preuves qu'ils pouvaient tirer des prophéties, de ses enseignements et de ses miracles. Quelle scène que celle-ci, à raconter au monde de tous les âges! Le Sauveur compatissant, au milieu de ses intenses souffrances, excuse autant qu'il est possible l'acte de Pilate, qui aurait pu le délivrer de la puissance de ses ennemis! VJC 479 4 Pilate fut alors encore plus convaincu qu'auparavant de la supériorité de l'homme qui était devant lui, et il essaya derechef de le sauver. "Mais les Juifs criaient: Si tu délivres cet homme, tu n'es pas ami de César; car quiconque se fait roi se déclare contre César." C'était prendre Pilate par un côté faible. Le gouvernement l'avait regardé avec quelque méfiance, et il savait qu'un rapport d'infidélité contre lui, lui coûterait probablement sa place. Il savait que si les Juifs devenaient ses ennemis, il ne pourrait espérer aucune miséricorde de leur part; car il en avait devant lui un exemple dans la I ersévérance qu'ils mettaient à faire mourir un homme qu'ils haïssaient sans cause. VJC 480 1 La menace que renfermaient les paroles des sacrificateurs concernant sa soumission à César intimida Pilate, de sorte qu'il céda aux exigences de la populace, et livra Jésus pour être crucifié plutôt que de risquer de perdre sa position. Mais en dépit de ces précautions, il fut frappé du sort qu'il avait tant redouté. On lui enleva ses honneurs; il fut renversé de son office élevé; et, troublé par les remords et l'orgueil blessé, il se suicida peu après la crucifixion. VJC 480 2 "Pilate donc, voyant qu'il ne gagnait rien, mais que le tumulte s'augmentait de plus en plus, prit de l'eau, et se lava les mains devant le peuple, disant: Je suis innocent du sang de ce juste; c'est à vous d'y penser."1 Caïphe répondit d'un ton de défi: "Que son sang soit sur nous et sur nos enfants!" Et ces paroles furent répétées par les prêtres et les principaux; la foule aussi y fit écho, en poussant des cris d'une clameur inhumaine. "Et tout le peuple répondit: Que son sang soit sur nous et sur nos enfants!" VJC 480 3 A la vue de cette rage diabolique, Pilate fut de plus en plus convaincu. Jamais il n'avait été témoin d'une présomption si téméraire et d'une cruauté aussi inhumaine. Il considérait le contraste frappant qu'il y avait entre la fureur aveugle des persécuteurs, et la tranquillité digne de Jésus. Pilate disait en lui-même: C'est un Dieu; et il lui semblait pouvoir discerner une lumière douce brillant autour de sa tête. Après avoir ainsi considéré Christ, il se détourna, tout pâle de frayeur, et se condamnant lui-même. Puis s'adressant au peuple, son visage exprimant son inquiétude, il dit: Je suis innocent du sang de cet homme. Prenez-le et crucifiez-le. Mais sachez, vous, sacrificateurs et principaux, que je déclare que cet homme est un juste; et puisse celui qu'il dit être son Père vous juger pour ce qui a été fait aujourd'hui, et non pas moi. Puis se tournant vers Jésus, il ajouta: Pardonne-moi l'acte que j'ai commis. Je n'ai pas le pouvoir de te sauver. VJC 481 1 Peu de temps auparavant, le gouverneur avait déclaré à son prisonnier qu'il avait le pouvoir de le relâcher ou de le condamner; mais il pensait alors qu'il ne pouvait le sauver tout en gardant sa place et son rang. Il préférait sacrifier une vie innocente plutôt que sa puissance mondaine. S'il avait agi promptement et fermement dès l'abord, lorsqu'il avait été convaincu de l'innocence de Jésus, sa volonté n'eût point été dominée par la populace; elle n'aurait point présumé lui dicter ses volontés. Son hésitation et son indécision causèrent son irrémédiable ruine. Combien de gens qui, comme Pilate, sacrifient leurs principes et leur intégrité pour éviter des conséquences désagréables! La conscience et le devoir indiquent un chemin; les intérêts égoïstes en indiquent un autre; et le courant entraînant fortement dans la mauvaise direction, amène dans les épaisses ténèbres du péché celui qui fait un accommodement avec le mal. VJC 481 2 "Pilate donc, voulant contenter le peuple, leur relâcha Barabbas; et après avoir fait fouetter Jésus, il le livra pour être crucifié. Alors les soldats l'emmenèrent dans la cour du prétoire, et ils y assemblèrent toute la compagnie des soldats; et ils le revêtirent d'un manteau de pourpre, et lui mirent sur la tête une couronne d'épines qu'ils avaient entrelacées. Et ils se mirent à le saluer en disant: Je te salue, roi des Juifs! et ils lui frappaient la tête avec une canne, et ils crachaient contre lui; et se mettant à genoux, ils se prosternaient devant lui."1 VJC 482 1 Satan était lui-même l'instigateur des cruelles injures dont la vile populace, conduite par les sacrificateurs et les principaux du peuple, accablait le Rédempteur du monde. Son but était de le provoquer si possible à user de représailles, ou de le pousser à échapper, par un miracle, des mains de ses persécuteurs, anéantissant ainsi le plan du salut. Une tache sur sa vie humaine, une défaillance de son humanité, un refus de supporter la terrible épreuve qui lui était imposée, eût fait de l'Agneau de Dieu une offrande imparfaite, et la rédemption de l'homme eût échoué. Mais celui qui pouvait commander aux armées célestes, et appeler à son aide en un instant des légions de saints anges dont un seul eût pu immédiatement écraser cette populace cruelle; celui qui eût pu anéantir ses persécuteurs par l'éclat de sa majesté divine, se soumit aux insultes et aux outrages les plus grossiers avec calme et dignité. De même que les actes de ceux qui le torturaient dégradaient ces derniers, et les plaçaient au-dessous de l'humanité, à la ressemblance de Satan, de même la douceur et la patience de Jésus l'exaltaient au-dessus du niveau de l'humanité. VJC 482 2 Satan fut rempli d'une grande rage lorsqu'il vit que toutes les cruautés qu'il avait poussé les Juifs à infliger à Jésus n'avaient point attiré le moindre murmure sur ses lèvres. Quoique Jésus eût revêtu la nature humaine, il était soutenu par un divin sang-froid, et ne fit rien contre la volonté de son Père. VJC 482 3 Soyez émerveillés, ô cieux! et sois étonnée, ô terre! Voyez l'oppresseur et l'opprimé. Une grande multitude entoure le Sauveur du monde. Les moqueries et les railleries se mêlent aux grossiers jurements et aux blasphèmes. Sa naissance obscure et sa vie humble sont commentées par des hommes insensibles et cruels. Les principaux sacrificateurs, les anciens tournent en ridicule sa prétention d'être le Fils de Dieu. Les plaisanteries vulgaires et les railleries insultantes passent de bouche en bouche. Satan a plein pouvoir sur les esprits de ses serviteurs. Afin de réussir dans ses plans, il avait commencé par inspirer aux principaux sacrificateurs et aux anciens une sorte de délire religieux. Ceux-ci l'avaient communiqué à la populace grossière et sans culture, jusqu'à ce qu'une harmonie corrompue pénétrât les sentiments de tous, depuis les sacrificateurs et les anciens hypocrites, jusqu'à l'homme le plus dégradé. Christ, le précieux Fils de Dieu, fut emmené hors du prétoire, et livré au peuple pour être crucifié. ------------------------Chapitre 46 -- Le Calvaire VJC 484 1 Ils emmenèrent Jésus en poussant des cris de triomphe; mais, leurs clameurs cessèrent un moment, lorsque, passant par un lieu retiré, ils virent au pied d'un arbre sec, le cadavre de Judas qui avait trahi Christ. C'était un spectacle horrible; son poids avait rompu la corde avec laquelle il s'était pendu à l'arbre; en tombant, son corps s'était affreusement déchiré, et dans ce moment, des chiens le dévoraient. On ordonna d'ensevelir aussitôt ces restes hideux, et la foule passa outre; mais on entendit moins de cris moqueurs, et bien des visages pâles révélaient les pensées pleines d'effroi qui agitaient leurs coeurs. Le châtiment semblait déjà tomber sur ceux qui étaient coupables du sang du Sauveur. VJC 484 2 Dans ce moment, la nouvelle de la condamnation de Jésus se répandit dans tout Jérusalem, remplissant de terreur et de crainte des milliers de coeurs, mais apportant une joie malicieuse à beaucoup de ceux qui avaient été repris par les enseignements du Sauveur. Les sacrificateurs s'étaient liés par promesse de n'inquiéter aucun des disciples, si Jésus leur était livré; de sorte que toutes les classes du peuple accoururent sur les lieux de cette scène révoltante, et que Jérusalem fut presque vide d'habitants. Nicodème et Joseph d'Arimathée n'avaient point été convoqués à la réunion du Sanhédrin, et aussi leurs voix ne se prêtèrent-elles point à la condamnation de Jésus. Ils assistaient à sa crucifixion, mais ils étaient incapables de changer ou de modifier sa terrible sentence. VJC 484 3 Les disciples et les croyants qui demeuraient aux environs, se joignirent à la foule qui suivait Jésus au Calvaire. La mère de Jésus y était aussi, soutenue par Jean, le disciple bien-aimé. Le coeur de Marie était frappé d'une douleur inexprimable; pourtant, elle espérait encore, avec les disciples, voir changer cette scène terrible, et voir Jésus manifester sa puissance et apparaître devant ses ennemis comme Fils de Dieu. Puis de nouveau, son coeur de mère défaillait au souvenir des paroles dans lesquelles il avait brièvement dépeint les choses qui devaient s'accomplir en ce jour. VJC 485 1 Jésus avait à peine dépassé la porte de la maison de Pilate, qu'on apporta la croix qui avait été préparée pour Barabbas, et on la chargea sur ses épaules meurtries et sanglantes. On fit également porter des croix aux compagnons de Barabbas qui devaient être mis à mort en même temps que Jésus. Le Sauveur avait à peine porté sa croix un petit bout de chemin, que la perte du sang, la fatigue et ses souffrances excessives le firent tomber défaillant sur le sol. Spectatrice des souffrances qu'endurait son fils, le voyant succomber sous cette lourde croix, le coeur de Marie défaillait de douleur. Combien n'eût-elle pas désiré soutenir de sa main sa tête blessée, et essuyer ce front qu'elle avait autrefois pressé sur son sein! Mais, hélas! ce douloureux privilége lui était refusé. VJC 485 2 Lorsque Christ se fut un peu remis, on replaça la croix sur ses épaules, et on le força d'avancer. Portant son lourd fardeau, il fit quelques pas en chancelant, puis tomba évanoui sur le sol. Le bruit se répandit d'abord qu'il était mort, mais il reprit enfin ses sens. Les sacrificateurs et les gouverneurs n'éprouvaient aucune pitié pour leur victime souffrante; mais ils virent qu'il lui était impossible de porter plus loin l'instrument de torture. Ils étaient embarrassés de trouver quelqu'un qui voulût s'abaisser à porter la croix jusqu'au lieu de l'exécution. Les Juifs ne pouvaient point le faire, parce qu'ils se fussent souillés et n'eussent point pu prendre part à la fête de Pâque qui était proche. VJC 485 3 Pendant qu'ils considéraient ce qu'il y avait à faire, un homme nommé Simon, Cyrénéen, arriva d'une direction opposée, et rencontra la foule; à l'instigation des sacrificateurs, cet homme fut saisi et obligé de porter la croix de Christ. Les fils de Simon étaient disciples de Jésus, mais lui-même n'avait jamais eu de rapport avec lui. Cette circonstance fut une occasion profitable pour lui. La croix qu'il fut forcé de porter devint le moyen de sa conversion. Il fut rempli de sympathie pour Jésus; les événements du Calvaire, les paroles prononcées par Christ, tout cela lui fit reconnaître le Fils de Dieu. Simon ne cessa dès lors d'être reconnaissant envers Dieu pour l'événement singulier qui l'avait mis à même de se convaincre que Jésus était le Rédempteur du monde. VJC 486 1 Au moment où l'on croyait que Jésus mourait sous le fardeau de la croix, bien des femmes, qui n'étaient point disciples de Christ, furent touchées de pitié à la vue de ses souffrances, et poussèrent des gémissements lamentables. Lorsque Jésus revint à lui, il les regarda avec une tendre compassion. Il savait qu'elles ne se lamentaient point parce qu'il était un prophète envoyé de Dieu, mais par un simple sentiment d'humanité. Il regarda ces femmes en pleurs, et leur dit: "Filles de Jérusalem, ne pleurez point sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants".1 VJC 486 2 Jésus ne dédaigna point leurs larmes, mais la sympathie qu'elles exprimaient réveillait en lui une sympathie plus profonde pour elles. Il oublia ses propres souffrances dans la contemplation du sort futur de Jérusalem. Il n'y avait que peu de temps que le peuple s'était écrié: "Que son sang soit sur nous et sur nos enfants!" Avec quel aveuglement n'avait-il pas évoqué le sort qui allait le frapper bientôt! Un grand nombre de ces femmes mêmes qui pleuraient sur Jésus devaient mourir avec leurs enfants au siége de Jérusalem. VJC 486 3 Jésus ne parlait pas seulement de la destruction de Jérusalem, mais de la fin du monde. Il dit: "Alors ils se mettront à dire aux montagnes: Tombez sur nous; et aux coteaux: Couvrez-nous. Car si l'on fait ces choses au bois vert, que fera-t-on au bois sec?" L'innocent était représenté par l'arbre vert. Si, à cause des péchés du monde, Dieu fit tomber sa colère sur le Rédempteur, lorsqu'il souffrit la mort de la croix, de quel sort ne seront point frappés les impénitents et les incrédules qui ont méprisé les grâces de Dieu, acquises par la mort de son Fils? L'esprit de Jésus passait de la destruction de Jérusalem à un jugement plus général, lorsque tous les impénitents seraient condamnés à cause de leurs péchés, et lorsque le Fils de l'homme viendrait, non point accompagné d'une populace meurtrière, mais des grandes armées du Tout-Puissant. VJC 487 1 Une grande foule suivit le Sauveur au Calvaire; beaucoup le raillaient et se moquaient de lui, mais quelques-uns pleuraient et le louaient. Ceux qu'il avait guéris de diverses infirmités, et ceux qu'il avait ressuscités des morts, déclaraient ses oeuvres merveilleuses avec hardiesse, et demandaient ce que Jésus avait fait pour être traité comme un malfaiteur. Seulement quelques jours auparavant, lorsqu'il entrait triomphant à Jérusalem, ils l'avaient accompagné en poussant de joyeux hosanna, et en agitant des branches de palmier. Mais plusieurs de ceux qui avaient alors proclamé sa louange, entraînés par le courant de la multitude, poussaient en ce moment le cri de "crucifie-le! crucifie-le!" VJC 487 2 Le jour où les disciples avaient vu Jésus entrer triomphalement dans Jérusalem, ils avaient conçu les plus grandes espérances. Ils s'étaient pressés autour de leur Maître, et se sentaient grandement honorés d'être ses disciples. En ce moment, dans son humiliation, ils le suivent à distance. Ils sont remplis d'une douleur inexprimable, et toutes leurs espérances sont déçues. Combien ces paroles de Jésus ne s'étaient-elles pas vérifiées: "Je vous serai cette nuit à tous une occasion de chute; car il est écrit: Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées".1 Pourtant les disciples avaient encore un léger espoir que leur Maître manifesterait sa puissance au dernier moment, et échapperait à ses ennemis. VJC 487 3 Arrivés au lieu de l'exécution, les condamnés furent liés à l'instrument de torture. Tandis que les deux brigands se débattaient entre les mains de ceux qui les étendaient sur la croix, Jésus ne faisait aucune résistance. Sa mère attendait avec une incertitude angoissante, espérant qu'il accomplirait un miracle pour se sauver. Celui qui avait rendu la vie aux morts ne permettrait certainement pas qu'on le crucifiât. Quelle torture cette femme ne dut-elle pas endurer en voyant l'abaissement et les souffrances de son fils, sans qu'elle pût l'assister dans sa détresse! Son coeur était rempli de douleur et de désappointement. Devait-elle renoncer à croire qu'il était réellement le Messie? Le Fils de Dieu permettrait-il qu'on le mît à mort aussi cruellement? Elle vit ses mains étendues sur la croix, ses mains divines qui n'avaient jamais dispensé que des bénédictions, et qui s étaient si souvent avancées pour guérir la souffrance. Puis on apporta le marteau et les clous destinés à les y fixer; et lorsque le fer pénétra dans la chair, les disciples, le coeur brisé, transportèrent loin de cette scène cruelle la mère de Jésus évanouie. VJC 488 1 Jésus ne fit entendre ni plainte ni murmure; son visage demeura pâle et serein; mais de grosses gouttes de sueur inondaient son front. Aucune main compatissante n'était là pour essuyer son visage; aucune parole de sympathie ou de fidélité ne se fit entendre pour soutenir son coeur humain. Il était réellement seul pour fouler au pressoir; et de tout le peuple, personne n'était avec lui. Pendant que les soldats accomplissaient cette oeuvre, et qu'il endurait les souffrances les plus cuisantes, Jésus priait pour ses ennemis: "Mon Père! pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font." Sa pensée se reportait de ses propres souffrances au crime de ses persécuteurs et à la terrible mais juste rétribution qui serait leur partage. Il avait pitié d'eux dans leur ignorance et leur culpabilité. Il n'invoqua aucune malédiction sur les soldats qui le traitaient si brutalement, ni vengeance sur les sacrificateurs et les gouverneurs qui étaient la cause de toutes ses souffrances, et qui couvaient des yeux l'accomplissement de leurs desseins; il priait seulement pour qu'ils fussent pardonnés: "car ils ne savent ce qu'ils font." VJC 488 2 S'ils avaient su qu'ils soumettaient à cette affreuse torture celui qui était venu pour sauver de la ruine éternelle une race coupable, ils eussent été saisis d'horreur et de remords. Mais leur ignorance n'effaçait point leur culpabilité; car ils avaient le privilége de connaître et d'accepter Jésus comme leur Sauveur. Ils rejetèrent toute preuve, et péchèrent non seulement contre le ciel en crucifiant le Roi de gloire, mais contra les sentiments d'humanité les plus naturels, en torturant jusqu à la mort un homme innocent. Jésus acquérait ainsi le droit de devenir avocat de l'homme en présence de son Père. Christ, dans sa prière pour ses ennemis, embrasse le monde entier, c'est-à-dire tous les pécheurs qui vivraient jusqu'à la fin du temps. VJC 489 1 Après que Jésus eut été cloué sur la croix, l'instrument de supplice fut soulevé et planté avec une grande violence dans la place qui avait été préparée pour cela, causant au Fils de Dieu les souffrances les plus atroces. Pilate écrivit alors une inscription en trois langues différentes, et la plaça sur la croix, au-dessus de la tête de Jésus. Elle était ainsi conçue: "Celuici est Jésus, le Roi des Juifs." Cette inscription placée sur la croix d'une manière aussi apparente, irrita les Juifs. Dans la cour de Pilate, ils avaient crié: Crucifie-le! Nous n'avons point d'autre roi que César! Ils avaient déclaré que celui qui donnait le titre de roi à un autre que César était un traître. Mais ils avaient dépassé leur but en désavouant tout désir d'avoir un roi de leur propre nation. Pilate, dans son inscription, écrivit les sentiments qu'ils avaient exprimés. C'était une déclaration virtuelle, et chacun le comprenait ainsi, que les Juifs, reconnaissant leur soumission au pouvoir romain, considéraient que tout homme qui aspirait à être roi des Juifs, quelque innocent fut-il à d'autres égards, serait jugé par eux comme digne de mort. Il n'y avait point d'autre délit mentionné dans cette inscription; elle indiquait simplement que Jésus était le roi des Juifs. VJC 489 2 Les Juifs voyant cela, demandèrent à Pilate de changer l'inscription. Les principaux sacrificateurs lui dirent: "N'écris pas: Le roi des Juifs, mais qu'il a dit: Je suis le roi des Juifs." Mais Pilate, irrité contre lui-même à cause de la faiblesse qu'il avait eue, et méprisant les sacrificateurs jaloux et artificieux, répliqua froidement: "Ce que j'ai écrit, je l'ai écrit".1 VJC 490 1 Alors on vit s'accomplir une scène terrible. Sacrificateurs, gouverneurs et scribes, oubliant la dignité de leurs offices sacrés, se joignirent à la populace pour adresser des moqueries et des railleries au Fils de Dieu mourant, lui disant: "Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même." Et quelques-uns répétaient par dérision: "Il a sauvé les autres, et il ne peut se sauver lui-même. S'il est le roi d'Israël, qu'il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui. Il se confie en Dieu: que Dieu le délivre maintenant, s'il lui est agréable; car il a dit: Je suis le Fils de Dieu." "Et ceux qui passaient par là lui disaient des outrages, hochant la tête, et disant: Hé! toi qui détruis le temple, et qui le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, et descends de la croix".2 VJC 490 2 Ces hommes, qui professaient être les interprètes de la prophétie, répétaient eux-mêmes les paroles que l'inspiration avait prédit qu'ils diraient à cette occasion; pourtant, dans leur aveuglement, ils ne s'apercevaient point qu'ils accomplissaient les prophéties. Les dignitaires du temple, les soldats endurcis, le méprisable brigand sur la croix et les hommes vils et cruels qui se trouvaient parmi la multitude, tous s'accordaient pour se moquer de Christ. VJC 490 3 Les brigands qui furent crucifiés avec Jésus souffraient de douleurs physiques semblables aux siennes; mais l'un d'eux n'en était que plus endurci et désespéré; et la souffrance lui inspirait un esprit de défi. Il se joignit aux moqueries des sacrificateurs, et dit à Jésus d'un ton railleur: "Si tu es le Christ, sauve-toi toi-même, et nous aussi."3 L'autre malfaiteur n'était point un criminel endurci; ses moeurs s'étaient corrompues dans la fréquentation d'une mauvaise société; mais ses crimes n'étaient point si grands que ne l'étaient ceux de beaucoup de personnes qui étaient au pied de la croix, injuriant le Sauveur. VJC 490 4 Comme le reste des Juifs, il avait cru que le Messie devait venir bientôt. Il avait entendu Jésus et avait été convaincu par ses enseignements; mais sous l'influence des sacrificateurs et des gouverneurs, il s'était détourné de lui. Il avait cherché à faire taire sa conscience dans le tourbillon des plaisirs; des sociétés corrompues l'avaient fait descendre de plus en plus la pente du mal, jusqu'à ce qu'il fût arrêté pour crime et condamné à la mort de la croix. Durant cette journée de jugement, il avait été à côté de Jésus dans le prétoire, et sur le chemin du Calvaire. Il avait entendu Pilate déclarer que Christ était un homme juste; il avait remarqué son divin maintien, et avec quelle pitié il pardonnait à ses bourreaux. Il reconnut dans son coeur que Jésus était le Fils de Dieu. VJC 491 1 Lorsqu'il entendit les paroles railleuses de son criminel compagnon, il le reprit et "lui dit: Ne crains-tu point Dieu, puisque tu es condamné au même supplice? Et pour nous, nous le sommes avec justice, car nous souffrons ce que nos crimes méritent; mais celui-ci n'a fait aucun mal." Puis, comme son coeur recherchait Christ, la lumière divine remplit son esprit. Dans Jésus, meurtri, méprisé, élevé sur la croix, il vit son Rédempteur, sa seule espérance, et, s'adressant à lui dans une humble foi: "Seigneur! souviens-toi de moi quand tu seras entré dans ton règne. Et Jésus lui dit: Je te le dis aujourd'hui, tu seras avec moi en paradis." VJC 491 2 Le criminel sur la croix, nonobstant ses souffrances physiques, sentit dans son âme la paix, et la consolation d'être agréé de Dieu. Le Sauveur, élevé sur la croix, supportant la souffrance et la moquerie, rejeté des sacrificateurs et des anciens, est recherché par une âme coupable et mourante, avec une foi qui discerne le Rédempteur du monde dans celui qui est crucifié comme un malfaiteur. C'était dans ce but que le Fils de Dieu avait quitté les cieux: pour sauver des pécheurs perdus qui allaient périr. Tandis que les sacrificateurs et les gouverneurs, dans leur dédaigneuse propre justice, ne voulaient pas reconnaître son caractère divin, il se révèle au brigand repentant, comme l'ami et le Sauveur du pécheur. Il enseigne ainsi que le plus grand des pécheurs peut trouver le pardon et le salut par les mérites du sang de Christ. VJC 492 1 L'Esprit de Dieu illumine l'intelligence de ce criminel, qui accepte Christ par la foi; l'une après l'autre, les preuves que Jésus est le Messie viennent se grouper devant ses yeux, jusqu'à ce qu'enfin, dans la souffrante victime, condamnée près de lui à un même supplice, il contemple le Fils de Dieu. Tandis que les principaux des Juifs le renient, et que ses disciples mêmes doutent de sa divinité, le pauvre brigand, aux portes de l'éternité, à la fin de sa carrière et de ses souffrances, le nomme son Seigneur! Beaucoup de gens étaient tout prêts à l'appeler Seigneur lorsqu'il accomplissait des miracles, et de même après qu'il fut ressuscité des morts; mais personne ne l'appela Seigneur lorsqu'il était suspendu, mourant, sur la croix, excepté le brigand repentant, sauvé à la onzième heure. VJC 492 2 C'était une vraie conversion, dans des circonstances toutes spéciales, dans un but spécial et particulier. Elle témoignait devant tous ceux qui en étaient témoins, que Jésus n'était pas un imposteur, mais conservait son caractère de Messie, poursuivant sa mission jusqu'à la scène finale de sa vie terrestre. Dans tout son ministère, jamais parole n'avait été plus agréable à ses oreilles que cette expression de foi sortant de la bouche du brigand à fin de vie, au milieu des blasphèmes et des sarcasmes de la populace. Mais que personne ne néglige les occasions qui se présentent actuellement, et ne renvoie sa repentance, comptant, comme le brigand, se convertir à la onzième heure, et pouvoir se repentir sur son lit de mort; tout rayon de lumière négligé laisse le pécheur dans de plus grandes ténèbres qu'auparavant, jusqu'à ce que l'erreur s'empare de son esprit, et que son cas soit sans espérance. Pourtant, il est des exemples tels que celui du pauvre brigand, où des personnes sont éclairées au dernier moment, et où la lumière d'en haut est acceptée avec une foi intelligente. De tels pénitents trouvent faveur auprès de Christ. VJC 492 3 Les anges considéraient avec étonnement l'amour infini de Jésus, qui, souffrant les angoisses mentales et corporelles les plus atroces, ne pensait qu'aux autres, et encourageait l'âme pénitente à croire. Tandis qu'il livrait sa vie à la mort, il témoignait à l'homme un amour plus fort que la mort. Christ, dans son humiliation, s'était adressé comme prophète aux filles de Jérusalem; comme sacrificateur et avocat, il avait intercédé le Père, le priant de pardonner les péchés de ceux qui le faisaient mourir. Comme un Sauveur rempli d'amour, il avait pardonné l'iniquité du brigand repentant qui se confiait en lui. Bien des personnes, qui furent témoins de cette scène du Calvaire, furent amenées plus tard par elle à la foi en Christ. VJC 493 1 Le serpent élevé dans le désert, représentait le Fils de l'homme élevé sur la croix. Christ disait à Nicodème: "Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, de même il faut que le Fils de l'homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle."1 Dans le désert, tous ceux qui regardèrent le serpent d'airain qui avait été élevé, vécurent, tandis que ceux qui refusèrent de le regarder moururent. Les deux brigands sur la croix représentent les deux grandes classes d'hommes. Tous ont senti le poison du péché, représenté par la piqûre du serpent brûlant, dans le désert. Ceux qui regardent à Jésus-Christ et croient en lui, comme le fit le brigand qui était cloué à la croix, vivront à toujours; mais ceux qui refusent de regarder à lui et de croire en lui, comme le brigand endurci refusa de regarder le Rédempteur crucifié et de croire en lui, mourront sans espérance. VJC 493 2 Pendant ce temps, les ennemis de Jésus attendaient impatiemment sa mort. Ils s'imaginaient que cet événement ferait pour toujours taire les rumeurs de sa puissance divine et l'étonnement causé par ses miracles. Ils se flattaient de n'avoir plus à trembler à la pensée de son influence. Les soldats inhumains qui avaient cloué Jésus sur la croix, partagèrent ses vêtements, se disputant à l'égard de sa robe qui était un tissu sans couture. Ils décidèrent finalement de jeter le sort sur elle. La plume de l'inspiration avait exactement décrit cette scène des centaines d'années avant qu'elle eût lieu: "Des chiens m'ont environné, et une assemblée de gens malins m'a entouré; ils ont percé mes mains et mes pieds." "Ils partagent entre eux mes vêtements, et jettent le sort sur ma robe."1 VJC 494 1 Jésus, les yeux arrêtés sur la multitude qui s'était assemblée pour être témoin de sa mort, vit au pied de la croix, Jean, soutenant Marie, sa mère. Elle était revenue auprès de cette terrible scène, incapable de demeurer plus longtemps loin de son fils. La dernière leçon de Jésus fut une leçon d'amour filial. Il regarda le visage de sa mère, contracté par la douleur, puis celui de Jean; s'adressant alors à sa mère: "Femme, voilà ton fils"; dit-il; et au disciple: "Voilà ta mère."2 Jean comprit bien les paroles de Jésus, et le dépôt sacré qui lui avait été confié. Il éloigna immédiatement la mère de Christ de cette affreuse scène du Calvaire. Dès cette heure-là il prit soin d'elle en fils respectueux, la conduisant dans sa propre maison. O les compassions et l'amour du Sauveur! Au milieu de toutes ses souffrances physiques et de ses angoisses mentales, il prenait, plein de sollicitude, un tendre soin de celle qui lui avait donné le jour. Il ne pouvait lui laisser aucune fortune qui lui assurât un avenir facile; mais, il possédait tout le coeur de Jean, et il lui remit sa mère en legs sacré. Ce dépôt devait être pour Jean une grande bénédiction, un souvenir continuel de son Maître bien-aimé. VJC 494 2 L'exemple parfait d'amour filial donné par Christ brille d'un éclat sans pareil à travers tous les âges. Pendant qu'il endurait les tortures les plus intenses, il n'oubliait point sa mère, et pourvoyait à son avenir. Les disciples de Christ devraient comprendre que le respect et les soins qu'ils doivent à leurs parents font partie de leur religion. Aucun prétexte de dévouement religieux ne peut excuser un fils ou une fille de remplir les obligations dues à un père ou à une mère. VJC 495 1 La mission de la vie terrestre de Christ était alors presque entièrement accomplie. Sa langue était desséchée: "J'ai soif", dit-il. On emplit une éponge de vinaigre et de fiel, et on lui en offrit à boire; mais quand il eut goûté de ce mélange, il le refusa. Le Seigneur de gloire, le Prince de la vie se mourait pour la rançon des pécheurs. VJC 495 2 Ce n'était point la crainte de la mort qui causait les inexprimables angoisses de Jésus. Le croire serait le placer en dessous des martyrs pour le courage et le sang-froid; car un grand nombre de ceux qui sont morts pour leur foi, ont supporté la torture et la mort, se réjouissant d'être comptés dignes de mourir pour le nom de Christ. Jamais martyr ne souffrit comme Christ; mais ce n'étaient point les angoisses corporelles qui le remplissaient d'horreur et de désespoir; c'était le sentiment de la malignité du péché, et le fait que l'homme y était devenu tellement accoutumé, qu'il n'en comprenait point l'énormité; c'était de savoir, en outre, que le péché était si profondément enraciné dans le coeur humain, qu'il était difficile de l'en arracher. VJC 495 3 Christ, comme substitut et caution de l'homme, fut chargé du poids de ses iniquités; il fut considéré comme transgresseur, afin qu'il pût le racheter de la malédiction de la loi. La culpabilité de tous les descendants d'Adam, depuis le commencement du monde, oppressait son coeur. La colère de Dieu et la terrible manifestation de son déplaisir à cause du péché, remplissaient son âme de consternation. A la pensée que son Père cachait sa face de lui, le Sauveur, dans cette heure d'angoisse suprême, avait le coeur percé d'une douleur que l'homme ne comprendra jamais entièrement. Chaque douleur endurée sur la croix par le Fils de Dieu, les gouttes de sang qui découlèrent de sa tête, de ses mains et de ses pieds, les convulsions qui torturèrent son corps, et les angoisses inexprimables qui remplirent son âme lorsque son Père cacha sa face de lui, toutes ces choses parlent à l'homme, et lui disent: C'est par amour pour toi que le Fils de Dieu consentit à supporter ces crimes odieux; c'est par amour pour toi, qu'il a dépouillé l'empire de la mort, et qu'il a ouvert les portes du paradis et de la vie éternelle. Celui qui calmait les flots irrités par sa Parole, qui marchait sur les vagues écumantes, qui faisait trembler les démons, dont la présence faisait fuir la maladie, qui rendait les morts à la vie, et ouvrait les yeux des aveugles, s'offre lui-même sur la croix comme dernier sacrifice en faveur de l'homme. Il s'est chargé de nos péchés, a subi le châtiment dont la justice frappe l'iniquité, et s'est fait péché lui-même pour l'homme. VJC 496 1 L'angoisse du Fils de Dieu était inexprimable; elle dépassait tellement ses souffrances physiques, que c'est à peine s'il les ressentait. A ce spectacle effroyable, les anges du ciel, atterrés, se voilaient la face. La nature inanimée elle-même exprimait sa sympathie à son Auteur méprisé et mourant. Le soleil refusa d'éclairer cette scène terrible. Ses éclatants rayons qui illuminaient la terre vers le milieu du jour furent tout à coup obscurcis. D'épaisses ténèbres enveloppèrent la croix et tous les lieux environnants, comme d'un voile funèbre. Il n'y avait ni éclipse, ni autre cause naturelle qui expliquât ces ténèbres aussi denses que celles de minuit, lorsqu'on ne voit ni les étoiles ni la lune. Ces épaisses ténèbres étaient un emblême de l'angoisse et de l'horreur dont était frappée l'âme du Fils de Dieu. Il avait éprouvé cette même angoisse dans le jardin de Gethsémané, lorsqu'il avait sué des grumeaux de sang, et où il serait mort si un ange du ciel n'eût été envoyé pour le fortifier, afin qu'il pût fouler le chemin ensanglanté du Calvaire. VJC 496 2 Les ténèbres durèrent trois heures entières. Aucun oeil ne pouvait percer l'obscurité qui entourait la croix, et personne ne pouvait pénétrer l'horreur plus profonde encore qui enveloppait l'âme souffrante de Christ. Une terreur indicible s'empara de tous ceux qui étaient réunis autour de la croix. Le silence de la tombe semblait être descendu sur le Calvaire. Les malédictions et les injures expirèrent sur les lèvres des railleurs. Hommes, femmes et enfants tombèrent sur le sol frappés d'une abjecte terreur. D'éblouissants éclairs, nullement accompagnés de tonnerre, s'échappaient de temps en temps de la nue, et laissaient apercevoir la croix et le Rédempteur crucifié. VJC 497 1 Les sacrificateurs, les gouverneurs, les scribes, les bourreaux et la populace, tous pensaient que le temps de leur rétribution était arrivé. Peu à peu, quelques-uns se mirent à chuchoter que Jésus allait descendre de la croix. D'autres essayèrent d'avancer à tâtons pour rentrer en ville, se frappant la poitrine et gémissant de terreur. A la neuvième heure, les ténèbres se levèrent de dessus le peuple, mais continuèrent à envelopper le Sauveur comme d'un manteau. Les éclairs irrités semblaient être dirigés contre la croix par une main invisible. Alors "Jésus s'écria à haute voix, disant: Eli! Eli! lamma sabachthani? C'est-à-dire: Mon Dieu! mon Dieu! Pourquoi m'as-tu abandonné?"1 Comme l'obscurité enveloppait Christ, plusieurs voix s'écrièrent: La vengeance de Dieu est sur lui. Les traits de la colère de Dieu tombent sur lui parce qu'il prétend être le Fils de Dieu! Lorsque le Sauveur eut poussé ce cri de désespoir, plusieurs de ceux qui avaient cru en lui furent remplis de terreur; ils perdirent tout espoir; si Dieu avait abandonné Jésus, qu'allaient devenir ses disciples et la doctrine qu'ils avaient aimée. VJC 497 2 Les ténèbres se dissipèrent alors de l'esprit de Christ, et revenant au sentiment de ses souffrances physiques, il dit: "J'ai soif". Ses persécuteurs avaient ici une dernière occasion de lui exprimer leur sympathie et de le soulager; mais lorsque l'obscurité eut disparu, leur terreur diminua, et ils craignirent de nouveau que Jésus ne vînt à leur échapper: "Et aussitôt quelqu'un d'entre eux courut, et prit une éponge, et l'ayant remplie de vinaigre, il la mit au bout d'une canne, et lui en donna à boire. Et les autres disaient: Attendez, voyons si Elie viendra le délivrer." VJC 497 3 En cédant ainsi sa vie précieuse, Christ n'était point salué par des démonstrations de joie triomphante; tout était d'une tristesse accablante. Là se trouvait, suspendu à la croix, l'Agneau de Dieu sans tache. Sa chair était lacérée de coups et de blessures; les mains précieuses, qui avaient toujours été prêtes à soulager les opprimés et les souffrants, étaient étendues sur la croix, et fixées par des clous; les pieds de celui qui avait parcouru patiemment tant de chemin pour dispenser des bénédictions, et pour enseigner la doctrine du salut, étaient meurtris et cloués à la croix; sa tête royale était blessée par une couronne d'épines; ses lèvres pâles et tremblantes, qui avaient toujours été prêtes à répondre aux appels de l'humanité souffrante, laissaient échapper ces tristes paroles: "Mon Dieu! mon Dieu! pourquoi m'as-tu abandonné?" VJC 498 1 Satan, armé de tentations atroces, bourrelait le coeur de Jésus. En cette heure de ténèbres, les regards du Sauveur ne pouvaient percer jusqu'au-delà des portes du tombeau. L'espérance ne faisait point briller à ses yeux le spectacle d'un conquérant sortant triomphant du sépulcre, et accueilli dans les bras d'un Père acceptant son sacrifice. Il était tenté de craindre que Dieu n'eût pour le péché une horreur telle, qu'il ne pouvait se réconcilier avec son Fils. Christ ressentait en ce moment la détresse qui saisira le pécheur lorsque la miséricorde ne plaidera plus pour la race coupable. C'est le sentiment d'avoir, comme substitut de l'homme chargé des péchés du monde, attiré sur lui le courroux du Père, qui rendit si amère la coupe que buvait le Fils de Dieu, et qui lui causa le brisement de coeur dont il mourut. VJC 498 2 Le peuple attend, silencieux, la fin de cette scène terrible. Le soleil luit de nouveau; mais la croix est enveloppée de ténèbres. Les sacrificateurs et les gouverneurs regardent du côté de Jérusalem: l'obscur nuage s'était arrêté sur la ville et sur les plaines de la Judée; et les violents éclairs de la colère de Dieu se dirigent contre la ville infortunée et condamnée d'avance. VJC 498 3 Au milieu de ces affreuses ténèbres, privé de l'assurance consolante de la présence de son Père, le Sauveur se reposait sur les preuves qu'il avait eues auparavant, que Dieu acceptait ses travaux, et qu'Il contemplait son oeuvre avec satisfaction. Christ à l'agonie, au moment de quitter l'existence, n'a que la foi pour le soutenir; il se confie en Celui auquel il a toujours obéi avec délices. Il connait le caractère de son Père, -- sa justice, sa miséricorde et son amour, -- et, plein de soumission, il s'abandonne entre ses mains. VJC 499 1 Tout à coup, l'obscurité s'éloigne de la croix, et, d'une voix claire comme le son d'une trompette, qui semble résonner à travers la création, Jésus crie: "Tout est accompli." "Mon Père! je remets mon esprit entre tes mains."1 Une lumière enveloppe la croix, et le visage du Sauveur resplendit d'une gloire semblable à celle du soleil. Puis il pencha la tête sur sa poitrine, et il expira. VJC 499 2 Les spectateurs réunis autour de la croix, paralysés, et osant à peine respirer, portèrent leurs regards sur le Sauveur. De nouveau, les ténèbres couvrirent la face de la terre, et on entendit un bruit sourd semblable au bruit du tonnerre, accompagné d'un violent tremblement de terre. Les spectateurs furent précipités les uns sur les autres, et il s'ensuivit la plus grande confusion et une profonde consternation. Des rochers se détachèrent des montagnes environnantes, et furent précipités à grand bruit des hauteurs dans la plaine. Les sépulcres furent ouverts, et des morts jetés hors de leurs tombes. Toute la création paraissait devoir s'écrouler. Les sacrificateurs, les gouverneurs et les soldats, remplis de terreur, tombaient par terre sans pouvoir dire une parole. VJC 499 3 Mais les ténèbres se dissipèrent de nouveau du Calvaire, et demeurèrent suspendues comme un drap funéraire sur la ville de Jérusalem. Au moment où Christ mourut, plusieurs sacrificateurs officiaient dans le temple, devant le voile qui séparait le lieu saint du lieu très-saint. Tout à coup, ils sentent la terre trembler sous leurs pieds, et le voile du temple, riche et forte draperie qu'on renouvelait chaque année, fut déchiré du haut en bas par la même main précisément qui écrivit les paroles de condamnation sur les murailles du palais de Belsçatsar. Le lieu très saint, dans lequel des pieds humains n'entraient solennellement qu'une fois par an, fut ouvert aux yeux de tous. La présence de Dieu ne devait plus jamais recouvrir le propitiatoire terrestre. La lumière de sa gloire ne devait plus jamais réfléchir sur les pierres précieuses formant le pectoral du souverain sacrificateur, ni le nuage de sa désapprobation y faire ombre. VJC 500 1 Lorsque Christ mourut sur la croix du Calvaire, une voie nouvelle et vivante fut ouverte aux Juifs et aux gentils. Dès lors, le Sauveur devait officier comme sacrificateur et avocat dans les cieux des cieux. Dès lors, le sang des bêtes offert pour le péché était sans valeur; car l'Agneau de Dieu était mort pour les péchés du monde. La nature, voilée par les ténèbres, exprimait sa sympathie pour Christ dans son heure d'agonie. Ces ténèbres montraient à l'humanité que le Soleil de Justice, la Lumière du monde, retirait ses rayons de la ville de Jérusalem, autrefois si favorisée. C'était un témoignage miraculeux, donné de Dieu, et qui devait confirmer la foi de toutes les générations futures. VJC 500 2 Jésus ne donna point sa vie jusqu'à ce qu'il eût achevé l'oeuvre qu'il était venu accomplir; et il s'écria, en rendant le dernier soupir: "Tout est accompli." Les anges se réjouirent à l'ouïe de ces paroles; car l'auguste plan de la rédemption était triomphalement accompli. Il y avait de la joie dans le ciel; car les fils d'Adam pouvaient maintenant, par une vie d'obéissance, être élevés finalement jusqu'en la présence de Dieu. Satan était défait, et il savait que son royaume était perdu. VJC 500 3 Lorsque le chrétien comprend parfaitement la grandeur du sacrifice immense fait par celui qui est la Majesté du ciel, alors le plan du salut est magnifié dans son esprit. Et lorsqu'il médite le plan du Calvaire, les émotions les plus profondes et les plus sacrées s'élèvent dans son coeur. La contemplation de l'amour incomparable du Sauveur devrait absorber l'esprit, toucher et attendrir le coeur, sanctifier et élever les affections, et transformer complétement le caractère. L'apôtre Paul dit: "Car je n'ai pas jugé que je dusse savoir autre chose parmi vous que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié."1 Nous pouvons regarder au Calvaire et dire avec l'apôtre: "A Dieu ne plaise que je me glorifie en autre chose qu'en la croix de notre Seigneur Jésus-Christ, par laquelle le monde est crucifié à mon égard, et moi je suis crucifié au monde".2 VJC 501 1 L'espérance des disciples semblait périr avec la mort de Christ. Ils regardaient avec une angoisse indescriptible ses paupières fermées et sa tête penchée; ses cheveux souillés de sang, ses mains et ses pieds percés. Ils n'avaient cru qu'au dernier moment qu'il mourrait, et ils avaient peine à croire qu'il était réellement mort. La Majesté du ciel mourut, abandonnée des croyants, privée de tout acte ou parole de sympathie qui la soulageât. Il ne fut pas même permis aux anges, remplis de pitié, de servir leur chef bien-aimé. VJC 501 2 Le soir approchait, et un silence qui n'était point de la terre enveloppait le Calvaire. La foule se dispersait, un grand nombre retournaient à Jérusalem avec un tout autre esprit que celui qu'ils avaient eu le matin. Beaucoup avaient assisté à la crucifixion par curiosité, et non dans des sentiments de haine envers Christ. Pourtant, ils avaient cru les rapports qu'avaient forgé les sacrificateurs, et le considéraient comme un malfaiteur. Lors de l'exécution, ils s'étaient imbus de l'esprit des principaux des Juifs, et dans un moment d'excitation désordonnée, ils s'étaient joints à la populace pour se moquer de Jésus et le railler. VJC 501 3 Mais lorsque la terre se fut enveloppée de ténèbres, la raison reprit le dessus; ils se sentirent accusés par leur propre conscience, et se virent coupables d'un grand péché. Au milieu de cette affreuse obscurité on n'entendait ni plaisanteries, ni rires moqueurs; et lorsque la lumière revint éclairer la nature, ils se retirèrent solennellement dans leurs demeures. Ils furent convaincus que les accusations des sacrificateurs étaient fausses, que Jésus n'était point un imposteur. Quelques semaines plus tard, ils étaient du nombre des milliers qui se convertirent à Christ, lorsqu'au jour de la Pentecôte, Pierre prêcha et expliqua le grand mystère de la croix ainsi que d'autres mystères qui concernaient le Messie. VJC 502 1 Les officiers romains se tenaient près de la croix, lorsque Jésus, avec une voix d'une puissance étonnante, s'était écrié: "Tout est accompli"; puis était mort au même instant avec ce cri de victoire sur les lèvres. Jamais auparavant ils n'avaient été témoins d'une telle mort sur la croix. C'était une chose inouïe qu'un homme mourût ainsi après six heures de crucifixion. Dans le supplice de la crucifixion, les tortures étaient longues; le supplicié s'affaiblissait peu à peu jusqu'au moment où il était difficile de déterminer si la vie était éteinte ou pas. Mais qu'un homme mourant possédât, immédiatement avant sa mort, une telle puissance et une telle clarté dans la voix, que Jésus n'en avait fait preuve, c'était un événement si étonnant que les officiers romains, habitués à de telles scènes, s'en étonnèrent fort; et le centenier qui commandait le détachement de soldats qui se trouvait là, s'écria aussitôt: "Véritablement cet homme était le Fils de Dieu."1 Ainsi, trois hommes différant grandement l'un de l'autre déclarèrent ouvertement leur foi en Christ, le jour même de sa mort: celui qui commandait la garde romaine, celui qui porta la croix de son Sauveur, et celui qui mourut sur la croix à son côté. Les spectateurs et les soldats qui gardaient la croix furent convaincus, pour autant que leur esprit était capable d'en saisir l'idée, que Jésus était le Rédempteur qu'Israël avait attendu si longtemps. Mais les ténèbres qui enveloppaient la terre n'auraient pu être plus épaisses que celles qui enveloppaient les esprits des sacrificateurs et des principaux. Les événements dont ils avaient été témoins ne les avaient pas changés, et leur haine pour Jésus n'avait point été diminuée par sa mort. VJC 502 2 A sa naissance, les anges avaient connu Christ, et avaient conduit les mages vers la crèche où il était couché. La multitude céleste avait chanté ses louanges au dessus des plaines de Bethléhem. La mer avait plus tard reconnu sa voix, et avait obéi à son commandement. La maladie et la mort avaient reconnu son autorité, et à sa parole, avaient abandonné leur proie. Le soleil l'avait connu, et avait caché sa face éblouissante à la vue de son agonie. Les rochers l'avaient connu, et avaient été réduits en fragments à l'ouïe de son dernier cri. Quoique la nature inanimée elle-même reconnût Christ, et rendît témoignage qu'il était le Fils de Dieu, pourtant, les sacrificateurs et les gouverneurs ne connurent point le Sauveur; ils rejetèrent les preuves de sa divinité, et fermèrent leur coeur à ces vérités. Ils ne furent pas aussi sensibles que les rochers granitiques des montagnes. VJC 503 1 Les Juifs ne voulaient point que les corps de ceux qui avaient été exécutés demeurassent cette nuit-là sur la croix. Ils redoutaient que l'attention du peuple se portât plus longtemps sur les événements qui venaient d'accompagner la mort de Jésus. Ils craignaient les résultats, dans l'esprit du peuple, de ce qui s'était passé en ce jour. Prétendant que la sainteté du Sabbat serait souillée si les corps des suppliciés demeuraient sur la croix durant ce saint jour, qui suivait celui de la crucifixion, les principaux des Juifs envoyèrent demander à Pilate la permission de hâter la mort des victimes, afin que leurs corps pussent être enlevés avant le coucher du soleil. VJC 503 2 Pilate également ne tenait pas plus qu'eux à ce que le spectacle de Jésus sur la croix durât plus longtemps qu'il n'était nécessaire. Le consentement du gouverneur ayant été obtenu, on rompit les jambes des deux hommes qui avaient été crucifiés avec Jésus, afin de hâter leur mort; mais Jésus ayant déjà expiré, on ne lui rompit point les jambes. Les rudes soldats qui avaient été témoins des regards et des paroles de Jésus sur le chemin du Calvaire, et lorsqu'il se mourait sur la croix, avaient été adoucis par ce dont ils venaient d'être témoins, et ils furent retenus de le mutiler en lui cassant les jambes. Ainsi fut accomplie la prophétie qui déclare qu'aucun de ses os ne serait rompu; et la loi de la Pâque, requérant un sacrifice parfait et complet, fut également accomplie dans le sacrifice de l'Agneau de Dieu. "Ils n'en laisseront rien jusqu'au matin, et ils n'en rompront point les os; ils la feront selon toute l'ordonnance de la pâque."1 VJC 504 1 A la suggestion des sacrificateurs qui désiraient s'assurer de la mort de Jésus, un soldat transperça le côté du Sauveur, lui faisant une blessure qui l'eût fait mourir instantanément s'il n'eût eu déjà expiré. De la large blessure faite par la lance, deux flots distincts découlèrent: l'un de sang, et l'autre d'eau. Ce fait remarquable fut noté par tous ceux qui en furent témoins, et Jean raconte distinctement ce fait en disant: "Un des soldats lui perça le côté avec une lance, et aussitôt il en sortit du sang et de l'eau. Et celui qui l'a vu, en a rendu témoignage (et son témoignage est véritable, et il sait qu'il dit vrai), afin que vous le croyiez. Or, cela arriva ainsi, afin que cette parole de l'Ecriture fût accomplie: Aucun de ses os ne sera rompu. Et ailleurs l'Ecriture dit encore: Ils verront celui qu'ils ont percé."2 VJC 504 2 Après la résurrection, les sacrificateurs et les gouverneurs firent circuler le bruit que Jésus n'était pas mort sur la croix, qu'il s'était simplement évanoui et avait ensuite repris ses sens. Un autre rapport mensonger affirmait qu'on n'avait point mis dans la tombe un corps réel de chair et d'os, mais l'image d'un corps. Mais le témoignage de Jean concernant le côté percé du Sauveur et le sang et l'eau qui découlèrent de la blessure réfutent ces faussetés ébruitées par des Juifs sans scrupule. ------------------------Chapitre 47 -- Au sépulcre VJC 505 1 Jésus avait été mis à mort pour le prétendu crime de trahison contre le gouverneur romain; or tout homme mis à mort pour ce crime était enterré par les soldats dans un lieu de sépulture réservé exclusivement à cette classe de criminels, qui avaient souffert l'extrême pénalité de la loi. VJC 505 2 Jean était embarrassé de savoir quelles mesures prendre concernant le corps de son Maître bien-aimé. Il frissonnait à la pensée de le voir emporté par des soldats grossiers et insensibles, et enseveli dans un lieu déshonorant. Il savait qu'il ne pouvait obtenir aucune faveur des autorités juives, et qu'il ne pouvait pas espérer grand'chose de la part de Pilate. Mais, dans cette situation critique, Joseph et Nicodème s'avancèrent. L'un et l'autre étaient membres du Sanhédrin, et étaient en rapport avec Pilate. Tous deux étaient des hommes riches et influents. Ils étaient résolus à faire donner au corps de Jésus une sépulture honorable. VJC 505 3 Joseph se rendit hardiment auprès de Pilate, et lui demanda la permission d'ensevelir le corps de Jésus. Pilate lui accorda aussitôt ce qu'il demandait, car il croyait fermement que Jésus était innocent. Ce n'est qu'alors que le gouverneur romain apprit, de la bouche de Joseph, que Jésus était réellement mort. On le lui avait laissé ignorer à dessein, quoique des rapports contradictoires lui fussent parvenus concernant les événements extraordinaires qui avaient accompagné la crucifixion. Il apprit alors que le Sauveur était mort au moment même où avaient disparu ces ténèbres mystérieuses qui avaient enveloppé la terre. Pilate fut surpris que Jésus fût mort si tôt; car ceux que l'on crucifiait souffraient des jours entiers sur la croix. Le récit qu'il entendit alors de la mort de Jésus le persuada encore plus fermement que ce n'était point un homme ordinaire. Le gouverneur romain fut étrangement agité, et regretta profondément d'avoir pris part à la condamnation du Sauveur. VJC 506 1 Les sacrificateurs et les principaux avaient averti Pilate et ses officiers de se mettre en garde contre toute tromperie que les disciples de Jésus tenteraient par rapport au corps du Sauveur. Par conséquent, Pilate, avant d'accorder ce que demandait Joseph, envoya chercher le centenier qui commandait les soldats près de la croix, et il apprit de lui avec certitude que Jésus était mort. Et sur la requête instante de Pilate, le centenier lui raconta les scènes terribles du Calvaire, ratifiant ainsi le témoignage de Joseph. VJC 506 2 Alors Pilate donna l'ordre officiel de remettre à Joseph le corps de Jésus. Tandis que Jean était inquiet et agité concernant les restes sacrés de son Maître bien-aimé, Joseph d'Arimathée revenait d'auprès du gouverneur; et Nicodème, anticipant le résultat de l'entrevue de Joseph avec Pilate, arrivait avec des baumes précieux de myrrhe et d'aloès, du poids d'environ cinquante kilos. On n'aurait pu témoigner plus de respect à l'homme le plus honoré de Jérusalem. VJC 506 3 Les femmes qui étaient venues de Galilée étaient demeurées auprès de Jean, afin de voir ce qu'on ferait au corps de Jésus. Lors même que leur foi en Christ comme Messie promis avait péri avec lui, elles attachaient un grand prix à son corps. Les disciples étaient plongés dans une morne douleur; ils étaient tellement abattus par les événements qui venaient d'arriver, qu'ils étaient incapables de se rappeler les paroles de Jésus leur annonçant que ces choses mêmes devaient arriver ainsi. Les femmes furent étonnées de voir Joseph et Nicodème, tous deux riches et honorés, aussi intéressés qu'elles à ensevelir convenablement le corps de Jésus, et tout aussi désireux d'y prendre part. VJC 506 4 Ni l'un ni l'autre de ces hommes ne s'était attaché ouvertement au Sauveur pendant qu'il vivait, quoique tous deux crussent en lui. Ils savaient que s'ils avaient déclaré leur foi en lui, ils auraient été exclus du conseil du Sanhédrin, à cause des préventions des sacrificateurs et des anciens envers Jésus. Cela leur eût enlevé toute possibilité de lui aider et de le protéger de leur influence dans le conseil. Ils avaient démontré plusieurs fois la fausseté des raisons de sa condamnation, et protesté contre son arrestation; et le conseil avait levé la séance sans prendre de décision sur le sujet qui les avait réunis; car il était impossible d'obtenir la condamnation de Jésus sans le consentement unanime du Sanhédrin. Les sacrificateurs étaient finalement arrivés à leurs fins, en assemblant un conseil secret auquel Joseph et Nicodème ne furent point convoqués. Mais alors, les deux conseillers se présentèrent hardiment pour venir en aide aux disciples. Dans ce moment, l'aide de ces hommes riches et honorés se faisait cruellement sentir. Ils pouvaient faire pour le corps du Sauveur ce qu'il était impossible aux pauvres disciples de faire, et leur position influente les protégeait dans une grande mesure des censures et des remontrances. Tandis que les disciples avoués de Christ se trouvaient trop découragés et trop intimidés pour montrer ouvertement qu'ils étaient ses disciples, ces hommes se mirent hardiment en avant, et firent noblement leur part. VJC 507 1 Ils enlevèrent doucement et respectueusement de leurs propres mains le corps de Jésus de l'instrument de torture, et lavèrent soigneusement les taches de sang qui le couvraient. Des flots de larmes s'échappaient de leurs yeux, en regardant ce corps meurtri et déchiré. Joseph possédait un sépulcre neuf, taillé dans le roc, qu'il s'était réservé pour lui-même; ce sépulcre était proche du Calvaire, et il le prépara pour y mettre Jésus. Le corps embaumé avec les drogues aromatiques apportées par Nicodème, fut soigneusement enveloppé dans une toile de lin, et les trois disciples transportèrent leur précieux fardeau dans le sépulcre neuf où personne n'avait encore été mis. Là, ils étendirent ces membres déchirés, et croisèrent ses mains percées sur sa poitrine inanimée. VJC 507 2 Les femmes qui étaient venues de la Galilée s'approchèrent de plus près, afin de voir si tout ce que l'on pouvait faire avait été fait pour le corps de leur Maître bien-aimé; puis elles virent la lourde pierre que l'on roulait à l'entrée du sépulcre, et le Fils de Dieu fut laissé dans son repos. Ces femmes, avaient été les dernières à la croix, elles furent les dernières au sépulcre de Christ. Pendant que les ombres du soir descendaient sur la terre, Marie Magdelaine et l'autre Marie s'attardaient vers le saint lieu du repos de leur Seigneur, répandant des larmes de douleur sur le sort de celui qu'elles aimaient. VJC 508 1 Quoique les principaux des Juifs eussent accompli leur dessein meurtrier en mettant à mort le Fils de Dieu, leurs appréhensions n'étaient point calmées ni leur jalousie envers Christ éteinte. A la joie d'avoir satisfait leur vengeance, se mêlait toujours la crainte que ce corps qui reposait dans le sépulcre de Joseph, ne revînt à la vie. Ils s'étaient efforcés de croire que c'était un séducteur, mais en vain. Partout ils se voyaient interrogés sur Jésus de Nazareth par des gens qui, n'ayant point entendu parler de sa mort, apportaient leurs amis malades et mourants afin qu'ils fussent guéris par le grand Médecin au jour de la Pâque. Les sacrificateurs savaient dans leurs coeurs que Jésus avait été tout puissant; ils avaient été témoins de son miracle au tombeau de Lazare; ils savaient qu'il avait rendu des morts à la vie, et ils tremblaient de crainte qu'il ne se relevât d'entre les morts. VJC 508 2 Ils l'avaient entendu déclarer qu'il avait le pouvoir de donner sa vie et le pouvoir de la reprendre; ils se souvenaient qu'il avait dit: "Abattez ce temple, et je le relèverai dans trois jours"; ils se rappelaient toutes ces choses, et en étaient effrayés. Lorsque Judas avait trahi son Maître auprès des sacrificateurs, il leur avait répété la déclaration que Jésus avait faite à ses disciples en particulier, lorsqu'ils étaient en route pour Jérusalem: "Nous montons à Jérusalem, et le Fils de l'homme sera livré aux principaux sacrificateurs et aux scribes, et ils le condamneront à la mort; et ils le livreront aux gentils pour être exposé à la moquerie, et pour être fouetté et crucifié; mais il ressuscitera le troisième jour."1 Ils se souvinrent de bien des choses qu'il avait dites, et qu'ils reconnurent comme étant de véritables prophéties des événements qui venaient d'avoir lieu. Ils ne désiraient point penser à ces choses, mais ils ne pouvaient les éloigner de leur esprit. Comme leur père, le diable, ils croyaient et ils tremblaient. VJC 509 1 Maintenant que l'excitation frénétique était passée, l'image de Christ revenait à leur esprit, et ils le revoyaient devant ses ennemis calme, ne proférant aucune plainte, souffrant sans murmurer leurs moqueries et leurs mauvais traitements. Ils se rappelaient ses prières pour ceux qui le clouaient à la croix; son oubli de ses propres souffrances, et la réponse miséricordieuse qu'il avait faite à la prière du brigand sur la croix; les ténèbres qui avaient couvert la terre, leur soudaine disparition, et son cri triomphant: "Tout est accompli", qui avait semblé résonner à travers l'univers entier; sa mort immédiate, le tremblement de terre, l'écroulement des rochers; l'ouverture des sépulcres, et le déchirement du voile du temple. Toutes ces circonstances remarquables imprimaient dans leur esprit l'irrésistible conviction que Jésus était le Fils de Dieu. VJC 509 2 Lorsque Judas avait rapporté aux sacrificateurs les paroles de Jésus concernant sa mort prochaine, ils s'étaient moqués de l'idée qu'il pût prévoir les événements. Or, toutes ces prédictions s'étaient si bien accomplies, qu'ils n'étaient point sûrs que tout ce qu'il avait prédit n'arrivât. Si Jésus ressuscitait des morts, ils craignaient que leur vie ne payât la peine de leur crime. Ils ne pouvaient goûter aucun repos pendant la nuit; car ils étaient bien plus inquiets de Jésus, mort, qu'ils ne l'avaient été durant sa vie. Ils avaient alors pensé que leur seul espoir de prospérité et d'influence était de réduire au silence la voix qui les réprouvait; maintenant, ils tremblaient à cause de la puissance miraculeuse qu'il avait possédée. VJC 509 3 Ils eurent peu de repos le jour du Sabbat. Quoiqu'ils n'eussent point voulu franchir le seuil de la maison d'un gentil, de crainte de se souiller, ils tinrent néanmoins un conseil au sujet du corps de Christ. Ils savaient que les disciples ne feraient aucune tentative de l'enlever avant que le Sabbat fût passe; mais ils désiraient prendre toutes les précautions possibles à la fin de ce jour; donc, "les principaux sacrificateurs et les pharisiens allèrent ensemble vers Pilate, et lui dirent: Seigneur, nous nous souvenons que quand ce séducteur vivait, il disait: Je ressusciterai dans trois jours. Commande donc que le sépulcre soit gardé sûrement jusqu'au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent de nuit, et n'enlèvent son corps, et qu'ils ne disent au peuple: Il est ressuscité des morts. Cette dernière séduction serait pire que la première." Pilate, pas plus que les Juifs, ne désirait que Jésus ressuscitât avec puissance pour punir ceux qui l'avaient mis à mort; il remit ainsi une escouade de soldats romains aux ordres des sacrificateurs, en disant: "Vous avez la garde; allez, et faites-le garder comme vous l'entendrez. Ils s'en allèrent donc, et ils s'assurèrent du sépulcre, en scellant la pierre, et en y mettant des gardes."1 VJC 510 1 La discipline de l'armée romaine était très sévère. On punissait de mort une sentinelle que l'on trouvait endormie à son poste. Les Juifs comprenaient l'avantage d'avoir une telle garde au sépulcre de Jésus. Ils scellèrent la pierre qui fermait l'entrée du sépulcre, afin qu'on ne pût y toucher sans qu'on le remarquât, et ils prirent toutes les précautions possibles pour que les disciples ne pussent point les tromper, et enlever le corps de Jésus. Mais toutes leurs précautions et tous leurs plans ne servirent qu'à rendre plus complet le triomphe de la résurrection, et à établir plus fermement la vérité. VJC 510 2 Comment Dieu et les anges doivent-ils avoir considéré tous ces préparatifs pour garder le corps du Rédempteur du monde? Combien ces efforts doivent avoir paru faibles et insensés! Les paroles du Psalmiste dépeignent cette scène: "Pourquoi les nations s'assemblent-elles, et les peuples projettent-ils des choses vaines? Pourquoi les rois de la terre s'assemblent-ils, et les princes consultent-ils ensemble contre l'Eternel et contre son oint? Rompons, disent-ils, leurs liens, et jetons loin de nous leurs cordes. Celui qui habite dans les cieux s'en rira; le Seigneur se moquera d'eux."2 Les gardes romains et leurs armes étaient impuissants pour renfermer le Seigneur de la vie dans l'étroite enceinte du sépulcre. Christ avait déclaré qu'il avait le pouvoir de donner sa vie et le pouvoir de la reprendre. L'heure de sa victoire approchait. VJC 510 3 Dieu avait dirigé les événements qui avaient accompagné la naissance de Christ. Il y avait un temps déterminé où il devait apparaître sous la forme de l'humanité. Une longue suite de prophéties inspirées indiquaient la venue de Christ dans le monde, et décrivaient la manière dont il serait reçu. Si le Sauveur était apparu à une période antérieure dans l'histoire du monde, les avantages que les chrétiens en eussent tirés n'auraient point été si grands, car leur foi ne se fût point développée et fortifiée par la considération des prophéties qui perçaient l'avenir et rapportaient les événements qui devaient arriver. VJC 511 1 Les Juifs s'étant méchamment éloignés de l'Eternel, Dieu permit qu'ils tombassent sous la puissance d'une nation païenne. Il ne fut accordé aux Juifs qu'une certaine puissance très limitée; le Sanhédrin même ne pouvait prononcer un jugement final sur aucun cas important entraînant l'application de la peine capitale. Un peuple qui, comme les Juifs, est esclave de la bigoterie et de la superstition, est on ne peut plus cruel et implacable. Il plut à la sagesse de Dieu d'envoyer son Fils dans le monde dans un moment où la puissance romaine avait l'autorité. Si les Juifs eussent été libres, nous n'aurions point maintenant une histoire de la vie et du ministère de Christ parmi les hommes. Les sacrificateurs et les gouverneurs, jaloux, se fussent promptement défaits d'un si formidable rival. Il eût été lapidé sans le secours de la fausse accusation de violer la loi de Dieu. Les Juifs ne mettaient personne à mort par la crucifixion. C'était une méthode de punition qu'avaient adoptée les Romains; par conséquent, il n'y aurait point eu de croix sur le Calvaire. Et alors, les prophéties n'eussent point été accomplies; car Christ devait être élevé sur la croix à la vue du public, comme le serpent l'avait été dans le désert. VJC 511 2 La puissance romaine fut dans la main de Dieu l'instrument qui empêcha la lumière du monde d'être éteinte au milieu des ténèbres. La croix fut élevée, suivant le plan de Dieu, à la vue de toute nation, de toute langue et de tout peuple, attirant leur attention sur l'Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde. VJC 511 3 Si la venue de Christ eût été différée à bien des années plus tard, au temps où la puissance des Juifs s'était amoindrie, la prophétie n'eût point été parfaitement accomplie; car il n'eût point été possible aux Juifs, leur puissance étant sur son déclin, d'influencer les autorités romaines au point de leur faire signer la condamnation de Jésus sur les accusations mensongères présentées. Et il n'y aurait pas eu non plus de croix érigée pour Christ sur le Calvaire; car peu après la mort du Sauveur, la méthode de faire mourir par la crucifixion fut abolie. Les scènes qui se passèrent à la mort de Jésus, la conduite inhumaine de la populace, les ténèbres surnaturelles qui enveloppèrent la terre, l'effroi de la nature qui se manifesta par l'écroulement des rochers et par l'apparition des éclairs, tout cela frappa le peuple de tels remords et de telles terreurs, que la croix, comme instrument de mort, tomba bientôt en désuétude. A la destruction de Jérusalem, lorsque la populace resaisit le pouvoir, la crucifixion reparut pour un moment, et bien des croix furent élevées sur le Calvaire. VJC 512 1 Le temps et la manière de l'apparition de Christ, étaient un accomplissement direct et complet des prophéties. Ces circonstances, données au monde par le témoignage des apôtres et de leurs contemporains, sont l'un des plus forts appuis de la foi chrétienne. Nous n'avons point été des témoins oculaires des miracles de Jésus qui attestent sa divinité; mais nous avons les écrits de ses disciples qui en ont été les témoins oculaires. Or la foi nous permet de voir par leurs yeux, et d'entendre par leurs oreilles; et notre foi s'empare avec la leur des preuves qu'ils nous donnent. VJC 512 2 Les apôtres acceptèrent Jésus sur le témoignage d'une suite de prophètes et d'hommes justes, s'étendant sur une période de plusieurs siècles. Le monde chrétien possède en faveur de sa foi une chaîne de preuves pleine et complète, s'étendant à travers tout l'Ancien et le Nouveau Testament; d'un côté, elle montre un Sauveur à venir, et de l'autre elle remplit les conditions de cette prophétie. Tout cela suffit pour affermir la foi de ceux qui désirent croire. Dieu a voulu laisser à la race humaine de légitimes moyens de développer sa foi en la puissance de Dieu et de son Fils, comme dans les opérations du Saint-Esprit. ------------------------Chapitre 48 -- La fin de la lutte VJC 513 1 Lorsque Christ s'était écrié: "Tout est accompli", le ciel entier avait triomphé. La controverse entre Christ et Satan concernant le plan du, salut était achevée. L'esprit de Satan et ses oeuvres avaient jeté de profondes racines dans le coeur des enfants des hommes. Si Satan était arrivé au pouvoir, c'eût été le coup de mort donné au genre humain. Sa haine implacable pour le Fils de Dieu se révéla dans la manière dont il le traita lorsqu'il était dans le monde. La trahison de Christ, son jugement et sa crucifixion, furent tous conçus par cet ennemi déchu. La haine qu'il déploya dans la mort du Fils de Dieu découvrit et révéla son vrai caractère diabolique à toutes les créatures de l'univers qui n'avaient point péché. VJC 513 2 Les saints anges furent frappés d'horreur à la pensée qu'un être qui avait été parmi eux pût déchoir au point d'être capable d'une telle cruauté. Tout sentiment de sympathie ou de pitié qu'ils pouvaient avoir éprouvé pour Satan dans son exil, s'éteignit dans leurs coeurs. Qu'il exerçât son envie avec un tel esprit de vengeance sur une innocente personne, c'eût été assez pour lui arracher son faux manteau de sainteté et d'innocence, et révéler les hideuses difformités qu'il cachait. Mais manifester une telle malignité envers le divin Fils de Dieu qui était descendu du ciel, qui avait revêtu la nature déchue de l'homme avec un renoncement et un amour sans précédent pour les créatures formées à son image, c'était un crime si haïssable envers le ciel, que les anges en tressaillirent d'horreur. Cet acte brisa pour toujours le dernier lien de sympathie existant entre Satan et le monde céleste. Satan avait fait des efforts extraordinaires, depuis le moment où Jésus était apparu comme enfant de Bethléhem. Il avait cherché de toutes les manières possibles à empêcher Jésus de passer une innocente enfance, de devenir un homme sans faute, d'exercer un saint ministère, et de consommer un sacrifice infini en donnant sans murmurer sa vie pour les péchés des hommes. Mais Satan avait été incapable de le décourager ou de le détourner de l'oeuvre qu'il était venu accomplir sur la terre. La colère de Satan le suivit du désert au Calvaire; mais plus elle était impitoyable, plus fermement aussi le Fils de Dieu s'attachait-il à la main de son Père, et poursuivait-il le sentier de sang qu'il avait à parcourir. Tous les efforts de Satan pour l'opprimer et l'accabler ne servirent qu'à faire ressortir dans une lumière plus vive le caractère sans tache du Fils de Dieu. VJC 514 1 Dans la controverse entre Christ et Satan, le caractère de Dieu fut pleinement justifié d'avoir banni du ciel un ange déchu qui avait été autrefois exalté au point d'être le premier après Christ. Le ciel entier et les mondes qui n'avaient point été envahis par le péché, avaient été témoins de la lutte entre Christ et Satan. Mais avec quel intérêt extraordinaire n'avaient-ils point suivi les scènes finales du conflit! Ils avaient vu le Sauveur entrer dans le jardin de Gethsémané, l'âme courbée sous l'horreur de ténèbres qu'il n'avait jamais senties auparavant. Une angoisse accablante avait arraché de ses lèvres le cri amer que cette coupe si possible passât loin de lui. Un effroi terrible avait rempli son âme divine, et l'avait fait frémir, lorsqu'il avait senti que son Père avait retiré de lui son Esprit. Il avait été saisi d'une douleur plus amère que celle qui accompagne la dernière lutte avec la mort. Il avait sué des grumeaux de sang qui étaient tombés sur le sol. Par trois fois la même prière, demandant la délivrance, s'était échappée de ses lèvres. Le ciel n'avait pu endurer plus longtemps cette scène, et avait envoyé un messager de consolation au Fils de Dieu qui était prosterné sur le sol, défaillant et mourant sous le poids accumulé de la culpabilité du monde. VJC 515 1 Le ciel avait vu la victime trahie et traînée, avec violence et au milieu des moqueries, d'un tribunal à un autre. Les anges avaient entendu ses persécuteurs rire grossièrement de sa naissance obscure, et un de ses disciples bien-aimés le renier avec imprécations et jurements. Ils avaient vu l'oeuvre frénétique de Satan, et la puissance avec laquelle il gouvernait les coeurs des hommes. Oh scène lamentable et navrante! Le Sauveur, saisi comme un meurtrier à l'heure de minuit dans le paisible jardin de Gethsémané, traîné çà et là d'un palais à un prétoire, accusé deux fois devant le Sanhédrin, deux fois devant Pilate et une fois devant Hérode, en butte à la moquerie, battu de verges, et condamné, emmené pour être crucifié, portant le lourd fardeau de la croix au milieu des gémissements des filles de Jérusalem et des railleries de la populace! VJC 515 2 Le ciel avait vu, avec douleur et effroi, le Christ suspendu sur la croix, le sang coulant de ses tempes meurtries, et son front couvert d'une sueur ensanglantée. Le sang avait découlé goutte à goutte de ses mains et de ses pieds sur le rocher creusé pour y planter la croix. Les blessures faites par les clous s'étaient élargies à mesure que le poids de son corps pesait sur ses mains. Sa respiration pénible était devenue plus rapide et plus oppressée, tandis que son âme haletait sous le fardeau des péchés du monde. Tout le ciel avait été rempli d'admiration lorsque, au milieu de ses terribles souffrances, Christ avait fait cette prière: "Mon Père! pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font." Pourtant il y avait eu là des hommes, formés à l'image de Dieu, qui s'étaient joints à Satan pour arracher la dernière étincelle de vie au coeur du Fils de Dieu. VJC 515 3 En Christ était l'incorporation de Dieu lui-même. Le plan du salut de l'homme et son exécution sont une démonstration de sagesse et de puissance divines, pleine de mystère pour des intelligences bornées. L'impénétrable amour de Dieu pour la race humaine, -- en donnant son Fils afin de mourir pour l'homme, -- fut rendu manifeste. Christ fut révélé dans tout l'amour et toute la pureté de l'abnégation; et l'homme pouvait dès lors obtenir la vie éternelle par les mérites de son Rédempteur. Lorsque la justice de Dieu s'exprima par la sentence judiciaire qui déclarait que le sort final de Satan serait d'être entièrement consumé avec tous ceux qui se rangeraient sous sa bannière, tout le ciel retentit de ces paroles mêlées d'alléluia: "L'Agneau qui a été immolé est digne de recevoir la puissance, les richesses, la sagesse, la force, l'honneur, la gloire et la louange." VJC 516 1 Lorsque nous nous arrêtons à considérer la justice de Dieu, nous ne voyons qu'un seul côté de son caractère; car dans sa grandeur et sa puissance, il a condescendu à notre faiblesse, en envoyant son Fils dans notre monde afin que l'homme ne pérît pas. VJC 516 2 Dans la croix, nous pouvons lire sa tendre miséricorde et son pardon, s'harmonisant admirablement avec sa justice sévère et immuable. Nous sentons la sévérité de Dieu lorsque nous sommes éloignés de lui; mais lorsque nous nous repentons de nos péchés, et que nous faisons notre paix avec lui par la vertu de la croix, nous trouvons en lui un Père miséricordieux, réconcilié avec les hommes par son Fils. VJC 516 3 On avait transporté avec hâte le corps de Jésus dans le sépulcre, parce que le Sabbat était très proche, et afin que les disciples pussent garder ce jour selon le commandement. Les deux Marie avaient été les dernières au sépulcre. Ce fut un Sabbat qui devait être inoubliable aux disciples affligés, comme aux sacrificateurs, aux gouverneurs, aux scribes et au peuple. La Pâque fut observée comme elle l'avait été pendant des siècles, tandis que l'Agneau anti-type qu'elle préfigurait avait été mis à mort par la main des méchants, et reposait dans le sépulcre de Joseph. Des foules d'adorateurs remplissaient les cours du temple, et les sacrifices du matin et du soir étaient présentés comme auparavant. Bien des esprits étaient agités par le souvenir des scènes du Calvaire. De la crucifixion à la résurrection, bien des Juifs passèrent la nuit comme le jour à sonder les prophéties. Les uns pour apprendre la complète signification de la fête qu'ils célébraient dans ce moment; les autres pour y trouver la preuve que Jésus n'était point ce qu'il prétendait être; et d'autres encore, dont les espérances étaient déçues et les coeurs affligés, cherchaient une preuve convaincante qu'il était le Messie. Quoique sondant les Ecritures dans des buts différents, tous furent convaincus de la même vérité: à savoir que la prophétie avait été accomplie dans les événements des quelques jours écoulés, et que le crucifié était véritablement le Rédempteur du monde. VJC 517 1 Les sacrificateurs qui exerçaient leur ministère devant l'autel avaient de noirs pressentiments lorsqu'ils considéraient le voile déchiré du haut en bas par des mains inconnues, et qu'ils n'avaient pas eu le temps de remettre en place ou de réparer complètement. En voyant découverts les mystères du lieu très-saint, ils étaient remplis de crainte et pressentaient des calamités à venir. Plusieurs des sacrificateurs qui officiaient furent profondément convaincus du vrai caractère de Jésus. Ce ne fut point en vain qu'ils sondèrent les prophéties; et après que Jésus fut ressuscité des morts, ils le reconnurent comme Fils de Dieu. VJC 517 2 La foi des disciples était obscurcie par le doute. Ils étaient trop profondément plongés dans la perplexité et l'incertitude pour se rappeler les paroles de Jésus, qui les avait avertis à l'avance des choses qui devaient arriver. Ils étaient véritablement comme des brebis errantes, sans pasteur; mais jamais ils n'avaient autant aimé leur Sauveur qu'en ce moment. Jamais ils n'avaient autant senti sa valeur et le besoin qu'ils avaient de lui, comme lorsqu'ils furent privés de sa société. VJC 517 3 Lorsque Nicodème vit Jésus élevé sur la croix, il se souvint des paroles qu'il lui avait dites dans sa secrète entrevue sur la montagne. En ce jour de Sabbat, où Christ était couché silencieux dans la tombe, il eut une occasion favorable pour réfléchir. Une lumière plus claire illumina alors son intelligence, et les paroles de Jésus ne lui furent plus un mystère. Il sentit qu'il avait beaucoup perdu en négligeant de se joindre à Jésus pendant qu'il était sur la terre. Lorsque le Sauveur fut élevé sur la croix, Nicodème se rappela qu'il lui avait dit que le Fils de l'homme devait être élevé comme le serpent fut élevé dans le désert. La prière de Christ pour ses meurtriers, et la réponse qu'il fit à la demande du brigand mourant, tandis qu'il souffrait lui-même les tortures atroces de la mort sur la croix, parlèrent avec une clarté puissante au coeur du savant conseiller. Et ce dernier cri: "Tout est accompli", prononcé d'une voix triomphante, joint au tremblement de terre, aux ténèbres, au voile du temple déchiré, aux rochers croulants: toutes ces choses affermirent pour toujours la foi de Nicodème. VJC 518 1 Joseph avait cru en Jésus, quoiqu'il eût gardé le silence. Alors, toutes les craintes de l'un comme de l'autre firent place au courage, à une foi ferme et inébranlable. Durant cette mémorable Pâque, les scènes de la crucifixion firent le sujet des pensées et des conversations. Des centaines de personnes avaient amené avec elles à la Pâque leurs parents et leurs amis malades, espérant voir Jésus et obtenir de lui qu'il les guérît et les sauvât. Grande fut leur déception d'apprendre qu'il n'était point à la fête; et lorsqu'on leur eut raconté qu'il avait été exécuté comme un criminel, leur indignation et leur douleur ne connurent pas de bornes. Aucune espérance de le revoir, d'entendre ses paroles de répréhension et d'avertissement, de consolation et d'espérance, dans les rues de Jérusalem, au bord du lac, dans les synagogues, et dans les bosquets. VJC 518 2 Les circonstances de sa mort furent racontées à ces étrangers par deux catégories de personnes. Ceux qui avaient contribué à sa mort firent leurs faux rapports; et ceux qui l'aimaient, ceux qu'il avait guéris et consolés, racontaient la terrible vérité et les miracles qu'il avait accomplis en leur faveur. Les malades qui étaient venus dans l'espoir d'être guéris par le Sauveur, étaient complétement découragés. Les rues et les parvis du temple furent remplis de gémissements. Les malades mouraient faute de l'attouchement de Jésus de Nazareth qui les guérissait. C'est en vain que l'on consultait les médecins; aucun n'avait l'habileté de celui qui reposait dans le sépulcre de Joseph. Les affligés qui avaient attendu ce moment depuis longtemps comme leur seul espoir de délivrance, demandaient en vain le Médecin qu'ils étaient venus chercher. VJC 519 1 Bien des voix qui avaient poussé le cri de "crucifiele! crucifie-le!" comprenaient le mal qui les frappait, et se seraient écriées avec autant d'ardeur: rendez-nous Jésus! s'il eût encore été en vie. Les douloureux gémissements des malades et des mourants qui n'avaient personne pour les sauver, firent comprendre à des milliers de personnes qu'une grande lumière s'était éloignée du monde. La mort de Jésus laissait un vide qui ne pouvait être rempli. Les sacrificateurs et les principaux étaient mal à l'aise; ils entendaient le peuple réclamer Jésus de Nazareth, et ils évitaient la foule autant que possible. VJC 519 2 Ceux qui étaient soupçonnés d'être attaqués de la lèpre furent alors examinés par le sacrificateur, ce qui se faisait en de semblables occasions. Un grand nombre entendirent leur mari, leur femme ou leurs enfants déclarés souillés, et condamnés à s'éloigner de leur maison et de leurs amis, et à avertir l'étranger qui s'approchait d'eux, par ce cri lugubre: "Souillé! souillé!" Les mains de Jésus de Nazareth, qui jamais n'avaient refusé de toucher et de guérir le repoussant lépreux, étaient croisées inanimées sur sa poitrine, portant les marques de clous cruels. Ses lèvres, qui avaient répondu à la demande du lépreux par ces consolantes paroles: "Je le veux, sois nettoyé", étaient alors silencieuses. Les hommes n'eurent quelque idée de ce que Christ était pour le monde, que lorsque sa lumière se fut éteinte dans les ténèbres du tombeau. Ils entendaient les malades et les souffrants demander Jésus avec désespoir, jusqu'à ce que la mort vînt éteindre leurs voix. VJC 519 3 La vengeance que les sacrificateurs pensaient devoir être si douce leur devenait déjà une amertume. Ils savaient qu'ils auraient à affronter la sévère censure du peuple; ils savaient que ceux mêmes qu'ils avaient excité contre Jésus avaient alors horreur de ce qu'ils avaient fait. En voyant toutes ces preuves de l'influence divine de Christ, ils furent plus effrayés de le sentir dans la tombe, qu'ils ne l'avaient été de le voir vivant au milieu d'eux. La possibilité qu'il sortît du tombeau remplissait leur âme coupable d'une terreur indescriptible. Ils avaient le sentiment que Jésus pouvait à tout instant paraître devant eux, et, d'accusé, devenir accusateur, d'exécuté exécuteur, pour réclamer à son tour la justice, par la condamnation à mort de ses meurtriers. ------------------------Chapitre 49 -- La résurrection VJC 521 1 Tout avait été préparé au sépulcre pour empêcher les disciples de tenter quelque surprise ou quelque fraude. La nuit s'était écoulée tranquillement, et l'heure, la plus sombre, qui précède le lever du jour, était arrivée. Les gardes romains veillaient avec soin; les sentinelles passaient et repassaient devant le sépulcre, tandis que le reste du détachement composé de cent soldats, s'étendait sur le sol dans différentes positions, essayant de goûter un peu de repos. Mais les anges gardaient aussi le sépulcre, et un seul d'entre eux, faisant usage de son pouvoir, eût pu frapper de mort toute l'armée romaine. VJC 521 2 Un des anges de l'ordre le plus élevé est envoyé du ciel; son visage rayonne comme l'éclair, et ses vêtements sont aussi blancs que la neige. Il refoule les ténèbres sur son passage, et tout le ciel est éclairé de sa gloire resplendissante. Les soldats endormis se lèvent simultanément, et, émerveillés et saisis d'effroi, regardent, dans les cieux éclairés, la vision lumineuse qui s'approche. La terre tremble et chancelle; soldats, officiers et sentinelles, tous tombent comme morts, prosternés sur le sol. Les mauvais anges qui ont triomphalement réclamé le corps de Christ s'enfuient épouvantés. Un des anges puissants qui avait, avec sa compagnie, veillé sur la tombe de son Maître, se joignit à l'ange qui descendait du ciel, et ils s'avancèrent directement au sépulcre. VJC 521 3 Le chef de la garde des anges s'empara de la grande pierre qui avait exigé l'effort de plusieurs hommes robustes pour la placer dans sa position, la mit de côté, et s'assit dessus, tandis que son compagnon entrait dans le sépulcre, et enlevait les linges qui enveloppaient la tête de Jésus. Ensuite, l'ange puissant, d'une voix qui fit trembler la terre, se fit entendre: Jésus, Fils de Dieu, ton Père t'appelle! Alors celui qui avait le pouvoir de vaincre la mort et le sépulcre sortit comme un conquérant au milieu des oscillations de la terre, à la lumière des éclairs et au son des roulements du tonnerre. Un tremblement de terre marqua l'heure où Jésus rendit la vie, et un autre tremblement de terre signala également le moment où il la reprit triomphalement. VJC 522 1 Jésus fut les prémices de ceux qui dorment. Lorsqu'il sortit de la tombe, il emmena avec lui d'entre les morts une multitude, résolvant ainsi pour toujours la question si longtemps disputée de la résurrection. En ramenant d'entre les morts cette multitude de captifs, il donna la preuve qu'il y aurait une résurrection finale de ceux qui dorment en Jésus. Ceux qui croient en Christ reçoivent ainsi précisément la connaissance qu'ils désirent concernant la vie future de ceux qui sont morts dans la foi. VJC 522 2 Satan fut dans une grande colère de ce que ses anges avaient fui la présence des anges célestes, et de ce que Christ avait vaincu la mort, et montré par cet acte quelle devait être sa puissance future. Tout le triomphe dont Satan avait joui à la vue de la puissance qu'il exerçait sur les hommes, et qui l'avait poussé à insulter et à faire mourir le Fils de Dieu, tout ce triomphe s'évanouit à la vue de la puissance divine de Christ. Il avait osé espérer que Jésus ne reprendrait pas sa vie; mais son courage défaillit, lorsque le Sauveur sortit de la tombe, après avoir payé la rançon complète de l'homme, rendant celui-ci capable de vaincre lui-même Satan au nom de Christ, le vainqueur. Le grand ennemi sut alors qu'il devait mourir, et que son empire prendrait fin. VJC 522 3 Dans cette scène de la résurrection du Fils de Dieu, nous avons une image vivante de la gloire qui sera révélée à la résurrection générale des justes, à la seconde apparition de Jésus dans les nuées du ciel. Alors, les morts qui sont dans leurs sépulcres entendront sa voix, et reprendront vie; et non seulement la terre, mais les cieux eux-mêmes seront ébranlés. Quelques sépulcres furent ouverts à la résurrection de Christ; mais à sa seconde venue, tous les justes si précieux aux yeux de Dieu, depuis le juste Abel au dernier des saints qui mourra, se réveilleront pour une vie glorieuse et immortelle. VJC 523 1 Si, à l'apparition d'un seul ange revêtu d'une puissance céleste, les soldats qui étaient au sépulcre furent remplis de terreur au point de tomber comme morts sur le sol, comment les ennemis du Fils de Dieu subsisteront-ils devant lui lorsqu'il viendra avec puissance et grande gloire, accompagné des "mille milliers et des dix mille millions" d'anges des cours du ciel? Alors la terre "chancellera comme un homme ivre, et sera transportée comme une loge". Les éléments seront embrasés, et "les cieux seront mis en un rouleau comme un livre". VJC 523 2 A la mort de Jésus, les soldats avaient vu la terre enveloppée de profondes ténèbres à l'heure de midi; mais à la résurrection, ils virent l'éclat des anges illuminer la nuit, et ils entendirent les habitants du ciel chanter d'une joie triomphante: Tu as vaincu Satan et les puissances des ténèbres! Tu as englouti la mort par la victoire! "Alors j'entendis dans le ciel une grande voix qui disait: C'est maintenant qu'est venu le salut, et la force, et le règne de notre Dieu, et la puissance de son Christ; car l'accusateur de nos frères, qui les accusait jour et nuit devant notre Dieu, a été précipité."1 VJC 523 3 Satan fut précipité du ciel comme accusateur des frères par la grande oeuvre de Christ lorsqu'il donna sa vie pour les hommes. Malgré l'opposition persistante de Satan, le plan de la rédemption devait être mené à bonne fin. Christ estima l'homme d'une valeur suffisante pour sacrifier pour lui sa propre vie. Satan, sachant que l'empire qu'il avait usurpé lui serait finalement arraché, résolut de ne rien épargner pour détruire un aussi grand nombre que possible des créatures que Dieu avait créées à son image. Il haïssait l'homme parce que Christ avait manifesté pour lui un amour si miséricordieux et une si grande pitié, et il se prépara à exercer contre lui toutes les espèces de séductions par lesquelles il pût les perdre; il poursuivit son plan avec d'autant plus d'énergie que sa condition à lui était plus désespérée. VJC 524 1 Christ vint sur la terre pour revendiquer les droits de la loi de son Père, et sa mort montre l'immutabilité de cette loi. Mais Satan fait faussement supposer aux hommes que la loi de Dieu a été abolie par la mort de Christ, et il pousse ainsi bien des chrétiens de profession à transgresser les commandements du Père, tandis qu'ils prétendent honorer le Fils. VJC 524 2 Le monde chrétien ne connaît pas suffisamment l'influence de Satan et le terrible pouvoir qu'il exerce. Bien des gens ne le considèrent que comme un être imaginaire. Pendant ce temps, il s'introduit graduellement dans l'esprit des masses, il dirige les populations, il se déguise en ange de lumière, il dispose ses forces comme un habile général. Il a acquis une profonde connaissance de la nature humaine, et peut être logique, philosophe, ou hypocritement religieux. VJC 524 3 Il se disposait alors à agir sur l'esprit des sacrificateurs à l'égard de l'événement de la résurrection de Christ. Il savait qu'après être tombés dans ses piéges, et après avoir commis l'horrible crime de mettre à mort le Fils de Dieu, ils étaient entièrement dans sa puissance, et que le seul moyen qu'ils avaient d'échapper à la colère du peuple, était de persister à dénoncer Jésus comme un imposteur, et à accuser ses disciples d'avoir enlevé son corps pour dire qu'il était ressuscité des morts. VJC 524 4 Après que la gloire magnifique qui accompagnait le messager céleste se fut éteinte dans les cieux et autour du sépulcre, les gardes romains s'aventurèrent à lever la tête et à regarder autour d'eux. Ils virent que la grande pierre qui était à l'entrée du sépulcre était enlevée; ils se levèrent consternés, et ils trouvèrent que le corps de Jésus avait été enlevé, et que le sépulcre était vide. Ils s'éloignèrent du sépulcre tout effrayés de ce qu'ils avaient vu et entendu, et se rendirent en hâte dans la ville, racontant à ceux qui les rencontraient les scènes merveilleuses dont ils avaient été témoins. Quelquesuns des disciples, qui avaient passé la nuit sans dormir, entendirent cet étonnant récit avec une espérance mêlée de crainte. Pendant ce temps, on avait dépêché auprès des sacrificateurs et des principaux un messager qui vint leur dire: Christ, que vous avez crucifié, est ressuscité des morts! VJC 525 1 Un messager fut immédiatement envoyé avec la commission secrète d'amener la garde romaine au palais du souverain sacrificateur. Arrivés là, les soldats furent minutieusement interrogés, et ils firent un récit complet de toutes les choses dont ils avaient été témoins au sépulcre: qu'un imposant messager était descendu du ciel; que son visage brillait comme l'éclair; que ses vêtements étaient blancs comme la neige; que la terre avait chancelé et tremblé, et qu'ils avaient été frappés d'impuissance; que l'ange s'était emparé de l'immense pierre qui était à l'entrée du sépulcre, et l'avait roulée de côté comme si c'eût été un caillou; qu'un très glorieux personnage était sorti du sépulcre; qu'un choeur de voix avait fait retentir la terre de chants de victoire et de joie; que lorsque la lumière eut disparu et que la musique eut cessé, ils avaient recouvré leurs forces, trouvé la tombe vide, et le corps de Jésus nulle part. VJC 525 2 Lorsque les sacrificateurs, les scribes et les gouverneurs eurent entendu ce récit, leurs visages devinrent pâles comme la mort. Ils ne pouvaient prononcer une parole. Ils s'aperçurent avec terreur que les deux tiers des prophéties concernant le Messie étaient alors accomplis, et leurs coeurs défaillirent de peur à la pensée des choses qui pourraient arriver. Ils ne pouvaient mettre en doute ce dont ces hommes avaient été les témoins. Jésus de Nazareth, qui avait été crucifié, était réellement ressuscité des morts. VJC 525 3 Lorsqu'ils se furent remis du premier coup dont ces nouvelles les avaient frappés, ils commencèrent à réfléchir à la conduite qu'ils avaient à tenir pour se tirer d'affaires, et Satan était prêt à leur en suggérer les voies et moyens. Ils sentaient qu'ils s'étaient placés dans une position où ils n'avaient d'autre alternative que de braver les circonstances, et de nier Christ jusqu'à la fin. Ils pensaient que si ce rapport circulait parmi le peuple, non seulement leur honneur et leur autorité leur seraient enlevés, mais qu'ils perdraient probablement la vie. Jésus avait dit qu'il ressusciterait des morts, et qu'il monterait au ciel; ils résolurent de tenir le peuple dans l'ignorance de l'accomplissement de sa parole. Ils pensaient que la chose était possible à faire s'ils pouvaient acheter la garde romaine. VJC 526 1 Informations prises, ils virent qu'ils pouvaient, au moyen de grosses sommes d'argent, engager les soldats romains à nier leur premier rapport, et à dire que les disciples avaient enlevé le corps de Jésus, de nuit, pendant que les sentinelles dormaient. C'était un crime punissable de mort, pour une sentinelle, de dormir à son poste; aussi, pour parvenir à leurs fins, les sacrificateurs promirent-ils d'apaiser le gouverneur afin qu'il n'arrivât aucun mal aux gardes romains. Les soldats vendirent ainsi leur intégrité aux perfides Juifs pour de l'argent. Ils étaient venus auprès des sacrificateurs chargés du plus saisissant message de vérité; ils s'en allèrent chargés d'argent, avec un rapport mensonger, rapport que leur avaient forgé les sacrificateurs. VJC 526 2 Pendant ce temps, un messager avait été envoyé porter la nouvelle à Pilate. Lorsqu'il entendit ce qui s'était passé, il eut l'âme remplie de terreur. Il s'enferma chez lui, ne désirant voir personne; mais les sacrificateurs trouvèrent moyen de s'introduire en sa présence, et ils le supplièrent de ne faire aucune recherche concernant la négligence des sentinelles, mais de laisser passer la chose. A la fin, Pilate y consentit après avoir eu une entrevue privée avec la garde, de laquelle il apprit tous les détails de cet événement. Les soldats n'osèrent rien cacher au gouverneur, de crainte de perdre la vie. Pilate ne poursuivit pas la chose plus loin; mais dès ce moment-là, il n'y eut plus ni paix, ni tranquillité pour lui. ------------------------Chapitre 50 -- Les femmes au sépulcre VJC 527 1 Les drogues aromatiques avec lesquelles on devait embaumer le corps de Jésus avaient été préparées le jour précédant le Sabbat. Au premier jour de la semaine, les deux Marie et quelques autres femmes se rendirent de bon matin au sépulcre pour continuer d'embaumer le corps du Sauveur. Comme elles approchaient du jardin, elles furent surprises de voir le ciel admirablement illuminé, et de sentir la terre trembler sous leurs pieds. Elles hâtèrent leurs pas vers le sépulcre, et furent étonnées de voir que la pierre qui en fermait l'entrée avait été roulée, et que les gardes romains s'étaient éloignés. Elles remarquèrent une lumière qui enveloppait le sépulcre, et, regardant à l'intérieur, elles reconnurent qu'il était vide. VJC 527 2 Marie se rendit alors en toute hâte vers les disciples, pour les informer que Jésus n'était plus dans le sépulcre où on l'avait mis. Pendant qu'elle s'y rendait, les autres femmes s'approchèrent de plus près, pour examiner l'intérieur du tombeau, et se convaincre que leur Seigneur n'y était plus. Tout à coup, elles virent un beau jeune homme revêtu de vêtements resplendissants, assis non loin de là. C'était l'ange qui avait roulé la pierre de l'entrée du sépulcre, et qui ne voulait point paraître sous un aspect qui eût terrifié les femmes qui avaient été les disciples de Jésus, et l'avaient assisté dans son ministère public. Mais alors même que l'ange cachât son éclat, elles furent grandement surprises et effrayées à la vue de la gloire divine qui l'entourait. Elles se détournèrent pour s'enfuir du sépulcre, mais le messager céleste leur adressa ces paroles douces et consolantes: "Pour vous, ne craignez point; car je sais que vous cherchez Jésus qui a été crucifié. Il n'est pas ici; car il est ressuscité, comme il l'avait dit. Venez, voyez le lieu où le Seigneur était couché; et allez-vous-en promptement dire à ses disciples qu'il est ressuscité des morts. Et voici qu'il s'en va devant vous en Galilée: vous le verrez là; je vous l'ai dit."1 VJC 528 1 Comme les femmes répondaient à l'invitation de l'ange, et regardaient de nouveau dans le sépulcre, elles virent un autre ange, resplendissant comme un éclair, qui leur demanda: "Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant? Il n'est point ici; mais il est ressuscité. Souvenez-vous de quelle manière il vous a parlé lorsqu'il était encore en Galilée, disant: Il faut que le Fils de l'homme soit livré entre les mains des méchants, et qu'il soit crucifié, et qu'il ressuscite le troisième jour."2 Ces anges connaissaient bien les paroles de Jésus à ses disciples, car ils avaient été avec lui comme anges gardiens, pendant tout le temps de sa vie, et avaient été témoins de son jugement et de sa crucifixion. VJC 528 2 Pleins d'une sagesse mêlée de tendresse, les anges rappelèrent aux femmes les paroles prononcées par Jésus, lorsqu'il les avertissait à l'avance de sa crucifixion et de sa résurrection. Alors les femmes comprirent parfaitement les paroles de leur Maître, qui leur avaient été un mystère pendant un certain temps. Elles reprirent une nouvelle espérance et un nouveau courage. Jésus avait déclaré qu'il ressusciterait des morts, et avait fondé son droit au titre de Fils de Dieu, Rédempteur du monde, sur cette future résurrection. VJC 528 3 Marie, qui la première avait découvert que le sépulcre était vide, courut trouver Pierre et Jean, et leur annonça qu'on avait enlevé le Seigneur, et qu'elle ne savait pas où on l'avait mis. A l'ouïe de ces paroles, les disciples se rendirent en hâte au sépulcre, et touvèrent les choses telles que Marie avait dit. Le corps de leur Maître n'était plus là, et les linges étaient mis de côté. Pierre était embarrassé, mais Jean crut que Jésus était ressuscité comme il le leur avait dit. Ils ne comprenaient point les écrits de l'Ancien Testament où il est dit que Christ ressusciterait d'entre les morts. Mais la foi de Jean se basait sur les paroles prononcées par Jésus lui-même, alors qu'il était avec eux. VJC 529 1 Les disciples quittèrent le sépulcre et retournèrent à leur demeure; mais Marie ne pouvait se résoudre à quitter ce lieu, tandis que tout était incertain concernant le corps de son Seigneur. Comme elle était là, pleurant, elle se baissa pour jeter encore une fois un coup d'oeil dans le sépulcre; et que voit-elle? deux anges en vêtements blancs. Ils étaient voilés sous une apparence humaine, et Marie ne les reconnut pas comme des êtres célestes. L'un était assis où la tête de Jésus avait reposé, et l'autre où il avait eu les pieds. Ils s'adressèrent à Marie en disant: "Femme, pourquoi pleures-tu? Elle leur dit: Parce qu'on a enlevé mon Seigneur, et je ne sais où on l'a mis."1 A la vue du sépulcre ouvert et de la disparition de son Maître, Marie ne pouvait se consoler facilement. VJC 529 2 Tandis qu'elle s'abandonnait à sa douleur, elle n'avait point remarqué la céleste apparence de ceux qui lui parlaient. Se détournant pour pleurer, une autre voix s'adressa à elle et lui dit: "Femme, pourquoi pleures-tu? Qui cherches-tu?" Ses yeux étaient tellement obscurcis par les pleurs, qu'elle n'observa pas celui qui lui parlait; mais l'idée lui vint aussitôt qu'elle pourrait en obtenir quelque information touchant le corps de son Maître. Elle pensa que ce pouvait être quelqu'un qui était chargé du soin du jardin; et s'adressant à lui d'un ton suppliant, elle lui dit: "Seigneur, si tu l'as emporté, dis-moi où tu l'as mis, et je l'irai prendre." VJC 529 3 Elle éprouvait le sentiment que si seulement elle pouvait avoir le corps de son Seigneur, ce serait une grande consolation pour elle. Elle pensait que si la tombe de cet homme riche était considérée comme une place trop honorable pour son Seigneur, elle voulait lui procurer un autre lieu. Sa grande anxiété était de le trouver, afin de l'ensevelir honorablement. Mais alors, la voix même de Jésus vint frapper ses oreilles étonnées. "Marie!" lui dit-il. Instantanément, elle essuya ses larmes, et celui qu'elle prenait pour le jardinier lui fut révélé: c'était Jésus! Dans sa joie, elle oublie qu'il a été crucifié; elle tend les mains vers lui, en disant: "Rabboni!" Jésus lui dit alors: "Ne me touche point, car je ne suis pas encore monté vers mon Père; mais va vers mes frères, et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, et vers mon Dieu et votre Dieu." VJC 530 1 Jésus refusa de recevoir l'hommage de son peuple jusqu'à ce qu'il sût que son sacrifice avait été accepté par le Père, et qu'il eût reçu de Dieu lui-même l'assurance que ce sacrifice pour les péchés de son peuple, avait été ample et complet, et que l'homme pouvait obtenir la vie éternelle par son sang. Jésus monta immédiatement au ciel, et se présenta devant le trône de Dieu, où il montra les marques d'opprobre et de cruauté qu'il portait sur son front, ses mains et ses pieds. Mais il refusa de recevoir la couronne de gloire et la robe royale, et refusa aussi l'adoration des anges comme il avait refusé l'hommage de Marie, jusqu'à ce que le Père lui eût fait connaître que son sacrifice était accepté. VJC 530 2 Il avait aussi une requête à faire concernant ses élus sur la terre. Il désirait que les relations que ses rachetés soutiendraient ci-après avec le ciel et avec Dieu fussent clairement déterminées. Son Eglise devait être justifiée et acceptée avant qu'il pût recevoir les honneurs célestes. Il déclara que sa volonté était que là où il serait, son Eglise y fût aussi; que s'il devait avoir la gloire, son peuple devait la partager avec lui; que ceux qui avaient souffert avec lui sur la terre devaient finalement régner avec lui dans son royaume. Christ plaida pour son Eglise de la manière la plus explicite, unissant ses intérêts à ceux des siens, et défendant avec une constance et un amour plus fort que la mort, leurs droits et les titres qu'ils avaient gagnés par lui. VJC 530 3 La réponse que Dieu fit à cette demande s'exprima dans cette proclamation: "Que tous les anges de Dieu l'adorent." Tous les anges obéirent à cet ordre royal, et l'on entendit retentir dans lés cieux ces paroles, répercutées par d'innombrables échos: Gloire, gloire à l'Agneau qui a été immolé, et qui vit de nouveau, triomphateur! L'armée innombrable des anges se prosterne devant le Rédempteur. La requête de Christ est agréée: l'Eglise est justifiée par lui, son représentant et son chef. Alors le Père ratifia avec son Fils le contract déclarant qu'il serait réconcilié avec les hommes repentants et obéissants, et que sa faveur divine les accepterait par les mérites de Christ. Christ garantit qu'il rendrait un homme "plus précieux que l'or fin, et une personne plus que l'or d'Ophir". Toute puissance au ciel et sur la terre est alors donnée au Prince de la vie; néanmoins, il n'oublie pas un seul moment ses pauvres disciples dans un monde déchu, mais se prépare à retourner vers eux afin de leur faire part de sa puissance et de sa gloire. Ainsi, par le sacrifice de lui-même, le Rédempteur du monde rattacha la terre au ciel, et l'homme fini au Dieu infini. VJC 531 1 Le plus éclatant matin qui jamais se leva sur un monde déchu, fut celui où le Sauveur ressuscita des morts; mais il n'était pas plus important pour l'homme que le jour où eurent lieu sa condamnation et sa crucifixion. Pour l'armée céleste, il n'y avait rien d'étonnant à ce que celui qui avait le pouvoir sur la mort et avait la vie en lui-même, se réveillât du sommeil du sépulcre. Mais ce qui était une chose étonnante pour eux, c'est que leur bien-aimé chef mourût pour les hommes rebelles. VJC 531 2 Christ reposa dans la tombe pendant le jour du Sabbat, et de bon matin, au premier jour de la semaine, il sortit du sépulcre pour reprendre son oeuvre et enseigner ses disciples. Mais ce fait ne met point à part le premier jour de la semaine, et n'en fait point un Sabbat. Jésus établit avant sa mort un mémorial de son corps rompu et de son sang répandu pour les péchés du monde dans l'ordonnance de la sainte cène, disant: "Car toutes les fois que vous mangerez de ce pain, et que vous boirez de cette coupe, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne." Et le croyant repentant qui fait les démarches requises par la conversion, trouve dans son baptême une commémoration de la mort, de l'ensevelissement et de la résurrection de Jésus-Christ. Il descend dans l'eau, ce qui est une image de la mort et de l'ensevelissement de Christ; il sort de l'eau, ce qui est une image de sa résurrection -- non pour reprendre son ancienne vie de péché, mais pour vivre d'une vie nouvelle en Christ Jésus. VJC 532 1 Les autres femmes qui avaient vu les anges et les avaient entendus parler, quittèrent le sépulcre avec des sentiments mêlés de crainte et de grande joie. Comme les anges le leur avaient commandé, elles se rendirent auprès des disciples, et leur racontèrent les choses qu'elles avaient vues et entendues. L'ange mentionna expressément Pierre comme l'un de ceux auxquels les femmes devaient communiquer ces nouvelles. Entre le petit nombre des disciples de Jésus, Pierre avait été le plus désespéré de tous, parce qu'il avait honteusement renié son Seigneur. Le remords que Pierre éprouvait à cause de son crime était bien compris par les saints anges, et leur tendre compassion pour le disciple égaré et affligé se révèle dans la sollicitude qu'ils lui manifestèrent, ce qui lui montra aussi que sa repentance était acceptée, et son péché pardonné. VJC 532 2 Les disciples furent très étonnés à l'ouïe du récit des femmes qui avaient été au sépulcre. Ils commencèrent à se rappeler les paroles par lesquelles leur Seigneur avait prédit sa résurrection. Pourtant, cet événement qui eût dû remplir leurs coeurs de joie, les jeta dans une grande perplexité. Après avoir été aussi grandement déçus par la mort de Christ, ils n'avaient plus assez de foi pour accepter le fait de sa résurrection. Leurs espérances avaient été tellement déçues, qu'ils ne pouvaient croire ce que leur disaient les femmes, et ils pensaient qu'elles étaient frappées d'illusion. Même lorsque Marie-Magdelaine vint assurer qu'elle avait vu son Maître, et qu'elle lui avait parlé, ils refusèrent encore de croire que leur Maître fût ressuscité. VJC 532 3 Ils étaient terriblement abattus par les événements qui les avaient si subitement frappés. Ils avaient vu leur Maître mourir au sixième jour de la semaine; au premier jour de la semaine suivante, ils se voient privés de son corps, et accusés de l'avoir enlevé dans le but de tromper le peuple. Ils désespéraient d'arrêter jamais les faux bruits qui s'étaient répandus autour d'eux; et dans ce moment, ils étaient de nouveau jetés dans la perplexité par les rapports que leur faisaient les femmes croyantes. Dans leur embarras, leur coeur soupire après le Maître bien-aimé qui avait toujours été prêt à expliquer les mystères qui les embarrassaient, et à aplanir leurs difficultés. ------------------------Chapitre 51 -- Jésus à Emmaüs VJC 534 1 En ce même jour, Jésus rencontra plusieurs de ses disciples, et les accueillit en disant: "Je vous salue", sur quoi ils s'approchèrent de lui, se prosternèrent à ses pieds, et l'adorèrent. Il permit qu'ils lui rendissent cet hommage, car il était alors monté vers son Père, et avait reçu son approbation et l'adoration des saints anges. Tard dans l'après-midi du même jour, deux des disciples suivaient le chemin d'Emmaüs qui était à huit milles de Jérusalem.1 Ils étaient venus à Jérusalem pour observer la Pâque; aussi, les nouvelles du matin, que le corps de Jésus avait été enlevé du sépulcre, les avaient-ils jetés dans une grande perplexité. Leur inquiétude avait augmenté en entendant le rapport des femmes concernant les messagers célestes et l'apparition de Jésus lui-même. Ils retournaient alors chez eux pòur méditer et prier, espérant que ces choses qui confondaient leur intelligence s'éclairciraient pour eux. VJC 534 2 Ces deux disciples n'avaient pas joué un rôle bien grand pendant le ministère de Jésus; mais ils croyaient sincèrement en lui. Peu après s'être mis en route, ils observèrent qu'un étranger les suivait; ce dernier ne tarda pas à les rejoindre; mais ils étaient tellement absorbés par les pensées qui les agitaient, et qu'ils se communiquaient l'un à l'autre, qu'ils remarquèrent à peine qu'ils n'étaient plus seuls. Ces hommes forts étaient si accablés de chagrin qu'ils répandaient des larmes tout en marchant. Christ, dont le coeur débordait d'amour et de pitié, vit là un chagrin qu'il pouvait consoler. Les disciples raisonnaient entre eux concernant les événements des jours passés, et se demandaient comment concilier le fait que Jésus s'était soumis à une mort aussi ignominieuse avec ses prétentions au titre de Fils de Dieu. L'un d'eux disait qu'il ne pouvait être un imposteur, mais qu'il s'était trompé concernant sa mission et sa gloire à venir. Tous deux craignaient que ce que ses ennemis lui avaient jeté à la face ne fût que trop vrai: "Il a sauvé les autres, et il ne se peut sauver luimême." Pourtant, ils s'étonnaient de ce qu'il pût se tromper ainsi lui-même alors qu'il leur avait si souvent donné des preuves de son pouvoir de lire les coeurs des autres; les étranges récits des femmes les jetaient donc dans une incertitude encore plus grande. VJC 535 1 Ces disciples auraient pu longtemps encore s'embarrasser dans les mystères des événements qui venaient d'arriver, si Jésus ne les eût éclairés. Sous l'apparence d'un étranger, il entra en conversation avec eux. "Mais leurs yeux étaient retenus, en sorte qu'ils ne le reconnaissaient point. Et il leur dit: De quoi vous entretenez-vous dans le chemin, et pourquoi êtes-vous si tristes? L'un d'eux, nommé Cléopas, lui répondit: Es-tu seul si étranger à Jérusalem, que tu ne saches pas les choses qui s'y sont passées ces jours-ci? Et il leur dit: Et quoi? Ils lui répondirent: Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth, qui était un prophète puissant en oeuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple." VJC 535 2 Alors ils lui racontèrent les faits de l'accusation et la crucifixion de leur Maître, et comment les femmes étaient venues rapporter qu'on avait enlevé son corps, et qu'elles avaient vu des anges; puis était arrivée la nouvelle qu'il était ressuscité, et le rapport des disciples qui avaient été au sépulcre. "Alors il leur dit: O gens sans intelligence, et d'un coeur tardif à croire tout ce que les prophètes ont dit! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses, et qu'il entrât ainsi dans sa gloire? Puis, commençant par Moïse, et continuant par tous lés prophètes, il leur expliquait dans toutes les Ecritures ce qui le regardait." Les disciples étaient muets de surprise et de joie. Ils n'osaient demander à l'étranger qui il était. Ils l'écoutèrent fort attentivement, charmés de son intelligence, et attirés vers lui par les paroles et les manières pleines de grâce avec lesquelles il ouvrait les Ecritures à leur intelligence, montrant par les prophéties comment Jésus devait souffrir et, après avoir souffert, entrer dans sa gloire. VJC 536 1 Jésus commença par le premier livre de Moïse, et indiqua à travers tous les prophètes les preuves inspirées concernant sa vie, sa mission, ses souffrances, sa mort et sa résurrection. Il ne jugea point nécessaire de faire un miracle pour prouver qu'il était le Rédempteur du monde ressuscité; mais il fit appel aux prophéties, et en donna une claire et pleine explication pour résoudre la question de son identité, et pour démontrer que tout ce qui lui était arrivé avait été prédit par les écrivains inspirés. Jésus renvoyait toujours l'esprit de ses auditeurs à la précieuse source de vérité qui se trouve dans les récits de l'Ancien Testament. Nous avons un exemple de l'estime en laquelle il tenait ses écrits sacrés dans la parabole du mauvais riche et de Lazare, lorsqu'il dit: "S'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne seraient pas-non plus persuadés, quand même quelqu'un des morts ressusciterait."1 Les apôtres rendent aussi témoignage à l'importance des écrits de l'Ancien Testament. Pierre dit: "Car la prophétie n'a point été apportée autrefois par la volonté humaine; mais les saints hommes de Dieu, étant poussés par le Saint-Esprit, ont parlé".2 Luc parle ainsi des prophètes qui ont prédit la venue de Christ: "Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël, de ce qu'il a visité et racheté son peuple; et de ce qu'il nous a suscité un puissant Sauveur dans la maison de David, son serviteur; comme il en avait parlé par la bouche de ses saints prophètes, qui ont été depuis longtemps".3 VJC 536 2 C'est la voix de Christ qui parle par les prophètes et les patriarches, depuis les jours d'Adam jusqu'aux scènes finales du temps. Les Juifs qui rejetèrent Jésus ne discernèrent point cette vérité, et beaucoup de chrétiens professants de nos jours ne la discernent pas non plus. Une magnifique harmonie règne entre les deux Testaments; des passages qui paraissent obscurs à la première lecture s'interprètent clairement lorsqu'on les étudie avec soin, et qu'on les compare avec des passages traitant des mêmes sujets. Une recherche soigneuse des prophéties eût tellement éclairé l'intelligence des Juifs, qu'ils eussent reconnu Jésus comme le Messie prédit. Mais ils avaient interprété ces prédictions à leur convenance, selon leurs idées perverties et leurs aspirations ambitieuses. VJC 537 1 Les disciples avaient été troublés par les interprétations et les traditions des sacrificateurs; c'est pourquoi ils comprenaient et croyaient si peu les passages bibliques qui parlaient des souffrances, de la condamnation, de la mort et de la résurrection de leur Maître. Ces prophéties mal interprétées furent alors mises en pleine lumière à l'intelligence des deux disciples par celui qui, par son Saint-Esprit, les inspira aux hommes qui les écrivirent. Jésus montra à ses disciples que les plus petits détails de la prophétie concernant le Messie avaient trouvé leur accomplissement exact dans la vie et la mort de leur Maître. Il leur parlait comme un étranger qui s'étonnait qu'ils n'eussent point interprété correctement les Ecritures, ce qui les eût fait sortir de toutes les difficultés. VJC 537 2 Quoique Jésus les eût enseignés précédemment touchant les prophéties, ils avaient pourtant été incapables de renoncer entièrement à l'idée que Christ établirait un royaume temporel à sa première venue. Leurs idées préconçues leur faisaient considérer la crucifixion comme la destruction finale de toutes leurs espérances. Mais lorsqu'au milieu de leur découragement, on leur montra que les choses mêmes qui les avaient fait désespérer étaient précisément les preuves les plus convaincantes que leur croyance était correcte, ils virent renaître leur foi plus forte qu'auparavant. Alors ils comprirent bien des choses que leur Maître avait dites avant son jugement, et qu'ils n'avaient pu saisir. Leur esprit voyait toute chose sous son véritable jour. Dans la vie et la mort de Jésus, ils contemplaient l'accomplissement de la prophétie, et leurs coeurs brûlaient d'amour pour leur Sauveur. VJC 537 3 Un grand nombre de personnes qui professent être chrétiens mettent de côté l'Ancien Testament, et se restreignent au Nouveau. Leur cri est: Nous ne voulons ni de la loi ni des prophètes, nous ne voulons que l'Evangile de Christ. Si la vie de Christ et ses enseignements étaient tout ce qu'il faut pour établir la foi, pourquoi Jésus, dans cette occasion, ne se bornait-il pas à rappeler les doctrines qu'il avait enseignées, à parler de la sagesse et de la pureté de son caractère et des miracles qu'il avait accomplis, comme preuves suffisantes de son caractère messianique? VJC 538 1 L'histoire de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus comme Fils de Dieu, ne peut être parfaitement démontrée sans les preuves contenues dans l'Ancien Testament. Christ est aussi clairement révélé dans l'Ancien Testament que dans le Nouveau. L'un rend témoignage au Sauveur à venir, tandis que l'autre rend témoignage au Sauveur qui est venu de la manière prédite par les prophètes. Pour apprécier lè plan de la rédemption, il est nécessaire de bien comprendre l'Ancien Testament. C'est la lumière glorieuse du passé prophétique qui fait ressortir la clarté et la beauté de la vie de Christ et des enseignements du Nouveau Testament. Les miracles de Jésus sont une preuve de sa divinité; mais les preuves les plus fortes qu'il est le Rédempteur du monde se trouvent dans les prophéties de l'Ancien Testament comparées avec l'histoire du Nouveau. Jésus dit aux Juifs: "Sondez les Ecritures; car c'est par elles que vous croyez avoir la vie éternelle, et ce sont elles qui rendent témoignage de moi."1 En ce temps-là, il n'existait point d'autres Ecritures que celles de l'Ancien Testament; de sorte que l'ordre du Sauveur est clair. VJC 538 2 Comme les disciples continuaient leur chemin avec Jésus, écoutant avec la plus profonde attention ses paroles de grâce, rien dans sa manière d'agir ne leur suggéra l'idée qu'ils entendissent quelqu'un d'autre qu'un pèlerin ordinaire qui les avait rejoints fortuitement en revenant de la fête, mais un pèlerin qui connaissait parfaitement les Ecritures. Il évitait aussi soigneusement qu'eux les grosses pierres du chemin, s'arrêtant avec eux pour reprendre haleine lorsqu'ils avaient fait une montée un peu rapide. C'est ainsi que les deux disciples parcoururent ce chemin montagneux en compagnie de leur divin Sauveur qui pouvait dire: "Toute puissance m'est donnée dans le ciel et sur la terre." VJC 539 1 Ce puissant vainqueur de la mort, qui était descendu dans les profondeurs de la misère humaine pour sauver un homme perdu, se chargea de l'humble tâche de faire route avec les disciples jusqu'à Emmaüs pour les instruire et les consoler. C'est ainsi qu'il sympathise toujours avec son peuple souffrant. Dans nos moments les plus pénibles et les plus difficiles, Jésus est avec nous pour aplanir notre sentier. Il est aujourd'hui le même Fils de l'homme; il a les mêmes sympathies et le même amour qu'il avait avant de passer par le sépulcre et de remonter vers son Père. VJC 539 2 Enfin, comme le soleil allait se coucher, les disciples et leur compagnon arrivèrent chez eux. Jamais le chemin ne leur avait paru si court ni le temps passer si vite. L'étranger ne paraissait pas vouloir s'arrêter, mais les disciples ne pouvaient se décider à quitter si tôt un homme qui leur avait inspiré une nouvelle espérance et une nouvelle joie, et ils le pressèrent de passer la nuit avec eux. Jésus n'accepta pas tout de suite leur invitation, mais paraissait vouloir poursuivre son chemin. Sur cela, les disciples, dans leur affection pour cet étranger, lui demandèrent avec insistance de demeurer avec eux, lui représentant que le jour était sur son déclin. Jésus céda à leurs demandes, et entra dans l'humble demeure. VJC 539 3 Jamais le Sauveur ne nous refuse sa présence. Il recherche la compagnie de ceux qu'il sait avoir besoin de lui, et leur donne l'occasion de lui demander de demeurer avec eux. S'ils ont l'ardent désir qu'il habite avec eux, et le lui demandent avec instance, il entrera dans la plus humble demeure, et réjouira les coeurs des attristés. Tandis qu'ils attendaient qu'on leur préparât le repas du soir, Jésus continua à expliquer les Ecritures à ses hôtes, leur y signalant les preuves de sa divinité et leur déployant le plan du salut. Le frugal souper fut bientôt prêt, et tous trois se mirent à table, Jésus se plaçant selon sa coutume au haut de la table. VJC 540 1 Le devoir de demander la bénédiction sur le repas incombe généralement au chef de famille; mais Jésus plaça ses mains sur le pain, et le bénit; au premier mot qu'il prononça, les disciples levèrent la tête tout étonnés. Sûrement, personne, si ce n'est leur Seigneur, ne parlait de cette manière. Sa voix, à leurs oreilles, est comme la voix de leur Maître; et qu'aperçoivent-ils? les blessures de ses mains! Ce sont les traits connus de leur Maître bien-aimé! Pendant un instant, ils demeurent muets d'étonnement, puis ils se lèvent pour tomber à ses pieds et l'adorer; mais il disparaît tout à coup du milieu d'eux. VJC 540 2 A présent, ils savent qu'ils ont fait route et parlé avec le Rédempteur ressuscité. Leurs yeux avaient été voilés de telle sorte qu'ils ne l'avaient pas reconnu, quoique les vérités qu'il leur avait expliquées se fussent profondément implantées dans leurs coeurs. Lui, qui avait supporté la lutte du jardin de Gethsémané, l'opprobre de la croix, et qui avait vaincu la mort et le sépulcre; celui devant lequel les anges tombent prosternés, l'adorant avec des actions de grâce et des louanges, avait cherché ses deux disciples isolés et découragés, et avait été avec eux pendant des heures, les instruisant et les consolant, et pourtant ils ne l'avaient point reconnu. VJC 540 3 Jésus ne se fit pas d'abord connaître à eux, pour leur expliquer ensuite les Ecritures; car il savait qu'ils eussent été tellement transportés de joie de le revoir ressuscité des morts, que leur âme eût été satisfaite, et qu'ils n'eussent rien pu écouter. Ils n'eussent point eu faim des vérités sacrées qu'il désirait imprimer d'une manière indélébile dans leur esprit, afin qu'ils pussent les communiquer aux autres, qui, à leur tour, répandraient cette précieuse connaissance jusqu'à ce que des milliers reçussent la lumière donnée en ce jour aux disciples abattus qui suivaient le chemin d'Emmaüs. VJC 540 4 Il garda son déguisement jusqu'à ce qu'il eût interprété les Ecritures, et les eût conduits à une foi intelligente en sa vie, en son caractère, en sa mission sur la terre, et en sa mort et sa résurrection. Il désirait que la vérité jetât de fortes racines dans leurs coeurs, non point parce qu'elle était soutenue par son témoignage personnel, mais parce que la loi typique et les prophètes de l'Ancien Testament, d'accord avec les faits de sa vie et de sa mort, présentaient une preuve irrécusable de cette vérité. Lorsque Jésus eut atteint son but auprès de ses deux disciples, il se révéla à eux afin que leur joie fût complète, puis il disparut de devant eux. VJC 541 1 Lorsque ces disciples avaient quitté Jérusalem pour retourner chez eux, c'était dans l'intention de reprendre leurs anciennes occupations, et de cacher autant que possible leurs espérances déçues. Mais alors leur joie surpassait le désespoir qu'ils avaient éprouvé. "Et ils se dirent l'un à l'autre: Notre coeur ne brûlait-il pas en nous lorsqu'il nous parlait en chemin et qu'il nous expliquait les Ecritures?" VJC 541 2 Ils oublièrent faim et fatigue, et laissèrent le repas préparé, car ils ne pouvaient demeurer chez eux, et ne pas aller annoncer cette bonne nouvelle aux autres disciples. Il leur tardait de faire part de leur joie à leurs compagnons, afin que tous ensemble pussent se réjouir en un vivant Sauveur, ressuscité d'entre les morts. Quelque tard qu'il fût, ils se remirent en route pour Jérusalem; mais combien leurs sentiments n'étaient-ils point différents des pensées accablantes qui les agitaient lorsqu'ils s'étaient mis en route pour Emmaüs! Jésus était à leurs côtés; mais ils n'en savaient rien. Il prenait plaisir à leurs expressions de joie et de gratitude pendant qu'ils s'entretenaient dans le chemin. VJC 541 3 Les deux disciples étaient trop heureux pour prendre garde aux difficultés du sentier rocailleux. La lune n'était pas encore levée, et ne pouvait les éclairer; mais leurs coeurs étaient illuminés de la joie d'une nouvelle révélation. Ils poursuivaient leur route au milieu des grosses pierres et des ravins dangereux du chemin, chancelant parfois et tombant dans leur précipitation. Mais sans se laisser déconcerter, ils allaient résolûment de l'avant. Parfois ils perdaient leur chemin dans l'obscurité, et étaient obligés de revenir en arrière pour retrouver la route; puis ils continuaient leur marche avec une nouvelle célérité. Il leur tardait d'annoncer leur bonne nouvelle à leurs amis, nouvelle que jamais lèvres humaines n'avaient eues à proclamer jusqu'alors; car la résurrection de Christ devait être la grande vérité sur laquelle devait se fonder toute la foi et l'espérance de l'Eglise. ------------------------Chapitre 52 -- Dans la chambre haute VJC 543 1 Lorsque les disciples arrivèrent à Jérusalem, ils entrèrent par la porte orientale, qui était ouverte les jours de fête. Les maisons étaient silencieuses et plongées dans l'obscurité; mais ils parcouraient les rues étroites éclairées par la lumière de la lune. Ils savaient qu'ils trouveraient leurs frères dans la chambre mémorable où Jésus avait passé la dernière nuit avant sa mort. C'est là que les disciples avaient passé le Sabbat en pleurant leur Maître. Maintenant ils n'avaient aucune envie de dormir, car des événements extraordinaires leur étaient racontés. A l'appel répété des deux voyageurs, des mains prudentes tirent les verrous de la porte; ils entrent; Jésus, qui avait été leur invisible compagnon de route pénètre avec eux dans la maison. VJC 543 2 Ils trouvent les disciples assemblés, et dans un état d'excitation. L'espérance et la foi se combattaient dans leurs esprits. Le rapport de Marie-Magdelaine et de l'autre femme avait été entendu par tous les disciples; mais quelques-uns étaient trop désespérés pour croire ce qu'elles disaient. Pierre avait parlé avec une grande assurance et une grande ardeur de son entrevue avec le Seigneur ressuscité, ce qui avait fait une profonde impression sur les frères, dont la foi commençait à renaître. Lorsque les disciples d'Emmaüs entrèrent, apportant leurs joyeuses nouvelles, plusieurs voix les accueillirent en disant: "Le Seigneur est vraiment ressuscité, et il est apparu à Simon." VJC 543 3 Les deux disciples d'Emmaüs racontèrent comment le Seigneur leur avait ouvert les yeux, et leur avait expliqué l'enchaînement étroit des prophéties qui embrassent l'histoire depuis le temps des patriarches jusqu'à leur époque, annonçant tout ce qui était arrivé concernant leur Sauveur. Ceux qui étaient réunis écoutèrent leur récit dans le plus profond silence. Quelques-uns furent inspirés d'une nouvelle foi; d'autres y furent incrédules. Tout à coup, Jésus se trouve au milieu d'eux.1 Ses mains se lèvent pour les bénir, et il leur dit: "La paix soit avec vous! Mais eux, tout troublés et tout épouvantés, croyaient voir un esprit. Et il leur dit: Pourquoi êtes-vous troublés, et pourquoi s'élève-t-il des pensées dans vos coeurs? Voyez mes mains et mes pieds, car c'est moi-même. Touchez-moi, et regardez-moi; car un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'ai. En leur disant cela, il leur montra ses mains et ses pieds." VJC 544 1 Ils purent voir les mains et les pieds meurtris de leur Maître; ils reconnurent sa voix, qui n'était semblable à aucune autre. "Mais comme ils ne le croyaient point encore, tant ils étaient transportés de joie et d'admiration, il leur dit: Avez-vous ici quelque chose à manger. Et ils lui présentèrent un morceau de poisson rôti, et d'un rayon de miel; et l'ayant pris, il en mangea en leur présence." La foi et la joie remplacèrent alors le doute et l'incrédulité, et ils reconnurent leur Sauveur ressuscité avec des sentiments qu'aucune parole ne peut exprimer. VJC 544 2 Alors Jésus leur expliqua à tous les Ecritures, commençant par le premier livre de Moïse, et s'arrêtant particulièrement aux prophéties indiquant l'époque où ils étaient arrivés, et prédisant les souffrances de Christ et sa résurrection. "Puis il leur dit: C'est là ce que je vous disais lorsque j'étais encore avec vous: qu'il fallait que tout ce qui a été écrit de moi dans la loi de Moïse, et dans les prophètes, et dans les Psaumes, fût accompli. Alors il leur ouvrit l'esprit pour leur faire entendre les Ecritures; et il leur dit: C'est ainsi qu'il est écrit, et qu'il fallait que le Christ souffrît, et qu'il ressuscitât des morts le troisième jour; et qu'on prêchât en son nom la repentance et la rémission des péchés parmi toutes les nations, en commençant par Jérusalem. Or, vous êtes témoins de ces choses." VJC 545 1 Les disciples commencèrent alors à comprendre la nature et l'étendue de leur mission. Ils devaient proclamer au monde les vérités merveilleuses que Christ leur avait confiées. Les événements de sa vie, de sa mort, de sa résurrection, l'accord des prophéties avec ces événements, la sainteté de la loi de Dieu, les mystères du plan du salut, le pouvoir qu'avait Jésus de pardonner les péchés, -- ils devaient témoigner de toutes ces choses, et leur oeuvre était de les faire connaître à tous les hommes, en commençant par Jérusalem. Ils devaient proclamer un évangile de paix et de salut par la repentance et la puissance du Sauveur. Au premier avénement de Christ sur la terre, l'ange annonça: Paix sur la terre, et bonne volonté envers les hommes. Lorsqu'il eut achevé sa vie sur la terre, il ressuscita des morts et, apparaissant pour la première fois à ses disciples assemblés, il s'adresse à eux par ces paroles bénies: "La paix soit avec vous!" VJC 545 2 Jésus est toujours disposé à parler de paix aux âmes qui sont troublées par les doutes et la crainte. Ce précieux Sauveur attend que nous lui ouvrions la porte de nos coeurs, et lui disions: Demeure avec nous. Il dit: "Voici, je me tiens à la porte et je frappe: si quelqu'un entend ma voix et m'ouvre la porte, j'entrerai chez lui, et je souperai avec lui, et lui avec moi." Notre vie est une lutte continuelle; nous devons lutter contre les principautés et les puissances, contre des malins esprits et des ennemis qui ne sommeillent jamais; nous devons résister aux tentations, et vaincre comme Christ a vaincu. Lorsque la paix de Jésus entre dans notre coeur, nous sommes calmes et patients dans les épreuves les plus pénibles. VJC 545 3 La résurrection de Jésus fut un exemple de la résurrection finale de tous ceux qui dorment en lui. Le corps ressuscité du Sauveur, sa démarche, l'accent de sa voix, étaient tous familiers aux disciples. C'est de la même manière que ressusciteront ceux qui dorment en Jésus. Nous connaîtrons nos amis, comme les disciples connurent le Sauveur. Quoiqu'ils aient pu être estropiés, malades ou défigurés pendant cette vie mortelle, pourtant dans leur corps ressuscité et glorifié, leur identité individuelle sera parfaitement conservée, et nous reconnaîtrons dans des visages rayonnant de la lumière qui resplendissait de la face de Jésus, les traits de ceux que nous aimons. VJC 546 1 La mort de Jésus avait jeté Thomas1 dans un complet désespoir. Sa foi paraissait s'être éteinte dans la nuit. Il n'était pas présent dans la chambre haute lorsque Jésus apparut à ses disciples. Il avait entendu les rapports des autres disciples, et avait obtenu des preuves nombreuses que Jésus était ressuscité; mais une tristesse obstinée et une tenace incrédulité fermaient son coeur à toutes ces joyeuses nouvelles. Comme il entendait les disciples répéter le récit de la manifestation merveilleuse du Sauveur ressuscité, cela ne servit qu'à le plonger davantage dans le désespoir; car si Jésus était réellement ressuscité des morts, il ne pouvait plus y avoir d'espoir qu'il établît son royaume terrestre. Sa vanité était en outre blessée de ce que Jésus se fût révélé à tous ses disciples, sauf lui; aussi était-il résolu à ne pas croire; et pendant une semaine entière, il demeura dans ses mauvais sentiments, ce qui contrastait vivement avec l'espérance et la foi renaissantes de ses frères. VJC 546 2 Il répéta souvent, durant cette semaine, lorsqu'il se trouvait avec ses frères: "Si je ne vois la marque des clous dans ses mains, et si je ne mets mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai point." Il ne voulait pas voir par les yeux de ses frères, ni avoir une foi qui dépendît de leur témoignage. Il aimait ardemment son Seigneur, mais la jalousie et l'incrédulité s'étaient emparées de son esprit et de son coeur. VJC 546 3 La chambre haute était la demeure d'un certain nombre de disciples, et chaque soir, ils s'y réunissaient tous. Or, un certain soir, Thomas se décida à se rendre auprès de ses frères; car lors même qu'il ne voulait pas croire, il caressait une certaine espérance -- qu'il ne s'avouait pas à lui-même -- que ces bonnes nouvelles étaient vraies. Pendant que les disciples prenaient leur repas habituel, tout en repassant les preuves de la vérité sur laquelle se fondait leur foi, et que Jésus leur avait données dans les prophéties, "Jésus vint, les portes étant fermées, et il fut là au milieu d'eux, et leur dit: La paix soit avec vous!" VJC 547 1 Il censura ensuite ceux qui n'avaient point cru le témoignage de ceux qui l'avaient vu; puis, se tournant du côté de Thomas, il lui dit: "Mets ici ton doigt, et regarde mes mains; avance aussi ta main, et la mets dans mon côté, et ne sois plus incrédule, mais crois." Ces paroles montraient qu'il avait lu les pensées et entendu les paroles de Thomas. Le disciple incrédule savait qu'aucun de ses compagnons n'avait vu Jésus depuis une semaine, et ne pouvait par conséquent avoir parlé à son Maître de son incrédulité opiniâtre. Il reconnut dans la personne qui était devant lui, son Maître qui avait été crucifié; il ne voulut pas d'autres preuves; son coeur tressaillit de joie, en voyant que Jésus était vraiment ressuscité des morts. Il se jeta aux pieds de son Maître avec une profonde affection et une grande dévotion, s'écriant: "Mon Seigneur et mon Dieu!" VJC 547 2 Jésus accepta son hommage, mais le reprit doucement de n'avoir pas cru. "Parce que tu m'as vu, Thomas, tu as cru. Heureux ceux qui n'ont pas vu, et qui ont cru!" Jésus montre ici à Thomas que sa foi eût été plus acceptable pour lui, s'il avait cru ses frères, et s'il n'avait pas refusé de croire jusqu'à ce qu'il eût vu Jésus de ses propres yeux. Si le monde suivait l'exemple de Thomas, personne ne croirait à salut; car tous ceux qui reçoivent maintenant Christ, le font sur le témoignage d'autres hommes. VJC 547 3 Bien des gens, qui ont une foi faible et vacillante, pensent que s'ils avaient les preuves que Thomas avaient reçues de ses compagnons, ils ne douteraient point comme lui. Ils ne pensent pas que non seulement ils ont cette preuve, mais que d'autres témoignages affluent de toutes parts. Bien des gens qui attendent, comme Thomas, que toutes causes de doute soient dissipées, peuvent ne jamais voir leur désir accompli comme il le vit; ils se renfermeront peu à peu dans leur incrédulité, jusqu'à ne plus pouvoir discerner la valeur des preuves en faveur de Jésus, et, comme les Juifs sceptiques, le peu de lumière qu'ils ont, s'éteindra dans les ténèbres accumulées autour de leur esprit. Rejeter les preuves simples et conclusives de la vérité divine, durcit le coeur et aveugle l'entendement. La précieuse lumière étant négligée, elle s'efface entièrement de l'esprit, qui n'a aucun désir de la recevoir. VJC 548 1 Jésus, dans sa manière d'agir à l'égard de Thomas, donna à ses disciples une leçon concernant leur conduite envers ceux qui douteraient de la vérité religieuse, et feraient parade de leurs doutes. Il n'accabla point Thomas de reproches, ni n'entra en controverse avec lui; mais, avec une condescendance et une douceur remarquables, il se révéla à ce coeur plein de doutes. Thomas avait fait un acte déraisonnable en dictant les seules conditions de sa foi; mais Jésus, par sa considération et sa généreuse affection, brisa toutes les barrières qu'il avait élevées. Une controverse obstinée dissipera rarement l'incrédulité, mais la mettra sur la défensive, où elle trouvera un nouveau soutien et de nouvelles excuses. Jésus, révélé dans son amour et sa miséricorde, comme Sauveur crucifié, arrachera à bien des bouches obstinées l'aveu de Thomas: "Mon Seigneur et mon Dieu!" ------------------------Chapitre 53 -- Jésus en Galilée VJC 549 1 Comme Prince victorieux, Jésus avait pour trophées les captifs qu'il avait ramenés du sépulcre. Il montra ainsi sa victoire sur la mort et le sépulcre; il donna ainsi un gage sûr de la résurrection de tous les justes qui passeront par la mort. Ceux qui étaient sortis de leurs tombeaux se rendirent dans Jérusalem, et apparurent à beaucoup dans leur corps glorieux; ils témoignèrent que Jésus était réellement ressuscité d'entre les morts, et qu'ils étaient ressuscités avec lui. La voix qui avait crié: "Tout est accompli" avait été entendue parmi les morts. Elle avait percé les murailles des sépulcres, et commandé aux morts de se lever. Il en sera ainsi lorsque la voix de Dieu se fera entendre, ébranlant les cieux et la terre. Cette voix pénétrera jusque dans les tombeaux, et ouvrira les sépulcres. Un grand tremblement de terre fera chanceler la terre comme un homme ivre; alors apparaîtra Christ, le Roi de Gloire, suivi de tous les saints anges. La trompette sonnera, et celui qui donne la vie appellera les justes morts pour les revêtir de l'immortalité. VJC 549 2 Les sacrificateurs et les principaux surent très bien que certaines personnes mortes étaient ressuscitées lors de la résurrection de Jésus. Des rapports authentiques leur furent apportés de diverses personnes qui avaient vu ceux qui étaient ressuscités, qui leur avaient parlé, et leur avaient entendu dire que Jésus, le Prince de la vie que les sacrificateurs et les principaux avaient fait mourir, était ressuscité des morts. Le faux rapport qui prétendait que les disciples avaient enlevé du sépulcre le corps de leur Maître, fut si diligemment répandu, que plusieurs le crurent. Mais les sacrificateurs, en forgeant ce faux rapport, se trompèrent; et toute personne intelligente que n'aveuglait pas la bigoterie, en découvrit la fourberie. VJC 550 1 Si les soldats avaient dormi, ils n'auraient pu savoir comment le sépulcre s'était trouvé vide. Si une sentinelle avait été éveillée, elle aurait certainement réveillé les autres. Si les soldats avaient réellement dormi, comme ils l'affirmaient, chacun en connaissait les conséquences. La négligence d'un tel devoir était suivie de la peine de mort; il ne pouvait y avoir pour cela aucun espoir de pardon; de sorte que les coupables n'auraient guère été disposés à divulguer leur faute. Si les sacrificateurs et les principaux avaient surpris les sentinelles dormant à leur poste, ils n'auraient point passé sur la chose aussi facilement, mais auraient demandé qu'on s'enquît des circonstances, et qu'on infligeât toute la peine de la loi aux soldats infidèles. Si les principaux du peuple avaient eu la moindre foi dans la véracité de ce qu'ils disaient, ils auraient demandé qu'on arrêtât les disciples pour leur infliger la punition la plus sévère. Le fait qu'ils ne le firent point prouve suffisamment l'innocence des disciples, et prouve de plus que les sacrificateurs en étaient réduits à la triste nécessité de forger et de faire circuler un mensonge pour repousser les preuves accumulées contre eux, lesquelles établissaient réellement la résurrection de Jésus et ses droits au titre de Fils de Dieu. Les apparitions si souvent répétées de Jésus à ses disciples, et les personnes qui étaient ressuscitées avec lui, implantèrent la vérité dans l'esprit de ceux qui étaient désireux de croire. VJC 550 2 Cette fourberie forgée par les Juifs a son parallèle de notre temps. Les fiers persécuteurs de la justice emploient leur temps, leur influence et leur argent pour faire taire ou affaiblir les preuves de la vérité; et dans ce but, ils prennent les mesures les plus contradictoires. Il ne manque pas de personnes intelligentes qui adopteront avidement les faussetés les plus ridicules parce qu'elles s'accordent avec les sentiments de leur coeur. Ceci révèle le triste fait que Dieu les a abandonnées à l'aveuglement de leurs pensées et à la dureté de leur coeur. Il est des personnes de bonne foi qui peuvent se laisser tromper pour un moment à cause de la confiance qu'elles accordent à ceux qui les induisent en erreur; mais si elles se laissent instruire, et si elles aspirent à connaître la vérité, elles auront l'occasion de la reconnaître. Leurs doutes et leurs perplexités s'évanouiront; elles verront l'inconséquence de leurs faux conducteurs; car l'erreur elle-même rend malgré elle témoignage à la vérité. VJC 551 1 Les sacrificateurs et les principaux étaient dans une crainte continuelle, soit qu'ils parcourussent les rues, soit qu'ils fussent chez eux, de se trouver face à face avec Christ ressuscité. Ils étaient sous l'impression qu'il n'y avait point de sécurité pour eux; les serrures et les verroux leur paraissaient de bien faibles protecteurs contre le Fils de Dieu. VJC 551 2 Avant sa mort, Jésus avait dit à ses disciples, dans la chambre haute, qu'après qu'il serait ressuscité, ils devaient aller devant lui en Galilée; et au matin de la résurrection, l'ange avait dit aux femmes près du sépulcre: "Mais allez: dites à ses disciples et à Pierre qu'il s'en va devant vous en Galilée; vous le verrez là, comme il vous l'a dit."1 Les disciples furent retenus à Jérusalem pendant la semaine de Pâque, car leur absence eût été interprétée comme une séparation et une hérésie. Durant ce temps, ils s'assemblèrent le soir dans la chambre haute, où quelques-uns d'entre eux demeuraient, et c'est là que Jésus se révéla deux fois à eux, et leur commanda de demeurer encore un peu de temps à Jérusalem. VJC 551 3 Aussitôt que la Pâque fut passée, les frères quittèrent Jérusalem, et se rendirent en Galilée, comme il leur avait été commandé.2 Sept disciples se trouvaient ensemble; ils étaient vêtus de l'humble costume du pêcheur; pauvres en biens terrestres, ils étaient riches dans la connaissance et dans la pratique de la vérité, ce qui leur donnait aux yeux de Dieu le plus haut rang parmi les hommes chargés d'enseigner leurs semblables. Ils n'avaient point étudié dans les écoles des prophètes; mais durant près de trois ans, ils avaient pris des leçons auprès du plus grand Educateur que le monde eût jamais. Sous sa direction, ils avaient grandi, ils s'étaient ennoblis, et étaient devenus ses intermédiaires les plus convenables pour communiquer aux hommes la connaissance de la vérité. VJC 552 1 Le Sauveur avait passé la plus grande partie du temps de son ministère sur les bords du lac de Galilée, et c'est là qu'il accomplit beaucoup de ses étonnants miracles. Les disciples se réunirent dans un endroit écarté où rien ne pût venir les distraire. Tout, dans ces lieux, leur rappelait avec force Jésus et ses miracles. C'est sur ce lac que, le coeur terrifié, alors que la tempête menaçait de les engloutir, ils avaient vu venir à leur secours Jésus, marchant sur les vagues agitées. C'est sur ce même lac aussi que la tempête la plus furieuse fut calmée par la voix qui dit à la mer profonde: "Tais-toi, sois tranquille." On apercevait la côte où, par un grand miracle, il avait nourri plus de dix mille personnes avec quelques pains et quelques poissons. A peu de distance, était Capernaüm où Jésus s'était manifesté par ses oeuvres miraculeuses, en guérissant les malades et en ressuscitant les morts. Comme les disciples contemplaient de nouveau la mer de Galilée, leur esprit était plein des paroles et des actes du Sauveur. VJC 552 2 La soirée était belle, et Pierre, qui avait gardé son ancien goût de la mer et de la pêche, proposa de se rendre sur le lac pour y jeter les filets. Tous approuvèrent le conseil de Pierre, car ils étaient pauvres, et avaient besoin de se procurer de la nourriture et des vêtements, ce qu'il leur était possible d'obtenir avec le produit d'une bonne nuit de pêche. Ils montèrent donc sur leur bateau pour se livrer à leur ancienne occupation. Mais ils pêchèrent toute là nuit sans succès. Pendant ces longues et fatigantes heures de la nuit, ils parlèrent de leur Seigneur absent; ils rappelèrent les scènes et les événements qui s'étaient passés dans ce voisinage, et dont ils avaient été témoins. Ils considérèrent ensuite ce que leur réservait l'avenir, et s'attristèrent à cette pensée. VJC 553 1 Pendant tout ce temps, Jésus, invisible pour eux, les suivait du regard depuis le bord du lac. Enfin, le jour parut. Le bateau n'était qu'à une petite distance de la côte, et les disciples aperçurent un étranger qui se tenait sur le bord du lac, et qui les aborda en disant: "Enfants, n'avez-vous rien à manger?" Ne reconnaissant pas Jésus, ils répondirent: "Non. Et il leur dit: Jetez le filet du côté droit de la barque, et vous en trouverez. Ils le jetèrent donc; mais ils ne pouvaient plus le tirer, à cause de la grande quantité de poissons." Les disciples furent émerveillés du résultat de leur essai; mais alors Jean discerna qui était cet étranger, et il dit à Pierre: "C'est le Seigneur." Leur découragement fut alors changé en joie. Pierre se ceignit immédiatement de sa robe de pêcheur, et, se jetant dans l'eau, il fut bientôt auprès de son Seigneur. Les autres disciples approchèrent avec le bateau, traînant le filet plein de poisons. Quand ils furent descendus à terre, ils virent de la braise qui était là, et du poisson mis dessus, et du pain. VJC 553 2 Ils étaient trop surpris pour demander d'où provenait ce feu et ce repas. "Jésus leur dit: Apportez de ces poissons que vous venez de prendre." Pierre, obéissant au commandement, courut reprendre le filet qu'il avait brusquement abandonné, et aida à ses compagnons à le traîner sur le rivage. Après que le travail eut été fait, et que tout fut préparé, Jésus commanda à ses disciples de venir manger. Il rompit le pain et le poisson, et le leur distribua; et comme il faisait cela, tous les sept le reconnurent. Ils se rappelèrent distinctement le miracle de la multiplication des pains sur le penchant de la montagne, alors que cinq mille personnes avaient été rassasiées; mais une crainte mystérieuse les avait saisis, et ils considéraient en silence leur Sauveur ressuscité. VJC 553 3 Ils se souvenaient qu'au commencement de son ministère, une scène pareille à celle dont ils venaient d'être témoins, avait eu lieu. Jésus leur avait alors commandé de jeter le filet au large, et le filet avait été près de se rompre à cause de la grande quantité de poissons qu'il contenait. Puis il leur avait commandé de laisser leurs filets et de le suivre, et qu'il les ferait pêcheurs d'hommes. Ce dernier miracle, que Jésus venait d'accomplir, avait pour but de rendre le premier plus impressif; il fallait que les disciples s'aperçussent que quoiqu'ils dussent être privés de la présence personnelle de leur Maître et des moyens de pourvoir à leurs besoins par la poursuite de leur occupation favorite, un Sauveur ressuscité aurait pourtant soin d'eux, et pourvoirait à leurs besoins tandis qu'ils accompliraient son oeuvre. Jésus avait également un but en leur commandant de jeter le filet du côté droit de la barque, c'est de ce côté que se tenait Christ, sur le bord. S'ils travaillaient avec lui, sa puissance divine s'unissant à leurs efforts humains, ils seraient sûrs du succès. VJC 554 1 Cette pêche miraculeuse répétée était un renouvellement de la mission que Christ donnait à ses disciples. Elle leur montrait que la mort de leur Maître n'abolissait pas l'obligation de faire l'oeuvre qu'il leur avait assignée. Pierre, qui avait en maintes occasions agi comme représentant des douze, reçut une leçon spéciale. Il avait agi d'une manière si honteuse et si peu conséquente avec ses protestations de loyauté et de dévouement à son Maître, la nuit où il avait renié son Seigneur, qu'il fallait qu'il donnât une preuve de sa sincérité et de sa repentance devant tous les disciples, avant de pouvoir reprendre son oeuvre apostolique. Le Sauveur voulait lui faire regagner l'entière confiance de ses frères, afin que, dans un moment critique, leurs défiances, basées sur sa précédente chute, ne paralysassent point son utilité. VJC 554 2 Les disciples pensaient que Pierre n'occuperait plus dès lors la place importante qu'il avait occupée jusque-là parmi ses frères, et lui-même avait perdu son assurance ordinaire. Mais après avoir mangé sur le bord du lac, Jésus dit à Pierre: "Simon, fils de Jona, m'aimes-tu plus que ne font ceux-ci?" faisant allusion à ses frères. Pierre avait dit un jour: "Quand tous les autres seraient scandalisés, je ne le serai pourtant pas", et il avait déclaré qu'il était prêt à aller à la prison et à la mort avec son Maître. Mais ici, il s'estima à sa juste valeur devant les disciples: "Oui, Seigneur! tu sais que je t'aime." Il n'y a pas dans cette réponse une véhémente assurance qu'il l'aimât plus que ses compagnons; il n'exprime pas même sa propre opinion sur son dévouement à son Sauveur, mais il en appelle à ce Sauveur qui peut lire tous les motifs du coeur humain, afin qu'il juge de sa sincérité: "Tu sais que je t'aime." VJC 555 1 La réponse de Jésus fut positivement favorable au disciple repentant, et elle le plaça dans un poste de confiance. Jésus lui dit: "Pais mes agneaux." De nouveau, Jésus éprouve Pierre en lui répétant ce qu'il venait de lui dire: "Simon, fils de Jona, m'aimes-tu?" Cette fois il ne lui demanda point s'il l'aimait plus que ne le faisaient ses frères. La seconde réponse de Pierre fut semblable à la première, dégagée de toute assurance extravagante: "Oui, Seigneur! tu sais que je t'aime." Alors Jésus lui dit: "Pais mes brebis." Le Sauveur l'éprouve encore une troisième fois, en lui répétant: "Simon, fils de Jona, m'aimes-tu?" Simon fut attristé; car il pensait que la répétition de cette question montrait que Jésus n'avait pas foi à ses paroles. Il savait que son Seigneur avait raison de douter de lui, et il répondit le coeur brisé: "Seigneur! tu connais toutes choses, tu sais que je t'aime. Jésus lui dit: Pais mes brebis." VJC 555 2 Pierre avait ouvertement renié son Maître par trois fois, et Jésus lui fait répéter par trois fois l'assurance de son amour et de sa droiture, en lui faisant cette question qui, semblable à une flèche, lui transperce le coeur. C'est ainsi que Jésus, devant les disciples assemblés, fit paraître la profondeur de la repentance de Pierre, et montra combien humble était le disciple autrefois si plein de confiance en lui-même. Il lui fut alors confié l'importante mission de prendre soin du troupeau de Christ. Quoiqu'il pùt être doué de toutes les autres qualités, il ne pouvait toutefois être un fidèle pasteur du troupeau, sans posséder l'amour de Christ. La connaissance, l'éloquence, la bienveillance, la grâce et le zèle peuvent être tout autant d'aides dans l'oeuvre du ministère évangélique; mais si le ministre chrétien n'a pas dans le coeur l'influence toujours renouvelée de l'amour de Jésus, son travail sera en pure perte. VJC 556 1 Pierre était naturellement courageux et impétueux; et Satan avait profité de ce tempérament pour le faire tomber. Lorsque Jésus avait annoncé à ses disciples qu'il devait aller à Jérusalem pour y souffrir de la main des principaux sacrificateurs, des gouverneurs et des scribes, Pierre avait contredit son Maître, en disant: "A Dieu ne plaise, Seigneur! cela ne t'arrivera point." Il ne pouvait concevoir la possibilité que le Fils de Dieu fût mis à mort. Satan lui suggéra que si Jésus était le Fils de Dieu, il ne pouvait mourir. Avant le reniement de Pierre, Jésus lui avait dit: "Satan a demandé à vous cribler comme on crible le blé; mais j'ai prié pour toi que ta foi ne défaille point. Toi donc, quand tu seras converti, affermis tes frères."1 Le moment était alors venu, et la transformation accomplie en Pierre était évidente. Les questions sérieuses par lesquelles le Seigneur voulut éprouver Pierre n'avaient provoqué chez ce dernier aucune de ces réponses hardies qui décèlent la propre suffisance; aussi son humiliation et sa repentance le rendaient-elles plus propre qu'auparavant à remplir les fonctions de pasteur du troupeau. VJC 556 2 La leçon personnelle qu'il avait reçue du Pasteur en chef fut des plus importantes pour Pierre et pour les autres disciples également. Cela leur enseigna à agir avec patience, avec sympathie et avec un amour compatissant envers les pécheurs. L'amour de Jésus ne changea point durant le temps où Pierre renia son Maître; et le pasteur inférieur doit éprouver précisément le même amour pour les brebis et les agneaux remis à ses soins. Se rappellant sa propre faiblesse et sa faute, Pierre devait agir envers le troupeau avec la même tendresse avec laquelle Christ avait agi avec lui. VJC 556 3 Jésus fit quelques pas seul avec Pierre, car il désirait lui communiquer quelque chose en particulier. Dans cette mémorable chambre haute, Jésus avait dit à son disciple, peu avant sa mort: "Tu ne saurais maintenant me suivre où je vais; mais tu me suivras ci-après." Pierre avait répondu à cela: "Seigneur! pourquoi ne puis-je pas te suivre maintenant? Je mettrai ma vie pour toi."1 Maintenant, Jésus, plein de sympathie pour son disciple, et afin qu'il fût fortifié dans son épreuve finale, lui dévoile l'avenir. Il lui dit qu'après avoir vécu utilement, lorsque l'âge l'aurait déjà affaibli, il le suivrait en effet. Jésus dit: "En vérité, en vérité je te le dis: Lorsque tu étais jeune, tu te ceignais toi-même, et tu allais où tu voulais; mais lorsque tu, seras vieux, tu étendras tes mains, et un autre te ceindra, et te mènera où tu ne voudrais pas. Jésus dit cela pour marquer de quelle mort Pierre devait glorifier Dieu." VJC 557 1 Jésus annonce explicitement par là le fait de sa mort, et la manière dont il devait mourir; il fait même allusion à ses mains étendues sur la croix; et après avoir ainsi parlé, il répéta l'ordre qu'il lui avait déjà donné: "Suis-moi." Le disciple ne fut point déconcerté par la révélation de son Maître. Il était résolu à souffrir n'importe quelle mort pour son Seigneur. Pierre vit que Jean les suivait, et il lui vint le désir de connaître son avenir; il dit à Jésus: "Seigneur! et celui-ci que lui arrivera-t-il? Jésus lui dit: Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que t'importe? Toi, suis-moi." Pierre aurait dû penser que son Seigneur lui révélerait tout ce qui lui était bon de savoir, sans qu'il eût besoin de l'interroger. Le devoir de chacun est de suivre Christ, sans s'inquiéter mal à propos du devoir qui incombe aux autres. En disant de Jean: "Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne," Jésus n'assura point que ce disciple vivrait jusqu'à la seconde venue de Christ; il déclare simplement sa puissance suprême, lui montrant que s'il voulait qu'il en fût ainsi, cela n'affecterait aucunement l'oeuvre de Pierre. L'avenir de Jean et de Pierre était entre les mains de leur Seigneur, et l'obéissance à le suivre était le devoir exigé de chacun d'eux. VJC 557 2 Jean vécut jusqu'à un âge très avancé; il fut témoin de l'accomplissement des paroles de Christ touchant la désolation de Jérusalem. Il vit en ruines l'imposant temple des Juifs, où il n'y eut pierre qui ne fût renversée. Pierre était maintenant un homme entièrement converti; mais l'honneur et l'autorité qu'il reçut de Christ ne lui donnèrent point de suprématie sur ses frères. Il fut vénéré, et jouit d'une grande influence dans l'Eglise, parce que Jésus l'avait favorisé de son pardon après son reniement, et qu'il lui avait confié le soin du troupeau, comme aussi parce qu'il demeura toute sa vie un des disciples de Christ les plus fidèles. ------------------------Chapitre 54 -- Assemblee des frères VJC 559 1 "Les onze disciples s'en allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus leur avait assignée; et quand ils l'eurent vu, ils l'adorèrent, mais il y en eut qui doutèrent."1 Outre les onze, il y en avait d'autres qui étaient assemblés sur le penchant de la montagne. Après qu'il s'était révélé à eux, certains disciples de Jésus n'avaient été que partiellement convaincus qu'il fût réellement le Sauveur ressuscité. Mais aucun des onze ne gardait des doutes à cet égard. Ils avaient entendu ses paroles lorsqu'il leur avait révélé la chaîne des prophéties qui se rapportaient directement à lui. Il avait mangé avec eux, et leur avait montré son côté blessé, ses mains et ses pieds percés; ils l'avaient même touché; de sorte qu'il n'y avait aucun doute dans leur esprit. VJC 559 2 Le Sauveur avait lui-même convoqué ses disciples à cette assemblée en Galilée; l'ange du ciel l'avait annoncée à plusieurs disciples, et Jésus avait lui-même donné des directions spéciales à l'égard de cette assemblée, disant: "Mais après que je serai ressuscité, j'irai devant vous en Galilée." Jésus en choisit le lieu sur le flanc de la montagne parce qu'un grand nombre de personnes pouvaient y être à l'aise. Cette réunion était de la plus grande importance pour l'Eglise, qui aurait bientôt à poursuivre seule son oeuvre, et qui serait privée de la présence personnelle du Sauveur. Jésus voulait se manifester à tous les frères qui pourraient se réunir dans ce lieu, afin de dissiper tous leurs doutes et leur incrédulité. VJC 560 1 La convocation fut annoncée à tous ceux qui croyaient en lui, et qui, en ce moment, se trouvaient encore à Jérusalem pour assister aux fêtes qui suivaient la Pàque. Cette nouvelle parvint à beaucoup de croyants isolés qui pleuraient la mort de leur Seigneur; ils se rendirent donc au lieu de réunion par des chemins détournés, arrivant de toutes les directions afin de ne pas exciter les soupçons des Juifs jaloux. Ils se réunirent dans le plus profond intérêt. Ceux qui avaient été favorisés de la présence du Sauveur ressuscité racontaient à ceux qui doutaient ce que les anges leur avaient dit et leur entrevue avec leur Maître. Ils tiraient leurs preuves des Ecritures, comme Jésus l'avait fait, montrant comment chaque trait de la prophétie se rapportant au premier avénement de Christ avait été accompli dans la vie, la mort et la résurrection de Jésus. VJC 560 2 De cette manière, les disciples favorisés, passant de groupe en groupe, encourageaient et fortifiaient la foi de leurs frères. Plusieurs de ceux qui étaient assemblés étaient fort surpris de ces communications. Ces choses firent naître d'autres pensées dans leurs coeurs touchant le crucifié. Si ce qu'ils entendaient était vrai, alors Jésus était plus qu'un prophète. Personne ne pouvait triompher de la mort et briser les fers du sépulcre que le Messie. Leurs idées sur le Messie et sa mission avaient été tellement obscurcies par les faux enseignements des sacrificateurs, qu'ils devaient d'abord désapprendre ce qu'on leur avait enseigné pour apprendre cette étrange vérité que Christ devait monter sur le trône par l'opprobre, la souffrance et la mort. VJC 560 3 C'est avec une anxiété mêlée de crainte et d'espérance qu'ils attendaient de voir si Jésus leur apparaîtrait réellement au lieu où il leur avait ordonné de se rendre. Thomas racontait à une foule qui l'écoutait avidement comment il avait été incrédule, et avait refusé de croire à moins de voir les mains et les pieds blessés, et le côté percé de son Seigneur, et de mettre le doigt dans les marques des clous. Il leur disait comment ses doutes s'étaient évanouis pour toujours à la vue de son Sauveur portant les marques cruelles de la crucifixion, et déclarait qu'il ne désirait point d'autres preuves. VJC 561 1 Pendant que le peuple veillait et attendait, Jésus se trouva tout à coup au milieu d'eux; personne n'aurait pu dire d'où et comment il était venu. Les disciples le reconnurent aussitôt, et s'empressèrent de lui rendre hommage. Beaucoup de ceux qui étaient présents ne l'avaient jamais vu auparavant; mais lorsqu'ils considérèrent son divin maintien, et ensuite ses mains et ses pieds blessés, percés par les clous de la crucifixion, ils surent que c'était le Sauveur, et l'adorèrent. VJC 561 2 Mais il y en avait quelques-uns qui doutaient encore; ils ne pouvaient croire cette joyeuse vérité. "Et Jésus, s'approchant, leur parla, et leur dit: Toute puissance m'est donnée dans le ciel et sur la terre." Cette assurance de Jésus dépassait toutes leurs espérances. Ils connaissaient la puissance qu'il avait eue, lorsqu'il était au milieu d'eux, sur toutes sortes de maladies, sur Satan et ses anges; mais ils ne pouvaient d'abord saisir la grande réalité que toute puissance au ciel et sur la terre eût été donnée à celui qui avait parcouru leurs rues, s'était assis à leurs tables, et avait enseigné au milieu d'eux. VJC 561 3 Jésus s'efforça de détourner leur esprit de sa personne, pour leur faire comprendre l'importance de sa position comme héritier de toutes choses, étant égal à Dieu lui-même; il leur dit que par ses souffrances et ses luttes, il avait acquis son grand héritage: les royaumes du ciel et de la terre. Il désirait qu'ils comprissent combien grande était son autorité, et, étant au-dessus de toutes les puissances et les principautés, il chargea ses disciples d'une grande mission: "Allez donc, et instruisez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit; et leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé. Et voici, je suis toujours avec vous jusqu'à la fin du monde. Amen." VJC 561 4 Une vaste porte fut ainsi ouverte à ses auditeurs étonnés, auxquels on avait enseigné jusque-là l'éloignement le plus rigide de tous les hommes, sauf ceux de leur propre nation. Une interprétation nouvelle et plus complète des prophéties commença à se faire jour dans leur esprit; ils s'efforcèrent de comprendre l'oeuvre qui leur était assignée. Le monde regardait Jésus comme un imposteur; quelques centaines de personnes seulement s'étaient rangées sous sa bannière, et ces personnes avaient été terriblement ébranlées par sa mort, de sorte qu'elles n'avaient point été capables de s'arrêter à une détermination quelconque pour l'avenir. Maintenant, Christ s'était révélé à eux dans son corps ressuscité, et leur avait donné une mission si étendue, qu'avec leurs vues limitées ils avaient peine à la concevoir. Il leur était difficile de comprendre que la foi qui les attachait à Jésus ne devait pas être seulement la religion des Juifs, mais celle de toutes les nations. VJC 562 1 Le monde était gouverné par la superstition, les traditions, la bigoterie et l'idolâtrie. Les Juifs prétendaient avoir seuls une exacte connaissance de Dieu, et ils étaient si exclusifs, socialement et religieusement, qu'ils étaient méprisés de tous les autres peuples. La haute muraille de séparation qu'ils avaient élevée faisait des Juifs un petit monde à part; ils appelaient les hommes de toutes les autres nations, des païens et des chiens. Mais Jésus donna à ses disciples la tâche de faire connaître leur religion à toutes les nations, langues et peuples. C'est l'entreprise la plus sublime qui ait jamais été confiée à l'homme: prêcher un Sauveur crucifié et ressuscité, et un salut complet et gratuit à tous les hommes, riches et pauvres, savants et ignorants; enseigner que Christ était venu au monde pour pardonner aux hommes repentants, et leur offrir un amour aussi élevé que le ciel, aussi vaste que le monde, et aussi durable que l'éternité. VJC 562 2 Ils avaient à enseigner aux hommes l'observance de toutes les choses que Jésus leur avait commandées, et devaient baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Jésus allait quitter ses disciples; mais il leur assure que, quoiqu'il allât remonter auprès de son Père, son esprit et son influence seraient toujours avec eux et avec leurs successeurs, même jusqu'à la fin du monde. Christ n'aurait pu laisser à ses disciples un legs plus précieux que l'assurance que sa présence les accompagnerait dans toutes les heures sombres et pénibles de la vie. Lorsque Satan paraît prêt à détruire toute l'oeuvre de Dieu, et à jeter la confusion parmi les siens, ils doivent se rappeler que celui qui a promis d'être avec eux a dit: "Toute puissance m'est donnée dans le ciel et sur la terre." VJC 563 1 La persécution et l'opprobre ont toujours été le lot des vrais disciples de Christ. Le monde hait le Maître, et il a toujours haï ses serviteurs; mais le Saint-Esprit, le Consolateur, que Christ envoie à ses disciples, les réjouit et les fortifie afin qu'ils puissent faire son oeuvre avec fidélité durant son absence personnelle. Le Consolateur, l'Esprit de vérité, devait habiter avec eux pour toujours, et Christ leur assure que l'union qui existe entre lui et le Père les embrassait également eux-mêmes. VJC 563 2 L'intelligence des disciples, qui avait été obscurcie par une mauvaise interprétation des prophéties, fut alors pleinement éclairée par Jésus, qui mit en pleine lumière les portions des Ecritures qui se rapportaient à lui-même. Il leur démontra quelle était la vraie nature de son royaume; ils commencèrent alors à comprendre que la mission de Christ ne consistait point à établir une puissance temporelle, mais que son royaume de grâce divine devait être manifesté dans les coeurs des croyants, et que ce n'était que par son humiliation, ses souffrances et sa mort, que son royaume de gloire pourrait être finalement établi. VJC 563 3 Satan possédait la puissance de la mort; mais Jésus en avait enlevé l'aiguillon de désespoir, en attaquant et en vainquant l'ennemi sur son propre terrain. Dès lors, les terreurs de la mort n'existaient plus pour le chrétien depuis que Christ lui-même en avait senti les angoisses, et qu'il était sorti de la tombe pour s'asseoir à la droite du Père dans les cieux, possédant la toute-puissance au ciel et sur la terre. L'issue de la lutte pendante entre Christ et Satan fut décidée lorsque le Seigneur ressuscita des morts, ébranlant la prison de son ennemi jusque dans ses fondements, et lui enlevant ses dépouilles en emmenant un certain nombre de justes morts comme un trophée de la victoire remportée par le second Adam. Cette résurrection était un exemple et un gage de la résurrection des justes à la seconde venue de Christ. VJC 564 1 Jérusalem avait été la scène de son étonnante condescendance pour la race humaine. C'est là qu'il avait souffert, qu'il avait été rejeté et condamné. Le pays de Juda dont Jérusalem était la métropole, l'avait vu naître. C'est là que, revêtu de notre humanité, il avait marché avec les hommes, et bien peu de personnes avaient compris à quel point le ciel s'était rapproché de la terre, lorsque Jésus habitait parmi eux. Il était donc très convenable que les disciples commençassent leur oeuvre à Jérusalem. Pendant que les esprits étaient agités par les scènes saisissantes des quelques semaines écoulées, l'occasion était des plus favorables pour prêcher l'Evangile dans cette ville. VJC 564 2 Comme le moment approchait où Jésus voulait donner ses dernières instructions aux apôtres, et comme il allait se séparer d'eux, il attire plus particulièrement leur attention sur l'oeuvre de l'Esprit de Dieu qui devait les rendre propres à remplir leur mission. Dans un entretien familier, il éclaira leur esprit afin qu'ils comprissent les vérités sublimes qu'ils devaient révéler au monde. Mais ils ne devaient point commencer leur oeuvre jusqu'à ce qu'ils sussent sûrement, par le baptême du Saint-Esprit, qu'ils étaient unis au ciel. Ils eurent la promesse qu'un nouveau courage et une nouvelle joie leur seraient envoyés du ciel, et que le Saint-Esprit leur ferait comprendre la profondeur, la largeur et la hauteur de l'amour de Dieu. VJC 564 3 Après avoir acquis, par la descente du Saint-Esprit, la force d'accomplir leur mission, les disciples eurent à proclamer le pardon des péchés, le salut par la repentance, et les mérites d'un Sauveur crucifié et ressuscité. Ils eurent aussi à révéler les principes sur lesquels le royaume de Christ se fonde, commençant par Jérusalem, et de là étendant leurs travaux à travers la Judée et la Samarie, et finalement jusqu'aux extrémités de la terre. Il y a ici une leçon pour tous ceux qui ont à prêcher la vérité dans le monde: leur propre coeur doit être imbu de l'Esprit de Dieu, et leurs travaux doivent commencer dans leur maison; ils devraient faire profiter leur famille de leur influence; et la puissance transformatrice de l'Esprit de Dieu doit se démontrer dans leur demeure par une famille bien disciplinée. Puis le cercle devrait s'étendre; tous les voisins devraient s'apercevoir de l'intérêt que l'on prend à leur salut; la lumière de la vérité devrait leur être fidèlement présentée; car leur salut est d'une aussi grande importance que celui des personnes éloignées. De leur voisinage immédiat, et des villes et des villages avoisinants, le cercle d'activité des serviteurs de Dieu doit s'étendre jusqu'à ce que le message de la vérité parvienne aux extrémités de la terre. VJC 565 1 Tel fut l'ordre dans lequel Jésus recommanda à ses disciples de poursuivre leurs travaux; mais il est fréquemment renversé par les ouvriers évangéliques de notre époque. Ils négligent leur intérieur; ils ne sentent pas la nécessité de l'influence sanctifiante de l'Esprit de Dieu agissant dans leur propre coeur pour sanctifier et ennoblir leur vie. Ils négligent les devoirs les plus simples qui se trouvent directement sur leur sentier, pour s'occuper d'un champ plus vaste et plus éloigné, où leurs travaux sont souvent sans fruits; tandis que dans un champ plus facile, ils auraient travaillé avec succès, et auraient rencontré moins de difficultés, acquérant de l'influence et un nouveau courage, à mesure que la voie se serait ouverte plus large devant eux. VJC 565 2 Les apôtres auraient pu demander à leur Seigneur, vu les efforts inappréciés qui avaient été faits à Jérusalem, et la mort cruelle, insultante à laquelle Christ avait été soumis, qu'il leur permît quelque autre champ d'activité plus favorable, où ils eussent trouvé des coeurs plus disposés à entendre et à recevoir le message. Mais ils ne lui firent pas cette demande. Jésus avait seul la direction de l'oeuvre apostolique. Le terrain même où le Docteur avait semé les semences de la vérité, devait être foncièrement cultivé par les apôtres jusqu'à ce que ces semences fussent levées pour rapporter une abondante moisson. Dans leurs travaux, les disciples devaient avoir à supporter la haine, l'oppression et la jalousie des Juifs; mais c'est ce que leur Maître avait éprouvé avant eux; c'est pourquoi ils ne devaient point fuir ces choses. VJC 566 1 Avant sa mort, Jésus avait dit à ses disciples, lorsqu'il les consolait de son humiliation et de sa mort qui approchait: "Je vous laisse la paix; je vous donne ma paix."1 Maintenant, après la lutte et la victoire, après avoir triomphé de la mort, et reçu sa récompense, il leur donne d'une manière plus entière cette paix qui surpasse toute intelligence. Il les rend capables d'entreprendre cette oeuvre qu'il a commencée. De même qu'il avait été envoyé par son Père, il envoie ses disciples. Il souffle sur eux, et leur dit: "Recevez le Saint-Esprit." Les apôtres ne furent point envoyés comme témoins de Christ avant qu'ils eussent reçu cette préparation spirituelle nécessaire pour les rendre propres à l'exécution de leur important ministère. Toutes les professions de christianisme ne sont que des expressions de foi morte, si Jésus ne remplit pas le croyant de sa vie spirituelle, qui est le Saint-Esprit. L'évangéliste n'est prêt à enseigner la vérité et à représenter Christ que lorsqu'il a reçu ce don céleste. VJC 566 2 Les hommes qui occupent des positions éminentes, qui prêchent la vérité de Dieu au nom de Jésus, sans posséder l'énergie spirituelle que donne la puissance sanctifiante de Dieu, font une oeuvre incertaine, et ne peuvent être sûrs si leurs travaux réussiront ou échoueront. Un grand nombre d'hommes oublient que la religion et le devoir ne sont point un sentimentalisme triste, mais consistent dans une ardente activité. Ce ne sont point les grandes cérémonies et les aspirations sublimes qui reçoivent l'approbation de Dieu; mais la consécration et l'amour avec lesquels on accomplit son devoir, grand ou petit. Les orages de l'opposition et des contrariétés sont des dispensations de la providence de Dieu qui nous poussent à nous mettre à l'abri sous son aile. Lorsque les nuages nous enveloppent, nous entendons sa voix: "Je vous laisse la paix; je vous donne ma paix: je ne vous la donne pas comme le monde la donne." VJC 567 1 Lorsque Christ souffla le Saint-Esprit sur ses disciples, et leur donna sa paix, ce n'étaient que quelques gouttes précédant l'averse complète du jour de la Pentecôte. Jésus fait comprendre à ses disciples qu'à mesure qu'ils s'occuperaient de l'oeuvre du ministère qui leur était confié, ils comprendraient plus parfaitement la nature de cette oeuvre, et la manière dont le royaume de Dieu serait établi sur la terre. Ils avaient été choisis pour être les témoins du Sauveur; ils devaient rendre témoignage de ce qu'ils avaient vu et entendu de sa résurrection; ils devaient répéter les paroles de grâce qui étaient sorties de ses lèvres. Ils connaissaient parfaitement le saint caractère de Christ. Les apôtres eurent le devoir sacré de présenter son caractère sans tache, comme le parfait modèle à imiter. Ils avaient vécu dans une telle intimité avec ce Modèle de sainteté, qu'ils lui étaient à quelque degré devenus semblables, et se trouvaient ainsi particulièrement préparés à faire connaître au monde ses préceptes et son exemple. VJC 567 2 Plus le ministre de Christ vit proche de son Maître, dans la contemplation de sa vie et de son caractère, plus il lui ressemblera, et plus il sera capable d'enseigner sa vérité. On doit étudier chaque trait de cet exemple auguste, et s'entretenir intimement avec lui par la prière et une foi vivante. C'est ainsi que le caractère défectueux de l'homme se transformera à l'image de son glorieux caractère. C'est ainsi que celui qui enseigne la vérité sera préparé à amener les âmes à Christ. VJC 567 3 Jésus, en donnant pour la première fois une mission aux disciples, avait dit: "Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux"; et "tout ce que vous aurez lié [faisant allusion aux hommes qui auraient mission de représenter l'Eglise] sur la terre sera lié dans le ciel; et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel."1 En renouvelant la mission qu'il donnait à ceux auxquels il avait accordé le Saint-Esprit, il dit: "Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus."1 Ces paroles faisaient comprendre aux disciples le caractère sacré de leur mission et ses puissants résultats.- Imbus de l'Esprit de Dieu, ils devaient alle prêcher les mérites d'un Sauveur qui pardonne les péchés; ils avaient l'assurance que tout le ciel s'intéresserait à leurs travaux, et que ce qu'ils feraient sur la terre dans l'esprit et la puissance de Christ, serait ratifié au ciel. VJC 568 1 Jésus, par ces paroles rassurantes, ne donna point aux apôtres ou à leurs successeurs le pouvoir de pardonner les péchés en leur qualité d'ambassadeurs de Christ. Si nous avons fait tort à quelqu'un, nous devons le lui confesser, et son devoir est de nous pardonner. Mais les péchés secrets ne doivent être confessés qu'à Dieu. Nous ne devons point fléchir le genou devant l'homme déchu, et lui dévoiler les pensées les plus intimes et les mouvements de nos coeurs. Le Sauveur a enseigné que son nom est le seul donné sous le ciel par lequel l'homme puisse être sauvé. Pourtant, Jésus a accordé à son Eglise, dans sa forme organisée, le pouvoir de censurer et de retirer la censure, suivant les règles prescrites par l'Inspiration; mais cela ne doit se faire que par des hommes de bonne réputation, qui soient consacrés par le Chef auguste de l'Eglise, hommes qui montrent par leur vie qu'ils cherchent sincèrement à suivre les directions de l'Esprit de Dieu. VJC 568 2 Aucun homme ne peut exercer un pouvoir arbitraire sur la conscience d'un autre. Christ n'a point donné de droit ecclésiastique pour pardonner les péchés, ou pour vendre des indulgences, afin que l'homme pût pécher sans encourir le déplaisir de Dieu. Il n'a pas non plus donné à ses serviteurs la liberté d'accepter des présents pour couvrir le péché d'un homme, afin qu'il échappe à une censure méritée. Jésus chargea ses disciples de prêcher la rémission des péchés en son nom parmi toutes les nations; mais ils ne reçurent pas le pouvoir d'enlever une tache de péché de dessus les enfants d'Adam. Ils ne reçurent pas non plus le droit d'infliger des peines au coupable; ils doivent avertir le pécheur du sort qui l'attend; la pénalité de la loi transgressée doit lui être franchement déclarée; mais c'est Christ lui-même qui exécutera la sentence qui sera prononcée contre les impénitents. Quiconque cherche à attirer les hommes auprès de soi, se disant revêtu du pouvoir de pardonner les péchés, attire sur lui la colère de Dieu, car il détourne les âmes du céleste Médecin pour les attacher à un mortel faible et faillible. VJC 569 1 Jésus montra à ses disciples que ce ne serait qu'autant qu'ils auraient part à son Esprit, et qu'ils seraient semblables à lui, qu'ils seraient doués de discernement spirituel et de puissance miraculeuse. Toute leur force et leur sagesse devaient procéder de lui. Lorsque les saints hommes composant l'Eglise auraient à s'occuper de membres qui s'obstineraient à pécher, ils devaient suivre les directions que Christ a laissées; et cette manière d'agir, la seule légitime pour l'Eglise, a été indiquée clairement par la plume inspirée des apôtres. VJC 569 2 Lorsque l'Eglise s'occupe d'un membre coupable, les autres doivent prier avec foi afin que Christ se trouve au milieu de ses représentants comme conseiller suprême. Les hommes sont toujours en danger de se laisser gouverner par les préventions ou par les rapports et les opinions des autres. Un jugement sanctifié peut seul diriger sagement leurs décisions. Par conséquent, partout où d'importantes décisions doivent être prises concernant quelques membres de l'Eglise, le jugement d'un seul homme, quelque sage et expérimenté soit-il, ne doit point être envisagé comme suffisant pour décider de la conduite de l'Eglise. VJC 569 3 Jésus a dit: "Car où il y a deux ou trois personnes assemblées en mon nom, j'y suis au milieu d'elles."1 Si Christ préside aux délibérations de l'Eglise, avec quelle prudence chacun ne doit-il pas parler et agir! On doit prier pour celui qui s'est égaré de la bonne voie, et user de tous les moyens pour le rétablir dans la faveur de Dieu et de l'Eglise; mais s'il méprise la voie de l'Eglise, et s'il élève sa volonté au-dessus d'elle, alors son cas doit être traité fermement, et la décision des frères, prise avec prière et foi et suivant la sagesse que Dieu a donnée à ceux qui le jugent, sera ratifiée dans le ciel. VJC 570 1 L'Eglise doit accepter la repentance du pécheur avec reconnaissance. Elle n'est autorisée à pardonner les péchés que dans le sens d'assurer le pécheur repentant de l'amour miséricordieux du Sauveur, l'arrachant aux ténèbres de l'incrédulité et du péché, pour l'amener à la clarté de la foi et de la justice. Elle peut placer sa main tremblante dans la main aimante de Jésus. Une telle rémission est ratifiée par le ciel. Les recommandations des apôtres, concernant la condamnation ou l'acquittement de quelqu'un dans les affaires d'Eglise, doivent demeurer en vigueur jusqu'à la fin des temps. Et la promesse de la présence de Christ en réponse aux prières, devrait consoler et encourager son Eglise de nos jours, comme elle consola et encouragea les apôtres auxquels Christ parlait directement. Ceux qui méprisent l'autorité de l'Eglise, méprisent l'autorité de Christ lui-même. VJC 570 2 Quoique Jérusalem eût refusé le plus grand don du ciel, les apôtres devaient y commencer l'oeuvre du ministère. Les premières offres de grâce devaient être adressées aux meurtriers du Fils de Dieu. Il y avait aussi dans cette ville beaucoup de personnes qui avaient secrètement cru en Jésus, et beaucoup d'autres qui avaient été trompées par les sacrificateurs et les principaux, mais qui étaient prêtes à l'accepter s'il était prouvé qu'il fût vraiment le Christ. Les apôtres, comme témoins oculaires, devaient annoncer Jésus et sa résurrection. Ils devaient expliquer au peuple les prophéties qui se rapportaient au Messie, et montrer comment elles avaient été parfaitement accomplies. Ils devaient lui donner les preuves les plus convaincantes des vérités qu'ils enseignaient, et ils devaient proclamer au monde les joyeuses nouvelles du salut. VJC 570 3 Comme tous les esprits s'intéressaient à l'histoire de la mission de Jésus, à cause des événements qui venaient de se passer à Jérusalem, c'était le moment où la prédication de l'Evangile devait faire l'impression la plus décisive sur l'esprit public. Au commencement de leur ministère, les apôtres devaient recevoir une puissance merveilleuse. Leur témoignage rendu à Christ devait être accompagné de signes et de miracles accomplis par les apôtres et par ceux qui recevraient le message. Jésus dit: "Ils chasseront les démons en mon nom; ils parleront de nouvelles langues; ils chasseront les serpents [comme Paul dans l'île de Malte]; quand ils auront bu quelque breuvage mortel, il ne leur fera point de mal; ils imposeront les mains aux malades, et ils seront guéris."1 VJC 571 1 En ce temps-là, l'usage du poison était très répandu. Des hommes sans scrupule n'hésitaient point à faire disparaître ceux qui étaient un obstacle à leur ambition. Jésus savait que ses apôtres seraient particulièrement exposés à ce danger, s'ils n'en étaient protégés d'une manière spéciale. Il savait qu'il y aurait des hommes tellement aveuglés qu'ils croiraient servir Dieu en mettant à mort ces témoins de la vérité par n'importe quels moyens. Il les gardait par conséquent de ce mal insidieux. C'est ainsi que le Seigneur assurait à ses serviteurs qu'ils n'auraient point à travailler avec leurs propres forces, mais avec l'efficace du Saint-Esprit. Quoique les disciples eussent reçu la mission de prêcher à toutes les nations, ils ne comprirent pas d'abord ni l'étendue, ni le caractère merveilleux de l'oeuvre qu'ils auraient à accomplir, -- oeuvre qu'ils devaient léguer à leurs successeurs, et qui devait se poursuivre jusqu'à la fin des temps. ------------------------Chapitre 55 -- L'ascension de Christ VJC 572 1 Après la réunion de Jésus avec les frères, en Galilée, les disciples retournèrent à Jérusalem; et tandis que les onze étaient ensemble dans la ville, Jésus apparut au milieu d'eux, et leur rappela de nouveau les prophéties qui le concernaient. Il leur fit comprendre la nécessité absolue d'étudier à fond les anciennes prophéties touchant le Messie, et de les comparer avec les actes de sa vie, de sa mort, de sa résurrection, afin de voir en eux leur accomplissement. Ils devaient diligemment suivre, anneau après anneau, cette chaîne de vérité révélée par les prophètes en types et en images, représentant l'Agneau immolé dès la fondation du monde. Il leva le voile qui obscurcissait leur entendement touchant le système typique des Juifs, et ils virent alors clairement ce que signifiaient les formes et les symboles qui venaient d'être virtuellement abolis par la mort de Christ. VJC 572 2 Le Sauveur du monde était sur le point de monter, en divin conquérant, sur le trône de son Père. Il choisit le mont des Oliviers pour théâtre de la dernière manifestation de sa gloire. Accompagné des onze, il se mit en route pour la montagne. Les disciples n'avaient aucune idée que ce dût être leur dernière entrevue avec leur Maître. Il employa le temps à converser saintement avec eux, leur réitérant ses instructions précédentes. Comme ils passaient sous les portes de Jérusalem, bien des regards surpris s'arrêtèrent sur la petite troupe, conduite par celui que, quelques semaines auparavant, les sacrificateurs et les principaux avaient condamné et crucifié. VJC 572 3 Ils traversèrent le Cédron et approchèrent de Gethsémané. Là, Jésus s'arrêta, afin que ses disciples pussent se rappeler les leçons qu'il leur avait données, tandis qu'il se rendait au jardin, la nuit où il avait passé par une si grande angoisse. Il jeta un regard sur le cep qu'il avait pris comme symbole pour représenter l'union de son Eglise avec lui et son Père, et il rafraîchit la mémoire de ses disciples en répétant les vérités saisissantes qu'il leur avait présentées par des symboles. Tout, autour de lui, rappelait son amour méconnu des hommes; les disciples même, qui marchaient à ses côtés, qui étaient si chers à son coeur, avaient abandonné leur Maître dans le moment de son humiliation, lorsqu'il avait eu le plus besoin de leur sympathie et de leur consolation. VJC 573 1 Christ avait vécu dans ce monde pendant trente-trois ans; il avait supporté les moqueries, les insultes et les railleries; il avait été rejeté et crucifié. Dans ce moment, sur le point de monter sur son trône de gloire, et se rappelant l'ingratitude du peuple qu'il était venu sauver, ne lui retirera-t-il pas sa sympathie et son amour? Ses affections ne se concentreront-elles pas sur le monde où il est apprécié, et où des anges sans péché l'adorent, et sont attentifs à faire sa volonté? Non; la promesse qu'il fit à ceux qu'il aimait et laissait sur la terre, fut: "Et voici, je suis toujours avec vous jusqu'à la fin du monde." Avant sa crucifixion, il avait prié le Père qu'ils ne fussent pas retirés du monde, mais qu'ils fussent gardés du mal qui est dans le monde. VJC 573 2 Enfin, la petite troupe atteignit le mont des Oliviers. Ce lieu avait été particulièrement sanctifié par la présence de Jésus, pendant qu'il était revêtu de son humanité. Il était consacré par ses prières et ses larmes. Lorsqu'il était entré à Jérusalem, avant ses souffrances, le versant du mont des Oliviers avait retenti des cris joyeux de la foule triomphante. Sur la pente se trouvait Béthanie, où il avait souvent trouvé du repos dans la maison de Lazare. Au pied de la montagne était le jardin de Gethsémané, où, seul, à l'agonie, il avait taché le sol de son sang. VJC 573 3 Arrivé au sommet, Jésus poursuivit son chemin jusqu'à proximité de Béthanie. Alors ils s'arrêta, et tous se groupèrent autour de lui. Des rayons de lumière semblaient émaner de sa face tandis qu'il entourait ses disciples de ses regards pleins d'amour. Il ne leur reprocha pas leurs fautes et leurs manquements; mais les dernières paroles qui s'échappèrent des lèvres du Seigneur furent pleines d'une ineffable tendresse. Les mains tendues pour les bénir, semblant les assurer de ses soins protecteurs, il monta lentement du milieu d'eux, entraîné du côté du ciel par une puissance plus forte que l'attraction terrestre. Comme il montait, les disciples frappés d'étonnement, les yeux ardemment fixés en haut, regardaient leur Maître disparaissant peu à peu. Une nuée glorieuse le reçut et le leur cacha, et au même moment leurs oreilles furent frappées de la plus suave et la plus joyeuse mélodie descendant du choeur des anges. VJC 574 1 Tandis que leurs yeux étaient toujours dirigés en haut, des voix s'adressèrent à eux, dont le timbre ressemblait à la musique qui venait de les tenir sous le charme. Ils se détournèrent, et virent deux êtres en forme d'hommes; pourtant, les disciples distinguèrent aussitôt qu'ils venaient du ciel; les anges leur adressèrent alors ces paroles d'encouragement: "Hommes galiléens, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel? Ce Jésus, qui a été enlevé d'avec vous dans le ciel, en reviendra de la même manière que vous l'y avez vu monter."1 Ces anges faisaient partie de la cohorte d'anges qui avait attendu Jésus dans une nuée éclatante, pour l'escorter jusqu'à son trône; et par sympathie comme par amour pour ceux que le Sauveur avait quittés, ils venaient enlever toute incertitude de leur esprit, et leur donner l'assurance qu'il reviendrait sur la terre. VJC 574 2 Le ciel entier attendait le Sauveur pour l'accueillir dans les cours célestes. En montant au ciel, il ouvrait la marche, suivi de la multitude de captifs qu'il avait ressuscités lorsqu'il sortit du tombeau. Les armées célestes l'escortèrent avec des chants de joie et de triomphe. Aux portes de la cité de Dieu, une phalange innombrable d'anges attendait sa venue. Comme il approchait des portes de la ville, les anges qui escortaient la Majesté du ciel s'adressèrent, triomphants, à ceux qui étaient aux portes: "Portes, élevez vos têtes; portes éternelles, haussez-vous, et le Roi de gloire entrera."1 VJC 575 1 Les anges qui attendent aux portes de la ville demandent en de mélodieux transports: "Qui est ce Roi de gloire?" Sur quoi les anges qui font l'escorte répondent en chants ravissants de joie: "C'est l'Eternel fort et puissant dans les combats. Portes, élevez vos têtes; élevez-les aussi, portes éternelles, et le Roi de gloire entrera." De nouveau, les anges qui attendent demandent: "Qui est ce Roi de gloire?" et les anges qui arrivent avec le Sauveur, de répondre en notes mélodieuses: "C'est l'Eternel des armées; c'est lui qui est le Roi de gloire." Alors les portes de la cité de Dieu sont ouvertes toutes grandes, et le cortége céleste passe au milieu d'un retentissement de musique angélique. Puis Christ prend place sur le trône de son Père, et toutes les armées célestes l'entourent. VJC 575 2 Le Sauveur présente alors les captifs qu'il a délivrés des chaînes de la mort, au prix de sa propre vie. Il place de ses mains d'immortelles couronnes sur leurs fronts; car ce sont les représentants et les exemples de ceux qui seront rachetés par le sang de Christ, de toutes nations, langues et peuples, et qui ressusciteront des morts lorsqu'il appellera les justes hors de leurs sépulcres, à sa seconde venue. Ils verront alors les marques du Calvaire dans le corps glorifié du Fils de Dieu. Leur plus grande joie sera de se trouver en présence de celui qui est assis sur le trône; et les saints, ravis, s'écrieront: "Mon bien-aimé est à moi, et je suis à lui .... Il se distingue entre dix mille.... Et toute sa personne est pleine de charme." VJC 575 3 Pénétrés d'adoration et de joie, les anges se prosternent devant lui, tandis que ce chant joyeux se répercute à travers les cours célestes: "L'Agneau qui a été immolé est digne de recevoir la puissance, les richesses, la sagesse, la force, l'honneur, la gloire et la louange."1 Les chants de triomphe se mêlent à la musique des harpes, et les cieux, remplis d'une délicieuse harmonie, semblent déborder d'allégresse et de louange. Le Fils de Dieu a triomphé du prince des ténèbres, il a vaincu la mort et le sépulcre, et les cieux retentissent des transports joyeux que font entendre des millions de voix qui disent: "A celui qui est assis sur le trône, et à l'Agneau, soient louange, honneur, gloire et force aux siècles des siècles!"